L’espace vosgien au-delà de la frontière de l’ annexion se prêtait mieux aux opérations et concordait avec les plans stratégiques. Dans la nuit du 12 au 13 août 1944, le GMA-Vosges bénéficiait au nord de Senones de parachutages, le premier avec une mission anglaise d’ une quinzaine de spécialistes, le deuxième dans la nuit du 30 au 31 août à Veney, avec vingt-cinq Anglais, mais le troisième au-dessus de l’ important maquis de Viombois échouait début septembre par l’ intervention des troupes allemandes ; quatre cents maquisards y laissèrent leur vie, près de deux cents furent déportés, vingt et un anglais abattus ou fusillés ; une cinquantaine de rescapés pourront rejoindre en octobre le 2e DB ou la 1re armée française.

 

<< Du premier réseau Dungler – Kibler dans la région de Thann, aux Alsaciens et Lorrains demeurés en zone libre, expulsés ou évadés plus tard, nous échafaudions un plan de reconquête de nos provinces avec la participation d’ une formation combattante composée de nos compatriotes réfugiés. Rêve utopique ! >>, se souvient celui qui, après l’ expulsion de sa famille à la fin de 1940, se trouvera à Lyon : Pierre Bockel, futur archiprêtre de Strasbourg. << Mais quatre ans plus tard, la brigade Alsace – Lorraine offrait à l’ utopie son éclatante réponse >>, poursuit celui qui devient l’ aumônier de cette formation.

 

Dès 1941, un groupe de résistance tente de s’ organiser dans les milieux alsaciens et lorrains autour de Clermont – Ferrand, Lyon et Saint – Etienne, projet qui débouchera en 1944 sur la formation à Clermont – Ferrand du bataillon Rhin – et – Moselle qui rejoindra la brigade après le libération de Strasbourg. D’ autre part, grâce aux animateurs de divers mouvements de jeunes réfugiés, dont l’ action est coordonné par Pierre Stahl, les renseignements sur la situation en Alsace et Moselle sont rassemblés, commentés et diffusés, avec des études d’ Emile Baas, professeur de philosophie réfugié à Rodez, et le cahier << Alsace et Lorraine, terre françaises >> de Témoignage chrétien réalisé par Pierre Bockel. La volonté résistante est aussi encouragée ou raffermie par les informations apportées par Lucienne Welschinger qui, en février 1942, après un passage à Vichy où elle remet un rapport au cabinet de Pétain, rencontre des jeunes Alsaciens à Aiguebelle en Savoie, dont quelque-uns venus de l’ école normale d’ instituteurs d’ Obernai établie à Solignac dans la Haute – Vienne. Au pèlerinage du 15 août 1942 au Puy, des contacts étroits s’ établissent entre une centaine de jeunes Alsaciens particulièrement entreprenants, témoigne Bernard Metz, alors étudiant en médecine. Après avoir entendu en janvier 1943 à Royat l’ abbé Paul Held, évadé d’ Alsace, évoquer les entreprises de Front de la jeunesse alsacienne et des Guides de France, Metz prend la décision << de mettre sur pied une organisation qui permettrait d’ associer la jeunesse alsacienne réfugiée à l’ action de la résistance française >>. ( Held partira peu après par l’ Espagne en Algérie où il sera affecté comme aumônier sur le croiseur Lorraine ).

Par deux scouts de la vallé de Thann, que Pierre Bockel lui avait présentés et qui avaient participé à la rencontre de Royat, Bernard Metz entre en relation avec le PC de la résistance alsacienne à Lyon auquel Jo Vuillard et Albert Lamblé étaient rattachés en tant que radiotélégraphistes et agents de liaison.

Ayant soumis avec Pierre Bockel son projet à Dungler et Kibler, ceux-ci le chargent de constituer des formations de combat dans les milieux alsacien et lorrains de la zone sud, en s’ appuyant sur le réseau des groupes de jeunes où il était déjà introduit. Ces unités devaient être transférées dans les Vosges pour appuyer la résistance en Alsace, participer en attendant aux actions des groupes de résistances locaux dans les départements de refuge, et rejoindre l’ armée française en cas de libération de la zone sud pour participer en tant qu’ unité autonome à la libération de l’ Alsace.

Les groupes clandestins, à effectifs variables, existant à l’ automne 1943 à Clermont – Ferrand, Limoges, Périgueux, Brantôme, Bergerac, Auch et Toulouse, constituent le GMA sud. La dispersion des effectifs dans la campagne facilite l’ organisation de maquis et d’ éventuels parachutages d’ armes sur six terrains prévus en Dordogne, près de Limoges et dans le Gers. Une réunion consacrée le 6 avril 1944 à Limoges aux problèmes d’ équipement et d’ armement faillit être fatale à l’ organisasion, avec l’ arrestation des responsables en Dordogne ( Houver ), en Haute – Vienne ( Huber ) et dans la région de Toulouse ( Courtot qui, avec son adjoint Dillenseger, mourra en déportation ). Avec plus ou moins de difficultés, les réseaux pourront être reconstitués par Sigrst à Limoges, Léon Kraft à Cahors, André Riedinger et Pierre Bockel à Toulouse avec l’ aide de Charles Pleis, officier d’ active, et par Guy Streicher à l’ école normale d’ Obernai à Solignac.

Dès 1914, l’ aumônier de l’ école normale, Bengel, avait cherché, en compagnie de Streicher, des fermes – refuges, après le passage de la commission de rapatriement conduite par le Ministeriarat Herbert Kraft. Recruté en janvier 1943 par Metz, Guy Streicher organise un important service de renseignements, de faux papiers et de transport d’ armes, et recrute un groupe d’ une trentaine de normaliens pour rallier à un maquis de Corrèze. Au lendemain de débarquement, il entraînera également au maquis un groupe d’ Alsaciens de GMR ( groupe mobile de réserve ) de Limoges avec leurs armes lourdes et voitures d’ alerte, permettant ainsi la constitution de la compagnie la mieux armée qui, avec d’ autres unités, sera engagée contre la division << Das Reich >> remontant vers la Normandie.  

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