COCHINCHINE-SUD

2ème B.M.E.O. – 24/02/1949

Opération nocturne

 

 

Six postes sont installés de Soctrang à Cantho. Chacun de ces postes est souvent dirigé par un Caporal voire un Bidasse Français, assisté d’une dizaine de soldats Cambodgiens et d’une quinzaine de partisans Annamites.

 

Ces postes sont chargés, comme nous tous, d’assurer la sécurité et la protection des populations et particulièrement ceux qui empruntent cette piste.

 

Chaque poste est composé de quelques paillotes, d’un mirador et d’une clôture de barbelés et de bambous verts effilés. L’armement comprend, en général, une mitrailleuse 12.7, quelques mitraillettes, des fusils et des grenades. Un poste de radio et une paire de jumelles complètent l’équipement.

 

La piste Soctrang-PhungYep-Cantho est traversée par plusieurs arroyos et les ponts de bois sont souvent la cible des Viets aussi, lorsque nous effectuons nos liaisons, nous devons vérifier, à chaque passage, chaque pont en guidant nos véhicules vides de leurs occupants.

 

Le Chef du posteB situé à quelques Kms de PhungYep, a rapporté que des mouvements suspects laissaient prévoir une action de la part des Viets. Nous supposons que ces rebelles doivent camper à proximité. Nous avons décidé de patrouiller dans cette région.

 

Il est 21h00, le camp de Soctrang est en effervescence, un GMC et un Dodge doivent nous déposer   à 3 ou 4 kilomètres avant PhungYep, alors qu’une équipe de secours restera au camp en vue d’intervenir le cas échéant. « Guitare » et son A.M. (auto-mitrailleuse) seront également en attente.

 

Berger, Casta, Bouboule et moi-mêrme assureront cette patrouille, accompagnés d’une dizaine de Cambodgiens et d’une quarantaine de partisans Annamites.

 

La connaissance parfaite de la région nous permet d’établir un plan d’action efficace. Nous avons tous revêtu la tenue Viet, short et chemisette noires et, les quatre « blancs » que nous sommes avons enduit les parties visibles de notre peau,  de  teinture brune.

 

Le Sergent Berger dirige l’opération et décide de partir avec Casta et la moitié des hommes, l’autre moitié me sera confiée, assisté de Bouboule qui a quelques ennuis avec une dysenterie qu’il traîne depuis déjà plusieurs jours.

 

L’équipe Berger, équipée du poste de radio partira à l’ouest alors que la mienne ira à l’est. Il est 22h00 et, notre progression simultanée doit permettre notre rencontre à environ 1 km derrière le poste B, lequel été prévenu de notre action.

 

 Du fait que nous n’avons qu’un poste de radio, notre code est simple :

Un coup de feu = SUSPICION

Deux coups de feu simultanés = ATTENTION DANGER et là, l’autre équipe doit faire diversion et rejoindre.

 

Nous avançons par sauts de puce, un quart d’heure dans l’eau jusqu’au genou puis, dix minutes de repos, d’observation et d’écoute, le temps aussi d’enlever les sangsues qui se sont collées à nos jambes. Les crapauds buffles font un vacarme énorme et les moustiques nous harcèlent. Nous évitons les diguettes séparant les rizières car, elles peuvent être piégées. Nos pisteurs Annamites tels des serpents, rampent et se faufilent afin de détecter le moindre bruit ou la moindre présence.

 

Normalement, en quatre sauts nous devons avoir rejoint Berger et son groupe. 

Au 3ème arrêt nous approchons d’une cocoteraie et là, nous devons ouvrir l’œil. Nous stoppons en lisière et nos pisteurs se fondent dans la verdure. Personne ne parle, chacun est sur ses gardes car, si nous devons trouver des Viets, ce sera dans cette cocoteraie.

 

Après 10/15 minutes, les pisteurs reviennent tout excités, les Viets sont là et on a estimé l’importance du groupe à une trentaine. Je place mes hommes en tirailleurs et donne l’ordre d’avancer. En même temps j’envois une salve de deux coups de feu qui amèneront Berger a contrer sur l’autre face de la cocoteraie.

 

Les Viets ont probablement été surpris et vont tenter de se sauver.

 

Nous fonçons et nos partisans crient en invitant les Viets à se rendre et en leur signalant qu’ils sont encerclés..ce qui n’est pas tout à fait exact. Une dizaine de Viets se rendent les bras au dessus de la tête…..les autres ont dû s’éclipser dans la nuit.

 

Nous sortons de la cocoteraie et questionnons les prisonniers en leur demandant où sont leurs armes, ce qu’ils nous indiquent sans résistance. Nous récupérons une dizaine de fusils Chinois ainsi qu’un matériel hétéroclite dont plusieurs scies sans doute destinées a cisailler les piles de ponts. Il faut dire qu’en une nuit les Viets sont capables de scier partiellement et d’affaiblir les piles d’un pont qui s’écroulera au passage d’un de nos véhicules. Les arroyos n’ont pratiquement qu’une profondeur en eau d’un ou deux mètres, alors que la vase peut atteindre trois ou quatre mètres.

 

Berger nous a rejoint avec son groupe et nous partons vers le poste B où nous attendrons les véhicules qui nous ramèneront à Soctrang avec nos prisonniers.

 

Tout s’est bien passé et, cette fois, il n’y à eu aucune victime de part et d’autre, c’est assez exceptionnel. L’effet de surprise a fonctionné mais, nous savons que cette opération ne calmera pas les rebelles, mais ils sauront  que nous restons vigilants.

 

Bouboule est très fatigué, malgré les cachets qu’il a ingurgités avant le départ, son cas s’est aggravé, il devra changer de slip en rentrant…

 

 

 

Au 2ème B.M.E.O. , ce genre d’opération est notre menu presque quotidien et, la chance ne nous sourit pas toujours….

 

 

 

 

Ce récit rappellera sans doute beaucoup de choses à ceux qui ont vécu ces moments palpitants, poignants, parfois même mêlés d’angoisse et, en particulier, à mon ami Bernard Beauplet, récemment retrouvé,  qui a commandé au 1er B.M.E.O Cambodgien au cours de la même période, autour de Cantho et TraVinh..

      Sgt Berger                          Casta                                       Cal Darré                      Bouboule

 

Un de la Coloniale Caporal Henri Darré henri.darre@wanadoo.fr

 

Retour guerre d'Indochine

 

Des témoignages aimablement communiqués par Monsieur Henri Darré, ancien combattant en Indochine de 1947 à 1949