
Débarquement d'une
section du 23 RIC par la mer au sud de Dong Hoi
Déformée, attaquée,
oubliée, voilà ce que je constate sur la campagne
d’Indochine cinquante ans après mon séjour de guerre,
dans un pays merveilleux, au milieu d’un peuple
pacifique et très attachant, toujours soumis
actuellement à un régime communiste totalitaire.
Sorti de l’Ecole
Militaire Préparatoire Technique de Tulle, des Enfants
de Troupe, au terme de cinq années d’internat, je
venais de vivre la défaite, l’occupation, le maquis et
la libération après 4 années de conflits ; la victoire
éclatante des alliés à l’échelon planétaire nous
faisait croire à la fin des guerres pour longtemps,
enfin la paix ; les soldats rentraient chez eux.
En 1944 à 20 ans, nous
étions la jeunesse qui allait reconstruire l'avenir de
la France et la protéger avec une nouvelle Armée, que
le Général De LATTRE de TASSIGNY s’acharnait à
façonner dynamiquement. Pour ma part, j’avais été
préparé à une carrière militaire, EMIA de Coëtquidan
en 1945, EAABC de Saumur en 1946, mon premier régiment
le 4ème Cuirassiers de Mourmelon, le
mariage en 1947 et le premier enfant en 1948. En 1949,
en vacances à “ Stella Plage ” en mer du nord, j’ai
été appelé pour partir en séjour en Extrème Orient. Je
ne me doutais pas que j’allais être engagé pour neuf
ans et demi de guerres de plus, adieux à la paix ;
étant militaire de carrière ça ne se discutait pas, la
France et son peuple nous ordonnait cette mission. Je
me suis vite renseigné sur ce qui se passait là bas,
les journaux parlaient de guérilla, de troubles, de
zones d’insécurité ; Vu d’ici cela ressemblait à des
détails par rapport à la guerre que nous venions de
terminer.
Départ en Extrème
Orient :

Pose transat sur le
"Pasteur"
Sans plus attendre
direction Marseille, le camp St Marthe, les adieux
émouvants pour des jeunes mariés sur le quai N° 1, et
l’embarquement sur le “ Pasteur ” du 26 septembre 1949
pour le premier grand voyage de 19 jours à la mer. Mer
calme, escales exceptionnelles : Mers el Kébir pour
embarquer des troupes, Port Saïd, Singapour et le
large du Cap St Jacques pour les 80 officiers et les
3.000 hommes de troupe partant pour 32 mois d'absence.
Transbordement des officiers jusqu’à Saïgon sur un
cargo civil curieusement armé d’un canon de 20 et de
deux mitrailleuses lourdes de 12,7 ; un ordre
surprenant nous est brutalement donné : “ tous les
passagers doivent descendre dans le bateau, au-dessous
de la ligne de flotaison ”, ça ne ressemblait plus à
une croisière.
Au bout d’une
demi-heure, nous entendîmes des chocs de projectiles
frappant la coque d’acier et des tirs de riposte du
canon et des mitrailleuses, ce harcèlement dura
jusqu’à notre arrivée à Saïgon, il provenait des Viets
installés sur les deux rives de la rivière.
A quai, nous pûmes
monter sur le pont avec nos bagages serrés comme des
sardines, en attendant le débarquement ; nous
observions la foule vietnamienne soyeusement vétue de
noir et de blanc, coiffée du typique chapeau pointu en
feuille de latanier, lorsque des bruits sourds bien
connus au combat, nous firent lever les têtes ; une
douzaine de coups de départ de tirs de mortiers
changèrent le ton de la musique, nous étions déjà en
guerre. Les obus explosaient autour du bateau, dans
l’eau et sur les quais, au milieu de la foule qui
courait dans tous les sens en criant et gémissant,
notre cargo qui semblait être la cible visée ne fut
pas touché, déja la “ baraka ”, ça commencait bien,
sinon quel carton, 80 officiers tous “ neufs ”
entassés pouvaient être supprimés sans avoir eu le
temps de combattre, ( excellente stratégie), la mise
dans le “ bain ” par un tel salut ne faisait que
commencer à Saïgon même ; une quinzaine de personnes
civiles furent tuées ou blessées, emportées par des
ambulances, quel contraste avec l’embarquement à
Marseille.
Saïgon :
Au mess des officiers
le premier soir, rencontre avec le Lieutenant J.
DELAUNAY camarade de la promotion “ Victoire
Coëtquidan 1945 ”, (futur Général CEMAT), qui était en
fin de 1er séjour et m’invita à dîner en
ville ; premier repas Vietnamien et contacts directs
avec cette foule que je découvrais avec beaucoup de
curiosité, hommes petits mais musclés, jeunes femmes
souriantes et agiles dans leurs robes légères,
porteurs avec le balancier aux deux paniers sur
l’épaule marchant en cadence, Pousse-pousses,
Cyclo-pousses , taxis, odeurs de poisson, nouvelles
musiques etc....
Ma chance fut ce
premier contact avec DELAUNAY, qui me retraça ce qu’il
avait vécu pendant 30 mois de séjour au cours desquels
il avait perdu sa main droite déchiquetée par une
grenade piègée. Il m’exposa une remarquable synthèse
de la situation et de cette nouvelle forme de guerre
subversive, où l’ennemi était autour de nous et nous
étions au milieu de lui avec beaucoup d'incrtitudes
pour l'identifier, l’enjeu était en premier lieu la
population ; le danger semblait être partout sous la
forme du terrorisme individuel éventuellement, comment
distinguer un Viêt d’un habitant paisible. Cet ennemi
était essentiellement le communisme et son idéologie,
propagés par l’URSS, qui cherchait à l’étendre à toute
la planète, puis aussi la Chine, lorsque Mao Tsé Toug
en devint le maître ; nous étions là pour protéger le
peuple Vietnamien contre un asservissement par la
terreur, dans un style de guerre nouveau, vaste
programme bien lourd pour notre Armée et les moyens
qui lui étaient octroyés. Les raisons de notre
engagement d’Officiers Français pour protéger la
liberté des Vietnamiens étaient claires ; la France
ayant la responsabilité de ce territoire il fallait en
chasser d’abord deux envahisseurs, le Japonais et le
Chinois ; les accords Sainteny et Ho Chi Minh signés
le 6 mars 1946 avaient admis la reconnaissance de
l’Indochine comme Etat Libre dans l’union Française ;
nous étions là pour la débarrasser du danger
d’ingérence extérieure, tout en l’ aidant à établir
une démocratie libre dans l’esprit des valeurs de la
France. Notre livre de chevet était “ Le Rôle Social
de l’Officier ” du Maréchal Lyautey, il était
parfaitement dans la ligne de notre action, de plus
pour le plus grand nombre, nous n’étions pas des
Coloniaux imprégnés du passé, mais des métropolitains
marqués par le combat pour la liberté que nous venions
de vivre en Europe.
Les informations et les
conseils du Lt. DELAUNAY me fûrent extrêmement
précieux, ils me firent gagner plus de 6 mois
d’expérience de ce combat sur le terrain.
Vers 22 h nous
rejoignîmes le mess, il héla un vélo-pousse pour me
faire reconduire au camp militaire où nous étions
hébergés. Assis sur un siège entre les deux roues
avant je ne voyais pas le conducteur perché sur sa
selle derrière moi, nous prîmes un itinéraire que je
ne reconnaissais pas, grands boulevards, rues
éclairées, puis un chemin de terre bordé de Paillotes
et d’un cimetière dans la nuit noire ; inquiet, je
demandais à mon porteur de faire demi-tour, il ne
répondit pas ou fît semblant de ne pas comprendre ;
armé d’un pistolet P 08 personnel, que mon Beau Père
avait récupéré sur un officier Allemand lors de la
guerre 14/18 et qu’il m’avait conseillé d’emporter du
fait que nous n’étions pas armés avant d’avoir été
affectés à une unité, je décidais de parler avec le
langage de mon arme, l’effet fut immédiat, nous fîmes
demi-tour pour revenir à bonne vitesse vers un lieu
éclairé moins malsain ; rencontrant un légionnaire qui
rentrait d’une sortie nocturne, figé dans un parfait
salut, je fus rapidement renseigné sur la bonne route
à suivre ; de retour au mess, une jeep avec chauffeur
fut mise à ma disposition pour me ramener à bon port.
Je ne sais pas encore ce que ce conducteur de pousse
avait en tête, il me fut dit que parfois, des
officiers nouvellemnt arrivés disparaissaient dans la
nuit sans laisser de traçes ; il était temps de se
mettre dans le “ bain ” des nouveaux réflexes de cette
forme de combat.
Présentés à Saïgon au
Général Inspecteur de l’Arme Blindée, je fus désigné
pour rejoindre le Centre Vietnam à Hué, avec mon
camarade de promotion le Lieutenant LIEURY. arrivé
avec moi. Embarqués sur un autre Cargo “ L’Espérance ”,
(nom prédestiné), nous reprîmes la mer de Chine en
direction de Tourane . Au large de Nha Trang nous
dûmes subir un Typhon durant 2 jours, accrochés à nos
couchettes, l’estomac vide, malades , assez surpris de
tout ces avatars, le roulis et le tangage devaient
être à leur maximum lorsque l’hélice sortait de l’eau
dans des vibrations effroyables ; un sénégalais égaré
sur le pont fut emporté par une lame comme un bouchon,
sans secours possibles, nous avons pensé que notre
séjour pouvait une fois de plus se terminer avant
d’avoir vraiment commencé.. Le calme revenu, il
fallait reprendre nos esprits pour débarquer à Tourane,
dont les quais étaient aussi fréquemment harcelés au
mortier.
Le jour de notre
débarquement, nous pûmes assister à un défilé en ville
du 27ème Bataillon de Tirailleurs
Algériens, qui avait embarqué avec nous sur le
“ Pasteur ” à Mers el Kébir ; belle unité bien tenue,
bélier mascotte en tête, suivi de la Nouba et des 4
compagnies ; le 1er Régiment Etranger de
Cavalerie de la Légion qui nous hébergeait, avait son
PC. à Tourane, ses 14 Escadrons étaient répartis du
Tonkin à la Cochinchine.
Centre Annam
Affectation au 27ème BTA.
Le Général L... Cdt. la
zone Centre Annam était venu de Hué pour informer les
officiers nouvellement arrivés, leur expliquer la
situation et cette nouvelle forme de conflit ; à la
fin de son exposé, il demanda à ceux qui se poseraient
des questions sur cette nouvelle forme de guerre, de
bien vouloir demander son rapport.
Trois Officiers
levèrent la main, le Capitaine T...., et les
lieutenants C....et G.... du 27ème BTA.,
anciens FTP Communistes dans la Résistance ; le soir
au mess, nous apprîmes qu’ils avaient été mutés à la
garnison de Hué, et que moi-même avec le lieut. LIEURY
camarade de promotion, étions fortement sollicités
pour être affectés au 27ème BTA, pour des Cavaliers ne
connaissant rien aux traditions des Tirailleurs ça
promettait d’être drôle. Le Général De LATTRE, plus
tard les renverra en France pour éviter leur collusion
sur place avec les VM. ..Ces officiers participaient
comme nous au tour de service de la semaine pour le
commandement de la “ Raffale ”, train civil blindé,
qui assurait la liaison entre Hué et Quang Tri ; quant
ils étaient de service, ils n’étaient jamais attaqués,
quand ce fut mon tour, avec une mission importante
m’imposant l’aller et le retour dans la journée, il
manquait 100 mètres de voies ferrées à 8 Km après la
sortie de Hué, il me fallut rétablir la voie en
quelques heures avec le matériel et l’équipe de
secours que nous possédions sur le train et aller
récupérer des tronçons de rails trainés dans la
rizière, avec des buffles, puis je fus harcelé sur 10
Km à l’arme automatique et au mortier par une
Compagnie du Rgt. 101 VM.
Dès le 4ème jour,
nous avons participé à notre première opération au Sud
de Quang Tri au bord de la mer de Chine, et nous pûmes
constater que les Viêts étaient difficiles à saisir et
à distinguer de la population, ils avaient de
nombreuses caches enterrées, creusées et entretenues
par les guérilléros locaux. Une nuit nous avons couché
au dessus des Viêts, enfouis sous terre sous notre
position ; vers 1 heure du matin le calme régnant, ils
sont sortis en surprise totale au millieu de notre
bivouac, marchant sur les tirailleurs endormis, créant
une immense pagaille et le danger de nous tuer entre
nous, les sentinelles ayant tout d’un coup des ennemis
dans le dos ; heureusement que les obus éclairants de
nos mortiers clarifièrent assez vite la situation. Un
autre jour dans un village, un tirailleur tirait
nerveusement sur des paniers qu’il avait vu bouger,
effectivement, il y avait l’entrée d’une cache sous
ces grands objets qui ne pouvaient pas s’animer tout
seuls ; l’officier de Renseignement tira une semonce
de coups de pistolet dans l’orifice et trois viêts
appeurés sortirent les bras en l’air ; tous ces
évènements nous faisaient entrer dans le vif du sujet,
il fallait enregistrer et analyser.
Embuscade contre la
3ème Compagnie du 27ème BTA.
Nous étions en
groupement opérationnel à Hué le soir de Noël 1949,
lorsqu’un message codé nous parvint de la base de
notre 3ème Compagnie envoyée en renfort à
Dong Hoi, pour ravitailler le poste de Van Xuam
encerclé par le Rgt 18 de la division 325 du Viêt Minh ;
commandée par le Lieutenant LIEURY, la Compagnie était
tombée dans une énorme embuscade avec une autre
compagnie du 23 ème RIC, le tout commandé par le
commandant Br....
A 160 contre mille
hommes d’un bataillon Viêt, pendant que les deux
autres Bataillons (2.000 hommes), empêchaient les
renforts venant du Nord et du Sud d’intervenir. Le
combat dura 1heure 1/2 2 jusqu’au corps à corps, la
moitié des combattants furent tués ou blessés, les
autres dont le Commandant, furent prisonniers pour 4
ans jusqu’à la fin de la guerre pour ceux qui en
revinrent. Le Lieutenant LIEURY gravement blessé au
ventre, fut renvoyé vers l’infirmerie des Soeurs
Vietnamiennes de An Dinh ; reconnu comme officier par
les irréguliers Vietminhs qui pillaient les cadavres
sur les lieux de l’embuscada, peut être décédé en
chemin, son corps fut brûlé et déposé au mileu des
autres tués et brûlés lors des combats; il ne put être
formellement identifié, ce qui le fit porter disparu.
Pacification d’un
Quartier.

Devant mon poste
de Hoa Luat Nam
En avril 1950, le
commandement d’une Compagnie me fut confié, avec la
mission de pacifier le Quartier de Hoa Luat Nam, à
l’endroit ou s’était déroulée l’embuscade de la Noël
1.949. Pour ce faire, je disposais en plus, d’une
Compagnie de Partisans Vietnamiens ( 120 hommes), de 3
Milices d’auto-défense des villages, dont une
Boudhiste et deux Catholiques (60 hommes), de cinq
tours de protection de la route coloniale N° 1, ( 8
hommes par tour = 40 hommes ), ce commandement de 400
hommes correspondait à celui d’un Chef de Bataillon,
or je n’étais que lieutenant de 2 ans de grade ; le
Corps Expéditionnaire manquait cruellement de cadres,
au Bataillon un seul capitaine commandait une
Compagnie les autres étaient des Lieutenants, sur 29
officiers du 27 ème BTA à l’arrivée, nous ne sommes
rentrés que huit en fin de séjour en 1952, sur
“ l’André Lebon ”, les autres avaient été tués,
blessés, évacués ou prisonniers. Nos cadres supérieurs
étaient en général âgés, peu aptes physiquement au
combat à pied dans la jungle ou la rizière, trop
marqués par leur ancienne formation militaire et la
défaite de 1940. Non seulement il ne fallait pas
s’étonner dans ce nouveau contexte , mais j’avais
aussi sauté la barrière ; de Maquisard guérilléro
contre les Allemands, j’étais maintenant chargé de
lutter contre la guérilla Viêt Minh, la première
expérience n’était pas négligeable pour mieux
comprendre la seconde, mais l’extrême pauvreté des
moyens de notre Armée et l’inadaptation criarde de
certains ordres venus d’en haut auraient pu briser
notre moral. Pour ce qui me concerne, il n’en a rien
été, le moule des Enfant de Troupe était inaltérable ;
il fallait être à la hauteur de nos anciens et pallier
aux difficultés de la France, en donnant le maximum de
nous même, nous étions jeunes et pleins d’allant,
aussi fanatisés pour la France, que ceux d’en face
pour leur idéologie.

Le village et le
poste de Hoa Luat Nam
En mai 1950 je reçus
l’ordre incompréhensible de dissoudre ma Compagnie de
Partisans ; c’était les envoyer à la mort avec leurs
familles, ce fut une des plus dures épreuves de ma
carrière j’avais du mal à retenir mes larmes lors des
adieux, un esprit de révolte naissait en moi ; j’ai
gardé les 15 meilleurs d’entre eux en fraude, en
payant leur solde avec l’argent du foyer de ma
Compagnie de Tirailleurs, ils me rendirent des
services inestimables. Dans un autre ordre d’idée,
nous manquions de moyens de liaison radio, nos Postes
300 ne résistaient pas à l’humidité excessive, le
contact avec le poste le plus éloigné 16 Km, se
faisait par optique lorsque les nuages voulaient bien
le permettre ; je fus poussé une fois de plus à
l’indiscipline pour mieux servir la France, lors d’un
fort accrochage, je dus mentir, en signalant la perte
de 2 postes radio et demandant le parachutage de 2
autres d’urgence en remplacement, dans ces
circonstances cela me fut accordé, avant de passer ma
Compagnie en compte plus tard, je signalais les avoir
récupérés aux Viêts, dans un autre accrochage, j’étais
quitte avec ma conscience. Les fautes du Haut
Commandement de Hanoï qui ne tenait pas compte des
renseignements fournis par ses services, précipitèrent
le désastre de la RC 4 au moment du repli des unités
de Cao Bang. Un de mes camarades de promotion le Lt
Pas....... du 3ème REI, fut sacrifié en
élément retardateur avec son peloton blindé de
légionnaires, pour permettre à la colonne du Cel.
CHARTON de gagner du terrain. Nous étions conscients
comme le gouvernement sans doute, avec les
renseignements qu’il possédait, que le réservoir
humain de la Chine et la vaste partie montagneuse du
Nord-Ouest du Tonkin mal occupée allaient nous poser
des problèmes de moyens et d’effectifs, la décision
lui appartenait, elle était de montrer sa
détermination en envoyant des renforts conséquents et
d’agir en même temps diplomatiquement à l’échelon
international, on connait la suite.....
Le Général De LATTRE
acceptant le commandement en Chef du Corps
Expéditionnaire nous à donné l’ordre dès son arrivée,
de reconstituer les Compagnies de Partisans, 70 % de
mes anciens qui s’étaient cachés sont revenus, les
autres avaient “ disparu ”, ; à leur place, après
cette trahison de la France, je serais certainement
devenu un Viêtminh.
En même temps, des
notes de service nous interdisaient de poser des mines
et des barbelés autour des Villages à protéger, il
nous fallait installer des barrières de bambous que
les Viêts enflamaient lors de leurs attaques, en une
journée nous avons perdu 3 officiers ayant sauté sur
des mines, 7 de mes Tirailleurs dont 4 furent tués ont
sauté le même jour lors d’une ouverture de route ;
nous relevions les mines innombrables que nous
posaient les Viêts pour les reposer contre eux, autour
de mes postes j’en avais fait fabriquer avec des
paquets de grenades commandées des blockhaus, j’ai
moi-même été sauvé par mon ordonance, qui m’a bousculé
brusquement pour me faire éviter une mine qu’il avait
décelée avant moi devant mes pieds, lors d’un
ratissage.

Construction d'un
Blockhaus à la Cie de partisants de Hoa Luat Nam
Dans le Sous-Secteur
Sud de Dong Hoi où je me trouvais, nous avions en face
de nous à 15 Km, dans la chaîne Annamitique, le
Régiment régulier Viêt N°18 à 3.000 hommes de la
Division 325 comprenant elle même, 2 autres Régiments
de 3.000 hommes chacun, le N° 95 et N° 101 avec un
Bataillon lourd de canons et de mortiers, plus des
Compagnies provinciales et des Guérilléros locaux, qui
complétaient ce dispositif s’étendant de Hué à Dong
Hoi, face à la Mer de Chine.
Une directive de plus,(
d’un Général au nom prédestiné), déconnectée des
réalités, fut celle de faire construire des Tours de
10 m de haut, occupées par 8 hommes avec 1 ou 2 fusils
Mitrailleurs et séparées de 2 à 3 Km, pour assurer la
sécurité des itinéraires entre les Postes. Le
Commandement Viêt qui disposait de canons sans recul
de 75 et de lance fusées anti-chars soviétiques
pouvant instantanément éventrer ces ouvrages et les
détruire en quelques minutes, laissa faire pendant 5 à
6 mois, toutes les routes étaient devenues sûres, on
allégeait les effectifs des Secteurs, les convois
recirculaient sans escortes, et puis un beau matin,
des centaines de tours furent attaquées en même temps
et détruites dans la même nuit par lesViêts,
parfaitement coordonnés et bons stratèges ;
l’insécurité revint instantanément avec de lourdes
pertes pour nous, en Cochinchine en particulier. Ayant
refusé d’en construire dans mon quartier, je fus
obligé de me conformer à ces ordres et sanctionné de 8
jours d’arrêts. Je fis donc construire de solides
blockhaus sur lesquels je fis aménager une tour
inocupée la nuit, qui renforçait l’épaisseur du toit
de l’ouvrage si la partie supérieure était détruite
par les canons Viets. Il n’y avait pas d’électricité
dans la région en dehors des villes, ni de groupes
électogènes pour ma Compagnie en poste, cela posait de
sérieux problèmes en cas d’attaques massives qui se
produisaient toujours la nuit, j’avais été obligé
d’aménager des caniveaux en ciment que nous pouvions
remplir d’essence et allumer au milieu d’un assaut
éventuel, en avant des défenses, entre les 5 réseaux
de bambous appelés “ Zéribas ”. Plus tard lors d’un
passage à la base arrière de Hué, je me fis prêter un
groupe éléctrogène par une unité du Génie qui
possédait l’électricité, il ne lui fut jamais rendu.
Embuscade contre ma
Compagnie.

PC Radio de la Cie
Delpon en opération, Mdl Lafont
Le 16 mai 1950, obligés
de monter des opérations de ravitaillement protégées
militairement pour accéder à nos postes les plus
éloignés, ma Compagnie avec celle du Lt SIMON
tombèrent dans une grosse embuscade du Régiment 18,
identique à celle de Noël 1949, un Bataillon contre
nos 200 tirailleurs et 100 “ coolies ” portant les
vivres et munitions, les 2 autres postés au Nord et au
Sud afin d’intercepter les secours. Mon chef de
Section de tête décela un Viêt en tenue de l’Armée
Régulière qui se déplaçait mal camouflé, ce qui nous
évita de tomber dans la nasse ; nous fûmes tout de
même encerclés en fin de journée adossés contre une
rivière, mais profitant de la nuit nous pûmes rompre
l’encerclement et nous dégager, nos pertes furent de
12 hommes. Le lendemain le 8ème Régiment de
Spahis Algériens envoyé en renfort tomba à son tour
dans une autre embuscade montée plus loin à Xuam Bô et
subit les pertes de 45 tués et 72 blessés en une demi
journée, il fallut parachuter le 1er Bataillon
Etranger de Parachutistes de la Légion venu de Saïgon
avec le Capitaine CABIRO, pour pouvoir dégager tout le
monde. Le Régiment Viêt Minh subit à son tour des
pertes qui atteignirent les ¾ de ses effectifs et fut
envoyé en Chine pour s’armer et se reconstituer, 6
mois plus tard il était de retour en face de nous et
nos pertes n’avaient pas été comblées, ce déroulement
devenait inquiétant nous sentions déjà qu’un jour nous
serions submergés par le nombre.
Attaque du Poste de
TULIEN HA.
Le 14 juillet 1950
c’est le Régiment 95 Viêt Minh au complet, 3000 hommes
qui attaqua le poste le plus au sud du S/Secteur, THUY
LIEN HA, commandé par le Lieutenant Algérien GRAÏNE,
défendu par 49 Tirailleurs, le premier coup de canon
de 75, (pris par les Viêts dans un poste enlevé à des
Sénégalais), en tir direct éventra la tour de garde,
le Lieutenant fut assommé mais reprit vite ses
esprits, spécialiste des mortiers lors de sa campagne
en Italie en 1944, il disposait de trois pièces de 60
et 81 très bien réglées sur tous les angles morts, 2
séries de 10 obus par tube allaient causer de lourdes
pertes aux viêts massés à l’abri des tirs directs dans
un vallon près du poste, un haut parleur diffusa de la
propagande destinée aux Algériens pour les inciter à
se rendre, en leur promettant un beau 14 juillet, le
combat fut acharné, il dura deux jours et une nuit,
nos renforts furent stoppés à 3 Km une des soutes à
munitions sauta, 3 blockhaus sur 4 furent détruits,
les défenses d’une face furent rasées par le canon
ennemi, il fallut encore faire appel à l’aviation et
au 1er BEP de la Légion qui fut parachuté
sur le poste au milieu de la bataille, les Viêts se
retirèrent, il restait 9 survivants dont le
Lieutenant, beau fait d’arme, mais nous étions encore
grignotés sévèrement.
Passage de mon
Quartier pacifié aux Vietnamiens.
Dès fin 1950, le
Général De LATTRE galvanisa les Lieutenants et les
Capitaines qui menaient cette guerre sur le terrain,
l’espoir revint, nous pûmes poser des mines, et des
barbelés, les munitions ne nous furent plus mesurées,
la jeune Armée Vietnamienne de BAO DAÏ se
structurait ; la pacification de mon quartier était
terminée, le calme règnait, je dus le passer en
consigne à un Bataillon de cette Armée commandé par un
camarade Cavalier de ma promotion de Saumur, le
Lieutenant THON THAT DINH devenu Commandant,
remarquable officier de l'Armée Viétnamienne
parfaitement à la hauteur de sa mission, un bel espoir
d’avenir, mais le choix de l’Empereur BAO DAÏ par
notre gouvernement s’avéra désastreux politiquement.

Artilleur de
l'armée vietnamiène
Depuis des mois aucun
Viêt Minh ne pouvait pénétrer dans le quartier sans
que j’en sois informé, soit par les milices ou les
Partisans, il leur était impossible de monter une
embuscade sans être dénoncés à temps et de ce fait ils
étaient très vulnérables, pouvant être pris à partie
par nos groupements opérationnels et nos moyens lourds
terrestres ou d’aviation.

Poste de l'armée
Vietnamiène elevé par le Rgt Viet 95, tour perforée et
"zéribas" de bambous"
Je fis mes adieux au 27ème BTA,
aux Partisans, aux Milices catholiques, boudhistes, et
à la population de HOA LUAT NAM. Ce souvenir du devoir
accompli envers eux était un grand soulagement, il me
reste pour toute la vie, ce peuple magnifique à été
soumis ensuite par la terreur pour être embrigadé dans
une idéologie inhumaine,.après avoir été comme notre
Armée, abandonné par les gouvernements de la France de
ces époques ; les exécutions touchèrent nos anciens
Partisans et leurs familles, les Camps de
“ rééducation ” de triste mémoire chez Staline,
s’ouvrirent en grand nombre pour laver les cerveaux,
comme cela avait été tenté avec nos prisonniers chez
les Viêts. N’oublions jamais que le pourcentage des
morts dans les camps de prisonniers des Viêt Minhs a
été supérieur à celui des camps d’extermination des
Nazis, en quelques mois les ¾ des prisonniers de Dien
Bien Phu moururent en captivité.
6ème Spahis
Marocains.
Après cet épisode, un
Colonel de l’ABC venu commander le Secteur de DONG HOÏ
me récupèra dans mon Arme et me fit muter au 6ème Groupe
de Spahis Marocains, aux ordres du Chef d’Escadrons
Kam......, qui faisait partie d’un groupement
opérationnel du Nord du Centre Annam, commandé par le
Colonel Sa.....
Cette fin de séjour me
fit goûter aux grandes opérations dans les régions de
Hué, Quang Tri et du Laos, contre la Division VM 325.
La première se déroula à PHO TRACH et UDIEM, 2 Rgts.
VM. 6.000 hommes contre 3 Bataillons de chez nous à
600 H, soit 1.800 h, le scénario classique fut un
poste enlevé :UDIEM, un autre menacé PHO TRACH et la
grosse embuscade de 2 Régiments attendant les secours
à un endroit défavorable à nos appuis blindés en
particulier. Nos 3 bataillons furent encerclés une
partie de la journée, des assauts successifs en masse
d’un des Régiments, dûrent être repoussés à trois
reprises dans l’après midi, par deux groupes
d’artillerie tirant en fusant à 10m au dessus des
têtes des combattants à découvert, par l’appui aérien
des chasseurs bombardiers et les auto-mitrailleuses du
1er REC de la Légion, qui furent attaquées
jusque sur les plages arrière de leurs blindés, 800
cadavres Viêts restèrent sur le terrain. Les assauts
répétés nous paraisaient suicidaires, l’explication
nous fut donnée par un document contenu dans la
sacoche d’un Commissaire Politique de Bataillon fait
prisonnier lors de ces combats ; le plan d’attaque
précisait que les assauts devraient être donnés sans
discontinuer dès que l’encerclement de nos unités
serait réalisé, le renseignement de la rupture de cet
encerclement que nous avions réussi ne fut jamais
communiquée au PC des Viêts et malgrè l’hécatombe les
assauts se renouvellaient ; il faut savoir que comme
dans l’Armée Soviétique, le Commissaire Politique de
chaque unité est le commandant au dessus du chef
militaire, il se tient à l’arrière et surveille
l’exécution des ordres et le comportement de chacun,
pour les rapporter lors des auto critiques, faites
après chaque opération. Le colonel L.. B.. V... Cdt le
Rgt. 95,Vietminh chef redoutable qui avait réussi de
nombreuses embuscades contre nous, fut relevé de son
Cdt. après un combat de son Régiment où il y avait eu
de lourdes pertes, par faute de commandement.
Il nous arrivait de
porter secours à l’Armée de BAO DAÏ lorsque ses postes
étaient attaqués, ce fut le cas au nord de Hué où le
poste de KHUONG PHO fut enlevé par 3 bataillons du
régiment 101 VM., son chef de poste fut retrouvé
mutilé par les VM les 2 mains coupées ; le 6ème GSMP
engagé en entier le reprit en passant par la route
principale que l’ennemi avait négligée, évitant ainsi
une énorme embuscade qui lui était tendue

Chef de poste de KHUONG
PHO de l'armée de BAO DAÏ pris par le rgt 101 Viet
minh et massacré ( les deux mains coupées )
Désigné comme officier
de Renseignement du 6ème GSMP, je pus
expérimenter lors de mes derniers mois de séjour, une
autre fonction captivante de ce qu’un Officier peut
apporter comme contribution efficace à ses camarades
de combat et au Commandement.
Par exemple, la capture
en commando sur renseignement en pleine nuit dans un
village gardé par les Viêts, d’un Commissaire
Politique de Bataillon, couché dans son lit avec sa
femme lors d’une permission, dans sa paillote à 15 km
en pleine zone rebelle, opération effectuée grâce à un
ancien Viêt Minh rallié qui nous servait de guide,
ayant lui même fait partie de l’unité de garde de ce
régiment VM.
Mes anciens des
Partisans et des Milices étaient très précieux pour me
renseigner, en outre, j’avais comme interprète, un
S/Officier Viêt Minh (Bachelier Français), Pham Vy,
qui avait suivi un stage de commissaire politique au
Tonkin, instruit sur son futur rôle qui ne lui
plaisait pas, il avait déserté avec de nombreux
documents du Rgt. 18, son frère étant étudiant en
médecine à Montpellier. Il était Catholique, il me
servait de guide dans les commandos d’actions, une
fois en zone Viêt nous étions à sa merçie s’il avait
joué un double jeu, ce ne fut pas le cas.

Vietminhs du
bataillon provincial ( Auxiliaire du Reg 18 de la Div
325 )
Lors de nos opérations,
les guerilléros locaux posaient les mines devant nous
au fur et à mesure de notre avance et se repliaient ;
j’avais préalablement, de nuit, envoyé des petits
commandos de 3 Spahis largement en avant sur nos
itinéraires, pour intercepter ces poseurs de mines et
me les ramener comme prisonniers. Un jour à l’ouest de
Quang Tri, j’interrogeais l’un d’eux assis dans une
clairière les mains menottées derrière le dos, gardé
par une sentinelle baïonnette au canon, lorsque tout
d’un coup il s’est jeté sur le côté, sur une mine
qu’il avait du poser et que nous n’avions pas
découverte, qui par chance ne fut pas complètement
percutée, nous étions là 2 officiers et 3 s/officiers
qui l’entouraient et qu’il a voulu entraîner avec lui
dans la mort en se faisant sauter avec nous, ce geste
montrait le niveau de fanatisme et d’endoctrinement de
ces guérilléros.
Pham Vy nous rendit des
services extraordinaires, il eut ce qu’il méritait
avant mon départ, je lui fis présenter le concours
d’entrée à l’Ecole des Officier de l’Armée
Vietnamienne de DALAT où il intégra brillamment ; il
communiqua avec moi en France comme les anciens chef
des Milices, jusqu’à ce que les Viêt Minhs eurent
envahi la zone Sud, depuis plus rien. Dans les
nombreux documents récupérés dans les sacs à dos des
soldats réguliers VM que j’ai conservés, il y avait
des cahiers de cours d’instruction militaire et aussi
politique, qui m’ont été traduits ; figuraient
également des documents Français de Mr. Maurice Thorez
, Jeannette Vermerch, Mr. Garaudy et Léo Figuières,
prouvant la collusion et la trahison profonde en état
de guerre, du Parti Communiste Français avec le Viêt
Minh, comme il l’avait fait avec le pacte
Germano-Soviétique en 1939. Cette trahison continuait
en 1952 en France lorsque je suis rentré d’Extème
Orient, des tracts étaient lancés dans nos casernes
contre la guerre d’Indochine, 5 chars furent sabotés
dans mon Régiment par des appelés communistes au 11ème Cuirassiers
d’Orange, nos blessés débarqués de nuit étaient
frappés et insultés par certains dockers de
Marseille ; nous avons plus tard eu à connaître le cas
typique du traître B....., Commissaire politique du
Camp 113 de prisonniers du Viêt Minh, professeur de
faculté en France puis réfugié en Indochine,
actuellement décédé.
Embuscade contre les
“ Viet-Minh ”.
Des embuscades nous
permirent de capturer plusieurs cadres VM , l’une
d’elles montée avec l’aide du 1er REC de la
Légion qui nous déposa dans la zone ennemie en sautant
de nuit de la plage arrière de leurs blindés. J’avais
des marocains avec moi , les ordres étaient très
stricts, avant un signal particulier que je pouvais
donner avec un sifflet, il était formellement interdit
de se lever pour ne pas se tromper dans le noir, nous
ne pouvions nous déplacer qu’en rampant, dans la nuit
nous devions tirer à bout portant sur tout ceux qui
seraient debout près de nous, deux civils avec des
balanciers passèrent en premier sur la piste, ils
étaient de faux éclaireurs il ne fallait pas tirer,
deux minutes plus tard un groupe en tenue militaire se
présenta, je devais laisser passer jusqu’à mon adjoint
en bout d’embuscade de façon à avoir le maximum de
cibles dans notre nasse, lorsqu’il tira dans la nuit,
son arme dans un cliqueti de culasse d’acier, ne
percuta pas, mais ce bruit ne trompa personne, les
Viêts s’éparpillèrent , l’un d’eux vint se poster
couché à 20cm du bout du canon de mon arme, mon
ordonnance près de moi poussait mon mollet avec sa
main pour me faire comprendre que c’était un Viêt ; de
peur que ce soit un de mes hommes qui ait mal exécuté
mon ordre, il ne fallait pas se tromper, j’avançais ma
main pour toucher sa jambe en lui
demandant “ Spahis ”, il se leva brusqument pour
partir, je tirais d’instinct 3 balles de ma carabine,
il disparut dans le noir, il y avait eu quelques coups
de feu et 2 grenades mais le calme revenu, une auto
mitrailleuse du 1er REC cachée tous feux éteints à 2
Km de là, arriva avec son projecteur, on trouva un
ennemi tué et celui que j’avais tiré était couché
blessé, à 30m devant nous, c’était un Capitaine
Directeur d’une Ecole de formation de cadres VM., il
portait une blessure au ventre, son sac à dos était
rempli de documents très intéressants, dès que nous
fûmes récupérés par les blindés il fut dirigé vers
notre antenne chirurgicale. Le groupe qui était avec
lui comprenait des élèves gradés du Rgt 18 qui purent
se sauver à la faveur de la nuit..
CONCLUSION.
Le Musée “ Le
MILITARIAL ” a demandé mon point de vue sur la guerre
d’INDOCHINE, je ne suis pas un historien mais un
témoin vivant, qui ne peut exposer que la vérité qu’il
a vécue, avec les commentaires de mon opinion
personnelle ; les historiens ont déjà porté leurs
jugements plus large sur ce sujet, à mon échelon je ne
dispose pas de tous les éléments indispensables, pour
faire de même. J’ai donc résumé mon “ aventure ” par
les récits les plus caractéristiques des évènements de
cette forme de guerre sur le terrain, à une certaine
période dans une certaine région, après avoir
participé à leur déroulement comme Lieutenant, avec ma
troupe.
Je me suis efforcé
parfois de façon un peu crue, avec des anecdotes, de
faire ressortir l’ambiance et l’esprit dans lesquels
nous nous trouvions ; avec ces élèments il est
possible à chacun de se faire une opinion personnelle.
L’intérêt de ce travail
réside dans le fait que l’on peut en tirer des
enseignements à un certain échelon, utiles
éventuellement pour l’avenir.
Ce que j’ai vécu n’a
rien d’exceptionnel, il y a eu des héros, parfois
malgrè eux comme dans les horreurs de toutes les
guerres, je ne pense pas en être un, des milliers de
camarades officiers placés dans des situations
analogues ont fait comme moi pour la République,
malheureusement les plus hauts serviteurs de l’Etat se
sont moqués de notre générosité. Notre esprit de
sacrifice n’était pas romanesque mais bien réel
jusqu’au bout, au service de l’intéret général de la
France, qui pour mois passait avant celui de ma propre
famille qui y était intégrée, j’aimais mes soldats
comme mes enfants. Les soldats de l’Armée Populaire
Régulière du Viêt Minh, vitrine internationale du
futur pays, étaient respectables, forcés d'obéir ; ils
étaient aux ordres des Commissaires Politiques à tous
les niveaux, les Guérilliéros locaux par contre
étaient chargés de la “ sâle ” besogne.
Ce qui est certain dans
ma carrière militaire, c’est que j’ai eu un bon ange
gardien, car à cinq reprises au cours de mes 9ans et
demi de jours de guerre, lors des combats, ma vie a
été sauvée par la chance ou par quelqu’un. ( jusqu’à
un obus de mortier Viêt qui est tombé et n’a pas
explosé, à 30 cm de ma tête et de celle du Cdt
Ka......, perçant une carte d’EM que nous consultions
pour demander un tir d’appui d’artillerie, couchés
dans la rizière derrière une diguette, cloués au sol
sous les balles d’une mitrailleuse).
Ce qui me navre le
plus, c’est que j’ai la conviction avec le recul, que
cette guerre pouvait être évitée.
J’ai donc toujours
honte pour la France et je méprise les responsables
politiques qui n’ont pas fait ce qu’il fallait,
trafiqué les piastres, laissé trahir nos soldats dans
le dos en métropole par les communistes, laissé
publier des secrets militaires dans l’affaire des
“ fuites ” au détriment de nos troupes ; ce sont eux
qui déclarent les guerres après leurs erreurs, leurs
incapacités ou leurs mauvaises intentions, et ce sont
les militaires qui les font en étant comptables de la
mort de leurs soldats, tout en servant de “ boucs
émissaires ”. Les guerres ne doivent se déclarer que
lorsque tous les autres moyens ont été épuisé et si la
liberté des peuples est en danger, c’est a dire si un
véritable esclavage menace les humains lorsque le
totalitarisme prend le pouvoir, la vie ne méritant
plus d’être vécue ; chacun son métier, je me suis
efforcé de bien faire le mien. Il ne faut pas croire
qu’un officier ou un soldat accepteront de sacrifier
leur vie dans l’intérêt d’une colectivité, si l’enjeu
des valeurs à défendre ne le justifie pas ou s’il
n’est pas bien compris. Il est également insensé de ne
pas fournir les moyens de gagner, à une Armée qu’on
engage dans un conflit, la diplomatie et les alliances
étant aussi des armes efficaces.
Il est gravement
honteux d’avoir abandonné des populations entières à
l’extermination, après leur avoir promis de les
défendre contre le totalitarisme opposé aux valeurs de
liberté de la France.
Une situation analogue
s’est reproduite en Algérie, fomentée au départ, par
le même ennemi, soutenu aussi par certains Français.
Cela est inacceptable, et le présage d’un certain
déclin dans la défense des valeurs fondamentales des
sociétés ?, car en continuant ainsi, un jour, nos
propres enfants seront abandonnés à l’anarchie par des
peureux.
Les Viêts Minh ont
régné par la terreur la nuit dans les villages, pour
dispenser une idéologie néfaste, qui s’est
heureusement effondrée sans guerre en URSS, mais qui
s’applique encore au Vietnam.
Je dois rendre hommage
à la fidélité du peuple Vietnamien, a son courage, a
ses sacrifices, c’est un grand peuple où nous sommes
toujours accueillis avec chaleur actuellement ; un
jour j’espère, ses jeunes générations rétabliront la
liberté.
Les Américains, jaloux
et envieux des marchés possibles avec ce pays ne nous
ont pas aidé comme ils auraient pu le faire lors de la
bataille de Dien Bien Phu, ils ont pris notre places
et avec 10 fois plus de moyens, coupés du peuple,
enfermés dans leurs immenses bases, ils ont été
ridicules militairement avec leurs énormes moyens par
rapport à nous, et ont rembarqué en catastrophe.
Si les 80 bombardiers
que nous demadions avaient été envoyés de France ou
ils étaient disponibles, la bataille de Dien Bien Phu
n'aurait pas pu être gagnée par les VM. et une action
diplomatique avantageuse aurait pu étre engagée.....
Je dois souligner la
fidélité sans failles des Tirailleurs Algériens et des
Spahis Marocains que j’ai eu à commander, j’en garde
un de mes meilleurs souvenirs de carrière.
Enfin, notre
promotion “ VICTOIRE Coëtquidan 1.945 ” était celle de
De LATTRE pour la nouvelle Armée, son fils BERNARD qui
était dans le même Régt que moi le 4ème Cuirassiers
de Mourmelon, était un ami, arrivé à Saïgon sur le
même bateau, il a voulu montrer l’exemple en demandant
le Cdt. d’un Escadron de Vietnamiens au 1er Chasseurs
du Tonkin, il s’est sacrifié comme les 206 officiers
de notre promotion, pour la Victoire et non la défaite
de notre Pays. Ce bilan est significatif sur la
réalité de notre engagement total, il expliquera plus
tard, la réaction de certains parmi les meilleurs, qui
ont fait le pas critiquable de l’illégalité en pensant
à leurs soldats morts pour rien. A quel moment lorsque
les politiques font tuer des citoyens pour rien, la
désobéissance devient elle un droit ?
Je dois noter pour ce
qui me concerne personnellement, un durcisement de mon
caractère, trempé par les épreuves vécues, les
abandons et l’inadaptation de certains cadres
supérieurs en retard d’une guerre, marqués par la
défaite de 1940 plus 5 ans de prisonniers, agés dans
leurs grades, inaptes physiquement à suivre la troupe
à pied sur le terrain, coupés des évolutions survenues
dans l’armée.
Pour ceux de notre
promotion, le contact avec les Vietnamiens est
toujours resté très étroit après la guerre, jusqu’à
l’occupation du Sud Vietnam par les communites ; ces
relations ont continué avec par l’intermédière de
l’Association Nationale des Anciens Prisonniers du
Viêt Minh, (ANAPI), présidée par le Colonel (er)
BONFILS, pour la reconstruction de la Cathédrale de
Phu-Hôc, des Ecoles à Dien Bien Phu et des
Dispensaires, nous sommes toujours accueillis
actuellement avec beaucoup de chaleur, c’est la preuve
que notre combat était bien le bon pour l’humanité.
Pour nous, une question
reste posée après la fin tragique du Général De LATTRE
de TASSIGNY ; nous, ses “ Enfants ”, sommes convaincus
que la fin de la guerre d’Indochine n’aurait pas été
la même s’il avait survécu.
Le lieutenant Marc Lieury et
le lieutenant Delpon à Hue en 1949 au 27éme
Le Lieutenant Marc
LIEURY,
MORT pour la France la
veille de NOËL 1949, au CENTRE VIETNAM.
Le Lieutenant Marc LIEURY de
l’Arme Blindée Cavalerie promotion « VICTOIRE 1.945 »,
marié, père d’un enfant de 6 mois lors de sa mort dans
une violente embuscade, était mon meilleur ami au 27
ème B.T.A. (Bataillon de Tirailleurs Algériens).
Arrivés en Extrème Orient par le
« Pasteur » du 15 octobre 1.949, salués sur les quais
de Saïgon par une douzaine d’obus de mortier Vietminh
autour de notre bateau, nous avons rejoint Tourane au
Centre Annam, en vue d’une affectation dans cette
région.
Avant de nous désigner nos
unités, le Général L.... commandant de zone, nous a
réunis pour nous exposer cette nouvelle forme de
guerre subversive.
A la fin de sa description il a
demandé à ceux qui se poseraient des problèmes de
conscience dans ce genre de conflit, de bien vouloir
demander son rapport. (c’est à dire un entretien
individuel.)
Trois officiers: ( Le Capitaine
T... et Les Lieutenants C... et G...), du 27ème
Bataillon de Tirailleurs Algériens, constitué à
Monstaganem et arrivé avec nous sur le « Pasteur »,
levèrent la main.
Ils venaient des unités de Franc
Tireurs et Partisans Français, bras armé du parti
Communiste dans la Résistance; leurs grades FFI ayant
été homologués à Aix en Provence, ils refusaient par
idéologie, de combattre le Vietminh.
En conséquence, le Chef de
Bataillon, privé d’un Cdt. de Cie. et de deux Chefs de
Section, cherchait à restructurer son Unité.
Marc et moi, Cavaliers, avons
été très sensibles a ses arguments pour assumer ces
remplacements; nous sommes ainsi devenus Tirailleurs.
Après les Nazis que nous venions de combattre, nous
avions à nouveau face à nous, d’autres ennemis aussi
totalitaires, imposant leur idéologie par la terreur.
La défection caractéristique de ces 3 officiers nous
ouvrait les yeux sur la trahison d’une frange de
Français de la métropole, qui aidaient le Vietminh
contre nous. Il nous fallait donc encore, et c’était
un grand honneur pour nous, combattre pour la liberté
du Peuple Vietnamien. Par ailleurs, nous apprenions
que nos blessés débarquaient de nuit à Marseille sous
les insultes et les menaces des dockers de la C.G.T.,
que nos munitions et armements étaient sabotés dans
nos arsenaux, que des tracts antimilitaristes
circulaient dans les casernes de France, et que des
membres d’un parti politique étaient reçus en amis
dans les maquis Vietminhs tel le journaliste L.. -
F....... . Plus tard, il y aura même des traîtres
Français, tel B....... , Commissaire politique pour
encadrer nos prisonniers, dans de véritables camps de
la mort.
Le P.C. du Bataillon, installé à
Hué dans un premier temps, dispersa ses compagnies
dans la zone.
Le Lieutenant LIEURY avec la
3ème Cie. du 27ème B.T.A., fut déplacé à 80 km au
Nord, à HOA LUAT NAM dans le secteur de Dong Hoï. Je
suis resté à la Compagnie de Commandement du
Bataillon comme officier des Transmissions, nous
correspondions par le courrier des convois de liaison.
Les opérations ont commencé
début novembre et se sont poursuivies sans
interruption jusqu’en fin décembre 49.
Le Poste de VAN XUAM à 20km au
sud ouest de Dong Hoï, encerclé par le Vietminh depuis
45 jours, attendait du ravitaillement.
Le Commandant BRUGE du 23 ème
R.I.C. Cdt le S/Secteur Sud avait tenté une action le
23 décembre, qui fut repoussée par l’ennemi.
L’arrivée en renfort de la 3ème
Cie. du 27 B.T.A. permit de réaliser l’opération avec
succès dans la matinée du 24 décembre, le poste fut
ravitaillé dans une grande joie, pour la veillée de
Noël. Dans la réalité, nous l’avons compris plus tard,
les Viets avaient rusé, en n’opposant qu’un semblant
de résistance afin de faire croire à un repli
définitif, pour mieux nous inciter à baisser notre
garde.
Au retour de la colonne sur la
R.C.1. le 24 en fin d’après midi, le Cdt. B.....,
renvoya à Dong Hoï le peloton blindé de Légionnaires
du 1er Régiment Etranger de Cavalerie, ainsi que les
Artilleurs venus du Nord, afin qu’ils puissent fêter
le réveillon.
Les unités restant à ses ordres,
réduites à : 1 Section de protection du P.C, 2
sections de la 10ème Cie. du 23 ème R.I.C.
et la Section renforcée du
Lieutenant LIEURY de la 3ème Cie. du 27 BTA,
regroupées au Poste de My Trung, reprirent le chemin
du retour vers Hoa Luat Nam, P.C. du S/Secteur, situé
à peine à une dizaine de Km au sud, sur la R.C. 1.
Avant le départ, un messager du Père LOC, Curé du
village de An Dinh, avait signalé un regroupement de
Viets dans la région du village de My Duyet Ha, 2 km
au nord de Hoa Luat Nam.
Le Commandant fit survoler la
route par un avion de reconnaissance, qui n’observa
rien d’anormal. Il donna aussi l’ordre au Capitaine
T...... Cdt la 3ème Cie du 27 BTA de Hoa Luat Nam,
d’envoyer un élément à sa rencontre.
A 2Km à la sortie du poste de My
trung vers le sud, la colonne de 160 hommes tomba dans
une énorme embuscade d’un millier d’hommes d’un des 3
Bataillons du Rgt. 18 Viet Minh de la Division 325.
Celui-ci était merveilleusement camouflé dans des
trous individuels, étalés sur 2 km en haut de la dune
et au bord de la route. L’encerclement fut réalisé
rapidement par les « Viets », le combat trés violent à
1 contre 6 se poursuivit pendant 1h30, au corps à
corps puis à la baïonnette après l’épuisement des
munitions.
Nos Tirailleurs, dont certains
avaient combattu au « Belvédère » en Italie, se
comportèrent comme de véritables « Turcos » sous les
ordres du Lieutenant LIEURY. C’est tout à leur honneur
dans un combat perdu d’avance, du fait du rapport des
forces.
Les unités de secours envoyées
de Hoa Luat Nam, tombèrent à leur tour dans une autre
embuscade ennemie sur les dunes. Par ailleurs, un
deuxième bataillon était chargé de s’opposer à tout
renfort Français venant du Sud.
L’engagement cessa lorsque plus
de 60% des hommes furent mis hors de combat, les
autres étant à court de munitions.
Le Vietminh se replia vers les
villages côtiers emmenant avec lui les prisonniers,
dont le Cdt Bruge, et le Lt. Lieury sur une civière,
gravement blessé.
Ce dernier mourant, fut renvoyé
par la suite vers l’infimerie des Soeurs Vitnamiennes
Catholiques de An Dinh. Probablement décédé en chemin,
ses galons le firent reconnaître comme Lieutenant, par
les « Viets » pilleurs de cadavres, en repassant sur
les lieux de l’embuscade. Son corps,
vraissemblablement déposé au mileu des autres tués
lors de l’embuscade, ne put étre formellement reconnu
le lendemain, ce qui le fit porter disparu.
Il est fort probable que la
fosse de l’inconnu du 27ème BTA dans le cimetière de
Hoa Luat Nam, ait été la sienne.

Le cimetière militaire du
poste de Hoa Luat Nam, ( à doite
la tombe de l'inconu qui pourrait être celle du
Lieutenant Lieury )
Depuis, les restes contenus dans
cette tombe ont été relevés et ramenés en France, dans
l’Ossuaire de la Nécropole de Fréjus, sur le mur
duquel son nom est gravé, avec ceux d’autres inconnus.
Le P.C du 27ème BTA fut
rapidement implanté à Hoa Luat Nam ou l’on me confia
le commandement du Quartier avec la défense du Poste.
Quelques jours plus tard, de
nuit, les « Viets » vinrent épingler discrètement sur
les barbelés à l’extérieur de la défense du Poste de
Hoa Luat Nam, un tract ci-joint, décrivant l’embuscade
vue de leur côté, avec une photo des prisonniers du 27
BTA qu’ils détenaient et une autre d’un groupe de
leurs combattants locaux.

Prisonniers du 27éme BTA
Chez les vietmin du régiment 18 de la Division 325
Il est indispensable que la
vérité historique soit transmise aux générations
suivantes, pour que l’action de notre Armée d’engagés,
ne soit pas occultée ou diffamée si nous ne produisons
pas de témoignages.
Le sacrifice de nos 206
Officiers tués ne doit pas passer à la trappe de
l’histoire, nous avons le devoir de défendre leur
mémoire.
Sur ordre du Gouvernement de la
République, nous avons bien éxécuté, avec très peu de
moyens, les missions parfois difficiles jusqu’à
l’impossible qui nous étaient confiées. Ce fut fait
dans un total esprit de sacrifice, comme le doit un
officier qui défend les valeurs fondamentales du
rayonnement de la France dans le monde, dont la
Liberté.
Le Peuple Vietnamien au fond de
lui même nous en est très reconnaissant, il nous le
prouve chaleureusement actuellement dans son accueil,
chaque fois que nous revenons au Vietnam au milieu de
lui.
Marc, avec sa foi profonde et
son idéal pour une humanité meilleure, l’a fait dans
une fin atroce, jusqu’au bout, dans l’honneur.
L’exemple du Lieutenant LIEURY,
magnifique officier Français qui s’est sacrifié face à
un ennemi totalitaire et cruel, mérite notre grand
hommage et toute la reconnaissance de la France. Il
appelle les jeunes générations à la méditation.