Francs-tireurs et partisans
Les Francs-tireurs et partisans français (FTPF), également appelés
Francs-tireurs et partisans (FTP), est le nom du mouvement de résistance
intérieure française créé à la fin de 1941 par la direction du Parti communiste
français.
Histoire
La création (fin 1941)
C’est après la rupture du Pacte germano-soviétique et l’invasion de l’URSS par
les troupes hitlériennes, le 22 juin 1941, que la direction du Parti communiste
français clandestin représentée par Jacques Duclos décide, en accord avec
l’Internationale communiste, de mettre sur pied une organisation de lutte armée.
Charles Tillon, qui avait rejoint le secrétariat du parti dans la région
parisienne, aux côtés de Jacques Duclos et Benoît Frachon, est chargé de
l’organisation de la lutte armée.
Dans l’immédiat, ce sont surtout des vétérans des Brigades internationales en
Espagne et des jeunes communistes parisiens qui sont recrutés au titre de
l’Organisation spéciale (OS),sous la direction du colonel Jules Dumont pour
former des groupes dédiés à la lutte armée. Albert Ouzoulias, responsable
politique des Bataillons de la Jeunesse rejoindra plus tard les FTP avec les
jeunes qui auront survécu à la traque des [[Brigades spéciales] des
renseignements généraux de la préfecture de police de Paris].
Pendant qu’Ouzoulias met sur pied les Bataillons de la Jeunesse, Eugène Hénaff,
un syndicaliste de 37 ans qui vient de s’évader du camp de Châteaubriant déploie
une activité intense pour recruter des militants volontaires. « Ça ne se
bousculait pas au portillon », a-t-il raconté en évoquant cette époque. À partir
d’octobre 1941, tous les volontaires recrutés par Ouzoulias et Hénaff sont
regroupés dans une formation unique, l’OS, dans laquelle Hénaff prend le titre
de « commissaire politique » avec Ouzoulias comme adjoint. L’organisation prend
ensuite le nom de TP (Travail Particulier). Ce n’est qu’au début de l’année 1942
que le nom de FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) ou plus simplement FTP
est adopté.
Le Comité militaire national
Dès octobre 1941, la direction du parti avait décidé la création d’un Comité
militaire national (CMN), dont Tillon est le chef et dont les premiers membres,
outre Hénaff et Ouzoulias, sont Georges Beyer et Jules Dumont.
En fait, Dumont, lieutenant-colonel de réserve a été « mis au vert » suite à des
arrestations dont il est tenu pour responsable par imprudence et il ne participe
même pas à la première réunion. Il est remplacé au poste de commissaire
militaire par Georges Vallet, permanent du parti et ancien commissaire politique
dans les Brigades internationales. Hénaff, Ouzoulias et Vallet se rencontrent
très fréquemment au début de l’année 1942.
Albert Ouzoulias
remplace Vallet à partir de mai 1942. Au cours de
l’année 1943, Dumont et Vallet sont tous deux arrêtés, torturés et fusillés.
Albert Ouzoulias
Les réunions du CMN se tiennent d’abord à Palaiseau, à l’ancien domicile de
Charles Tillon qui a déménagé à Limours en janvier 1942. À partir d’avril 1942,
Marcel Prenant, un biologiste de renom qui n’est que sympathisant communiste,
intègre le CMN avec le titre de chef d’état-major. L’idée est de mettre en avant
une personnalité assez titrée pour des prises de contact envisagées avec
certaines factions de la Résistance non-communistes.
Vers le mois de juin 1942, les réunions du CMN sont déplacées dans un pavillon
du hameau de Lozère, très près de la ligne de Sceaux, entre Palaiseau et Orsay.
Début 1943, Hénaff doit être mis au vert. Il est remplacé au poste de
commissaire politique par Ouzoulias, lui-même remplacé par René Camphin au poste
de commissaire militaire. Prenant est arrêté en janvier 1943. Laurent Casanova
avait été inséré à l’équipe à la fin de 1943, avec l’idée de l’envoyer
représenter les FTP à Alger auprès du CFLN. Trois hommes, donc seront restés au
CMN pendant toute la durée de vie des FTP: Tillon, Ouzoulias et Beyer.
France d'abord et autres publications
L’une des tâches du CMN, et en particulier de Charles Tillon, est la rédaction
du journal des FTP, France d’abord, dont paraîtront 62 numéros, de janvier 1942
à la Libération. Le journal, dont l’exergue est « Chasser l’envahisseur », est
destiné aux militants. Il publie des récits de lutte armée, des communiqués
militaires, des mots d’ordres. Il existe des éditions régionales de ce bulletin.
Le CMZ et les FTP en zone sud
Les FTP dont la vocation est de mener la lutte contre l’occupant se développent
d’abord exclusivement en zone occupée. Ce n’est qu’après novembre 1942 et
l’occupation de la zone sud que les communistes entreprennent d’y développer
également les FTP. En zone sud, les FTP sont chapeautés par le Comité militaire
de la Zone sud (CMZ) dont Tillon reconnaîtra qu’il n’a pas de relations de
subordination avec le CMN. Le CMZ siège à Lyon, et ses membres, André Jacquot,
Boris Guimpel, Mathieu Puyo et Francisque Jommard, ont été désignés par les
représentants du PCF en zone sud, Raymond Guyot et Léon Mauvais. Tillon avait
rencontré une fois le responsable du CMZ, André Jacquot, aux Vaux-de-Cernay,
avant que ce dernier ne soit arrêté en mai 1944, avec toute l’équipe du CMZ, à
la suite d’une infiltration par un agent double de la Gestapo et du Komintern,
Lucien Iltis. Seul Boris Guimpel parvient à échapper à la rafle menée par Klaus
Barbie.
André Jacquot survivra à la déportation. En plus de l’équipe dirigeante, des
dizaines de cadres FTP de la zone sud seront alors arrêtés et torturés. À partir
de mai 1944, c’est la direction du PCF en zone sud qui y assume directement la
coordination des FTP.
Évolution des FTP
À partir d’avril 1942, les FTP s’ouvrent aux non-communistes, mais restent
toujours sous le contrôle des communistes. D’un côté, les règles de la
clandestinité conduisent à cloisonner les structures du parti et celles des FTP.
Il y a donc une réelle tendance à l’autonomisation, mais celle-ci s’exprime
surtout au niveau local. D’un autre côté, au niveau national, la stratégie des
FTP est totalement intégrée à celle du PCF. C’est une volonté politique du PCF
qui a fait naitre les FTP. La règle des 10 % stipulait que chaque instance
communiste régionale devait céder 10 % de ses effectifs aux FTP, et Tillon devra
souvent insister pour que cette règle soit respectée, et qu’elle passe même à 20
%, ce qui n’allait pas sans problème, car beaucoup de cadres du parti ne
voulaient pas affaiblir le parti en donnant les meilleurs éléments aux FTP. Les
relations entre Tillon, responsable des FTP et
Auguste Lecœur,
responsable de l’organisation du parti, ne seront jamais bonnes. À partir de
1943, lorsqu’une partie relativement importante de la population, surtout jeune,
est prête à s’engager dans la Résistance, les FTP en profitent largement, et à
ce moment, le recrutement déborde très largement le cercle des sympathisants
communistes. En 1943, lorsque le Front national, mouvement de masse créé par le
PCF est suffisamment développé, les FTP deviennent officiellement le bras armé
du Front national. Cette affiliation dont Tillon et Pierre Villon, responsable
du Front national, sont les premiers à reconnaître le caractère purement formel,
conforte le poids politique de chacune des deux organisations qui peuvent
revendiquer autant de légitimité que les Mouvements unis de la Résistance (MUR)
et l’Armée secrète (AS), qui ont regroupé, sous l’égide de Jean Moulin,
plusieurs mouvements de résistance de la zone sud.
Auguste Lecœur
Le Service de renseignement : FANA ou Service B
C’est le beau-frère de Charles Tillon, Georges Beyer, qui devient le responsable
du service de renseignements des FTP que l’on connaît sous le nom de Service B
ou de FANA. Parmi les dirigeants du réseau, on trouve Marcel Hamon, un
professeur de philosophie des Côtes-du-Nord, Victor Gragnon, et des anciens des
Brigades internationales, Boris Guimpel et Tadeus Oppmann. Les renseignements
sont souvent une monnaie d’échange, dans les contacts avec le Bureau central de
renseignements et d’action (BCRA) gaulliste pour pouvoir bénéficier de
parachutages d’armes. D’ailleurs, le BCRA n’est pas le seul interlocuteur du
Service B qui entretient également des relations avec les différents services
britanniques et l’OSS américain. D’autres informations sont communiquées aux
Soviétiques, par exemple celles concernant l’armée Vlassov, bien représentée en
France.
Les maquis FTP
Le modèle d’organisation développé par les FTP est le groupe de combat d’une
trentaine d’hommes au maximum. Tillon développe à ce sujet la théorie de la
boule de mercure : les groupes de combat doivent être assez mobiles pour devenir
insaisissables comme pour les autres mouvements de résistance, le refus par les
jeunes du travail forcé en Allemagne (STO) est l’occasion de créer des maquis.
Les premiers maquis FTP sont attestés dès le début de l’année 1943. Selon
l’historien Roger Bourderon, jusqu’en juin 1943, France d’abord appelle à la
création de vastes maquis, pour se recentrer ensuite sur l’appel à la formation
de petits maquis mobiles tournés vers l’action directe, s’opposant ainsi à la
formation de gros maquis mobilisateurs, comme celui du Vercors, jugé «
attentiste ». Selon l’historien François Marcot, « les FTP sont longtemps
réticents face aux maquis, de crainte qu’ils ne se réduisent à des refuges
éloignés de leur terrain d’action privilégiés, la ville… Dès l’automne 1943, et
surtout le printemps 1944, ils créent leurs propres formations… »
L'un des premiers maquis FTP créés est celui du Colonel Fabien, en
Franche-Comté.
Le maquis de la Haute-Vienne, dirigé par
Georges Guingouin, désigne une vaste
région contrôlée par le maquis. Guingouin, un instituteur communiste, avait pris
le maquis vers le début de l’année 1941, avant la création des FTP. On le
surnomme le « préfet du maquis ». En 1944, la Haute-Vienne est le département
qui compte le plus grand nombre de résistants armés, soit environ 8 000 hommes.
Peu discipliné vis-à-vis de la direction communiste en zone Sud représentée par
Léon Mauvais,
Guingouin reçoit la capitulation sans conditions des forces allemandes occupant
Limoges le 21 août 1944 après avoir fait encercler la ville.
Georges Guingouin
Léon Mauvais
Parmi les autres maquis FTP, on peut citer le maquis Vauban, dans le Morvan.
Dans le département de la Meuse des combattants FTPF venus du Pas-de-Calais et
FTP-MOI venus de Toulouse en mars 1944, organiseront plus de mille combattants
dont environ deux cent cinquante prisonniers de guerre soviétiques et polonais
évadés. Après le 31 août 1944, date de la Libération du département, bon nombre
d'entre eux se joindront à la colonne Fabien et à la 1re armée.
Les FTP-MOI
Les FTP-MOI sont issus de la main-d’œuvre immigrée (MOI), structure mise en
place dans les années 1920 et qui permettaient aux étrangers vivant en France
d’être intégrés à la Troisième Internationale communiste sans dépendre
directement de la section française, c’est-à-dire du PCF. Au moment même où le
PCF décide de créer les FTP, il décide également de créer des groupes de FTP-MOI
dans la région parisienne. Ces groupes peuvent collaborer avec les FTP mais ils
sont rattachés directement à Jacques Duclos, qui a le contact direct avec
l’Internationale communiste et d’une façon plus générale avec Moscou. Parce
qu’ils n’attendent aucune clémence de la part des Allemands, parce que le régime
de Vichy ne leur laisse guère de choix en dehors de la clandestinité ou de
l’internement, les différents groupes FTP-MOI, composés principalement de
résistants juifs, sont particulièrement déterminés dans la lutte contre
l’occupant. Parce qu’ils dépendent directement du Komintern, par l’intermédiaire
de Duclos, on a souvent pensé que ce sont eux que l’on envoie en première ligne
lorsque vient l’ordre de Moscou d’intensifier le combat, alors que les groupes
français sont beaucoup plus insérés dans une dynamique nationale. Le roumain
Boris Holban a longtemps été le responsable des groupes parisiens. Il est
ensuite remplacé par Missak Manouchian
et lorsque ce dernier est arrêté, c’est à nouveau Holban qui prend le
commandement, début 1944.
Missak Manouchian
Des maquis MOI ont également joué un rôle de première importance dans la zone
Sud, par exemple pour la libération des villes de Lyon et de Toulouse.
Guérilla urbaine
À Paris, Joseph Epstein, alias colonel Gilles, se voit confier début 1943, le
commandement des combattants FTP de l’ensemble de la région Parisienne où, selon
Albert Ouzoulias, il forme de véritables commandos de quinze combattants
permettant de réaliser un certain nombre d’actions spectaculaires, qui
n’auraient pas été possibles avec les groupes de trois qui étaient la règle dans
l’organisation clandestine depuis 1940. De juillet à octobre 1943, il y a ainsi
à Paris une série d’attaques directes contre des soldats ou des officiers
allemands. Ces commandos sont de plus en plus constitués d’étrangers de la MOI.
Le groupe de Manouchian est le plus célèbre. Ont-ils été sacrifiés parce qu’ils
étaient étrangers ? En fait, depuis 1941, les pertes parmi les groupes armés
parisiens ont été énormes dans tous les groupes FTP, français ou étrangers.
La fusion des FTP et de l’Armée secrète, pour former en 1943 les FFI
En 1942, les deux principaux mouvements de résistance non-communistes de la zone
sud, Combat et Libération-Sud reconnaissent l’autorité de la France libre,
devenue France combattante, et se mettent d’accord pour constituer l’Armée
secrète (AS). À cette époque, les communistes viennent tout juste de prendre
contact avec l’envoyé du général De Gaulle,
le colonel Rémy.
Fernand Grenier,
qui arrive à Londres en janvier 1943, est le premier représentant du PCF auprès
de la France combattante. Il est également porteur d’une lettre du chef des FTP
Charles Tillon
avec qui il a passé le jour de Noël 1942.
Fernand Grenier
Gilbert Renault alias colonel Rémy
Charles
Tillon
La fusion théorique entre les FTP et l’Armée secrète a lieu le 29 décembre 1943,
donnant naissance aux FFI dont le général Koenig est nommé chef le 23 mars 1944.
En fait, l’intégration est beaucoup plus tardive que la date théorique, et dans
certaines régions, elle ne se produira jamais.
À Paris, les conditions sont plus favorables à une réelle intégration, peut-être
parce que c’est le lieu où siège le COMAC, permettant une négociation directe
entre le représentant communiste Pierre
Villon et le délégué militaire national (DMN),
Jacques Cabane Delmas.
C’est un FTP, Henri Rol-Tanguy,
qui est nommé en juin 1944 chef des FFI de la région parisienne. Lors de la
Libération de Paris, les FTP sont ainsi parfaitement intégrés aux FFI.
Henri Rol-Tanguy
Pierre Villon
Jacque Cabane Delmas
Brassard
FTPF