Panorama des troupes coloniales françaises
dans les deux guerres mondiales
Résumés
Alors que sont attendus en 2014 les célébrations du centième anniversaire de la
Grande Guerre ainsi que du soixante-dixième anniversaire de la Libération de la
France, cet article réunit des éléments de documentation, une bibliographie et
une filmographie sommaires sur le thème des tirailleurs, travailleurs indigènes
et soldats des outre-mer au travers des deux guerres mondiales. Il explore les
différents procédés qui ont permis de valoriser le patrimoine de tradition des
troupes indigènes : tenues et insignes spécifiques, monuments du souvenir,
organisation de cérémonies militaires, valorisation des collections conservées
dans les musées ou les salles d’honneur du ministère de la Défense. Depuis les
années 1960, l’armée française s’efforce ainsi de préserver la mémoire des
soldats et « morts pour la France » recrutés dans les colonies de l’empire. Par
sa transmission aux jeunes générations de combattants, ce patrimoine matériel et
immatériel est un élément de la culture d’arme qui contribue à la capacité
opérationnelle des forces.
Plan
La Première Guerre mondiale
Les militaires indigènes de l’armée d’Afrique
Les Indochinois
Les soldats des « Vieilles colonies », du Pacifique et des Indes
Les Malgaches et Comoriens
Les Sénégalais
Les tirailleurs somalis
La Seconde Guerre mondiale
Les militaires indigènes de l’armée d’Afrique
Les Indochinois en France
Les soldats des « Vieilles colonies », du Pacifique et des Indes
Les Malgaches
Les Sénégalais
Les tirailleurs somalis
La Première Guerre mondiale
Les militaires indigènes de l’armée d’Afrique
À la veille de la Grande Guerre, tirailleurs, spahis et goumiers indigènes
côtoient les unités composées de métropolitains de l’armée d’Afrique, légion
étrangère, zouaves, chasseurs d’Afrique et infanterie légère d’Afrique. Le
défilé du 14 juillet qui se déroule traditionnellement à Longchamp, voit en 1913
s’affirmer le rôle des troupes issues de l’Empire. Les unités de tirailleurs
algériens récemment créées notamment reçoivent leurs drapeaux.
À la déclaration de guerre, les troupes stationnées en Afrique du Nord sont
engagées dans les opérations au Maroc tout en poursuivant leur mission de
maintien de la souveraineté française en Algérie. Des régiments de marche sont
mis sur pied pour répondre à l’ordre de mobilisation. Trois divisions
d’infanterie, la 3e brigade du Maroc et la brigade des chasseurs indigènes sont
envoyées sur le front dès les mois d’août et septembre 1914 : 25 000 tirailleurs
algériens sont ainsi acheminés vers les frontières du nord-est. La plupart sont
des engagés. Ce sont les premiers des 170 000 indigènes – 33 000 déjà sous les
drapeaux, 80 000 appelés et 57 000 engagés volontaires – que l’Algérie fournira
au cours de la Grande Guerre. En effet, la « guerre totale » oblige rapidement à
recourir à la conscription (déjà introduite en Algérie en 1913) puis fréquemment
au recrutement forcé qui entraîne, en Algérie notamment, de nombreuses révoltes.
La Tunisie et le Maroc fournissent également leur contingent de combattants : 62
400 Tunisiens et près de 37 000 Marocains combattent sur tous les fronts de
France et sur le front d’Orient.
Les cinq bataillons de chasseurs indigènes regroupés dans la brigade marocaine
sont jetés dans la bataille de la Marne à peine débarqués. Les rescapés de la
brigade forment le 1er régiment de marche de tirailleurs marocains. Les
nécessités de la guerre amènent à la constitution de nouvelles unités de l’armée
d’Afrique : sept régiments de marche sont ainsi créés en 1918 et deux régiments
mixtes de zouaves et de tirailleurs.
L’armée d’Afrique fournit également, à partir de 1915, une bonne part des
troupes envoyées contre les Turcs aux Dardanelles, puis combattre, au sein de
l’armée d’Orient, les Allemands, les Autrichiens et les Bulgares. En 1918, la
1re brigade de tirailleurs marocains, renforcée de deux escadrons de spahis,
attaque de flanc l’armée de von Kluck. Uskub est prise par la brigade
Jouinot-Gambetta composée du 1er régiment de spahis marocains et des 1er et 4e
régiments de chasseurs d’Afrique. Le maréchal von Mackensen, commandant en chef
du front sud-oriental, est fait prisonnier et la Bulgarie demande l’armistice.
Intégré à l’armée du général Allenby en 1917, le détachement français de
Palestine-Syrie, qui compte des tirailleurs, des chasseurs d’Afrique et des
spahis, participe à la prise de Damas avant de rejoindre le Liban.
140 000 Maghrébins participent également à l’effort de guerre dans l’industrie
ou l’agriculture. À la fin de la guerre, les unités de tirailleurs maghrébins
figurent parmi les plus décorées de l’armée française. Leurs pertes s’élèvent à
25 000 tués pour les Algériens, 9 800 pour les Tunisiens et 12 000 pour les
Marocains, sans oublier des dizaines de milliers de grands blessés et
d’invalides.
Les Indochinois
À la mobilisation, les unités stationnées en Indochine regroupent le 11e
régiment d’infanterie coloniale (RIC), constitué d’Européens dont les 4
bataillons stationnent en Cochinchine ; les 9e et 10e RIC, européens également,
avec 6 bataillons au total implantés au Tonkin ; 1 régiment de tirailleurs
annamites à 4 bataillons et 4 régiments de tirailleurs tonkinois (RTT) à 3
bataillons ; le 4e régiment d’artillerie coloniale (RAC) à 7 batteries au Tonkin
et le 5e RAC à 12 batteries en Cochinchine, sans oublier deux compagnies
indigènes du génie et des unités supplétives ou de police. Tous ces régiments
restent en Indochine pendant le Grande Guerre et n’interviennent pas en
métropole. Ils fournissent de nombreux cadres, gradés et tirailleurs qui
rejoignent la métropole ou le front d’Orient pour participer aux opérations.
Dès 1912, l’emploi des Indochinois lors d’une guerre en Europe est envisagé et
le général Pennequin estime même pouvoir mobiliser jusqu’à 20 000 hommes.
Chiffre jugé exagéré sur le moment mais qui se révèle bien inférieur à la
réalité puisque près de 100 000 Indochinois sont dirigés vers la France durant
la Grande Guerre, en majorité employés à des travaux sur le front ou à
l’arrière, dans les usines et jusque dans les jardins du château de Versailles
transformés en maraîchers.
Un premier contingent d’Indochinois recrutés comme infirmiers ayant donné
satisfaction, les troupes coloniales s’emploient ensuite à recruter massivement
des tirailleurs intégrés dans des bataillons d’étapes, chargés de travailler au
soutien des opérations à proximité immédiate du front : construction et
entretien des routes et des voies ferrées, acheminement du ravitaillement,
aménagement des cantonnements. De 1916 à 1918, 43 430 tirailleurs indochinois
sont ainsi acheminés sur les arrières du front français et du front d’Orient :
24 212 au sein de 15 bataillons d’étapes, 9 019 Indochinois comme infirmiers
coloniaux, près de 5 000 comme conducteurs et un grand nombre comme ouvriers
d’administration.
4 800 tirailleurs sont également affectés au front, au sein de 4 bataillons
combattants, les 7e et 21e bataillons de tirailleurs indochinois en France ; les
1er et 2e BTI en Orient. Formé à Sept Pagodes le 16 février 1916, entraîné
jusqu’en avril 1917 dans les camps du sud-est à Fréjus, le 7e BTI est affecté à
la 19e division et voit ses compagnies amalgamées aux différents régiments
d’infanterie dont il renforce les effectifs. Il participe aux combats du Chemin
des Dames, en mai 1917, et des Vosges, en juin 1918. Embarqué à Marseille, il
est dissous le 1er décembre 1919. Le 21e BTI est formé dans les camps de
Saint-Raphaël le 1er décembre 1916. Employé en avril 1917 à la garde des
terrains d’atterrissage et à la réfection des routes dans l’Aisne, il est
également chargé d’opérations d’assainissement du champ de bataille. De mai à
juillet 1917, il repousse différents coups de main dans les Vosges. Il est
dissous le 18 avril 1919. En Macédoine, le 1er BTI débarque à Salonique le 10
mai 1916, rejoint Monastir en août 1917, combat en octobre et repousse des
attaques autrichiennes en juillet 1918 et bulgares en août. Il quitte Salonique
le 30 janvier 1919. Formé avec des tirailleurs instruits en provenance du 3e RTT,
le 2e BTI est d’abord affecté au camp retranché de Salonique en mai 1916. Il
participe ensuite aux opérations, en août 1916 sur la Struma, puis de novembre
1916 à 1918 en Albanie, effectuant attaques, contre-attaques et coups de main
contre les armées albanaises, autrichiennes et bulgares. Parmi les combattants
indochinois, 1 123 hommes sont morts au combat.
Parallèlement aux tirailleurs indigènes, l’administration s’emploie également à
recruter en Indochine des travailleurs coloniaux : 4 631 en 1915, 26 098 en
1917, 11 719 en 1917, 5 806 en 1918 et 727 en 1919, soit un total de 48 981
travailleurs venus en complément des tirailleurs indochinois. Administrés par le
service des travailleurs coloniaux, ces hommes sont encadrés de façon militaire
et employés tout aussi bien comme ouvriers non spécialisés que comme
spécialistes, y compris dans les nouvelles technologies de l’époque, dans
l’industrie automobile ou aéronautique où leur « habileté » reconnue trouve à
s’employer avec efficacité.
À l’issue de la Grande Guerre, un petit nombre d’Indochinois choisit de rester
en France. Nul doute que lors de leur passage en France, un certain nombre de
tirailleurs et d’ouvriers indochinois ont trouvé dans la fréquentation des
Européens matière à réflexion sur leur statut de sujets coloniaux, renforçant
leur nationalisme séculaire et confortant leur souhait d’accéder à
l’émancipation et à l’indépendance.
Mentionnons enfin que deux compagnies du 9e régiment d’infanterie coloniale
entrent dans la composition du bataillon colonial sibérien qui combat en 1918 et
qui est cité à l’ordre de l’armée.
Les soldats des « Vieilles colonies », du Pacifique et des Indes
La conscription dans les « vieilles colonies » (Guadeloupe, Guyane, Martinique,
Réunion) est sans cesse revendiquée comme un droit, une marque d’égalité, par
leurs parlementaires, en particulier Gratien Candace, mais ce n’est qu’en
octobre 1913 que la loi sur le recrutement militaire de 1905 est appliquée à
leurs habitants. Citoyens français depuis 1848, les conscrits sont incorporés
dans les rangs des régiments d’infanterie coloniale du midi de la France. Dès
août et septembre 1914, des Guadeloupéens tombent lors de la bataille des
frontières ou sur la Marne ; les sergents Bambuck et Antenor de Grand-Bourg et
le caporal Pitot de Basse-Terre figurent parmi les premiers morts de la Grande
Guerre. Début 1915, 12 150 Antillais sont recensés et un premier contingent
s’embarque pour la métropole. De 1914 à 1918, 101 600 Martiniquais,
Guadeloupéens, Guyanais sont recensés, 28 984 incorporés et 16 880 dirigés vers
les zones des armées ; La Réunion mobilise 6 000 de ses fils. Au total, 2 556
natifs des « Vieilles colonies » ne reviendront pas de la guerre. Quant aux
possessions du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie fournit au front 1 134
volontaires mélanésiens dont 374 trouvent la mort au champ d’honneur et 167 sont
blessés ; sur les 2 290 hommes du bataillon du Pacifique recrutés en Polynésie,
332 sont tués au front. D’autres hommes encore servent dans les troupes du corps
expéditionnaire australien et néo-zélandais (ANZAC) qui connaît de très lourdes
pertes sur le front d’Orient. Des travailleurs sont également requis. Les
comptoirs des Indes, Pondichéry, comptent près de 800 recrutés, 500 combattants
et 75 tués.
Les Malgaches et Comoriens
Plus de 30 000 tirailleurs malgaches participent à la guerre tandis que 5 355
travailleurs œuvrent dans les usines d’armement ou les chantiers de la Défense
nationale. Parmi les combattants, 10 000 hommes sont incorporés dans les
régiments d’artillerie lourde et 2 500 servent comme conducteurs d’automobile.
Les autres mobilisés forment 21 bataillons d’étapes, indispensables à
l’entretien des voies et à l’approvisionnement des premières lignes. Plusieurs
d’entre eux sont cependant engagés directement au front, dont le 1er bataillon
venu de Diego-Suarez en 1915 et surtout le 12e bataillon. Mis sur pied en
octobre 1916 à partir des 12e et 13e compagnies malgaches, il compte également
une compagnie comorienne. Envoyé sur le front de l’Aisne en 1917, il s’y couvre
de gloire en particulier lors des combats de la tranchée de l’Aviatik où il perd
13 Européens et 74 Malgaches et Comoriens. Le 21 septembre 1917, il repousse un
assaut des troupes allemandes dans le bois de Mortier. En mai, le bataillon
défend Villeneuve-sur-Fère où tombe le chef de bataillon Groine. Après avoir
reçu une autre citation, l’unité est affectée à la division marocaine et le 18
juillet s’empare du village de Dommiers, perdant 10 officiers et 126 hommes. Une
nouvelle citation lui permet alors de porter la fourragère aux couleurs du ruban
de la croix de guerre. Une dernière fois cité pour ses faits d’armes, le 12e BTM,
très éprouvé, est affecté dans un secteur du front des Vosges jusqu’à la fin de
la Guerre. En égard à sa valeur, le bataillon est transformé en août 1918 en 12e
bataillon de chasseurs malgaches, puis en janvier 1919 en 1er régiment de
chasseurs malgaches. De son côté, un 4e BTM participe à l’avance des troupes
franco-serbes sur le front de Macédoine. Au cours de la Grande Guerre, les
Malgaches et Comoriens perdent 3 010 tués et 1 835 blessés.
Les Sénégalais
À la veille de la guerre, les tirailleurs sénégalais comptent deux bataillons en
Algérie, treize au Maroc, un à Madagascar ; en AOF, les 1er, 2e, 3e, 4e
régiments à 3 bataillons chacun, deux autres bataillons formant corps et en AEF
le régiment du Tchad à trois bataillons et celui du Gabon à deux bataillons. Au
total 35 bataillons, soit 30 000 hommes, dont 14 000 en Afrique noire et 16 000
à l’extérieur. Dès août et septembre 1914, un régiment de tirailleurs sénégalais
du Maroc à trois bataillons, un régiment mixte d’infanterie coloniale du Maroc à
deux bataillons, deux bataillons venant d’Algérie et un régiment de marche du
Sénégal à trois bataillons sont acheminés en France. Ces 10 bataillons, de
valeur très inégale, chacun à quatre compagnies de 200 hommes, alignent ainsi 8
000 combattants. Engagés dès fin septembre en Picardie, en Artois, en octobre
dans l’Aisne, les bataillons de tirailleurs sénégalais (BTS) connaissent de
lourdes pertes liées à leur inexpérience et aux pathologies infectieuses. En
décembre, la conduite des vieux bataillons du Maroc à Ypres et à Dixmude est
héroïque. Les pertes sont éloquentes, le tiers des effectifs étant mis hors de
combat. Devant un tel bilan, tous les Sénégalais sont retirés du front et
provisoirement cantonnés dans le Midi et au Maroc. Les camps rapidement saturés
– 13 000 hommes en avril 1916, 28 000 en mai, 45 000 début 1917 –, les unités
sont dirigées vers l’Algérie et la Tunisie tandis qu’un nouveau lieu, d’une
capacité de 10 000 tirailleurs, Le Courneau, est choisi en 1916 près de
Bordeaux. Avec l’enlisement de la guerre et la mobilisation totale qu’elle
entraîne, de plus en plus d’effectifs sont demandés à l’Afrique. 10 000 hommes
ont ainsi été levés en 1914, 34 000 en 1915 et, en septembre 1915, on estime que
l’AOF devrait encore pouvoir fournir 50 000 hommes. Par ailleurs, un corps
expéditionnaire est formé pour le front d’Orient, qui compte 18 000 tirailleurs
africains dont 8 000 sont tués, blessés, malades ou portés disparus. En 1917,
sur le front français, l’armée coloniale aligne près de 80 BTS répartis entre le
front, les camps et les services de l’arrière. Depuis 1915, plus de 6 000
citoyens des Quatre Communes du Sénégal (Dakar, Gorée, Rufisque et Saint Louis)
ont rejoint le front.
D’avril à mai 1917, dans l’Aisne, sur le Chemin des Dames, 35 BTS (environ 30
000 hommes) participent aux vaines attaques. Les pertes subies sont sévères ;
sur 16 000 tirailleurs, plus de 7 500 sont hors de combat. En janvier 1918,
Clemenceau confie au député africain Blaise Diagne, la mission de recruter
encore des hommes en Afrique malgré les nombreuses révoltes contre les
enrôlements forcés. Plus de 70 000 Africains répondent à l’appel. Ainsi, en
1918, l’état-major dispose de plus de 40 BTS en France (40 000 soldats), 14 de
réserve en Algérie et en Tunisie, 13 au Maroc, 27 en Orient. Subissant de plein
fouet l’offensive allemande lancée en mars 1918, les tirailleurs ont une
conduite héroïque devant Reims, qu’ils sauvent en juillet. Il faut également
signaler que de nombreuses formations africaines servent en tant qu’unités de
travailleurs militaires.
De 1914 à 1918, 183 000 tirailleurs sont recrutés en Afrique noire (165 200 en
AOF, soit 1,3 % de la population, et 17 000 en AEF), et que 134 000 sont envoyés
en Europe et au Maghreb. Les pertes s’élèvent à 29 000 tués et disparus et à 36
000 blessés. Les Quatre Communes mobilisent 7 109 hommes dont 5 600 présents au
front et déplorent 827 tués et disparus.
Les tirailleurs somalis
Le bataillon somali est formé à Majunga, à Madagascar, le 11 mai 1916, avec des
éléments recrutés en Côte française des Somalis, aux Comores et sur la Corne de
l’Afrique. Rassemblé à Fréjus, le 10 juin 1916, il prend l'appellation de 1er
bataillon de tirailleurs somalis. Affectés à la réfection des routes dans la
région de Verdun, les Somalis n'acceptent de faire le travail que sur la
promesse d'être envoyés prochainement au front. Il faudra plusieurs rapports du
chef de l'unité rappelant à la hiérarchie que les Somalis ont été recrutés non
pas comme travailleurs mais bien comme tirailleurs « en vue d'opérations de
guerre » pour obtenir, en octobre 1916, la mise sur pied d'une unité de marche
qui est rattachée au régiment d'infanterie coloniale du Maroc, le déjà
prestigieux RICM.
Dès lors le bataillon somali constitue un bataillon de renfort du RICM et fait
une entrée en guerre remarquée en participant à l'assaut du régiment colonial du
Maroc sur le fort de Douaumont, le 24 octobre 1916. La reprise du fort a un
retentissement considérable. Le drapeau du RICM est décoré de la croix de la
Légion d'honneur et obtient sa troisième citation à l'ordre de l'armée. Les 2e
et 4e compagnies de Somalis, associées au RICM dans le texte de cette citation,
reçoivent également la croix de guerre 1914-1916 avec une palme.
En mai 1917, les Somalis prennent part à l'attaque du Chemin des Dames, et le
bataillon obtient sa première citation, à l'ordre de la division. Il participe
ensuite à la bataille de l'Aisne et remporte au sein du RICM la victoire de la
Malmaison, le 23 octobre 1917. Pour la première fois, le bataillon de
tirailleurs somalis est cité à l'ordre de l'armée. En mai et juin 1918, les
Somalis participent à la troisième bataille de l'Aisne au Mont-de-Choisy. En
octobre, pour la deuxième fois, l’unité est citée à l'ordre de l'armée. Avec
cette deuxième citation à l'ordre de l'armée, le 1er bataillon de tirailleurs
somalis obtient le droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la
croix de guerre 1914-1918. C’est la deuxième formation de tirailleurs à recevoir
cette haute distinction. De très nombreuses récompenses individuelles ont
également été accordées aux officiers, sous-officiers et tirailleurs qui ont
éprouvé des pertes considérables : 562 combattants tués ; quant au nombre des
blessés, les chiffres connus varient entre 1 035 et 1 200 blessés.
La Seconde Guerre mondiale
Les militaires indigènes de l’armée d’Afrique
La mobilisation de l’armée d’Afrique permet de disposer de 7 divisions
d'infanterie nord-africaines, 1 division marocaine, 4 divisions d'infanterie
d'Afrique et 3 brigades de spahis. On estime à 5 400 le nombre des Maghrébins
tués sans que l’on connaisse celui des blessés et disparus. 65 000 prennent le
chemin de la captivité.
En Afrique du Nord, les généraux Weygand puis Juin préparent la reprise des
combats en dissimulant troupes et matériels. 21 000 goumiers sont dissimulés en
employés civils du Protectorat. Pendant ce temps, au sein des Forces françaises
libres, les légionnaires de la 13e DBLE (demie brigade de la Légion étrangère)
et des tirailleurs nord-africains livrent bataille en Érythrée, subissent les
combats fratricides au Levant, avant de s’illustrer à Bir Hakeim et El Alamein.
Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord. En 1943, l'armée
d'Afrique reprend en Tunisie le combat interrompu en 1940. Le succès coûte 20
000 tués, blessés et disparus. En septembre 1943, le 1er régiment de tirailleurs
marocains et le 2e groupement de tabors marocains libèrent la Corse. Le
réarmement décidé à Anfa permet la constitution de 3 divisions blindées et de 5
divisions d'infanterie dont 2 des troupes coloniales et 3 de l’armée d'Afrique :
la 2e division d'infanterie marocaine (DIM), la 3e division d'infanterie
algérienne (DIA) et la 4e division marocaine de montagne (DMM). La fusion des
Forces françaises libres et de l'armée d'Afrique est réalisée au sein de la
France combattante. La mobilisation générale permet de fournir 118 000 Européens
et 160 000 musulmans rappelés, qui s'ajoutent aux 224 000 hommes déjà sous les
armes. Placé sous les ordres du général Juin, le corps expéditionnaire français
en Italie se compose en 1943 des 2e DIM et 3e DIA qui montent en ligne au nord
de Cassino en janvier 1944. Au printemps 1944, la 4e DMM les rejoint. Elles
montent à l'assaut du Garigliano et entrent à Rome le 6 juin, avant de
poursuivre vers Sienne.
Les grandes unités retirées d'Italie et de Corse ainsi que les 1re et 5e
divisions blindées venues d'Afrique du Nord forment l'armée B du général de
Lattre qui comptent 260 000 militaires, dont la moitié issue de l’Empire. Tandis
que coloniaux et artilleurs nord-africains de la 2e DB s’illustrent de la
Normandie à Paris, les premières unités débarquent en Provence le 15 août 1944,
de Sainte-Maxime à Cavalaire. Toulon et Marseille sont libérés, puis c'est au
tour de Lyon et Dijon. Le 12 septembre, les unités venues de Normandie et celles
de Provence se rejoignent. Belfort est atteint le 20 novembre. Puis c'est la
bataille d'Alsace, dans les conditions extrêmes de froid. Strasbourg et Mulhouse
sont libérées. Début février 1945, les Français entrent dans Colmar. À la
mi-mars, la ligne Siegfried est percée et le Rhin franchi de vive force, la
poursuite reprenant vers Karlsruhe et Stuttgart. C'est en Autriche que
l'armistice arrête la progression. La victoire est acquise. Aux côtes des
Alliés, le général de Lattre reçoit le 8 mai 1945 la capitulation de l'armée
allemande. Les pertes sont élevées : plus de 13 000 tués dont les deux tiers de
musulmans. Comme en 1918 et 1919, les unités indigènes participent aux
cérémonies de la Libération en 1944 puis de la Victoire en 1945.
Les Indochinois en France
En juin 1940, 15 000 tirailleurs et 20 000 ouvriers non spécialisés indochinois
sont acheminés en France. Bien qu’étant beaucoup moins nombreux que les
tirailleurs africains, ils tiennent leur place avec honneur dans les combats de
1940, servant dans des unités de mitrailleurs, d’artillerie, antiaériennes, de
pionniers, de travailleurs militaires et des services. Composée de personnels
européens et indochinois, la 52e demi-brigade de mitrailleurs d’infanterie
coloniale (DBMIC) est mise sur pied à Carcassonne, en septembre 1939, à 2
bataillons. Elle commence la campagne dans un secteur du front d’Alsace avant
d’être affectée à la 102e division d’infanterie de forteresse, créée le 1er
janvier 1940 pour la défense du front entre Monthermé et Charleville, dans les
Ardennes. Le 10 mai 1940, c’est une division mixte avec du personnel européen,
malgache et indochinois. Les 2 600 hommes de la 52e DBMIC aux ordres du colonel
Barbe tiennent un front de 12 km le long de la Meuse entre Mézières et
Nouzonville. Appuyés par une artillerie obsolète et insuffisante, ils sont
attaqués, dès le 10 mai 1940, successivement par la XXIIIe division d’infanterie
(DI) allemande puis par la VIIIe Panzer, elles-mêmes appuyées par les
redoutables Stukas. Le 13 mai au matin, tous les points d’appui du secteur sont
soumis à un bombardement d’artillerie d’une extrême violence par les 72 pièces
des deux régiments d’artillerie de la XXIIIe DI. Munis de leurs vieilles
mitrailleuses Hotchkiss, les Indochinois, que les Allemands prennent pour des
Chinois, résistent avec acharnement et abnégation jusqu’au 15, en dépit de
pertes sévères. Sur quelque 2 000 hommes, environ 400 sont tués et 600
prisonniers. 500 combattants blessés sont évacués vers les hôpitaux avant le 15
mai, tandis que 10 officiers, quelques sous-officiers et 500 hommes réussirent à
briser l’encerclement et à poursuivre les combats à Saint-Marcel puis à
Wassigny, avant d’être évacués sur Carcassonne où l’effectif tombe à 570
rescapés.
Le 5 juin, le 55e bataillon de mitrailleurs d’infanterie coloniale est mis sur
pied par le chef de bataillon Reben avec les rescapés et des troupes arrivées
depuis peu d’Asie. Son effectif dépasse de peu les 500 hommes, dont 2 officiers
indochinois. Intégré à la 237e division légère d’infanterie, le bataillon combat
entre Neubourg et Conchées dans l’Orne, à partir du 14 juin. Le 24 juin, le
bataillon se rétablit sur la Boutonne après avoir rempli sa mission. On
retiendra les combats héroïques de la 1re compagnie aux ordres du capitaine
Trancart pour défendre le bourg de Gouberge.
Avec plus de 10 000 d’entre eux prisonniers en 1940, et faute de pouvoir être
rapatriés, combattants ou travailleurs sont contraints de rester en métropole
durant toutes les hostilités, dans des conditions de vie très difficiles. Parmi
les indigènes rescapés des combats, un petit nombre parvient à échapper à la
captivité ou au travail forcé pour rejoindre les maquis où leur rôle militaire
en 1944 est limité par leur effectif modeste mais hautement symbolique grâce à
leur présence aux côtés des libérateurs de l’intérieur. Issu de l'armée de
l'armistice et composé pour les trois quarts de coloniaux, dont 250 Indochinois,
le maquis de l'Oisans est très tôt constitué aux ordres du capitaine Lespiau,
dit Lanvin, ancien commandant de la 7e batterie du 10e régiment d’artillerie
coloniale et membre de l’Armée secrète. À la tête de la 14e compagnie de
travailleurs indochinois des groupements de militaires indigènes coloniaux
rapatriables, il rejoint l’Isère en février 1943 où son unité travaille dans les
usines de la Basse-Romanche. Grâce à une préparation et à une organisation
minutieuses, il constitue une troupe de 1 526 hommes venus de Grenoble et de sa
région et d’origines les plus variées : réfractaires au STO, Polonais, Russes,
Espagnols, Indochinois et Marocains… Organisées en 5 groupes mobiles, ces forces
peuvent dès le printemps 1944 et jusqu'à la fin du mois d'août, en liaison avec
les forces alliées et les maquis voisins, engager ouvertement la lutte contre
les troupes d'élite de l'occupant (division Vlassov et CLVIe division alpine)
lui infligeant de lourdes pertes en hommes et en matériels et libérant la région
de Grenoble, au prix de la mort de 183 des siens. À la libération, ce maquis
forme le groupement colonial mixte (infanterie, artillerie) qui donne naissance
au 11e bataillon de chasseurs alpins et au 93e régiment d'artillerie de
montagne. Issus d’unités de pionniers du Liban, des Indochinois participent pour
leur part à l’épopée de la DFL dès 1941.
Les soldats des « Vieilles colonies », du Pacifique et des Indes
Tandis que des engagés volontaires servent déjà nombreux dans les régiments
d’infanterie coloniale présents en France et outremer, dès juillet 1940,
quelques Antillais rallient la France libre et leur nombre va grandissant
jusqu’en 1943. À cette date, les contingents sont répartis entre un bataillon
d’infanterie, un groupement d’artillerie, des compagnies d’ouvriers et des
services en Martinique, une compagnie en Guadeloupe, deux bataillons en Guyane
et deux bataillons à l’instruction aux États-Unis. En janvier 1944, formé de
nombreux « dissidents », le bataillon des Antilles n°1 (puis groupe de défense
contre avions antillais puis 21e groupe antillais de DCA) est intégré à la 1re
division française libre et partage tous ses combats de l’Italie à la Provence
et aux Vosges puis au front de l’Atlantique où l’on relève aussi la présence du
bataillon de marche des Antilles n°5. À titre individuel, de nombreux Antillais
et Guyanais servent dans diverses unités, de la Marine en particulier. La
Réunion et Pondichéry, premier territoire à avoir rallié de Gaulle en 1940,
envoient des soldats qui participent à toutes les campagnes de la France
combattante, de même qu’à leurs côtés, luttent des unités composées de
volontaires venus du Liban. La Polynésie, les Nouvelles-Hébrides et la
Nouvelle-Calédonie mettent sur pied le bataillon du Pacifique qui est de toute
l’épopée de la France libre, se couvrant de gloire à Bir Hakeim, en Italie, en
Provence puis sur le front des Alpes. Ayant fusionné avec le 1er bataillon
d’infanterie de marine en 1942, compagnon de la Libération en mai 1945, le
bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique a perdu plus de 50 % de ses
effectifs à la fin de la guerre.
Les Malgaches
La 42e demi-brigade de mitrailleurs d’infanterie coloniale (DBMIC) est mobilisée
à Pamiers en septembre 1939 avec des effectifs uniquement européens groupés dans
deux bataillons, sous les ordres du lieutenant-colonel de Pinsun. Elle est mise
à la disposition de la 102e division d’infanterie de forteresse, créée le 1er
janvier 1940 pour la défense du front entre Monthermé et Charleville, dans les
Ardennes. En mars, les effectifs de la demi-brigade sont complétés par des
gradés et des tirailleurs malgaches intégrés aux deux bataillons. Les 3 000
hommes de la 42e DBMIC tiennent une position d’arrêt de 12 km le long de la
Meuse, au niveau de Monthermé. Face à eux se trouvent l’ensemble des unités de
la VIe Panzerdivision, soit 216 chars, 8 000 combattants et 36 canons, appuyés
par les redoutables Stukas. Le 13 mai au matin, tous les points d’appui du
secteur sont soumis à un bombardement d’artillerie d’une extrême violence
accompagné par l’aviation d’assaut bombardant en piqué. Les points d’appui sont
totalement bouleversés et les pertes très lourdes. Les premiers éléments
d’infanterie adverse montés sur canots pneumatiques franchissent la Meuse. Les
défenseurs réagissent et de nombreuses embarcations sont coulées. Les mortiers
tentent d’arrêter les vagues d’assaut. Gradés et hommes de troupes, Européens et
Malgaches se battent à un contre trois. Écrasés par la supériorité numérique et
matérielle, ils accomplissent leur mission jusqu’au bout. Le 15 mai au lever du
jour, l’aviation allemande attaque de nouveau en masse. À 9 heures du matin, les
derniers défenseurs sont capturés. Sur quelque 2 000 hommes, environ 400 sont
tués et 600 prisonniers, tandis qu’un certain nombre de survivants, dont le
chiffre exact est inconnu, réussissent à briser l’encerclement et parviennent à
rejoindre les lignes pour continuer le combat.
Parmi les 14 000 tirailleurs malgaches engagés au combat en 1940, quelques-uns
échappent à la captivité ou au travail forcé pour rejoindre les maquis. Quelques
Malgaches sont par exemple présents à la brigade Auvergne.
Les Sénégalais
En 1939, à la veille de la mobilisation, les Sénégalais comptent 19 régiments de
tirailleurs sénégalais (RTS) dont 6 en en métropole, 10 bataillons indépendants
outre-mer, sans oublier les autres unités aux effectifs indigènes, régiments
d’artillerie, bataillons de mitrailleurs et services divers. Au total, plus de
70 000 hommes, 15 000 en métropole, 10 000 au Maghreb et 46 000 en AOF, AEF,
Côte des Somalis, Madagascar et Comores. Une intense campagne de recrutement et
de rappel des réservistes permet d’acheminer vers la France, de septembre à mars
1940, plus de 38 000 soldats africains, tandis que 20 000 autres attendent leur
embarquement en Afrique du Nord. Huit divisions d’infanterie coloniales (DIC)
sont ainsi mises sur pied, comprenant 9 RTS. En 1940, 63 300 Africains sont dans
la zone des armées, répartis le plus souvent au sein de régiments d’infanterie
coloniale mixte sénégalais. Une seconde vague de renfort (que la défaite ne
permet pas d’acheminer) est prévue, forte de 159 000 hommes pour la métropole,
20 000 pour l’Afrique du Nord et 9 000 pour le Levant. Les tirailleurs engagés
dans la campagne de France résistent vaillamment aux attaques ennemies, en
particulier ceux des 1er et 6e DIC dans les forêts ardennaises où le 6e RICMS
perd 26 officiers, 95 sous-officiers et 598 soldats européens et tirailleurs en
quelques jours. Sur la Somme, les hommes des 4e et 5e DIC arrêtent à plusieurs
reprises les assauts des Allemands. À Aubigny, le 24 mai, le 24e RTS a perdu 60
% de ses cadres et tirailleurs ; le 10 juin, devant leur résistance, les
Allemands en abattent sommairement des dizaines autour d’Erquinvillers. Ils
agissent de même le 6 juin, à Airaines, en fusillant tirailleurs et gradés
africains du 53e régiment d’infanterie coloniale mixte sénégalais (RICMS) dont
le capitaine, N’Tchoréré, originaire du Gabon. Tandis que la plupart des unités
coloniales retraitent tout en continuant à combattre comme le 28e RTS sur le
Cher, le 27e sur la Loire ou le 19e bataillon à Gien, l’ennemi poursuit sa
politique de terreur à l’égard des Africains. Les officiers français qui tentent
de s’interposer subissent le même sort, comme le capitaine Speckel du 16e RTS,
abattu à Cressonsacq. Le 20 juin, l’horreur culmine sur le front des Alpes, à
Chasselay, près de Lyon, où 188 Européens et Africains du 25e RTS sont massacrés
par les troupes allemandes. Faute de sources fiables, le chiffre des tirailleurs
africains morts au combat ou exécutés par l’ennemi en 1940 est évalué à 5 000
hommes, tandis que plus de 30 000 Africains connaissent la captivité en
Fronstalag sur le sol français. Dès août 1940, les territoires d’AEF (Tchad,
Cameroun, Oubangui-Chari, et plus tard Congo et Gabon), se rallient au général
de Gaulle. Formé au Congo, le bataillon de marche n°1 (BM 1) aux ordres du
commandant Delange, est le premier d’une série de 16 bataillons de marche dont
les tirailleurs se battent sur tous les théâtres d’opérations de la France
combattante jusqu’en 1945, sans oublier artilleurs, sapeurs, télégraphistes,
conducteurs, personnels des formations sanitaires. Des éléments du régiment de
tirailleurs sénégalais du Tchad s’emparent de Koufra au début de 1941 avant de
donner naissance en 1943 au régiment de marche du Tchad. Le BM 2 de
l’Oubangui-Chari s’illustre au siège de Bir-Hakeim de mai à juin 1942. Le BM 3
du Tchad combat en Érythrée en 1941 tandis que le BM 4 du Cameroun est engagé en
Abyssinie en juillet 1941, rejoignant au Levant le BM 2 et le BM 5 du Tchad
venant de participer à la campagne de Syrie, où leur ont été opposés d’autres
tirailleurs restés, avec leurs chefs, fidèles au maréchal Pétain. C’est peu
après que les BM 21 et 24, constitués avec des tirailleurs d’AOF ralliés à
Djibouti en novembre 1942, rejoignent la 1re division française libre qui se
constitue.
De fin novembre 1942 à avril 1943, le 15e RTS et des éléments d’artillerie
servis par des Africains combattent contre les Allemands en Tunisie. La 9e DIC
est créée en 1943 avec les 4e, 6e et 13e RTS, des unités blindées, d’artillerie,
du génie et des services. En avril 1944, la 1re division de marche d’infanterie
(DMI), ex-1re DFL, débarque à Naples et rejoint le corps expéditionnaire
français d’Italie. Ses bataillons africains (BM 4, 5, 11, 21 et 24), les
pionniers du 8e RTS et les artilleurs participent à cette dure campagne qui les
mène au-delà de Rome en juin. Le 17 juin, les tirailleurs de la 9e DIC
contribuent à la prise de l’île d’Elbe, subissant de lourdes pertes : 76 tués et
disparus, 122 blessés pour le seul 13e RTS. À partir du 15 août 1944, 150 000
hommes des forces alliées, parmi lesquels 40 850 soldats européens et indigènes
de l’armée française, débarquent en Provence. Les deux divisions à fort
effectifs africains, la 1re DMI et la 9e DIC ainsi que le 18e RTS mènent des
combats décisifs de la libération de Toulon fin août (où le 6e RTS perd 587
tirailleurs tués, disparus et blessés) à celle de Marseille. Pour les opérations
de Provence, les deux divisions comptent 1 144 tués et disparus et 4 364 blessés
européens et africains. Puis elles entreprennent la remontée de la vallée du
Rhône – établissant le 12 septembre la jonction avec les forces débarquées en
juillet en Normandie –, puis de la Saône pour enfin parvenir dans les Vosges à
l’automne, pendant que les BM de la 1re DMI poursuivent jusqu’en Alsace où leurs
unités sont « blanchies » au profit des recrues venues des mouvements de
résistance. En mars et avril 1945, les tirailleurs du régiment d’AEF-Somali se
battent autour de la poche de Royan tandis que les bataillons de marche de la
1re DMI reçoivent la reddition des Allemands sur le front des Alpes. De novembre
1942 au 1er mars 1945, la Fédération (AOF et AEF) envoie au combat 60 000
hommes. Avec leurs camarades de 1940, c’est donc près de 158 000 Africains qui
combattent pendant la Seconde Guerre mondiale, sans oublier un effectif
équivalent mobilisé en Afrique noire ou affecté au Maghreb pour participer à
l’effort de guerre.
Nombre de tirailleurs prisonniers des Frontstalag échappent à la captivité ou au
travail forcé pour rejoindre les maquis. Par exemple, deux sections de
tirailleurs sénégalais prennent part aux combats du Vercors après que des
maquisards les aient libérés lors d’un coup de main à la caserne de La Doua, à
Lyon, où leur détachement était incarcéré. Dix gradés et tirailleurs sont faits
compagnons de la Libération, 50 médailles de la Résistance sont décernées aux
Africains ainsi que 123 médailles des évadés.
Les tirailleurs somalis
La Côte française des Somalis (CFS) rallie la France libre en décembre 1942.
Outre les bataillons de marche de tirailleurs sénégalais n°21 et n°24 de la 1re
division française libre, la CFS fournit à nouveau une unité de tirailleurs
somalis pour participer aux combats pour la libération de la France. Bien
entendu, cette unité revendique l'héritage du 1er bataillon de tirailleurs
somalis de la Grande Guerre. C'est ainsi que le 1er janvier 1943, le détachement
des Forces françaises libres de la Côte française des Somalis prend le nom de «
bataillon somali de souveraineté ». Le 16 mai 1944, il met sur pied un bataillon
de marche somali. Afin de former le régiment de marche de l'Afrique équatoriale
française et somalie, le bataillon de marche somali est regroupé avec les
bataillons de marche n°14 et n°15 formés principalement de tirailleurs
originaires du Cameroun et du Tchad.
Le 2 avril 1945, sur la place de la Concorde à Paris, le général de Gaulle remet
les drapeaux et étendards aux régiments de l'armée française. Il remet le
drapeau du 57e régiment d'infanterie coloniale au régiment de marche de
l'Afrique équatoriale française et somali parce qu'il s'agit d'une unité créée
et mobilisée à Bordeaux en 1915. Trente ans plus tard, cet emblème est ainsi
confié à une unité coloniale qui appartient au détachement d'armée de
l'Atlantique du général de Larminat. Quelques jours après cette cérémonie, le
régiment de marche d'Afrique équatoriale française et somalie s'illustre dans
les combats pour la libération de la Pointe de Grave. Il obtient, ainsi que les
bataillons qui le composent, une citation à l'ordre de la division. Le drapeau
du régiment et les fanions des bataillons reçoivent la croix de guerre 1939-1945
avec une étoile d'argent le 14 juillet 1945. Un mois plus tard, le bataillon de
marche somali obtient également une citation à l'ordre de l'armée (croix de
guerre 1939-1945 avec une palme) pour avoir réussi le franchissement de vive
force de la ligne d'eau du Gua au cours des combats de la Pointe de Grave. À
noter la présence au sein de cette unité, dès 1940, de soldats comoriens, les
îles des Comores fournissant traditionnellement des contingents aux unités
malgaches et somalis.