Henris Petit
Compagnon de la Libération
Médaille
de la Résistance
Les maquis de l'Ain et du Haut-Jura sont des
groupes de résistants français ayant opéré et s'étant cachés dans les montagnes
et forêts du Bugey et du Haut-Jura.
Après l'armistice du 22 juin 1940, la division entre zone occupée et zone libre
place le Bugey du côté zone libre mais tout proche de la ligne de démarcation.
L'armée secrète va être particulièrement active dans l'Ain ; En effet, sur les
huit camps de maquisards recensés en 1943, un certain nombre se situe dans le
Bugey ; en particulier, le plus ancien d'entre eux, le camp de Chougeat, dans le
Haut-Bugey, ouvert en mars 1943, qui regroupe une soixantaine de maquisards sous
le commandement de Charles Bletel. Lui-même, à l'instar des commandements des
autres camps de la région est placé sous la direction du capitaine Henri
Romans-Petit ; celui-ci va d'ailleurs conduire la première action d'envergure du
maquis de l'Ain et du Haut-Jura : la prise du dépôt d'intendance des Chantiers
de la jeunesse à Artemare, dans le Bas-Bugey, où le commando prend les uniformes
que les maquisards utiliseront lors du défilé du vingt-cinquième anniversaire de
l'Armistice de 1918. En effet, le 11 novembre 1943, 200 maquisards défilent en
armes, à Oyonnax. Suite au défilé, les Allemands se rendent à Oyonnax en
décembre 1943. Le maire, Paul Maréchal et son adjoint, Auguste Sonthonnax, sont
fusillés un mois après, le 11 décembre 1943. Quelques semaines plus tard, la
presse anglo-saxonne diffuse l'information concernant le défilé qui, dit-on, a
achevé de convaincre Winston Churchill de la nécessité d'armer la Résistance
française. Oyonnax fut récompensée de son enthousiasme par la Médaille de la
Résistance qui figure sous son blason ; cette décoration fut également attribuée
à la ville de Nantua[
Histoire
Prélude
Lors de l'occupation de la France par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre
mondiale, la France est découpée en deux parties soumises à deux législations.
Entre les mois de juin 1940 et novembre 1942, le département de l'Ain est inclus
dans la zone libre soumise au Régime de Vichy avec pour seul exception le Pays
de Gex qui fait partie de la zone interdite.
Des lois sont alors mises en place dès le 4 octobre 1940 pour placer les « les
étrangers de race juive » dans des camps d'internement français. Les
persécutions étant plus nombreuses vers la fin de l'année 1942, une part de la
population décide de porter secours aux victimes et forme les premiers groupes
de résistance civile. De plus, après le débarquement des Alliés en Afrique du
Nord et dès le 14 décembre 1943 les Allemands offrent de brutales offensives
sous forme de représailles, d'exécutions et de rafles.
LE CAS EXEMPLAIRE DE L'ORGANISATION DES MAQUIS DE L'AIN
Dès 1941, des élèves du lycée Lalande à Bourg-en-Bresse décident de s'unir pour
s'opposer au Régime de Vichy. En octobre, ils créent alors un groupe de six
personnes dont les actions sont la distribution de tracts et journaux
clandestins. D'autres élèves rejoignent le groupe qui compte jusqu'à trente
membres à la fin de l'année. Le mouvement s'élargit grâce aux internes qui
créent également des groupes dans leur communes d'origine Pont-de-Vaux, Nantua,
Bellegarde-sur-Valserine, Oyonnax et Belley. Le groupe acquiert le nom des
Forces unies de la jeunesse en novembre 1942.
Dans un même temps, l'occupant met en place le service du travail obligatoire,
couramment abrégé STO, et qui consiste à envoyer des travailleurs français en
Allemagne pour participer à l'effort de guerre allemand. À partir de la fin de
l'année 1943, l'envoi ne se fait plus sous la forme de volontariat, donc pour y
échapper, une partie des réfractaires décide de former les Unités combattantes
du maquis. La topographie du département de l'Ain, situé en partie dans le
massif du Jura permet la création de camps de maquis dans les montagnes et la
pratique de la guérilla. Par ailleurs, la Bresse et la Dombes sont constituées
de plaines et sont donc des lieux stratégiques pour effectuer les opérations
aériennes de la Royal Air Force. Le département est également situé à la
frontière avec la Suisse permettant de s'évader et de créer des réseaux de
renseignements.
LE HASARD D'UNE RENCONTRE QUI DEVIENT CAPITALE
Comme le cite Alban VISTEL dans 'Visages de l'Ain' n° 138 : 'Dans le monde
clandestin de la Résistance, l'intervention du hasard ne laisse pas d'être
souvent déterminant. Des rencontres insignifiantes en temps normal font éclore
des événements aux projections imprévisibles'.
Henri PETIT Henri Romans-Petit
Alias : "Romans"
Fils d’un agent des chemins de fer, Henri Petit est né le 13 février 1897 à
Firminy dans la Loire.
Il fait ses études au lycée de Saint-Etienne et s’engage en 1915 pour la durée
de la guerre au 13e Bataillon de Chasseurs. Promu caporal puis sergent, il est
cité à l'ordre de l'Armée et décoré de la Légion d'Honneur.
Admis à Saint-Cyr en 1918 au titre des réserves, il en sort aspirant. Muté dans
l'Aviation, il rejoint alors l'escadrille B.R.127 affectée au bombardement de
jour. Il est nommé sous-lieutenant avant d'être démobilisé.
Reprenant ses études à Lyon, il obtient sa licence en droit et s'occupe alors
des relations publiques et de la publicité pour des maisons d'édition.
Il crée en 1928 à Saint-Etienne l’agence de publicité Stefa.
Capitaine de réserve dans l'aviation, il est rappelé en août 1939 et commande
les bases aériennes de Cannes et de Nice.
Dès 1941, on le retrouve au réseau 'ESPOIR' dirigé par Jean NOCHER à St-Etienne
(Loire) jusqu'à l'arrestation de celui-ci en 1942.
Refusant l'armistice de juin 1940, il tente en vain de rallier le général de
Gaulle à Londres.
Henri Petit séjourne ensuite à Saint-Etienne et y crée l'un des premiers réseaux
de résistance avec Jean Nocher. Pendant deux ans avec ses amis du réseau "Ali-Tir",
il participe, sous le nom de "Romans" à des opérations de renseignement et de
réception de parachutages.
Henri PETIT interroge Marcel DEMIA sur ce qui se passe dans l'Ain, sur les
actions entreprises face à la Relève.
Marcel DEMIA lui fait part de ses difficultés : il a placé dans les fermes des
jeunes qui ont refusé de partir en Allemagne. Maintenant il souhaiterait trouver
un officier d'active ou de réserve pour s'occuper d'eux.
Vivement intéressé, Henri PETIT demande des précisions, s'enquiert de la nature
du relief, puis promet de venir voir dans l'Ain et de faire quelque chose pour
'ses petits gars'.
En janvier, Henri PETIT tient parole et se présente à Ambérieu.
DEMIA l'emmène chez Marius CHAVANT à Montgriffon.
Désormais, Henri PETIT va séjourner dans ce secteur et étudier ce qui peut être
réalisé.
En 1942 Henri Romans-Petit arrive dans l'Ain où il établit immédiatement des
contacts avec la Résistance. Au bout de quelques mois, en décembre 1942, il
commence à organiser l’hébergement de réfractaires du STO.
Il crée en juin 1943, près de Mongriffon, une école de cadres pour former les
maquisards dont le nombre augmente sans cesse dans la région.
Le camp de la ferme des Gorges
Nous sommes au début de Juin 1943, Marius CHAVANT adjoint au maire de la
commune, indique au Capitaine MOULIN (Henri PETIT) qui deviendra le Capitaine
ROMANS, la ferme abandonnée des Gorges pour rassembler les premiers réfractaires
qui deviendront maquisards de l'Ain.
Le 10 juin, dans cette ferme, peu avant midi, se présente un homme trapu au
regard direct : MOULIN chef des Maquis de l'Ain. Julien ROCHE lui établira une
carte d'identité au nom de ROMANS, domicilé «22, rue de Rozier à Ambérieu en
Bugey» (aujourd'hui rue de la République).
Une petite anecdote amusante mérite ici d'être soulignée : c'est à cette époque
et dans ce camp où le "capitaine" va installer son PC que Julien ROCHE lui
propose le nom de guerre de "ROMANS", considéré comme étant plus en rapport
avec l'aventure dans laquelle il s'est engagé, que celui de MOULIN utilisé
jusqu'à ce jour. Ce nom "ROMANS" lui restera désormais à vie.
"Le CAPITAINE", c'est ainsi que l'on nomme maintenant Henri PETIT, va regrouper
en premier, faute de moyens financiers, uniquement les réfractaires en situation
difficile. Ceux dont l'oisiveté, la dureté des conditions de vie et l'impression
d'abandon, favorisent l'angoisse et un éventuel découragement.
La ferme des Gorges est choisie par Marius CHAVANT pour sa situation
géographique répondant à la doctrine de "guérilla".
Une vingtaine de garçons formeront ce premier camp du secteur de Montgriffon qui
fera date dans l'histoire des maquis de l'Ain. Car une différence fondamentale
existe entre ce regroupement de la ferme des Gorges et d'autres camps-refuge
aux effectifs souvent plus importants et de création nettement plus ancienne.
Celui-ci dirigé par un jeune officier d'active recruté peu de temps auparavant
par le "Capitaine" est, de par son organisation et ses objectifs, le point de
départ des unités combattantes des maquis de l'Ain.
Mise en place des camps
Organisation
Dans un premier temps, le capitaine Henri Romans-Petit rassemble une vingtaine
de personnes réfractaires au STO et dont les conditions de vie sont les plus
difficiles. Il craint un découragement de leur part et les placent dans la ferme
des Gorges, suivant les conseils de Marius Chavant, adjoint au maire de la
commune de Montgriffon, pour l'avantage de son emplacement géographique
favorable à la mise en place de stratégies d'attaques. C'est une ferme
abandonnée et isolée, le hameau le plus proche est celui de Résinand. Elle est
située au fond d'un ravin à proximité immédiate d'un grand pré en pente et
adjacente à un ruisseau. Manquant de moyens financiers pour l'achat de
nourriture, il laisse les autres possédant un travail se loger chez des
cultivateurs ou des artisans tout en conservant leur contact.
L'école des cadres est assurée par Pierre Marcault, elle a pour but de former
les différents chefs des maquis. Le 14 juillet 1943, de nombreux résistants se
regroupent à la ferme de Terment pour célébrer la fête nationale malgré
l'interdiction du Régime de Vichy. Les premiers groupes de maquis sont ainsi
constitués et les promus de l'école des cadres répartis dans différents camps à
Granges, Cize, Chougeat, Corlier et le Retord.
ORIGINE DU GROUPEMENT SUD - Mai 1943 - Fév. 1944
La guérilla excluait les concentrations d'hommes trop importantes, facilement
repérables, donc vulnérables, difficiles à encadrer et à contrôler.
De petites unités mobiles, souples, autonomes, reliées entre elles et au poste
de commandement par un système de liaison éprouvé, étaient plus efficaces et
viables.
Le capitaine ROMANS limite l'effectif d'un camp à une soixantaine d'hommes.
Au-dessus de ce chiffre, l'administration d'une unité est trop lourde,
au-dessous, il est difficile d'assurer correctement le service de guet, les
corvées de ravitaillement et de camp et les séances d'instruction
«La Croix» lieu de rassemblement entre Hotonnes et les Plans pour les camions du
camp Morez le 11/11/1943 en vue du défilé historique d'Oyonnax. Il était aussi
un point de repère pour accéder aux fermes de Morez, Deschapoux et Combettes
Bien qu'on inculque aux cadres les éléments d'une même doctrine de guérilla, une
certaine diversité confère à chaque camp sa propre originalité. Des contrastes,
des particularités se dégagent, en fonction du tempérament et des idées du chef
de camp, des sources de recrutement de chaque unité.
Le camp Verduraz :
Ce camp a été formé par le Capitaine Henri PETIT (ROMANS) en juillet 1943 à la
ferme de Terment.
Fin 1943, le camp comprend environ 45 hommes, commandés par Jean VAUDAN (VERDURAZ),
assisté d'Hubert MERMET, un élément incontournable des camps maquis.
Le camp de Morez
La ferme de Morez, ouverte à la mi-août, abrite les réfractaires de la région de
Bellegarde, chassés du Trou du Gros Turc par une opération GMR (Groupe Mobile de
Réserve).
Fort d'une quarantaine d'hommes dès août 1943, le camp, suite à l'afflux de
réfractaires et de volontaires, est divisé en 2 unités le mois suivant avec
celui des Combettes.
L'ensemble est placé sous le commandement de Pierre MARCAULT. Les frères Julien
et Marius ROCHE, Charles FAIVRE, GRELOUNAUD, Roger TANTON, Jacques THEROND,
Christian FINALY forment l'ossature des camps de Morez.
Le camp des Combettes situé à 1 km de celui de Morez
Il a été créé le 10 octobre 1943 par le prélèvement de maquisards sur le camp de
Morez. Maurice NICOLE, transfuge de l'organisation TODT, en est l'animateur avec
Jean-Baptiste ZWENGER.
Le camp des Combettes a pour caractéristique la grande diversité des origines
géographiques de ses éléments.
Fin 1943, ils sont une cinquantaine.
Le camp de Pré-carré
Créé début novembre par de LASSUS, le camp de Pré-carré s'était implanté au nord
d'Hotonnes. Fin 1943, l'effectif du camp ne dépasse pas la cinquantaine
d'hommes. Le père SEIGLE est également à l'origine de la création de ce camp.
Le camp de Chougeat
Implanté depuis mars 1943 au signal de Chougeat, ce camp était le plus ancien du
département. Cette qualité «d'ancêtre» lui conférait un certain prestige.
HYVERNAT, PIOUD, PERRIN, ECQUOY sont parmi les pionniers.
A cette époque, il regroupe une soixantaine de réfractaires.
Le camp de Granges
Ce camp a été formé le 19 septembre 1943 par la fusion de 2 groupements de
réfractaires menacés par les forces de répression : Catane de Prosper MIGNOT et
Sièges avec JOYARD, et VAREYON-DET
Constitué de groupes déjà soudés par quelques semaines de clandestinité et
d'apprentissage du maquis, Granges a très tôt été d'une solide cohésion, animé
par Georges BENA, PAUGET, DECOMBLE et DEGOUTTE.
Fin 1943, le camp regroupe 60 à 70 hommes.
Le camp de Cize, commandé par Charles BLETEL
Créé en juin 1943, le camp de Cize demeure jusqu'à la fin 1943 au dessus de
Chalour sur la falaise dominant le barrage de Cize-Bolozon.
Charles BLETEL et Edouard BOURRET (BRUN), sont bien épaulés par les SIXDENIER,
BUFFAVENT, GUILLOT, BIDE, LOUVEAU, BONDUE entre autres.
Le développement de ce camp correspond au déclin et à la dissolution de celui de
Chavannes. Point de départ des hommes du coup de main sur l'usine du Creusot le
16 décembre 1943.
Le 14 juillet 1944, Charles BLETEL est fusillé par les allemands à Echallon. Il
sera remplacé par Edouard CROISY jusqu'à la libération.
Le camp de Georges BENA dit «MICHEL»
Ce camp exemplaire par sa discipline est installé à la ferme de Pray-Guy à
Brénod en novembre 1943. Prospert MIGNOT, Pierre JEANJACQUOT, Roger LUTRIN dit
MARCEL, Paul PAUGET dit ROBERT, Georges GOYARD dit GABY, André JUILLARD dit
GOYOT, Roger DEGOUTTE encadrent les 80 hommes de ce camp, en particulier chargé
de la protection rapprochée du PC et de la mission interalliée installés à la
ferme du Fort sur Brénod.
Le camp ROLLAND
Il sera formé un peu plus tard.
Parmi tous ces camps, le camp de Morez a été choisi pour être visité par la
mission interalliée ROSENTHAL (CANTINIER) et HESLOP (XAVIER), le 1er novembre
1943 en présence du Capitaine ROMANS.
Ce jour là, Pierre MARCAULT en opération extérieure a choisi Julien ROCHE pour
présenter le camp où flottait le drapeau à croix de Lorraine (uniquement pendant
cette cérémonie).
Etaient présents à cette cérémonie, outre ROMANS, Edouard BOURRET (BRUN), et
Maurice MORRIER (PLUTARQUE)
Conclusion de la commission : «Magnifique tenue, équipement parfait et armement
assez poussé, moral très haut.»
Effectif des maquisards début janvier 1944
Le cahier des effectifs maquisards répartis dans les camps des groupements nord
et sud placés sous le commandemant de ROMANS PETIT début janvier 1944 est arrêté
au nombre de 454.
Il est probable que la marge d'erreur possible tourne autour d'une trentaine
d'hommes déclare Marius ROCHE, qui s'est chargé d'établir ce cahier au poste de
commandement départemental.
Ce chiffre se rapproche de celui de 485 (qui parait plus probable aux données
chiffrées) transmis à Londres par l'opérateur radio de la mission interalliée
O.D. JOHNSON.
Avec l'accord du Colonel Henri GIROUSSE, ce cahier a été déposé aux Archives
Départementales de l'Ain le 13 octobre 1994
Au même moment, les contacts se multiplient entre le maquis de l’Ain et l’Armée
secrète (AS). En septembre, sous la direction de Romans-Petit, les maquisards
réalisent deux coups d'éclat : ils prennent un dépôt d'Intendance des Chantiers
de Jeunesse à Artemare où le commando prend les uniformes que les maquisards
utiliseront lors du défilé du 11 novembre 1943 et l'Intendance de l'Armée à
Bourg-en-Bresse.
La réussite du coup d'Artemare sur le camp de jeunesse n°43 fait basculer les
maquisards du camp de réfractaires dans celui de rebelles...
Cette année 1943 restera d'abord, pour les maquis de l'Ain, celle de toutes les
audaces. Elle annonce et prépare, au dernier trimestre surtout, les premières
semaines glaciales de 1944 qui allaient être si souvent celles des grands
affrontements meurtriers.
L'audace, - un cri de lumière qui hurlait déjà si fort dans la bouche de DANTON
-, est une qualité cardinale qui inspire et motive tout homme engagé dans le
combat. Ceux qui sont passés par les Ecoles de guerre le savent bien : sans
audace le soldat, - avec ou sans uniforme -, risque fort de s'embourber vite
dans la résignation.
Le coup de main d'Artemare, en septembre 1943, s'inspira de cette vertu. En même
temps qu'il retentit lui aussi comme un "coup de tonnerre", il se voulait
exemplaire, mieux "Dans le Département apparemment mis en sommeil par l'occupant
et ses alliés de Vichy, écrit Pierre MARCAULT, le chef qui s'investit totalement
dans cette opération, ce coup de main fut reçu comme la démonstration évidente
de l'existence d'un puissant mouvement d'opposition armée".
Artemare n'offrit nullement l'apparence d'un acte isolé. Tout allait être
méticuleusement, soigneusement préparé. Rien de l'opération ne fut laissé au
hasard. Ainsi en décidèrent en conscience les responsables,Henri PETIT (ROMANS),
ses adjoints Henri GIROUSSE (CHABOT) et Noël PERROTOT (MONTRÉAL) ; et aussi,
bien sûr, MARCAULT et Maurice MORRIER (PLUTARQUE), à qui revient d'avoir lancé
l'idée de l'expédition.
De quoi s'agissait-il ? Vers la fin de l'été 1943, à une époque où grossissent
rapidement les effectifs de tous ceux qui refusent Vichy et sa honteuse
collaboration, les maquis sont inquiets. Non qu'ils mettent une seconde en doute
la force et la volonté de leur engagement, mais ils sont bien obligés, - eux les
soldats de l'ombre, donc clandestins -,d'apporter une solution satisfaisante à
la situation matérielle de leurs camps. Il n'est pas d'armée, fut-elle
clandestine, sans intendance. Les armes et le gîte, c'est primordial certes,
mais il surgit des carences qui ne peuvent se prolonger : celle, notamment,
essentielle, qui touche aux équipements vestimentaires.
L'hiver est proche en cette fin 1943... L'hiver, le froid et toutes les
intempéries probables d'une mauvaise saison (et nul ne peut alors prévoir à quel
point elle sera terrible), seront un obstacle auquel il faut faire face le plus
vite possible. Ce ne sont pas les maigres baluchons que portent les "petits",
arrivés dans les camps le plus souvent avec des tenues d'été, qui déversent sur
ceux qui ont choisi d'être maquisards en France les vêtements chauds et les
chaussures dont ils auront bientôt impérativement besoin...
Alors quoi ? Eh bien, le maquis de l'Ain n'hésitera pas une seconde. Nul ne
donnera tort à ses chefs : pour habiller, réchauffer les hommes, dont certains
"dépenaillés, loqueteux, traînent quelques misérables hardes qu'ils nettoient et
reprisent de leur mieux" (cf. voix du maquis 2ème trimestre 1983), on décide un
raid sur l'entrepôt des Chantiers de Jeunesse, implanté à Artemare, où sont
stockés des effets neufs et de solides chaussures. Un vrai trésor de guerre, en
quelque sorte !
UN BUTIN SÉDUISANT 6 000 PAIRES DE CHAUSSURES!
PLUTARQUE a obtenu de son ami Paul DEBAT (JACQUES) un inventaire des stocks, une
évaluation du personnel de protection et des systèmes de sécurité. Sage
précaution...
Quand les acteurs du "coup" d'Artemare remuent avec nostalgie leurs souvenirs,
des figures surgissent, hautes et pures, marquées souvent d'une certaine
noblesse. La mémoire de MARCAULT, qui exerça parmi d'autres missions, celle de
commandant des trois camps installés sur le plateau d'Hotonnes, a conservé
intactes, avec émotion, les silhouettes de nombreux compagnons, dont celles de
ces deux maquisards soviétiques, NICOLAS et YVAN qui, au terme de mille
périgrinations, vinrent se joindre aux maquisards de l'Ain qu'ils épaulèrent
avec courage dans leur combat. Et notamment à l'occasion du coup de force d'Artemare.
Artemare ? «Aucun de nous, reconnaît MARCAULT, n'y avait jamais mis les pieds !
» Il fallut donc sérieusement engager des actions de reconnaissance. L'opération
envisagée devait "redonner confiance et enthousiasme... En comblant cette
déficience épouvantable du manque de chaussures, le moral pourrait se rétablir à
un excellent niveau !".
Tout ne fut pas facile. Six points sont à neutraliser sur un terrain inconnu de
deux hectares, peuplé de nombreux baraquements tous occupés... On apprendra tout
de même, - et c'est bon pour le moral ! -, que le magasin général d'habillement
d'Artemare fournit la région. Ce n'est donc pas "un petit dépôt secondaire comme
prévu". On parle de 6 000 paires de chaussures, et l'équivalent en lingerie,
vêtements et autres équipements.
Pourtant on renoncera une première fois à lancer le raid. Un constat commun : il
faut mieux préparer le coup, et non pas l'entreprendre avec des moyens trop
faibles, et donc risquer de ne pouvoir "piquer" que quelques paires de
chaussures sur un stock de 6 000... car on ne pourra pas refaire le coup une
deuxième fois au même endroit.
Une logistique plus affinée va donc se mettre en marche.
MONTRÉAL sera chargé de recruter véhicules et chauffeurs. Quant à PLUTARQUE, il
mettra en dérangement le central téléphonique des PTT afin que toute
communication soit coupée entre Artemare et Virieu. MARCAULT se consacrera au
"déménagement" proprement dit. Les édifices jouxtant le camp, l'emplacement de
la gendarmerie, sont repérés l'un après l'autre.
Trouver des véhicules lourds... Jean MIGUET va s'en charger. Jusque là, le
maquis ne dispose que d'un camion de 2,5 tonnes (conducteur Maurice DUCLOT) et
la "maquisette", au volant de laquelle opèrent soit Octave TARDY soit René
JOMAIN (plus connu sous le nom de I"`ARBALÈTE!".
Passons sur tous les préparatifs que suppose un raid que l'on veut bien, cette
fois, pleinement réussir... Des pages entières, où s'entremêlent des points
d'attention dignes d'un grand état-major et des anecdotes savoureuses, où se
côtoient les prévisions chronologiques et les réactions imprévues des hommes
impatients et fin prêts pour l'assaut, ont été magistralement écrites par Pierre
MARCAULT. Nous ne pouvons malheureusement, dans le cadre d'un simple article,
reproduire ce témoignage de chef et d'historien scrupuleux.
Retenons donc, en nous efforcant de ne rien trahir en trop abrégeant, quelques
unes des dispositions prises tout au long de ces jours fiévreux de septembre qui
ont précédé le coup de main. Roger TANTON s'occupera des sentinelles (car,
évidemment, le camp est gardé...), Roger GRELOUNAUD de la Gendarmerie, Julien
ROCHE des chefs de camp, et son frère Marius de la neutralisation des gardes à
l'intérieur du magasin.
MARCAULT coordonnant le tout, responsable de l'opération : le «chef d'orchestre»
!
On notera au passage que rien n'a échappé aux "cerveaux" du raid d'Artemare...
Un agent de liaison n'a-t-il pas livré aux opérateurs un produit indispensable,
à savoir un bon anesthésique !. A la fois du chloroforme et du chlorure
d'éthyle, qui endormiront, si besoin est les opposants...
"NE CRAIGNEZ RIEN... NOUS SOMMES LES GARS DU MAQUIS"
Vendredi 10 septembre, minuit : "par équipes constituées, la file indienne, les
hommes quittent Morez et se fondent dans la nature" note MARCAULT.
Un peu plus tard, à l'heure prévue (2 h 30), le camp des Chantiers de Jeunesse
ne sera qu'à quelques centaines de mètres des maquisards répartis en groupes,
dont chacun a son rôle à jouer.
Tout à côté d'ici, les gendarmes sont couchés, à l'exception de l'homme de
veille. Le brigadier, réveillé en sursaut, se frotte les yeux et pousse un
soupir de soulagement : `j'ai eu peur que ce soit les Chleus ou les
Italiens...". Ils seront tout de même ficelés, attachés sur leur lit ou couchés
sur le plancher. Le sommeil sera facilité par quelques gouttes de chlorure
d'éthyle, comme prévu...
Mais comment se déroule l'opération à la maison des chefs et au magasin ? Fort
bien, merci... Une vraie ambiance de fête ! La description qu'en fait MARCAULT
mérite la citation : "L'endroit ressemble à une fourmilière. Tout le monde, sans
exception, gens du Poste de commandement, chauffeurs, tous les gars disponibles
s'en donnent à coeur joie. Du 1er étage, les sacs et les chaussures volent pour
atterrir aux pieds des équipes de ramassage qui les entassent dans des camions.
Des piles de blousons, de parkas, du matériel de campement, etc. : c'est
l'embouteillage des heures de pointe !. L'agitation est indescriptible. Le
Patron mène le bal, charriant les colis, transpirant à grosses gouttes,
plaisantant et riant à gorge déployée. Marius ROCHE est hilare. Il m'accueille
d'une grande claque dans le dos et se rue à nouveau au fond du magasin, pour
rejoindre les autres".
Quelques secondes encore. Pour calmer une turbulence qui se propage dans une
certaine baraque-dortoir, un gars de surveillance, Christian FINALY, lance d'une
voix apaisante : "nous sommes des gars du maquis, vous n'avez rien à craindre
!". De son côté, Julien ROCHE rassure également les occupants de la baraque des
chefs des chantiers en répétant : "vous n'avez rien à craindre !".
Il est 3 h 15. L'opération a duré 45 minutes, comme prévu. Pas de coup de feu.
Mais il y eut lutte avec le gendarme (armé, lui...) qui fut maîtrisé de force.
Pétrifié par la peur, un garde des chantiers, acculé au mur, répète, le regard
hagard : "ne me tuez pas !". Il paraît si inoffensif que personne ne songera à
lui arracher des mains la hache qu'il tient, sa seule arme...
Le chargement est terminé. Les véhicules sont "pleins à craquer", commente "l'ARBALÈTE",
heureux. Il reçoit l'ordre à son tour, après que le chef eut vérifié que
personne ne manquait -, de mettre en marche son camion, qui boucle le convoi.
"Derrière nous, commente MARCAULT, la nuit se referme sur le camp d'Artemare,
aussi silencieux qu'à notre arrivée. Seul continue à briller le magasin de
toutes ses lumières, comme une salle de bal abandonnée".
UNE NUIT DOUBLEMENT FÉCONDE
Cinquante années plus tard, le jugement porté par l'Histoire sur le "coup" d'Artemare
rejoint celui, tout à fait limpide, entaché d'aucune ambiguité, qui fut
unanimement émis au lendemain des faits.
A savoir, s'il est vrai que l'événement ne revendique pas d'avoir été un fait
d'arme éblouissant, qu'il a néanmoins permis au maquis de retirer un bénéfice
certain sur deux points principaux.
D'abord, très concrètement, les maquisards, enfin correctement vêtus, vont
pouvoir résister au dur climat hivernal qui les attend. Tous les hommes des
camps ralliés aux maquis ont pu être équipés, et même il y aura des réserves
d'équipement... (A ce sujet, il faut préciser que la charge utile totale des
cinq véhicules était de 11 000 Kgs transportables. Si l'on tient compte du poids
approximatif des hommes - environ 3 000 Kgs -, on peut estimer que le "fret"
disponible dont on fit bon usage fut de huit tonnes...).
Deuxième point, sur un plan psychologique celui-là. On va enfin admettre que ces
maquisards tant décriés par Vichy, présentés à la population comme des
réfractaires "sans foi ni loi", constituent bien une force tout à fait
structurée et organisée... "L'opération d'Artemare devenait donc, non pas une
marque d'hostilité envers les autorités, concluera MARCAULT, mais un véritable
acte de guerre qui faisait basculer les maquisards du camp de réfractaires à
celui de rebelles".
Et cela était d'une grande importance. La reconnaissance des "Soldats de
l'Ombre" est en marche en cet automne, tout frémissant de ferveur patriotique,
qui ne demande qu'à exploser au grand jour. La nuit d'Artemare demeurera une
nuit féconde. Elle sera le prélude, deux mois après seulement, au jour de grande
clarté d'Oyonnax.
En octobre 1943, Romans-Petit devient chef militaire, responsable de l’Armée
secrète (AS) pour le département de l'Ain. Le 11 novembre 1943, il organise le
célèbre défilé d'une partie de ses troupes (250 hommes) à Oyonnax. Devant une
foule médusée puis ravie, il dépose une gerbe en forme de Croix de Lorraine au
monument aux morts avant de quitter la ville en bon ordre. Le défilé d'Oyonnax,
filmé par le fils de Henri Jaboulay, abondamment raconté par la presse
clandestine et la radio de Londres, a un impact très important sur la population
française et sur les Alliés pour lesquels la résistance armée française a
désormais une existence concrète.
L'événement phare de l'automne 1943
Le défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax : un défilé d'une audace inouïe, mais
d'abord le défi courageux des maquisards de l'Ain
Aux rendez-vous de l'Histoire, - la grande, celle qui a forgé la Nation -, les
Pays d'Ain ont inscrit leur date : 11 novembre 1943.
De GAULLE l'a saluée comme un événement majeur qui força la reconnaissance de la
Résistance française par les Alliés, Alban VISTEL écrit qu'elle fut le coup de
tonnerre qui creva la nuit oppressante de l'Occupation, Henri PETIT (ROMANS) vit
en elle le témoignage de l'existence d'une armée dont "ni les soldats, ni les
officiers ne ressemblaient, même de loin, à des terroristes". Et beaucoup
d'autres voix, on le verra, ont exalté, magnifié l'éclat de ce jour-là.
Plus de soixante années ont passé. Mais que l'on imagine aujourd'hui quel
formidable culot poussa ces quelque cent cinquante maquisards de France et leurs
chefs, venus en camions de leurs repaires montagnards du Bugey, à défiler au
grand jour (et pas n'importe lequel !), à la barbe des nazis, dans une ville de
la France occupée...
Eurent-ils sur-le-champ pleinement conscience, en ce jour interdit parce qu'il
commémorait la victoire des poilus de 14-18 sur les Allemands, qu'ils venaient,
ces maquisards de chez nous, de signer un "coup" dépassant de loin la symbolique
pure, un "coup" qui interpella si fort CHURCHILL et ROOSEVELT qu'il allait
débloquer le largage tant attendu des parachutes porteurs de containers chargés
d'armes et de vivres ?
A elle seule, l'inscription vengeresse barrant la gerbe déposée au pied du
monument aux morts d'Oyonnax proclamait toute sa charge provocante : "Les
vainqueurs de demain à ceux de 14-18".
Explosion de cris, de hurrahs, d'applaudissements : en cet instant, sans doute,
les maquisards de l'Ain ne pensaient sûrement pas qu'ils venaient d'écrire une
page forte de l'Histoire de leur Pays... Ils goûtaient l'ivresse forte d'une
heure extraordinaire, savourant la joie immense d'être réchauffés par la
fraternité chaleureuse des populations oyonnaxiennes éberluées... Et cet
accueil, en réponse à leur défi, les paya au centuple de leur audace.
«NOUS ALLONS FRAPPER UN GRAND COUP...»
Défi ? C'en était un, à coup sûr, dont "l'initiative et par conséquent le
mérite", écrit le Colonel Henri GIROUSSE (ex-capitaine CHABOT, commandant le
groupement sud) en reviennent au capitaine ROMANS". C'est lui qui avait réuni
quelques jours auparavant, à son P.C. de Granges, ses principaux adjoints :
CHABOT, mais aussi Noël PERROTOT (alias MONTRÉAL , commandant le groupement
nord) et RAVIGNAN. L'un des buts de l'expédition était "de montrer le vrai
visage du maquis, encadré par de vrais officiers français, à la population
civile, plus ou moins endoctrinée par la propagande de Vichy".
C'est à CHABOT, un ancien de Saint-Cyr, que fut confiée la mission d'organiser
le défilé. Entreprise lourde de risques multiples !
... Car nul ne peut supposer, même après un demi-siècle, qu'une démonstration
d'une envergure telle, aux conséquences imprévisibles, ait pu relever d'une
banale improvisation ! "Je pensais surtout à la menace pesant sur les
populations de nos amis civils sans défense", craignait CHABOT à juste titre ...
"Et pourtant, avec le recul, on peut affirmer que le défilé des maquis, le 11
novembre 1943, a été non seulement un grand succès, mais une opération positive
et bénéfique". Ce que traduit aussi par une autre formule le Lieutenant DE
LASSUS, commandant la 1 ère section : «Trois ans après la honte de 40, un
drapeau français, des soldats de chez nous, osaient se montrer à découvert,
malgré les troupes d'occupation !».
Tout fut donc minutieusement préparé. Il fallait neutraliser les forces de
police ou de gendarmerie, heureusement complices grâce à des hommes de la trempe
du Capitaine VERCHERE, qui sera plus tard déporté. Il fallut aussi se procurer,
bien évidemment, des véhicules. Une camionnette avait même été remise par le
Père Supérieur (déporté et mort en Allemagne) de la Trappe des Dombes fin août
1943. Elle servit pour le transport du 11 novembre.
Une brochette de garçons enthousiastes et dévoués s'occupèrent tout spécialement
des conditions, pour le moins hasardeuses, de l'approvisionnement en essence.
S'il faut citer quelques noms, - entreprise délicate car elle entraînera
inévitablement quelques omissions involontaires -, surgissent des figures comme
celles de Jean MIGUET et son équipe de Hauteville, Octave TARDY, Michel PENON,
Emile CARRIER... Et tant d'autres encore, dont celle du Lieutenant BRUN, celles
des équipes de neutralisation de la ville, des résistants d'Oyonnax, bien
évidemment, rassemblés autour du Lieutenant CURTY (BOUDET), Chef de l'A.S. -
secteur C6, du Professeur Elie DESCHAMPS (RAVIGNAN), des familles MOIRAUD et
JEANJACQUOT.
Tout semble prêt. "Nous allons frapper un grand coup", prévient ROMANS, en
serrant la main de Pierre MARCAULT, responsable des Fermes "Morez" et des
"Combettes", et auquel vont être confiées, on va le voir, d'importantes et
nouvelles responsabilités dans la conduite du défilé. "Nous allons frapper un
grand coup : défilé drapeau en tête, dans une ville du département. Le lieu et
la date ne sont pas encore arrêtés, mais il faut tout de suite vous y préparer".
Bien sûr que oui, l'on s'y prépare ! On sensibilisera l'opinion : les officiers
seront en tenue, les hommes en uniforme. On dût trouver un drapeau certes, mais
aussi des clairons, des tambours... et même quelques paires de gants pour la
garde du drapeau. Car ce ne sont pas des marginaux qui vont avancer au grand
jour dans le centre d'Oyonnax, mais des patriotes français, propres, résolus et
disciplinés. Et surtout grisés de liberté ; d'une liberté qu'ils souhaitent
faire partager à leurs compatriotes étouffés sous la botte ennemie.
Le 11 novembre au matin, "Dans l'aube froide et cotonneuse", telle que la
décrit MARCAULT, la colonne des maquisards, pataugeant dans la neige, s'ébranle
enfin. Un peu plus bas, on s'entasse dans les camions soigneusement bâchés.
Direction enfin révélée : Oyonnax.
Les routes de montagne sont périlleuses. A tout moment, l'ennemi peut
intercepter le convoi. Passons sur les difficultés imprévues rencontrées sur le
trajet, sur les retards, les craintes d'être confrontés à une panne de moteur
(ou de carburant)... Quant à l'itinéraire, soigneusement étudié, il sera ainsi
fixé : le convoi s'ébranlera du Grand Abergement. On filera par Le Poizat,
Lalleyriat. On traversera la RN 84 à Moulin de Charix. On grimpera aux abords du
lac Genin, avant de déboucher sur Oyonnax par la forêt d'Échallon.
Nous voici maintenant proches du lieu... et tout près de l'instant que retiendra
l'Histoire.
Le dispositif du défilé, lui aussi, a été scrupuleusement arrêté. ROMANS
marchera en tête avec, à ses côtés, le capitaine JABOULAY, puis le Lieutenant
Charles MOHLER (DUVERNOIS), le Lieutenant Lucien BONNET (DUNOIR) de l'État-Major
régional R1. Suivra le drapeau avec sa garde. Roger TANTON, mitraillette au
poing ouvre la marche.
Ce sont trois sections, fortes chacune d'une trentaine d'hommes, qui défileront
derrière le drapeau.
De LASSUS avancera en tête de la première section : à ses côtés, les frères
jumeaux Marius et Julien ROCHE. Pierre MARCAULT commandera la seconde section,
et CHABOT la troisième, que "bouclera" en serre-file VERDURAZ.
Le drapeau ? C'est Raymond MULARD qui aura l'honneur de le porter. On l'a prévu
au camp de Morez, comme pour toute la garde. Les hommes se sont entraînés à
défiler. De même l'équipement touchant au drapeau a été récupéré à Hotonnes et
Ruffieu (notamment auprès du curé et du secrétaire de mairie). Car il fallait
aussi, - et ce n'était pas un détail mineur -, quelques paires de gants blancs.
"Les miens, a précisé MULARD qui le tenait de son vieux copain Raymond COMTET,
avaient été portés par une jeune femme qui s'était mariée huit jours plus tôt
!".
Quant à Pierre CHASSE (LUDO), il se souvient qu'on lui remit, quelque part à
l'entrée d'Oyonnax, une gerbe en forme de grande croix de Lorraine fleurie :
"Un peu encombrant et pas très discret, jugea-t-il, ce "paquet" ; quand on se
ballade seul sur une route !".
Peu après, alors que les unités de maquisards sont fin prêtes, et que les hommes
de protection, mitraillette au poing, sont en place, LUDO remettra la gerbe à
Julien ROCHE, qui avancera aux côtés de son frère Marius, tandis que lui, LUDO,
trouvera une place à gauche de la garde d'honneur du drapeau.
UNE MARSEILLAISE MÊLÉE DE LARMES...
Il est près de midi. Le Patron (entendez par là, bien sûr, ROMANS-PETIT) se
tourne vers ses hommes : - "Les Maquis de l'Ain, à mon commandement"
Cet ordre que le chef vient de hurler, devant une population abasourdie, il
résonne encore dans les oreilles de tous les acteurs survivants de ce grand
moment, cinquante ans plus tard. Le clairon sonne la garde. MULARD dresse bien
droit son cher drapeau, et porte sur la poitrine sa croix de guerre 39-40.
Depuis la place de la Poste jusqu'au monument aux morts, les clairons et les
tambours rythment la marche. "Aucun de ceux qui ont participé à cette
cérémonie, commente CHABOT, ne peut oublier l'ambiance exceptionnelle qui
s'est créée peu à peu pour atteindre l'un de ces sommets qu'il est rare de vivre
dans toute une existence".
ROMANS dépose la gerbe barrée de sa fière inscription. La "Marseillaise"
s'élève, enflée par la foule, une "Marseillaise" mêlée de larmes, "qui surgit,
grossit, monte...".
«Cette Marseillaise ce n'est pas celle des aires d'aérodromes ou des quais de
gares, mais celle des soldats de l'an II de la République» comme le dira plus
tard Daniel MAYER, Président du Conseil Constitutionel, lors d'un discours au
Val d'Enfer à Cerdon.
On acclame les gars du maquis, on les entoure affectueusement. On leur donne ce
que l'on a sous la main : un peu d'argent, des cigarettes et, bien plus que
cela, des cris d'encouragement et de réconfort. Des hommes, des femmes, des
jeunes et d'anciens poilus de 14-18 se jettent dans les bras de ces maquisards
en poussant des cris d'allégresse. On chante : "Vous n'aurez pas l'Alsace et la
Lorraine". Un seul mot peut résumer l'instant : le délire. Ce jour-là, soldats
en uniforme pour la parade de l'honneur, ces hommes venus de tous les horizons
de la province profonde, de toutes conditions et de toutes confessions, animés
par le seul souci de redonner liberté et grandeur à leur pays asservi, ces
hommes ressembleraient pour l'éternité aux soldats de l'An Il. Il arrive que sur
sa route, très rarement, l'Histoire se répète... Oyonnax connut ce rarissime
privilège.
Il faut repartir. Vite laisser derrière soi les ovations d'une population
comme prise de folie. On embarque dans les camions. Direction : les camps où se
préparent de nouvelles luttes, où s'entraîneront toujours davantage de
patriotes en vue d'affrontements futurs. Nul ne sait, le soir, quand chacun, le
coeur léger, repasse dans sa mémoire fraîche les images hautes en couleurs et en
cris d'allégresse d'un exploit qui a sublimé tous les coeurs, nul ne sait de
quoi sera fait l'an 1944 tout proche, et quand sonneront enfin les cloches de la
Libération...
Le coup d'audace d'Oyonnax, on l'a dit, allait connaître un retentissement
extraordinaire "que nul parmi nous n'avait prévu" reconnaît CHABOT qui rappelle
qu'à Londres, Emmanuel d'ASTIER de la VIGERIE, en informe lui-même Winston
CHURCHILL. Alban VISTEL lui aussi confirmera cette précision à CHABOT : «Cet
exploit, c'est autant la réussite de ceux qui défilèrent que de ceux, infiniment
précieux, dont la tâche plus obscure mais essentielle fut, à l'arrière,
d'assurer la protection par tous les moyens».
Les Maquis de l'Ain venaient de gagner une bataille pour la libération de la
France. "L'esprit de la France vit encore", écrivaient, quand leur parvint
l'information, les journaux de Grande Bretagne, d'Amérique et des pays
neutres, relatant les circonstances incroyables de ce défilé, un sursaut
d'hommes volontaires épris de liberté.
Les conséquences de l'exploit furent immédiates, on le sait : CHURCHILL annonça
à Emmanuel d'ASTIER de la VIGERIE : "J'ai décidé d'armer la Résistance
Française". Ainsi, la France résistante tout entière allait bénéficier du
défilé d'Oyonnax.
Et sans doute est-ce en pensant au courage des auteurs de ce "coup" que plus
tard André MALRAUX, évoquant l'engagement des premiers maquisards, s'écriera :
"Pour la première fois depuis son désastre de 1940, la France occupée,
martyrisée, fait à nouveau entrer sa voix à travers le monde libre. Elle
s'engageait bien sur la voie de l'effort, du sacrifice et du sang".
A la fin de l'année, alors que les effectifs paramilitaires de l’Ain (AS et
maquis) atteignent 2 000 hommes, il prend en main les forces clandestines et l’AS
de Haute-Savoie en remplacement du commandant Vallette d’Osia ; il y applique
les mêmes principes que dans l'Ain : école de formation des cadres, action brève
et repli rapide. Il est en liaison avec Londres par le biais de la mission
"Musc" composée de Jean Rosenthal (Cantinier), chargé de l’inspection des
maquis, et de Richard Heslop (Xavier) du SOE britannique. Pour répondre au
besoin de parachutages d’armes, il choisit le plateau des Glières près d'Annecy
où, en janvier 1944, sont rassemblés tous les maquisards du département.
Il regagne l'Ain après avoir confié le commandement des Glières à "Tom" Morel.
Lorsque, le 5 février 1944, 5 000 Allemands appuyé par de l’aviation attaquent
en masse les camps du maquis de l’Ain, y massacrant les maquisards, Romans-Petit
se rend immédiatement sur place ; à ski, il part à la recherche des rescapés,
passant au travers du dispositif allemand. Il réorganise ensuite le maquis et
rencontre les responsables des forces du Haut-Jura.
Le 6 avril 1944, plusieurs milliers de soldats de la Wehrmacht sont rassemblés
dans la région d'Ambérieu et donnent l’assaut le lendemain. Le colonel
Romans-Petit décide alors de disperser les maquis ; ceux-ci organisent néanmoins
des opérations de sabotage de nuit. Les Allemands se vengent sur les villages
d’Oyonnax et de Saint-Claude, entre autres.
Le 6 juin 1944, prévenus du débarquement, les maquisards détruisent le dépôt d'Ambérieu,
plaque tournante du réseau ferroviaire du sud-est. Cinquante-deux locomotives et
dix machines outil sont rendues inutilisables. Le même mois Henri Romans-Petit
est fait Compagnon de la Libération par décret du général de Gaulle.
LA BATAILLE DU RAIL ET LE PLAN VERT
Opération sur le centre ferroviaire d'Ambérieu en Bugey.
Une action à haut risque dans la nuit du 6 au 7 juin 1944.
Le centre ferroviaire d'Ambérieu en Bugey, au carrefour des lignes conduisant
vers Bourg-Paris, Bourg-Strasbourg, Lyon-Marseille, Culoz-Genève, Culoz-Chambéry
et l'Italie, est d'une importance stratégique capitale pour les communications
allemandes.
Le matériel roulant compte un nombre de 60 à
100 locomotives, réparties entre le parc, le camp, les voies de raccordement, la
grande et la petite rotonde.
- Pour entretenir ce matériel, des installations spéciales : ateliers de
réparations avec machines-outils, levage, vérin, ensemble soudure,...
- 3 plaques tournantes (des deux rotondes et du parc)
Les plaques tournantes commandent l'entrée et la sortie des rotondes et du parc.
Une plaque tournante détériorée, aucune locomotive ne peut plus passer et celles
qui sont à l'intérieur ne peuvent plus sortir. Elles sont donc prises au piège.
- Un ensemble autonome, constitué une grue de 50 tonnes, indispensable pour
réduire les déraillements. Cet ensemble comporte avec la grue de 50 tonnes, une
locomotive, deux wagons pour le personnel de manoeuvre et de protection, deux
wagons blindés avec un armement très sophistiqué : mitrailleuses lourdes et
canons automatiques de 20 mm pour la défense anti-aérienne, mitrailleuses
légères, mortiers et armes individuelles.
L'importance du centre d'Ambérieu est telle que les Allemands ont affecté à la
protection du dépôt et de la gare, une garnison qui permet d'avoir jour et nuit,
50 hommes de garde. De plus, il y a, à proximité immédiate d'intervention, les
unités qui gardent les installations de la Base Aérienne d'Ambérieu et des
dépôts de munitions de Leyment. Enfin, une unité d'intervention d'un effectif de
100 à 200 hommes est à l'instruction au Château de Douvres. Il est bien évident
que nous ne pouvions rien entreprendre contre un tel ensemble défensif aussi
longtemps que nous n'aurions pas les moyens nécessaires ou une occasion
favorable pour mener une action décisive. Nous n'aurions rien pu faire sans la
participation des cheminots.
L'OPÉRATION
Nos camions ont roulé de nuit dans un blackout total. Heureusement Jo PETTINI
connaît bien l'itinéraire et nos chauffeurs sont entraînés à ce genre de sport.
Nous avons fait un grand détour pour aborder Ambérieu par le sud et nous nous
arrêtons à 500 mètres du pont de l'Albarine. C'est là qu'est fixé notre
rendez-vous avec les cheminots. Nous faisons la dernière partie du parcours à
pied, en file indienne et en silence.
Il est minuit trente. La mise en place s'est effectuée comme prévu. Le ciel est
couvert, il pleut légèrement, c'est un temps idéal pour nous. Heureusement que
les cheminots seront là pour nous conduire vers les objectifs. Les équipes de
sabotage se forment dans le plus grand silence. LOUISON a pu contacter NICOLE et
VERDURAZ et tout se présente bien. Une déception cependant, la grue de 50 tonnes
a quitté Ambérieu dans la soirée en direction de Lyon. Elle ne sera pas au
rendez-vous.
Il nous reste à attendre l'heure H. Nous regardons fréquemment nos montres, nous
parlons tout doucement de choses anodines pour essayer de penser à autre chose,
mais comme tous les combattants les ont connues, nous vivons quelques minutes
d'angoisse dans l'attente de l'action. Je me demande encore une fois si tout a
bien été prévu car lorsque l'action sera déclenchée, je ne pourrai plus
intervenir puisque nous n'avons pas de postes radio.
0 heures 50 - Deux des équipes dont l'objectif est plus éloigné, se mettent en
route.
7 juin - 1 heure 00 - La sirène déclenchée par LEMITRE hurle. Cette sonnerie,
dans la nuit, à la minute prévue, nous apporte un soulagement, mais elle produit
en même temps un effet saisissant. Elle se prolonge et sonne longuement et il
semble qu'elle sonne plus fort et plus longtemps que d'habitude.
Toutes les équipes se sont élancées, dans la nuit, colonne par un, avec les
cheminots en tête de chaque équipe vers chaque objectif comme suit
- Gaston BRUCHER : le parc ;
- Marcel LASSUERE : le raccordement
- André MAGDELAINE et Marcel FOSSERIER : le camp
- Roger PECAUT et Henri PASSARD : la Grande Rotonde ;
- Julien GOYET, Georges MUTEL et Marcel DUTISSEUIL : la petite rotonde ;
- Louis JASSERON : l'atelier du vérin ;
- Georges BUTTARD : l'atelier de levage ;
- Antonin CHENAVAZ : l'ensemble soudure.
Les équipes sont à peine parties que des coups de feu éclatent dans la nuit. Et
puis ce sont des hurlements, des cris de frayeur. Je m'avance sur les voies
toujours accompagné de Camille TRABBIA et nous trouvons MAZAUD (Jean SIGNORI) en
train de maîtriser un Allemand que SOUPOLAIT vient de désarmer. Le prisonnier
est complètement affolé. Il crie sans que nous parvenions à le faire taire.
Toujours des coups de feu et soudain, très près de nous, des sommations en
allemand, toujours dans la nuit noire. Le prisonnier en profite pour essayer de
se sauver, mais il sera abattu aussitôt. MAZAUD poursuit sa mission tandis que
je retourne avec TRABBIA vers l'élément de recueil. Mais toujours des coups de
feu, des coups de fusils ponctués par des rafales d'armes automatiques.
Je suis très inquiet et me demande si nous ne sommes pas tombés dans un guêpier,
et si nous allons pouvoir remplir notre mission. Je crains surtout que nous
ayons des pertes. Le temps me paraît long, lorsque soudain une violente
explosion illumine la nuit. Je reconnais le bruit très sec que fait le plastic,
en explosant. D'autres explosions se succèdent rapidement et pendant une
trentaine de minutes c'est un véritable et grandiose feu d'artifice. A plusieurs
reprises, une explosion plus violente que les autres (les plaques tournantes
sans doute!).
Je suis donc rassuré en ce qui concerne la mission et les explosions auront été
si nombreuses que bien des habitants d'Ambérieu son persuadés qu'il y a eu
bombardement aérien.
Mais des coups de feu isolés continuent à troubler le silence de la nuit, tandis
que le retour des différentes équipes vers notre point de recueil s'avère très
long. Le sergent SOUPOLAIT repart avec son groupe sur les voies pour essayer de
retrouver des isolés et il a l'occasion d'abattre un deuxième Allemand.
Finalement il manque encore cinq hommes lorsque je donne l'ordre de repli en
demandant aux cheminots d'attendre encore pour les récupérer, mission qu'ils
acceptent bien volontiers avec leur dévouement habituel, d'autant plus
volontiers que les premiers compte rendus font apparaître une réussite totale de
l'opération.
Le retour au camp s'opère sans encombre mais notre inquiétude ne sera dissipée
qu'au lever du jour lorsqu'une liaison des cheminots nous apprend que les
absents sont en lieu sûr, et qu'un enfant de troupe, légèrement blessé à la
cuisse, a été conduit tout naturellement chez Marcel DEMIA.
Nous avons en même temps un premier bilan de l'opération
- 52 locomotives hors service.
- une plaque tournante très endommagée (celle du parc), les deux autres
immobilisées pour quelques jours.
- les machines-outils détériorées.
- tous les objectifs ont été atteints sauf l'atelier de levage où BUTTARD a été
accueilli par des rafales de mitraillettes. Il a essayé de pénétrer par une
autre voie, mais là aussi les Allemands étaient restés à leur poste. BUTTARD dit
« La Butte » est furieux. Cet homme à l'aspect rude et bruyant est en réalité un
garçon sensible au coeur sur la main.
Il ne s'avoue pas vaincu et dit à André MAGDELAINE : «Je n'ai pas pu faire mon
boulot de nuit, je le ferai de jour». Effectivement, le 1 7 juin vers treize
heures, au moment où les ateliers sont vides, BUTTARD vient placer ses charges
et en plein jour, l'atelier de levage est à son tour complètement neutralisé. Un
tel acte de bravoure et de patriotisme mérite notre admiration.
Le 11 juillet 1944, les Allemands tentent une contre-offensive d'envergure avec
quelque 27 000 hommes. Les 5 000 maquisards du colonel Romans-Petit parviennent
à résister malgré de violents combats. En septembre l'Ain est libéré.
Après la guerre, Henri Romans-Petit reprend son métier de publicitaire. Il est
également administrateur de sociétés, notamment dans l'électronique.
Président d'honneur des Anciens des maquis de l'Ain et de Haute-Savoie et
président de l'Association nationale des Résistants de l'Air, il est également
membre du comité directeur de la LICRA.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre et notamment Les Obstinés
et, en 1974, Les Maquis de l'Ain.
Henri Romans-Petit est décédé le 1er novembre 1980 à Ceignes dans l'Ain. Ses
obsèques se sont déroulées devant le mémorial du Val d'Enfer à Cerdon (Ain). Il
a été inhumé au cimetière d'Oyonnax.
Admirable meneur d'hommes aux incontestables qualités d'organisateur, énergique
et déterminé, Henri PETIT est arrivé dans le département de l'Ain en janvier
1943.
Rapidement considéré comme indispensable à l'organisation régionale, il sera à
cet effet désigné comme responsable de la mise en place des maquis du
département en août 1943.
Reconnaissance
France
Grand officier de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération, décret du 16 juin 1944
Croix de Guerre 1914-1918
Croix de guerre 1939-1945
Médaille de la Résistance
Royaume-Uni : Ordre du Service distingué
États-Unis : Officier de la Legion of Merit
Belgique
Officier de l’Ordre de Léopold
Croix de guerre
Congo : Commandeur de l’Ordre du Mérite
Cameroun : Officier de l’Ordre du Mérite
Tunisie : Grand officier du Nicham Iftikhar
Source: Cheignieu-la-Balme, le blog d'un Cheignieulat de coeur.