Après la réunion du comité directeur de la résistance alsacienne les 4 et 5 juin 1944 à Couzon – au Mont – d’ Or, Bernard Metz part le matin du 6 juin à Toulouse où il assiste à une réunion de cadres, puis à figeac. Le Lot est pratiquement aux mains des FTP ( Francs tireurs et partisans, d’ obédience communiste ), l’ Ora y est inexistante, de sorte que l’ installation d’ un maquis autonome est impossible. Deux responsables du groupe alsacien suspectés d’ être des agents de la Gestapo avaient été arrêtés avant l’ arrivée de Metz ; la seule solution pour demeurer sur place est le ralliement aux FTP. Après plus d’ un mois d’ activité au camp FTP du Lot, Metz tentera de renouer les fils avec ses camarades de combat.

En été 1944, après l’ entrée en action massive des maquis de sud – ouest à la suite du débarquement, de l’ armement, de l’ équipement, des fonds et du recrutement des effectifs est la préoccupation majeure des responsables, compte tenu de la rivalité entre les maquis et organisations de la résistance pour la répartition des armes parachutées, du refus des chefs de l’ AS ( Armée secrète ) de laisser leurs hommes passer sous un autre commandement.

A la fin du mois d’ avril 1944, Antoine Diener, instituteur lorrain, ayant entendu parlet d’ un << état – major interallié >> situé à une soixantaine de kilomètres de son maquis, avait rencontré, avec son adjoint Adelphe Peltre à Castelnaud, un certain colonel Berger, pour réclamer des armes destinées au << mouvement Alsace – Lorraine >>. Berger, après avoie envoyé un instructeur, Jean – Pierre, au maquis de chalagnac pour l’ entraînement au combat individuel et aux explosifs, se rendit lui – même, quelques jours avant le débarquement, près de Saint – Alvère, où Diener avait déplacé son camp. Ancel, nom de guerre de Diener, expose à nouveau son objectif à Berger : créer un groupe mobile Alsace – sud pour participer à la libération des départements annexés ; il recevra ensuite quelques armes. Autres rencontre qui allaient être décisives, après le débarquement, André Malraux, toujours avec le titre de colonel Berger chef interrégional des FFI, alors que le groupe Diener – Ancel était pratiquement son seul appui, rencontre exceptionnellement  de jour l’ officier d’ active Pierre Jacquot, d’ origine vosgienne, sur le plateau de Moustoulat à l’ ouest d’ Argentat, prévu pour un grand parachutage.

Quand Bernard Metz arrive le 27 juillet, à bicyclette, au camp de Diener – Ancel qui, la veille, avait participé à l’ attaque d’ un train transportant plus de deux milliards de francs destinés aux troupes allemandes, il apprend que Malraux avait été intercepté quatre jours auparavant par une patrouille allemande et, blessé à la jambe, transféré à la prison de Toulouse. Le 7 août, Charles Mangold, chef de l’ AS, << la figure la plus prestigieuse de la résistance strasbourgeoise en Périgord >>, est également arrêté par une patrouille allemande et sera fusillé cinq jours plus tard à Périgueux, après une tentative de suicide.

Sans réponde pour un parachutage d’ Henry Dirringer – Pelgrain, un membre de service de renseignements de l’ O.R.A., parti pour Londres, qui devait prendre le commandement des bataillons alsaciens – lorrais, Bernard Metz s’ adresse, sur recommandation de Diener – Marcel, au capitaine Vaujour. Celui-ci décline l’ offre, préférant rejoindre le 1re armée, qui venait de débarquer en Provence, à la tête d’ une colonne corrézienne de l’ A.S., et propose Jacquot, récemment promu lieutenant-colonel. A Toulouse, que Metz rejoint le 27 août, Pierre Bockel et le capitaine Pleis, qui avaient rassemblé trois cents maquisards alsaciens et lorrains, avaient trouvé << l’ oiseau rare >>, le colonel alsacien Marie Moetinger ; Metz avançant le nom de Jacquot, on s’ accorde pour se prononcer en faveur de celui qui, le premier, répondra par un oui sans équivoque.

A Périgueux, Diener – Ancel qui, avec le bataillon Valmy, venait de libérer la ville, après avoir harcelé les dernières colonnes de la division << Das Reich >>, se demande comment équiper et transporter ses six cents hommes pour rejoindre l’ armée de Lattre en marche vers l’ est.

Le 30 août, Malraux, sorti de la prison de Toulouse après le départ des Allemands, rencontre à Aubazines Jacquot, qui lui présente Bernard Metz, survenu peu après. Séduit par le tandem Malraux – Jacquot, Metz retourne à Toulouse pour tâter le terrain auprès des Alsacien regroupés par Charles Pleis en quatre compagnies. Avec Jacquot et Pleis, il se présente chez le colonel Georges Pfister, auprès de qui il avait été accrédité à la fin de 1943 par Guy d’ Ornant ; l’ adjoin du général commandant les FFI dans le sud-ouest signe un ordre de mission, rédigé par Jacquot, nommant le colonel Berger à la t^te de la brigade Alsace – Lorraine, avec Jacqot, commandant en second ; l’ ordre de mission reconnaît la dénomination brigade Alsace – Lorraine que Malraux avait proposée le 30 août à Aubazines. Il restait à informer le commandant Charles Pleis que le colonel Berger était André Malraux et qu’il serait le chef à la place de Jacqot ou de Noetinger.

 

Bernard Metz, sachant que Pierre Bockel avait la pleine confiance de Pleis et de ses officiers, tente d’ abord de convaincre l’ abbé qui se demande << comment nous recevront les gens, en Alsace, nous voyant revenir derrière l’ homme des « brigade internationales » de la guerre d’ Espagne.>> Prévoyant les difficultés, Metz s’ était fait accompagner du professeur Emile Baas, au courant de la personnalité et des écrits de Malraux, << plus imprégnés d’ huminisme que de communisme >>, et d’ Adelphe Peltre, qui témoigne comme le chef de la brigade avait su galvaniser les maquisards d’ Ancel. Pierre Bockel, convaincu que Malraux n’ avait rien d’ un << bolchevique >>, comme Baas l’ avait souligné, affronte Pleis et ses officiers. La révélation de l’ identité du colonel Berger fait l’ effet d’ une bombe et la dénomination de << brigade >> sent le soufre. Pleis veut exiger l’ annulation de l’ ordre de mission << plaçant un ancien colonel de l’ armée rouge d’ Espagne à la tête des futurs libérateurs d’ Alsace >>.

Arrivé après cette première explication, Metz est accusé de vouloir << livrer l’ Alsace aux cocos >> ; il défend énergiquement le choix et la personne de Malraux, << traité de renégat >> par les FTP comme il a lui-même pu s’ en rendre compte dans les maquis et s’ exclame : << Si, après la guerre, vous regrettez d’ avoir servi sous Malraux, je vous autorise à me fusiller.>> Entre temps, le commandant André Chamson, conservateur des musées nationaux, avait obtenu de général De Lattre de Tassigny, dont il avait été officier de liaison à l’ armée d’ Alsace en 1939-1940, une vingtaine de camions.

Le 17 septembre, Malraux et Jacquot se présente à Dijon au commandant en chef de la 1re armée française, tandis que les diverses unités de sud-ouest convergent vers l’ est dans une caravane hétéroclite comprenant les véhicules neuf ramenés par Chamson et des camions à gazogène, tractions récupérées des maquis, ambulances rafistolées, un armement et des équipements composites. Avec ses trois bataillons, la brigade Alsace – Lorraine, commandée par le colonel Berger-Malraux, le lieutenant-colonel Jacquot avec le chef d’ état-major Brandstetter est prête, avec le GMA-Suisse, pour la bataille d’ Alsace, dans la composition suivante :

-         Bataillon << Metz >> des maquis d’ Aquitaine : commandant Pleis avec les compagnies Iéna (capitaine Argence), Kléber (capitaine Linger), Ney (capitaine Bijon) et Rapp (capitaine Fischer)

-         Bataillon << Strasbourg >> des maquis de Dordogne : commandant Diener-Ancel avec les compagnies Verdun (capitaine Figuères), Valmy (capitaine Gandouin) et Bark (Bir-Hakeim-Ruffel-Kinder, ancienne centurie Bir-Hakeim augmentée de groupe Ruffel-Kinder, capitaine Gossot).

-         - Bataillon << Mulhouse >>, des maquis de Savoie et de Haute-Savoie, formé par Octave Landwerlin à Annecy et Chambéry : commandant Dpff avec les compagnies Vieil-Armand (capitaine Lehn), Donon (capitaine Schumacher) et Belfort (commandant Dufay).

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