« Pacification » en Indochine………..

 

Pour avoir refusé de travailler pour les envahisseurs allemands en 1940, alors que j’étais  employé civil dans une base aérienne  dans le centre de la France,   j’avais 17 ans…, j’ai dû passer , la nuit, la ligne de démarcation, pour signer un engagement en zone libre, à la base aérienne de Châteauroux.

Le 6 Novembre 1941, j’étais embrigadé pour la durée de la guerre.

Mon instruction militaire me mena dans divers centres, Issoudun, Sainte Livrade et Toulouse, où mes talents de musicien me propulsèrent dans la musique de l’air qui était stationnée à Toulouse.

Assistés et encouragés par le gouvernement de Vichy, les allemands envahirent complètement la France fin 1943 et libérèrent les troupes Françaises , en conservant cependant les troupes de l’armée de l’air, destinées à protéger les convois allemands ainsi que les bases aériennes (DCA) désormais utilisées par l’occupant, sous le statut de S.A.P. (Sécurité Aérienne Publique)

Les membres de l’armée de l’air , dont  j’étais, devenaient porteurs d’une carte spéciale bleue, portant outre la francisque du Maréchal, la croix gammée du 3ème Reich..

Le 1er avril 1944, je décidai de déserter cette armée de collaborateurs, pour rejoindre les forces françaises libres ou, éventuellement, les forces françaises de l’Intérieur.

C’est ainsi que, après avoir été recherché par la Gestapo, la LVF de Pétain et les polices et gendarmeries Françaises, je me retrouvai le mois suivant dans la forêt de l’Etoile, entre Troyes et Chaumont, dans un commando FFI .

Après la libération de quelques villages et de la ville de Chaumont, je continuai avec la 1ère Division Française Libre, à la poursuite des allemands, dans les Vosges, l’Alsace, la poche de Royan et pour finir, la poche du col de l’Authion, sur le hauts de Nice..

L’armistice survint seulement quelques jours après notre dernière intervention de ratissage du col de l’Authion…c’était le 8 Mai 1945…

Si la plupart des combattants rescapés envisageaient de rentrer chez eux, mon contrat signé en 1941, me liait avec l’armée, pour les territoires d’opération extérieurs …l’Indochine..

Après quelques mois de repos, je fus muté, du 1er Régiment d’Artillerie Coloniale au

1er Régiment de Marche du Tchad. Je passais de la 1ère DFL de De Lattre à

la 2ème DB de Leclerc.

Plusieurs mois furent consacrés à la formation de Commando et, en novembre 1946, je m’embarquai sur le Pasteur, à destination de Saïgon..

Arrivé un bon mois plus tard au Cap St Jacques, nous remontions, mes camarades et moi,

la rivière de Saïgon pour être débarqués et  acheminés vers le camp Pétrusky, sur la route de Cholon.

Immédiatement, j’ai vu partir mes camarades de « croisière », vers le Tonkin pour certains, pour l’Annam, le Cambodge, la Cochinchine ou le Laos pour d’autres  et, restai absolument seul, en pensant qu’on m’avait oublié…

Le lendemain matin, aux aurores, j’étais demandé et je découvrai que ma qualité de musicien, me destinait cette fois a être membre de l’orchestre du Théâtre aux armées, qui se trouvait 32, rue Taberd, au centre de Saîgon.

J’ai passé une année dans cette ambiance musicale, en jouant dans l’orchestre du Théâtre Militaire, mais aussi à Radio Saïgon et, dans des orchestres civils où les grenades du Vietminh fusaient parfois dans les établissements qui avaient omis de verser leur contribution de soutien au Vietminh..

Fin 1947, la situation devenant préoccupante, le manque de renforts se faisant sentir, il fut décidé de supprimer certains services dont le Théâtre aux Armées.. les artistes que nous étions furent invités a se transformer en combattants et, le hasard me destina au 2ème Bataillon de Marche d’Extrême Orient (2ème BMEO) basé à Soctrang, dans le Delta du Mékong.

Cette région, n’était pas plus tranquille qu’une autre, vu que les armées Vietminh s’entraînaient au Siam et avaient leur pied à terre dans la pointe de Ca Mau, c’est à dire tout près de Cantho/Soctrang.

J’ai de la peine a oublier mon transfert de Cantho à Soctrang….Ce transfert s’opéra sur une vedette de ma Marine, par les arroyos…60 Kilomètres en 2 jours 2 nuits….planqués le jour, sous la futaie et, en avançant dès la nuit, au stricte ralenti du moteur, sur un arroyo où les rives n’étaient pas plus éloignées d’un mètre du bord de la vedette. Vedette blindée mais ouverte sur le dessus, c’est à dire propice a recevoir des grenades….A bord était l’équipage de six Fusilliers /Marins, quelques femmes et leurs enfants et moi-même.. Ces heures interminables de navigation, le doigt sur la gâchette, a écouter les bruits, a regarder les lucioles danser dans la végétation bordant l’arroyo, sans parler… arrêt dans un endroit très caché, sans bouger…et départ à la tombée de la nuit, pour la dernière phase du voyage qui nous amène sur un bras du Mékong, à Soctrang  où, un véhiculedu 2ème BMEO, accompagné d’une automitrailleuse est là qui m’attend….

J’arrive enfin au camp, protégé seulement par une haie de bambous éffilés, où je trouve une quinzaine de Français et environ 300 partisans Annamites et Cambodgiens…

Je suis destiné a occuper, comme les autres, plusieurs postes, celui de l’administration et celui de la liaison Cantho/Soctrang, deux fois par semaine . En tant qu’officier munitionnaire, je constate que l’armement est maigre et disparate , des fusils français lebel, des fusils anglais, des Mauser allemands, des mitraillettes Sten non appropriées pour notre action et, un manque de munition flagrant…malgré les nombreuses demandes  restées sans réponses….j’ai moi-même porté un Colt Américain, sans avoir aucune balle a mettre dedans….Un de mes collègues, pris dans une embuscade ; a été retrouvé tué par les Vietminhs, avec son Colt enrayé…les quelques balles qu’il avait dataient de la guerre en Europe…..

J’étais à peine arrivé que trois jours plus tard, une embuscade Viet nous liquida trois Français ainsi q’une trentaine de partisans…Malgré mon endurcissement depuis la Résistance en France, j’ai quand même accusé un choc lorsque j’ai vu  mes camarades se partager les quelques affaires personnelles de nos amis morts…en prétendant que c’était la tradition au BMEO. Toutefois, une bricole serait conservée pour être envoyée à la famille du défunt.

Devant cette situation qui ne présentait rien de bon pour les pauvres diables que nous étions , perdus dans cette Cochinchine du Sud, il nous vint à d’idée de  revêtir  la tenue Vietminh, chemisette et short noirs, ce qui allait nous favoriser pour tendre à notre tour des embuscades nocturnes. Embuscades qui s’avérèrent profitables, ne serait-ce que pour la récupération d’armement moderne (made in USA) qui nous manquait cruellement.

Le fait d’avoir accepté d’effectuer la liaison Soctrang/Cantho/Soctrang, deux fois par semaine, m’amena a poser mes conditions, quant à la fréquence des horaires et des jours. La régularité de ces opérations devenait, bien sûr, dangereuse aussi, je ne partais jamais avec la même escorte, quelquefois avec une jeep et 3 partisans, quelquefois avec un GMC et 30 partisans, mais toujours avec l’automitrailleuse 800 mètres devant pour l’ouverture de la piste.

Je me souviens d’un sauvetage que nous avons fait ,  sauvant d’une mort certaine, deux gendarmes et deux légionnaires  stationnés à Cantho , qui avaient été attaqués par une bande  Vietminh, à une dizaine kilomètre de Cantho. Notre AM surgit au moment où deux ou trois cent Viet fonçaient dans la rizière et avaient déjà transpercé la jeep des gendarmes. Le canon rapide et notre intervention subite incitèrent les Viets a déguerpir vers les palmeraies et, permirent de ramener les gendarmes et les légionnaires à leur poste.

A Soctrang, nous entretenions de bonnes relations avec les civils, le jour, car la nuit ils étaient sous le joug des Viets. Les paysans avaient beaucoup de mal a cultiver leur rizière, les vols de riz étaient fréquents….certains pouvaient acheter les enfants….il n’était pas rare de voir certaines paillotes avec 20 ou 25 enfants, qui devaient, la nuit venue, aller dans les rizières pour voler le plus riz possible,  pour payer, en riz, la contribution à la guerre des Viets…

J’avais personnellement un vieil ami, un Français marié à une Indochinoise, à Soctrang depuis les années 1920, qui me recevait le jour et qui me disait recevoir les Viets la nuit. J’ai toujours respecté ce vieil homme ,bien qu’ayant fondé sa famille en Cochinchine, était encore fier d’avoir été Français..

Comme par le passé, depuis la Résistance  et la guerre en Europe, la chance m’a souri, puisque je suis rentré sain et sauf de toute cette aventure qui a duré jusqu’à fin 1949..

Celui qui m’a remplacé, à Soctrang, a été tué, une vingtaine de jours après mon départ,

par les volontaires de la mort de Ho Chi Minh , qui ont surgi d’une rizière et éxécuté au Colt.

Plus tard, alors que j’étais Président du Lions’Club de ma ville, j’ai eu l’occasion de recevoir le Général Massu, qui était Colonel dirigeant les opérations dans la plaine des Joncs, pas très loin de Soctrang , pendant la même période ……

 

J’ai passé une grande partie de ma jeunesse mais, je n’ai pas l’impression de m’être sacrifié…j’ai tellement  vu et appris de choses….

  Henri Darré

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