La Résistance dans le Jura
samedi 9 octobre 2010, par Marc
Le Général EISENHOWER avait rendu hommage aux Forces Française de l’Intérieur (FFI)
dans ses « Mémoires de Guerre », pour avoir contraint les forces allemandes à
immobiliser une quinzaine de divisions par leurs opérations militaires et la
désorganisation de leurs transports. Ceci est particulièrement vrai pour le
Doubs et le Jura-Nord.
Dans le Jura, si proche d’une frontière, la formation d’une « armée secrète »
répondait aux aspirations de la population. Cette résistance commença dès 1942
par les publications clandestines. C’est début 1943 que se constituèrent les
premières formations paramilitaires et que s’engagea une lutte sans cesse accrue
jusqu’à la Libération.
La Franche-Comté était coupée en deux par la « ligne de démarcation ». C’est
dans le département du Jura que cette « frontière » marquait la séparation entre
la partie de la France annexée et la « Zone Libre ». Cette zone adossée à la
Suisse, était devenue le lieu d’asile et de passage de tous ceux qui fuyaient
les polices allemandes et même françaises, ils étaient certain d’y être
recueillis, aidés pour passer vers la Suisse ou en zone libre et même secourus.
C’est au début de 1943 qu’une organisation militaire se mit en place dans la
Résistance. Ce maquis du Haut-Jura n’était rattaché à aucun parti politique, son
seul but : combattre.
Géographiquement, sa zone d’action était délimitée ainsi : au Nord,
Saint-Laurent-du-Jura, à l’Est la vallée de la Valserine, au Sud, les abords
d’Oyonnax (la ville, quand à elle, fut le berceau du maquis de l’Ain) et la R.N.
84 (Lyon – Genève par Bellegarde) et à l’Ouest la rivière de l’Ain. C’est une
région couverte de forêts à une altitude de plus ou moins 1000m. L’hiver y est
rigoureux (l’hiver 43 – 44, il y faisait –35°) mais le climat est sain. Les
habitants, et surtout ceux de la haute montagne, sont très hospitaliers, leur
patriotisme est légendaire et leur dévouement n’eut pas d’égal.
Je crois qu’il faut revenir sur un aspect spécifique du Haut Jura. A
Saint-Claude (commune de gauche destituée par Vichy) existait « La Fraternelle
», coopérative de consommation, mais aussi association pour des activités
sportives et culturelles. Celle-ci, issue d’un mouvement socialiste, dispose
d’une vingtaine de succursales dans les environs dont les plus importantes sont
à Lamoura et à Molinges. Egalement à Saint-Claude, sur les presses du « Jura
Socialiste », fut imprimé le « Populaire » qui, après un passage par Lyon, était
diffusé dans toute la France.
En 1940 les maquisards sont déjà plusieurs centaines mais, pour les encadrer, il
n’y a que quelques sous-officiers. Ils se regroupent dans les chalets forestiers
dans les environs de Lamoura et Prémanon. Les hommes sont venus pour repartir en
guerre, ils n’ont entendu que des discours qui les dépassent. Beaucoup vont
quitter le maquis mais d’autres hommes arriveront pour combattre. L’esprit des
groupes a changé. Les hommes sont venus pour combattre. Dès 1941, les groupes de
Résistance se rattachent au mouvement « Combat ». « La Fraternelle » fournit le
ravitaillement prélevé sur ses stocks. Ce ne sera qu’après le 3 mars 1944 avec
l’arrivée du Cdt Vallin que les troupes seront reprises en main, les camps sont
reformés et des groupes mobiles sont constitués. Ceux-ci font du sabotage et de
la chasse aux collaborateurs. Grâce à la configuration du terrain, les
embuscades font merveilles.
Le Mouvement « Combat » promet, mais rien n’arrive ; ni cadres, ni argent, ni
armes. Dans ces conditions, de nombreuses querelles entre les différents
mouvements nationaux de Résistance s’installent. De tout cela, des responsables
locaux garderont du ressentiment contre ce qui n’est pas haut-jurassien.
Une nouvelle période naît avec « l’Ecole des Cadres ». Elle devait former des
chefs de maquis et former une unité de combat. Ce sera encore un échec à cause
des théories d’un dirigeant quelque peu révolutionnaire, qui ne correspondait
pas aux souhaits des hommes qui étaient venus là pour apprendre à se battre et
rien d’autre. Celui-ci sera éliminé, la majorité des maquisards refusant de
faire la politique qui avait causé la chute du pays en 1940.
L’attaque allemande du 18 décembre 1943 sur un maquis proche de l’Ecole des
Cadres, entre Lamoura et Prémanon, relance la formule des petites unités. Elle
fera 4 morts chez les maquisards, 2 parmi les habitants et 10 chalets seront
incendiés. Le reste du maquis se cachera en Suisse. Les camps seront dispersés
et reconstitués au sud de Saint-Claude.
L’administration de Vichy commence à collaborer avec la Résistance à partir de
septembre 1943. le commissaire de police de Saint-Claude vient voir Emain pour
corriger une déposition maladroite d’un maquisard hospitalisé suite à des
blessures (décembre 1943). le procureur de l’Etat Français classe sans suite
l’affaire du buraliste de Lamoura tué par accident au cours d’une réquisition
des maquisards. C’est Emain qui l’avait menacé de mort s’il n’agissait pas
ainsi. le secrétaire en chef de la sous-préfecture de Saint-Claude renseigne la
Résistance (de septembre 1943 à août 1944). l’opinion publique évoluant pour la
Résistance, le sous-préfet doit faire appel aux gendarmes de Vichy qui subissent
de lourdes peines. cette situation provoque l’envoi de troupes allemandes et
celles-ci restent à Saint-Claude du 7 au 18 avril 1944. les alliés ayant
parachuté peu d’armes, lorsque les Allemands arrivent à Septmoncel pour des
représailles sur les civiles, les maquisards n’ont que des fusils de chasse pour
essayer de les arrêter.
Les Allemands arrêtent 444 personnes dont 307 à Saint-Claude. Ils incendient les
succursales de la Fraternelle, détruisant le ravitaillement du maquis, et plus
de 100 maisons. Pour les maquisards, il manque 25 hommes dont le chef de
bataillon d’active Jean Duhai, dit « Cdt Vallin », âgé de 38 ans et qui s’est
donné aux Allemands pour épargner le village de Viry qui l’avait hébergé (son
attitude et sa dignité devant la mort devaient lui permettre de sauver le
village entier du pillage et de l’incendie, et de faire libérer 20 otages déjà
alignés face au mur). Mais pour le commandant Maurice Guèpe (dit « Chevassus »),
l’adjoint et successeur désigné de Vallin, il aura perdu ses centres de
ravitaillement ainsi que pas mal d’armement. Les Allemands auraient perdu 217
hommes.
Le véritable armement arrivera par les maquis de l’Ain et le ravitaillement par
les paysans. D’ailleurs la complicité entre maquisards et paysans s’accroîtra
encore après le débarquement. A partir de juillet 1944, le secteur est
pratiquement libéré. Les Allemands se livrent à des représailles sur la
population civile craignant d’attaquer le maquis. Fin août, le maquis se lance
victorieusement à l’assaut du fort des Rousses et font plus d’une centaine de
prisonniers.
Avant le 6 juin 1944, les locomotives des dépôts d’Ambérieu – Bellegarde et des
gares de La Cluze, Saint-Claude et Morez sont détruites. Le jour du
débarquement, c’est près de 200 locomotives qui sont hors d’usage.
Le 6 juin 1944, les maquisards ont refusé les ordres de faire sauter les ponts
et de barrer les routes pour ne pas exposer encore la population à plus
d’exactions de la part des troupes allemandes, elle en avait déjà assez
souffert. Les communications sont entièrement contrôlées par la Résistance.
L’ennemi veut reprendre le contrôle de la R.N. 84 et la défense de Bellegarde.
Le maquis du Haut-Jura vient en aide à celui de l’Ain, cela lui coûtera dix
morts.
Du 11 au 18 juillet 1944, une seconde grande offensive allemande les contraint à
se réfugier dans les bois mais, dès la nuit du 14 au 15 août 1944, ils passent à
l’offensive généralisée. Les plus durs combats ont lieu aux abords du fort des
Rousses. Le secteur est définitivement libéré le 3 septembre avec la prise de
Morez en coopération avec la Première Armée.
QUELQUES ANECDOTES SUR CETTE REGION
ORGANISATION
Pour la Résistance, la partie annexée du département était elle aussi coupée en
deux : d’un côté, le groupement Nord-Jura qui, avec le Doubs, la Haute Saône et
le territoire de Belfort, formaient la Sous-Région D/2 (Colonel J. Maurin,
jusqu’à son arrestation le 15 août 1944). Sous les ordres du Capitaine Robbe
(dit Voirin), elle était divisé en quatre groupe : « Loue Lison » aux ordres du
Commandant Berion, « Ain Sayne » du Capitaine Coulon, « Mont-Poupet » du
Lieutenant Billet et « Val d’Amour » du lieutenant Couturier. de l’autre,
l’arrondissement de Dole.
L’effectif du maquis du Haut-Jura était de 198 hommes au 5 avril 1944, puis 332
le 5 juin et enfin 887 hommes à la Libération. Il avait perdu 44 volontaires
plus 4 officiers : Jean Duhail (Vallin), chef du maquis, les lieutenants
Schaeffer (Pauly), Hebrard (Garivier) et Perceval (Rémy).
LES CARTES D’ALIMENTATION
Pour se nourrir, il faut des subsistances et pour acquérir des subsistances, il
faut posséder les tickets d’alimentation. Ce sont les secrétaires de mairies qui
aidèrent la Résistance à ce sujet.
En septembre 1943, les sœurs Rathier et mademoiselle Raymond leur remirent cinq
cents cartes d’alimentation en une seule fois.
LE FERMIER COLLABO
Des maquisards apprennent qu’un fermier collabore avec l’ennemi. Ils décident de
lui prendre une vache. Ce qui fut fait mais ils se perdirent et repassèrent
plusieurs fois autour de la ferme avant de prendre la direction du maquis.
Le lendemain, le fermier constatant la disparition de sa bête porte plainte
auprès des gendarmes de Saint-Claude.
Les gendarmes, favorables à la Résistance, se rendent vite compte que l’animal
est parti pour le maquis. Ces braves gens poursuivent leur enquête et
découvrent, chez le fermier, un saloir contenant une bête abattue sans
l’autorisation adéquate. Ils dressent un P.V. et de cette manière aident la
Résistance.
LES TRANSPORTS
En décembre 1943, pour mieux camoufler le transport du ravitaillement pour le
maquis, Jean, un jeune diamantaire, acheta un bœuf et son chariot.
Avec son attelage et en toute tranquillité, il achemine au maquis des Moussières
des pommes de terres et des haricots, sans éveiller l’attention des occupants.
Les jeunes maquisards eurent droit aux pommes de terre, aux haricots, mais aussi
à l’animal !
LES MILLIONS DE LA BANQUE DE FRANCE
Dans la région de Saint-Claude, les représailles allemandes ont détruit pour des
centaines de personnes leur moyen de subsistance et souvent leur foyer. Les chef
de la Résistance, avec l’accord du sous-préfet, demandèrent une aide à la banque
de France. Dix-huit millions de francs de l’époque leur furent accordés.
Tout n’ayant pas été utilisé, l’argent restant fut remis à la trésorerie
générale de Lons-le-Saunier, à la fin des hostilités
Cette affaire fit couler beaucoup de salive mais, après enquête, il fut établi
qu’aucun résistant n’en avait profité.
LE RAPPORT ALLEMAND
« La route vers l’objectif fut contrarié par l’action efficiente des maquisards.
Nous étions harcelés comme par un essaim de guêpes et il nous a été impossible
de réaliser le plan du commandement. Les rares détachements qui atteignent leur
but sont exténués et ont perdu leur valeur combative ».
Les premières félicitations pour ces hommes viennent de l’ennemi. C’est vraiment
la preuve qu’ils avaient été d’une grande efficacité.
HOMMAGE
Un officier supérieur ayant été maquisard dans le Haut-Jura faisait les
commentaires suivant sur ses principes :
« Le maquis du Jura a été une formation d’importance modeste mais d’une certaine
originalité, d’un désintéressement et de pureté indéniable. Tout y était
partagé, l’argent y était inconnu, la camaraderie dans la pauvreté était
fraternelle ; ni inflation des grades, ni gonflement des effectifs, pas
d’attaques aventureuses, pas d’attentats aveugles ni d’agressions crapuleuses,
son comportement vis-à-vis de la population lui a valu un soutien qui ne s’est
jamais démenti. Le maquis du Haut-Jura, malgré des imperfections communes à
toute la Résistance, demeure un exemple de ce qui peut être accompli grâce à une
certaine éthique morale.
Hommage doit être rendu à ses chefs successifs ainsi qu’à ses premiers
maquisards qui lui ont conféré, dans cette période trouble, ce label de qualité
».
(On m’a rapporté ce texte mais, je le regrette, je n’en connais pas l’auteur.)