Les oubliés de la Gloire 14-18

 

Article paru dans L’ILLUSTRATION du 12 novembre 1938

Comment finit la guerre en Orient, voilà 20 ans

Ou les retardataires de la gloire par le Colonel GRASSET

 

Tout le monde chez nous connaît les vainqueurs de la Marne, de Verdun, de Champagne, d’Artois, de la Meuse… Le 11 novembre 1918, ils ont défilé, avec JOFFRE et FOCH, sous l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

Mais ceux de Dobropolié, du Sokol, du Kravitza, les vainqueurs d’Orient, qui les connaient ?... Les noms des combats qu’ils ont livrés sonnent étrangement à nos oreilles d’Occidentaux ; ils sont difficiles à prononcer et, donc, à retenir… Ces hommes se sont battus dans des régions inhospitalières, loin de leur pays, loin de leur famille…

Les Allemands eux, ont bien été forcés de reconnaître l’importance des hauts faits de ces héros… Le 3 octobre 1918, le Maréchal HINDENBURG écrivait ceci à son gouvernement : par suite de l’écroulement du front de Macédoine, de l’affaiblissement, qui en est  résulté, de nos réserves sur le front occidental et de l’impossibilité de compenser les pertes considérables que nous avons faites dans les combats de ces jours derniers, il n’y a plus d’espoir, autant qu’on peut humainement en juger, d’imposer la paix à l’ennemi…

 Donc, pour le comandant en chef de l’armée allemande vaincue, la défaite est venue de Macédoine… N’y a-t-il pas dans sa  déclaration une raison suffisante pour qu’en ce vingtième anniversaire de l’armistice les événements d’Orient cessent d’être ignorés du grand public ?

 

Le front d’Orient en juin 1918

 

Le général FRANCHET d’ESPEREY, nommé commandant en chef des armées alliées d’Orient, débarque à Salonique au milieu de juin 1918. Il trouve, terrées dans des tranchées, sur un front de 350 kilomètres, depuis le golfe d’Orfano jusqu’aux montagnes d’Alnanie, 28 divisions, dont 8 françaises, 4 britanniques, 6 serbes, 9 hélléniques et 1 italiennes. C’est un effectif de plus de 500.000 rationnaires dont environ 350.000 combattants.

Ces masses, réparties entre cinq groupements bigarrés, sont déployées devant la chaîne des Balkans. De l’ouest à l’est, ce sont : l’armée française d’Orient, du général HENRYS, avec laquelle combat la division italienne ; les deux armées serbes, commandées par le prince régent Alexandre de Serbie ; le groupement franco-héllénique, du général d’ANSELME ; l’armée anglo-héllénique du général MILNE, l’armée héllénique, du général d’ANGLIS. Devant tenant les montagnes, il y a toute l’armée Bulgare : environ 400.000 combattants, appuyée par des éléments allemands. Le général von SCHOLTZ , dont le quartier général est à Uskub, commande ces forces , réparties entre trois armées : les Ière et IIème armées bulgares et la XIème armée allemande, du général von STEUBEN.

En Albanie, une armée italienne est opposée à une armée autrichienne, mais cette armée n’est pas sous le commandement du général FRANCHET d’ESPEREY.

Théâtre d’opérations des plus difficiles, montagneux, sans ressources et, par endroits, sans routes. La barrière gigantesque des Balkans offre quelques facilités de passage à l’ouest, dans la région de Monastir, et à l’est, dans celle du Vardar et du lac Doiran, mais au centre la région de la Moglena est à peu près impraticable avec ses chaos de rochers, ses précipices et ses pics de plus de 2000 mètres ; le Dobropolié, le Sokol, le Vetrenik, le Kravitza, le Koniak… Donc, respectant cette zone inhospitalière, où toute avance nécessiterait des efforts surhumains, on s’est toujours battu à l’ouest, devant Monastir et dans la boucle du Cerna ; à l’est, sur le Vardar et près du lac Doiran. Mais maintenant, en ces points aussi, toute avance est impossible, car les deux adversaires y ont multiplié tranchées et réseaux de fils de fer ; C’est une véritable guerre de siège qu’il faudrait y mener…

Et rien n’avance, faute de moyens suffisants. Rien n’avance, non  plus, parce que les gouvernements alliés ne sont pas convaincus de la possibilité d’obtenir un résultat militaire en Orient.

Paris est chiche de renforts, car ceux-ci affaiblissent d’autant nos réserves, indispensables sur le front de France, vital pour nous… Rome ne voit pas bien l’intérêt qu’a l’Italie à une victoire alliée en Macédoine… Londres est dans les<mêmes sentiments et regrette que pour renforcer le théâtre secondaire de Salonique on affaiblisse les fronts importants d’Egypte et de Mésopotamie.

Bref, on regrette les hommes, les canons, les approvisionnements envoyés en Orient et on mesure les renforts au compte-gouttes. Un parti, influent en Angleterre, incline même au rappel pur et simple des forces britanniques, qui viennent d’ailleurs d’être affaiblies de 12 bataillons.

De toutes ces circonstances défavorables, le général FRANCHET d’ESPEREY ne s’émeut pas. Doué d’un moral indéfectible et d’un dynamisme merveilleux, il ne doute de rien. Il est venu ici avec la volonté de frapper un coup décisif, et² ce coup, il le frappera.

Le moral est très élevé dans toutes les armées, une magnifique émulation existe entre nos alliés balkaniques. Parce que les Hellènes viennent de remporter la belle victoire du Skra di Legen, les Serbes veulent leur victoire, eux aussi, et²proposent d’attaquer dans le secteur des hautes montagnes de la Moglena !…

 

Un plan d’une audace incroyable

 

L’affaire a séduit tout de suite le tempérament ardent et audacieux du général FRANCHET d’ESPEREY, et son plan est vite conçu.

Du premier coup d’œil jeté sur la carte, il a discerné le cœur de l’organisation ennemie, où il faut frapper : c’est Gradsko, où se joignent les vallées du Vardar et de la Cerna, point de liaison entre la XIème armée bulgaro-allemande et la Ière armée bulgare. Là, bien à l’abri derrière le formidable massif , considéré comme inviolable, de la Mogléna, la voie ferrée dépose avec d’énormes stocks de vivres et de munitions, les renforts qui sont répartis entre tous les secteurs de combat. Arriver d’un élan à Gradsko, c’est donc à la fois anémier et affamer les premières lignes ennemies ; séparer la Ière armée bulgare de la XIème armée allemande et rejeter celle-ci vers l’ouest, la coupant de la Bulgarie d’où lui viennent  ses ressources, l’acculant aux montagnes d’Albanie, où elle sera réduite à capituler.

Par où passer ? Certes pas par la vallée du Cerna, où tant des nôtres sont déjà tombés !... Bien plutôt à travers le désert rocailleux et les pics abruptes de la Moglena : le Sokol, le Dobropolié, le Koziac et autres géants… Pour escalader ces murailles, les sections d’avant-garde seront munies d’échelles ; on délogera l’ennemi des nids d’aigle où il a installé ses mitrailleuses, où il se croit inabordable et où, par conséquent, il se garde mal… Des français passeront où jamais armée ne passa au cours des siècles.

Les Serbes tiennent ce secteur depuis plus d’un an ils sollicitent  l’autorisation de monter à l’assaut de ces montagnes qui les séparent de leur patrie… des pauvres foyers où les attendent, dans la misère et dans l’angoisse, leur femmes et leurs enfants. Pressentis des intentions du général en chef, ils se montrent enthousiastes.

Seulement deux divisions françaises : la 17ème division coloniale, du général PRUNEAU, et la 122ème du général TOPART, renforceront les 6 divisions serbes, et ce sont elles qui, mieux instruites pour ce genre d’affaires, donneront l’assaut, bousculeront les premières lignes adverses encastrées dans le roc, sur la cimes des montagnes, et ouvriront la voie à leurs camarades serbes. Ceux-ci, montagnards intrépides, d’une endurance incomparable, passeront par la brèche et , à travers pics et précipices, poursuivront l’ennemi ébranlé jusqu’à Gradsko, jusqu’au Danube, à travers la Serbie désormais délivrée…

-        Les divisions françaises seront-elles sous les ordres du commandement serbe ?  a demandé le voïvode MICHITCH, chef d’état-major général de l’armée serbe.

-        - Oui a répondu, sans hésiter, le général FRANCHET d’ESPEREY.

Et alors, le prince régent Alexandre nature ardente, s’est levé, comme mû par un ressort, et lui a serré vigoureusement la main.

L’accord est fait et le plan général de l’opération peut être arrêté.

Il va comprendre :

1° L’attaque principale franco-serbe sur le redoutable massif de la Moglena, en direction de Gradsko, pour séparer  la XIème armée allemande et la Ière armée bulgare ;

2° Une attaque anglo-hellénique sur le front Vardar-Doiran ;

3° Une attaque française de Monastir sur Prilep, Vélès et Uskub, pour rejeter vers l’Albanie la la XIème armée allemande isolée

4° Après quoi, poursuite acharnée de l’ennemi disloqué : vers Serrès, vers Sofia, vers le Danube, puis à travers la Hongrie et l’Autriche, jusqu’en Allemagne... jusqu’à la victoire complète.

 

Les préparatifs et la bataille pour le plan

 

Mais un plan n’est pas tout, même assuré de l’enthousiasme des exécutants ; il faut en préparer matériellement l’exécution ; il faut aussi obtenir du gouvernement l’autorisation d’attaquer.

La préparation matérielle consiste : à construire des routes d’accès tout le long du front, pour que l’ennemi se croie toujours menacé vers Monastir et sur le Vardar ; à amener des centaines de batteries avec les munitions nécessaires à pied d’œuvre ; à hisser des pièces pesant plusieurs tonnes, avec leur chargement d’obus, à des hauteurs invraisemblables ; sur le Floka, par exemple, à 2300 mètres d’altitude ; à dresser des cartes – car aucune bonne carte n’existe

- de ces régions montagneuses… sans parler du formidable travail d’état-major et des reconnaissances nécessaires…

Tout cela demandera sans doute deux mois d’énergiques efforts et l’emploi de 180.000 hommes. Le travail commencera donc dès le Ier juillet, avant toute autorisation du gouvernement, car il ne faut pas perdre de vue que la guerre n’est pas possible après le 15 septembre en Macédoine où les pluies changent les routes en torrents et la plaine une mer de boue.

Obtenir du gouvernement l’autorisation d’attaquer sera encore plus difficile que de mener à bien l’œuvre gigantesque de la préparation. Car ni à Londres ni à Rome ni à paris on ne se rend un compte exact des nécessités de l’heure en orient. On tergiverse, bien que le général GUILLAUMAT, l’ancien commandant en chef des armées d’Orient, qui est devenu gouverneur de Paris et à qui le général FRANCHET d’ESPEREY a communiqué son plan d’attaque, soit devenu le conseiller de M. CLEMENCEAU pour ces questions et s’efforce de faire comprendre  à tous la nécessité d’une action vigoureuse et immédiate.

Donc, le 5 septembre, dix jours avant l’heure où toute opération sera impossible en Macédoine, alors que les travaux sont à peu  près terminés, les gouvernements n’ont encore pris aucune décision. Il n’est pas possible d’attendre plus longtemps sans renoncer à l’offensive préparée. Le commandant en chef  adresse au président du Conseil un télégramme très net qui met le gouvernement en présence de ses responsabilités. Il le termine en déclarant qu’à moins d’un ordre contraire l’attaque sera déclenchée le 15 septembre au matin.

Le 7 septembre , le général GUILLAUMAT part pour Londres, d’où il ira à Rome expliquer à nos alliés la nécessité d’une action rapide et décisive en Orient. Tâche ardue… Ce ne sera que le 10 septembre que, l’accord enfin réalisé, le général FRANCHET d’ESPEREY recevra l’autorisation de commencer les opérations.

La rupture du front germano-bulgare

 

Donc, le 14 septembre, à 8 heures du matin, depuis le lac Doiran jusqu’à Monastir, sur près de 300 kilomètres, 1500 canons de tous calibres lancent des tonnes d’explosifs sur les tranchées germano-bulgares, laissant l’ennemi dans le doute absolu sur le point de l’immense front où allait être frappé le coup de massue. Cette avalanche de fer durera vingt-deux heures !...

Et le 15 septembre, jour J, à 5 h. 30 du matin, dans le petit jour gris et brumeux, la IIe armée franco-serbe du voïvode STEPANOVITCH s’élançait à l’assaut des montagnes de la Moglena.

En première ligne, la 122e division française du général TOPART, et la 17e division coloniale du général PRUNEAU, escaladaient les géants de la chaîne : <le Sokol haut de 1825 mètres ; le Dobropolié, haut de 1875 mètres ; les rochers du Kravitza, à 1750 mètres. Le 148e, le 84e régiment d’infanterie, les 1er, 3e et 54e régiments coloniaux et les 93e et 96e bataillons de tirailleurs sénégalais, avec un élan irrésistible, bondissent à travers les précipices, les à-pics ou les bois fauchés par les obus et, au moyen d’échelles, escaladent les nids d’aigle où les Bulgares hébétés par le bombardement, ne peuvent que vendre leur vie le plus chèrement possible ; A 8 heures, le plateau de Kravitza est enlevé ; à 16 heures, c’est le Dobropolié ; puis le Sokol, formidablement organisé, ne tombera qu’à 22 heures, à la nuit noire. A midi, la division serbe Choumadia qui couvrait la droite des divisions françaises a enlevé le Vetrenik, massif escarpé de 1740 mètres.

L’impossible était réalisé ; la trouée était faite. Les divisions de deuxième ligne de la IIe armée serbe :< les divisions « Timok » et « Yougo-Slave », dépassent les divisions françaises d’assaut et se précipitent en avant.

Pour ceux qui ont vécu ces heures, ce fut là le moment le plus émouvant de toute la campagne ; les serbes, religieusement, saluaient nos morts et nos blessés et, au passage saisissaient les mains de nos soldats ou se jetaient avec effusion au cou de ces camarades étrangers qui venaient au prix de leur sang, d’abattre l’obstacle formidable qui leur avait interdit pendant si longtemps l’accès à leur patrie…

Puis, hardiment, ces souples et robustes montagnards, poussant devant eux les Bulgares démoralisés, se hâtent vers le Koziak et le Kouchta Kamene, autres géants de 1800 mètres, qui forment les piliers nord du massif de la Moglena et où l’adversaire semble vouloir se ressaisir. Il fallut deux jours pour chasser de là les Bulgaro-Allemands, qui y avaient envoyé en toute hâte des renforts. Le 17, les Serbes en été maîtres.

A la droite des armées serbes, le groupement franco-hellénique du général d’ANSELME a élargi la brêche, en enlevant les tranchées qui étaient devant lui. A leur gauche, la 11e division du général FARRET, et la 3e division Hellénique Tricoupis ont percé vers la Cerna et menacent Prilep.

Ainsi, le 17 septembre, le front ennemi est disloqué dans toute cette région de la Moglena considérée jusqu’ici comme inviolable. 4.000 prisonniers, une centaine de canons de tous calibres et un matériel immense sont la proie des vainqueurs, mais surtout l’obstacle de la montagne infranchissable est surmonté et,  devant les vallées plus largement ouvertes, les perspectives de victoires deviennent illimitées.

 

Nos cavaliers à USKUB – Capitulation de la XIe armée et armistice Bulgare

 

Le général FRANCHET d’ESPEREY n’était pas homme à les laisser échapper. Le 21 septembre, la division serbe « Yougo-Slave » est à Negotin, à 50 kilomètres du Dobropolié, et, le 23, à Gradsko, dont elle s’empare avec l’aide de la 17e division coloniale française. Il y a là d’immenses approvisionnements entreposés à la gare : canons, fourgons, trains, magasins regorgeant de vivres, de charbon et de munitions, mitrailleuses, avions… Du même coup, la XIe armée bulgaro-allemande, que le haut commandement adverse avait cru pouvoir maintenir devant Monastir, est coupée de la 1ère armée bulgare, attardée elle aussi, dans la région de Doiran, devant l’armée anglo-hellénique.  

De sorte que la XIe armée bulgaro-allemande est réduite à se retirer par l’étroit défilé de Kicevo à  Kalkandélen, d’où elle compte essayer de gagner la Bulgarie par Uskub, si on lui en laisse le temps. Et la Ière armée bulgare, coupée du Vadar par le groupe d’ANSELME, qui a enlevé d’assaut le massif abrupt de la Dzena, doit se replier au plus vite vers Sofia par le défilé de Stroumitza.

De l’est à l’ouest, la débâcle germano-bulgare est complète et générale ; le 25 septembre, nos avions signalent de longues colonnes ennemies se hâtant, en grand désordre, de remonter par la route de Kicevo à Kalkandélen et à Uskub.

Tout de suite, tandis que l’armée française du général HENRYS poursuit cette armée désemparée à travers le massif de Babouna, sa cavalerie, conduite par le général JOUINOT GAMBETTA, et comprenant les 1er et 4ème régiments de chasseurs d’Afrique  et le régiment de marche de spahis marocains, marche droit sur Uskub, par les montagnes du Golesnitsa Pkanina, chaos de rochers et de précipices, où quelque cheval roule à chaque instant.

Le 29 septembre, après cinq jours de périlleux et épuisants efforts, nos cavaliers, refoulant l’ennemi, débouchent devant Uskub. Sans artillerie,, avec l’appui de quelques mitrailleuses, ils donnent l’assaut, carabine au poing, et enlève la ville aux germano-bulgares stupéfaits. L’infanterie du général TRANIE accourt et la porte du défilé de Kalkadélen se ferme. Le sort de la XIe armée germano-bulgare, talonnée par l’armée du général HENRYS, entassée dans des gorges sans issues, est réglé. 90.000 hommes, dont 1600 officiers et 5 généraux, capitulent, livrant aux vainqueurs 800 canons, des milliers de mitrailleuses et tout leur matériel ; les cavaliers de MURAT n’avaient pas mieux fait après Iéna.

Le jour même, à Salonique, le gouvernement bulgare signait un armistice entre les mains du général FRANCHET d’ESPEREY ; Toute l’armée bulgare devait être désarmée ; le territoire et les ressources bulgare devaient être mis à la disposition des français.

 

Libération de la Serbie – Armistice turc et armistice autrichien

 

La Bulgarie abattue, le général FRANCHET d’ESPEREY  va immédiatement s’attacher :

1° A libérer la Serbie ;

2° A ouvrir les détroits des dardanelles et du Bosphore, pour rétablir les communications avec la Russie ;

3° A prendre l’Autriche à revers ;

4° A libérer la Roumanie ;

1° La libération de la serbie, c’est l’armée serbe et l’armée française d’Orient, du général HENRYS, qui la réalisent. Après de sérieux combats, livrés à 5 divisions austro-allemandes, Nich, Mitrovitsa et Prichtina sont enlevés et le 1er novembre l’armée serbe BOÏOVITCH faisait une entrée triomphale à Belgrade.

2° Pour opérer contre la Turquie, le général FRANCHET d’ESPEREY a donné au général MILNE 3 divisions britaniques, la 122e division française, 3 divisions helléniques et 1 brigade italienne. La seule arrivée de ces forces sur la Maritsa détermine la Turquie, le 30 octobre, à signer entre les mains de l’amiral anglais CALTHORPE un armistice qui la détache de l’Allemagne et ouvre les détroits aux Alliés.

3° Pendant ce temps, l’Autriche était gravement menacée.

D’une part, l’armée serbe STEPANOVITCH avait atteint la frontière de la Bosnie-Herzégovine, et cette province se hâtait de proclamer son détachement de l’empire des Halsbourg ;

D’autre part, nos troupes libéraient le Monténégro et occupaient Seutari, Cattaro et Raguse.

Enfin l’armée française d’Orient du général HENRYS poussait jusqu’au Danube, que la 76e division et la 17e division coloniale française atteignaient à Vidin, à Lom Palanka et à Semendria et dont elles interdisaient la navigation.

Prise à revers par sa frontière méridionale et battue en Italie, l’Autriche envoie des plénipotentiaires eu général Diaz, signe un armistice le ‘ novembre et dépose les armes.

4° Tous les alliés de l’Allemagne étaient hors de cause. Les armées allemandes KOCH et von SCHOLTZ, cette dernière reconstituée et renforcée, restaient tenant le Danube depuis Belgrade jusqu’à la mer et maintenant la Roumanie sous le joug. Le maréchal von MACKENSEN les commandait.

Une nouvelle armée forte de 3 divisions, va être reconstituée dans la zone  Sistovo-Rouchtchouk, destinée à opérer en Roumanie, sous le commandement BERTRHELOT ; mais, en attendant que cette armée soit en mesure d’agir, le général FRANCHET d’ESPEREY se met en devoir de pousser les 30e et 76e divisions au nord du danube pour prendre Mackensen à revers et l’enfermer en roumanie ; le passage du fleuve est forcé à Giurgeva, à Sistovo et à Nikopoli le 9 novembre.

Ainsi menacé d’enveloppement, MACKENSEN se hâte de donner l’ordre de la retraite et les colonnes allemandes refluent à travers le territoire hongrois.

 

EPILOGUE

 

C’est la débâcle, HINDENBURG et LUDENDORFF, qui suivent  ces événements avec angoisse tandis que FOCH multiplie ses coups sur le front de France et qu’en Allemagne, où l’on est las de souffrir et d’avoir faim, la révolte gronde… se résignent au sacrifice suprême.

«  Par suite de l’écroulement du front de Macédoine… » L’armistice est signé à Rothondes, le 11 novembre 1918.

Aux termes de l’armistice, l’armée du maréchal MACKENSEN aurait dû être internée en hongrie, mais les engagements pris furent violés et ces troupes purent filtrer vers l’Allemagne, à marche forcée, ayant abandonné presque tout leur matériel.

Tels sont les faits. Ne disent-ils pas assez que les vainqueurs d’Orient, pour avoir été longtemps ignorés du grand public, n’en ont pas moins droit à la reconnaissance du pays ?

Le général FRANCHET d’ESPEREY, leur chef, le leur affirmait dans sa proclamation du 12 octobre et aucune autre conclusion ne saurait, mieux que ces phrases lapidaires du grand soldat, terminer le récit sommaire de leur magnifique épopée : «  Votre héroïsme vous égale à ceux du front de France. Entre ceux d’ici et ceux de là-bas, la victoire ne distingue pas et vous avez prouvé que vous étiez dignes de partager leur gloire ! »

 

Colonel A. GRASSET

L’ILLUSTRATION

12 novembre 1938

Transcription François GERARD

françois.gerard@noos.fr

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