Maquis des Manises
Le Maquis des Manises ou Maquis de Revin ou Maquis Prisme ou encore Maquis des
Ardennes, est un groupe de résistants français à l'occupation allemande pendant
la Seconde Guerre mondiale. Le nom de la cellule maquisarde provient du nom du
commandant alias « Prisme » de son vrai nom (Jacques Pâris de Bollardière) et de
l'endroit depuis lequel elle opérait, cachés sur les hauteurs de Revin
(Ardennes), le petit « ruisseau des Manises » bordant le maquis, sur le plateau
du « Malgré-Tout ». L'épilogue du maquis se joua le 13 juin 1944.
Historique
Après le Débarquement de Normandie du 6 juin 1944, le « Maquis de Revin » prit
corps autour d'officiers parachutés depuis Londres autour de Jacques Pâris de
Bollardière (« Prisme »). Le but (« mission Citronelle »), étant de créer un
maquis d'environ 400 hommes capable de recourir à des techniques de guérilla
pour s'attaquer à la Milice et de faire barrage au retrait des troupes
d'occupation allemande.
La zone choisie située sur le plateau du « Malgré-Tout » (altitude 433 m) se
prête à ce genre de clandestinité et était déjà active dans le secteur des Vieux
Moulins de Thilay autour de la résistante
Marguerite Fontaine (réseau des FFI, armés
par des parachutages alliés) et constituait déjà une filière d'évasion pour les
aviateurs britanniques dont l'avion avait été abattu.
la résistante Marguerite Fontaine
Ferme des Vieux Moulins
Au cours de sa constitution au début du mois de juin 1944, le volontariat étant
important, en une semaine l'effectif passant d'environ 20 à plus de 200 hommes,
les structures de formation et d'équipement furent rapidement saturées.
Le 12 juin, sous les averses, les maquisards tendirent les toiles de parachutes
pour se protéger et firent du feu pour se réchauffer. Certains éléments
redescendant parfois à Revin auprès de leur famille, la discrétion était
difficile à préserver. Un avion à croix gammée a même survolé les Hauts-Buttés.
C'est dans ce contexte que le 12 juin 1944, quelques jours après la mise en
place du maquis insuffisamment formé et armé, les troupes allemandes venues à
connaissance de la formation du maquis encerclèrent Revin, se dirigèrent
rapidement sur les hauteurs du Malgré-Tout afin d'encercler les maquisards.
Durant la nuit, les maquisards les plus expérimentés regroupés autour du
commandant « Prisme » purent échapper à l'encerclement et passer la frontière
belge à Willerzie, mais 105 d'entre- eux isolés dans les bois et sans secours
seront capturés, torturés et fusillés sur les lieux par l'occupant le 13 juin
1944, le capitaine Arendt commandant le peloton d'exécution.
Leurs corps furent déposés dans des charniers creusés à la hâte par eux-mêmes au
lieu-dit « Père des Chênes ».
Après diverses vicissitudes, l'inhumation définitive des dépouilles eut lieu au
cimetière de Revin après la libération le 8 octobre 1944.
Le maquis continua néanmoins son action dans les bois belges de Willerzie
jusqu'à la Libération de la France.
Approfondissement
Venus à connaissance de la présence du maquis, le lundi 12 juin 1944 la ville de
Revin a été isolée et les voies d'accès coupées. Les troupes allemandes
gardaient les issues de la ville tandis que dans des voitures blindées, la
Gestapo faisait de nombreuses arrestations et soumettaient les habitants à de
sévères interrogatoires.
Les soldats allemands avaient rassemblé 40 ouvriers revinois et les avaient
conduits vers le ruisseau des Manises où ils ont été interrogés par la Gestapo.
Les forces allemandes étaient constituées par les 36e Régiment de la
Panzerdivision, sous le commandement du colonel Botho Grabowsky., du
major Molinari,
et de membres de la Gestapo. Le moindre incident pouvait entraîner
l'anéantissement de la ville.
Major Molinari
À la fin de la matinée les événements se précipitèrent et les troupes allemandes
ayant acquis la certitude du positionnement du maquis firent mouvement vers le
mont Malgré-Tout.
Dans l'après-midi du 12 juin, deux membres du maquis repérèrent « les Allemands
» et donnèrent l'alerte. L'attaque avait débuté dans l'angle sud-ouest du camp
et les maquisards, dont c'était le « baptême du feu » pour la plupart, furent
immédiatement pris sous les tirs des armes à feu. La défense du Maquis, rentra
en contact du 36e Régiment de la Panzer à partir de tranchées défendues par des
hommes avec des mitrailleuses et des tirailleurs. Surpris par l'ampleur de la
résistance, les forces allemandes cessèrent de tirer et le colonel Grabowski
donna l'ordre d'encercler le Maquis.
Le colonel « Prisme » (Jacques Pâris de
Bollardiere), s'étant rendu compte de
l'encerclement du camp, attendit la nuit afin d'avoir des bonnes chances
d'échapper au siège. À 23 heures, il donna le signal du repli après avoir fait
enterrer le matériel qui ne pouvait être emporté. La colonne, malgré les
difficultés du déplacement la nuit dans la forêt et sous un temps orageux, se
mit en route par des sentiers secrets. La tête de la colonne arriva au bord de
la route menant depuis le hameau des Hauts-Buttés jusqu'à Hargnies (actuelle
D989, à l'époque N389). Le colonel Prisme donna l'ordre à ses hommes de
traverser la route dans l'obscurité pendant que les Allemands étaient occupés
aux formalités de la relève de la garde.
Jacques Pâris de Bollardiere
Pendant le repli, un grand nombre de maquisards mal encadrés, s'étant égarés ou
ayant probablement choisi d'autres chemins, furent faits prisonniers et
regroupés dans le jardin de la famille Deschamps aux Vieux-Moulins d’Hargnies,
immobilisés, les mains derrière le dos, face contre terre, ils furent battus et
suppliciés.
« Ils se ruèrent sur eux et les frappèrent à coups redoublés avec de gros bâtons
et les crosses de fusil. Sous le choc, plusieurs crosses se brisèrent sur le
corps de ces malheureux qui poussaient des hurlements de douleur. Puis arriva un
officier allemand qui fit placer ses soldats sur deux haies et fit défiler les
prisonniers devant eux. Chaque soldat allemand - il y en avait cinquante - était
armé d’un gourdin, avec lequel il frappait sur les prisonniers au fur et à
mesure qu’ils passaient devant lui. »
— Témoignage d'un membre de la famille Deschamps
Les maquisards capturés furent fusillés par groupes de cinq, mitraillés de
plusieurs balles dans le dos pendant deux heures, leurs corps amenés ensuite au
lieu-dit « Père des Chênes » et déposé, en quinconce dans 19 fosses communes.
Lieu-dit « Père des Chênes »
Les maquisards ayant échappé à la capture ne s'étaient pas rendu compte du
forfait en cours perpétré par le colonel Grabowski et le major Molinari à la
tête des SS. Ils étaient de toute façon dans l'incapacité de leur apporter un
quelconque secours.
Le 14 juillet 1944, les forces allemandes quittèrent la ville en gardant le
secret et ce n'est que quelques jours après que les habitants de Revin se
rendirent compte du massacre.
Les familles des victimes localisèrent les fosses communes et des familles
identifièrent quelques corps.
Le 19 juin, le Procureur de la République et le préfet étaient informés et le 20
juin les gendarmes firent un rapport à la Feldkommandantur de Charleville afin
d'exhumer les corps, mais le 21 juin 1944, les Allemands récupérèrent à la hâte
les dépouilles et les transférèrent en camion dans un autre charnier, au
lieu-dit le « Ravin de l’Ours » au-dessus du hameau de Linchamps. Quelques jours
plus tard, les corps furent de nouveau découverts et amenés dans une clairière à
la « ferme du Malgré-Tout ».
La dernière exhumation et l'enterrement définitif des victimes eut lieu au
cimetière de Revin après la libération le 8 octobre 1944.
Controverse
Dès la libération, des responsables furent recherchés et la justice s'occupa de
l' « Affaire des Manises ». Deux pistes furent explorées :
• La dénonciation du maquis : collaboration ou trahison
• Culpabilité de la Résistance elle-même : reproche au chef de secteur de Revin
d'avoir outrepassé ses fonctions et avoir mobilisé sans ordre de ses supérieurs.
Le procès eut lieu au mois d'octobre 1945 devant la cour de Justice de Nancy.
Il faut aussi remarquer que la formation du maquis semble s'être faite au grand
jour.
« La jeunesse revinoise et des environs apprend un jour qu'il y a un maquis dans
le massif ardennais vers le point culminant. Les garçons se regroupent, et
défilent dans Revin avec le drapeau bleu blanc rouge. Ils comptent rejoindre les
maquisards qui seraient du côté des Hauts-Buttés »
Les fusillés du Bois de la Rosière. Sur cette photo, l’homme au premier plan est Henri Moreau, chef du BOA de la Marne et des Ardennes, arrêté en gare de Chalons / Marne le 1er janvier 1944 sous une fausse identité. Emprisonné à Charleville, les Allemands qui le recherchaient ignoraient détenir l’homme dépositaire de tous les secrets de l’organisation de la Résistance dans la région. Il se laissa pousser la barbe en cellule, de crainte d’être reconnu par un de ses co-détenus qui aurait pu ainsi monnayer sa liberté au prix fort.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Cheminots résistants de la gare d'Amagne-Lucquy
(Ardennes de France)