Un résistant
oublié
Joseph Scheibel, enfant de Moosch, était le gendarme français décrit par le
colonel Rémy dans « Le passage de la ligne de démarcation ».
Joseph Scheibel a vu le jour à Moosch en
1911. Il a grandi dans le village, y a fréquenté l'école communale et y a
travaillé. En 1937 il s'est engagé dans le gendarmerie, recruté par le chef
Emile Gaessler, commandant la brigade de Thann, et a été versé à la brigade
de Hagenthal. Après la retraite de 1940 il a été affecté à la brigade de
Bletterans, dans le Jura. Profondément bouleversé par l'annexion de sa
province, le jeune gendarme a pu établir le contact avec la résistance
franc-comtoise, représentée par un fromager d'un village voisin, responsable
des atterrissages et parachutages. Joseph devait, dès janvier 43, diriger, sous
le nom de code « Orion », de nombreuses opérations d'atterrissage et de
parachutages dans les plaines entourant Bletterans. Parmi les personnalités qui
ont utilisé « Orion » pour s'envoler vers l'Angleterre, on notera Jean
Moulin, Vincent Auriol, le général Delestraint, les époux Aubrac. Il y eut en
tout 55 passages. En compagnie de son épouse Marthe, Joseph Scheibel cachait et
faisait acheminer également le courrier vers Londres et vers la Résistance. Il
a adhéré au réseau Buckmaster, au sein duquel il a été l'un des
coordonnateurs des premières missions des groupes de maquisards armés. Ceux-ci
avaient pour tâche de harceler l'ennemi par des sabotages et des embuscades. Il
travaillait en étroite collaboration avec les FFI du district commandés par un
jeune lieutenant du 151e RI de Lons-le-Saunier, Paul Simonin, qui devait
terminer sa carrière avec le grade de général. Après la guerre, Paul Simonin
a écrit deux livres, « Francs-Comtois dans la résistance » et « Enfants de
la patrie » qui relatent entre autres les actions de Joseph Scheibel.
Dans
la nuit du 27 au 28 avril 1944, suite à une trahison, la gendarmerie de
Bletterans a été prise d'assaut par l'armée allemande qui a arrêté son épouse
Marthe, l'adjudant Bodevin et le gendarme Lamanthe, Scheibel réussissant à s'échapper
en sautant par la fenêtre de la caserne. Torturés par la Gestapo qui ne
parvint pas à délier leurs langues, les trois résistants furent envoyés vers
le camp de la mort d'où seule Marthe revint au début de l'été 1945 pour la
grande joie de ses trois enfants. Après la capture de sa femme et de ses amis,
Scheibel est entré dans la clandestinité la plus absolue. C'est à ce moment
qu'il a retrouvé le chef Gaessler, devenu adjudant, qui avait rejoint le maquis
avec un de ses fils, Armand, après avoir commandé le peloton motorisé de la
gendarmerie de Lons-le-Saunier. La guerre terminée, Joseph Scheibel a retrouvé
la brigade de gendarmerie de Hagenthal, où, le 10 mai 1945, il a entendu à la
radio que son épouse libérée du camp de Ravensbrück se trouvait en Suède.
Le colonel Rémy, dans son ouvrage « Le passage de la ligne de démarcation
», a évoqué l'histoire de Joseph Scheibel sous le titre : « Un
gendarme français ». Joseph, adjudant-chef de gendarmerie à la retraite
est décédé à Illkirch-Graffenstaden en 1991, suivi de son épouse Marthe, en
1998.
SOURCES
Général Simonin, colonel Rémy, Armand Gaessler.
Joseph Scheibel dans la clandestinité.