Le maquis de la Waldkapelle en Alsace.

 Lors de la débâcle de juin 40, des soldats français ont abandonné des armes ( 7 fusils de guerre, 4 carabines, 3 fusils mitrailleurs, 5 pistolets cal 7.65, plusieurs grenades à main et des milliers de cartouches). Ces armes sont trouvées par un groupe de jeunes gens de Vieux-Thann et cachées dans le massif du Rossberg. A la fin de l'été 44, 5 maquisards de la région de Thann se cachent dans le vallon du Bruderthal: Gérard Bemmert, Anatole Jacquot, Armand Neff, René Onkel et Charles Voisin.

 10 octobre 44 :
Les armes sont transportées à Steinbach et cachées dans la cave de la famille Luttenauer.
En effet, Gaston et Louis Luttenauer, originaires de Steinbach et bouchers à Cernay, ainsi que leur beau-frère Paul Hauser et André Bilwès, tous deux de Steinbach, font partie d’un réseau de complicités qui ravitaille le maquis. Pendant la nuit, les armes sont emportées par G. Bemmert, A.Neff et C.Voisin dans un camp aménagé dans la forêt.

18 octobre :          
Le matin, une partie de chasse avec battue est organisée par les Allemands, au départ de Steinbach et en direction du Herren-Stubenkopf. Y participent des gardes forestiers, des gendarmes et des rabatteurs du pays. 
Le soir, les Allemands reviennent avec des renforts, non plus pour une chasse aux sangliers mais pour une chasse à l’homme. Qu’est-ce qui a incité les Allemands à revenir ? Les thèses divergent : Un maquisard aurait, lors de la battue du matin, abattu un des gendarmes. Un Steinbachois qui ravitaillait le maquis aurait perdu sa musette avec ses initiales sur le parcours. Des proches ou sympathisants des maquisards ont-ils commis certaines maladresses ? Ou bien les Allemands recherchaient-ils en fait des espions français parachutés la veille ?
Si l’endroit où se cache le maquis est bien dissimulé, il est difficile de s’en échapper. Les maquisards se trouvent pris au piège. Le bilan est désastreux : Anatole Jacquot est abattu, Gérard Bemmert et Charles Voisin sont capturés. Armand Neff et René Onkel parviennent à s’enfuir. Gaston et Louis Luttenauer sont arrêtés, torturés par la Gestapo à la gendarmerie de Thann. Ils seront exécutés le 6 décembre 1944, avec 11 compagnons du maquis de Thann, dans la forêt de Rammersweier en Allemagne. Ils reposent au cimetière de Steinbach.

 19 octobre
 Paul Hauser est arrêté et déporté à Ravensbrück où il mourra.

 23 octobre
André Bilwès est arrêté. Il reviendra du camp de la mort de Buchenwald.

Une stèle est érigée au Bruderthal, à l’endroit même où les bûcherons trouvèrent le corps sans vie d'Anatole Jacquot.

 

Le 18 octobre 1944

Le maquis de la Waldkapelle, installé dans le vallon du Brudertahl, avait été crée dès 1941 par un groupe de jeunes vieux-thannois en contact avec l’antenne libération-nord de Belfort. Son but était de participer à la future libération. Dans un premier temps il fallait construire des caches pour du matériel, des armes et des hommes. Ces abris devaient vers la fin 1944 servir de repli pour ceux qui voulaient fuir l’incorporation de force dans l’armée allemande ou le Service de travail obligatoire. C’est ainsi qu’Anatole Jacquot, une figure mythique de la résistance, Armand Neff, Gérard Bemmert, René Onkel et Charles Voisin s’y réfugièrent.
Le 18 octobre 1944 au matin, le Brudertahl a été investi par les fonctionnaires nazis, les gendarmes, des rabatteurs avec leurs chiens. Lors des consignes habituelles données aux chasseurs, le Kreisleiter leur expliqua que cette chasse ne visait ni les sangliers, ni les chevreuils mais des partisans cachés dans ces forêts.
Dans le camp du maquis où l’on a eu vent de cette traque, Charles Voisin part en reconnaissance et ne revient plus jusqu’à la nuit tombée. C’est vers 19 h qu’Armand Neff est interpellé par Voisin l’appelant d’un voix inhabituelle. Neff a l’intuition qu’il s’agit d’un guet-apens et se baisse pour saisir son pistolet posé à terre, au moment où une rafale de mitraillette passe au dessus de lui. Anatole Jacquot a moins de chance : une rafale en pleine poitrine le fauche. René Onkel dévale la pente en se couvrant avec son arme, blessant au passage un gendarme allemand. Il parviendra à se réfugier chez un ami. Gérard Bemmert est blessé et arrêté par les allemands.
Une vague énorme d’arrestations suivra. Le coup de filet organisé par la Gestapo, apparemment bien renseignée sur l’organigramme du maquis de la Waldkapelle, a permis à la police politique du Reich d’arrêter une quarantaine de personnes. Onze ont été fusillées à Rammersweiher, les autres sont morts sous la torture dans divers camps de concentration. Deux des « rabatteurs » résistants ont échappé miraculeusement à la mort. Les allemands n’ayant pu trouver les caches ont ramené de la prison d’Offenburg à celle de Mulhouse Eugène Hauler et Antoine Stantina, dans l’espoir de se faire guider par eux. Ils ont été libérés le 21 novembre par la 1re Armée Française. Enfin, Charles Comolli a réussi à se cacher jusqu’à la libération.

EN SAVOIR PLUS : Sources « Vieux Thann » durant la guerre 1939-45, par René Gerber.

                                                      

Le fossé où sont tombés les fusillés.

                    


Une simple stèle portant les noms des onze fusillés du maquis de la Waldkapelle, est adossée au fossé où s'est terminé le martyr, avec à l'horizon la silhouette de la cathédrale de Strasbourg. 63 ans après, elle provoque toujours une vive émotion chez le passant. Ces onze fusillés avaient été extraits par la Gestapo de leurs cellules à la prison d'Offenbourg et conduits sur cette colline pour y être fusillés loin de tout témoin. A tel point que leurs corps n'ont été retrouvés qu'à l'été 1947 par une dame qui cueillait des mûres.

             Les onze fusillés

 Alfred Bucher (Thann)
Édouard Cattaneo (Thann)  
René Dormois (Thann),
Charles Hugin (Thann)
Jean Hugon (Thann),
Charles Voisin (Thann)
Gaston Luttenauer (Cernay)
Louis Luttenauer (Cernay)
Robert Foehrenbacher (Vieux Thann)
Emile Grassler (Bitschwiller)
Gérard Bemmert ( Moosch)

 

 

 

 

      Un jeune résistant alsacien:

PAROLES D'UN JEUNE RÉSISTANT

Avant de lire un article dans " La Vie ", je ne connaissais pas Marcel Weinum . Je ne savais rien de ce groupe d'adolescents âgés de 14 à 16 ans qui prirent comme nom de résistance "La Main noire".

C’étaient des « ados », au mieux de jeunes adultes. De septembre 1940 à mai 1941, ils ont constitué à Strasbourg un réseau de résistants à l’occupant nazi. Marcel Weinum, qui en fut le fondateur, a été décapité en avril 1942. Il avait 18 ans.
 

Lettre de Marcel Weinum


Marcel Weinum est né le 5 février 1924 à Brumath. Lors de l’évacuation de Strasbourg, sa famille est dirigée vers la Dordogne, puis revient en Alsace en août 1940. Dès le mois de septembre 1940, Marcel Weinum (alors âgé de 16 ans seulement) constitue un réseau de résistance, « La Main Noire » dont le but est de combattre Hitler et le nazisme. Le 8 mai 1941, Weinum et Ulrich lancent deux grenades à main dans la voiture du Gauleiter Wagner et prennent la fuite. Le 20 mai 1941, Weinum et son camarade Sieradzki partent en bicyclette en Suisse pour contacter le Consulat britannique. En chemin, ils sont arrêtés et transférés à la prison de Mulhouse. Sieradzki est abattu à bout portant en décembre 1941 au camp de Schirmeck. Marcel Weinum est exécuté le 14 avril 1942 à la prison de Stuttgart. Il obtient l’autorisation d’écrire une dernière lettre à ses parents, en langue allemande.

Voici la traduction de cette dernière lettre de Marcel Weinum à sa famille, datée du 13/04/1942, veille de son exécution.  En la lisant on ne peut qu’être saisi par l’émotion. Elle témoigne d’une foi profonde en Dieu et du bien fondé de son engagement pour le salut de sa patrie malheureuse, la France.


                                                                                                                                                                  Stuttgart, le 13 avril 1942
Chers parents et Mariette,

A l’instant, j’ai eu la triste communication que je serai exécuté demain matin à 6h. Chers parents, pour moi, cela n’est pas un malheur, car alors commencera pour moi une nouvelle vie, la vraie vie. Mais, malheureusement pour vous, c’est une bien douloureuse nouvelle. En particulier pour toi, chère Maman, qui m’as toujours tellement aimé, mais tu devras te faire à ce pénible sort. Pense à la douloureuse mère de Dieu qui a tellement aimé son très cher fils et l’a perdu aussi, devant même assister à tout son calvaire. Chère Maman, elle va prier pour toi auprès de Dieu, le miséricordieux. Il te consolera et t’aidera à continuer à vivre car, chère Maman, tu n’as pas encore le droit de mourir, tu as une famille, le cher père a besoin de toi, ainsi que la petite Mariette.

Donc, chère Maman, continue à vivre en paix et reste en bonne santé, nous nous reverrons un jour là-haut, au Paradis, auprès de Dieu et de ses Saints. Car, pour moi, il ne peut y avoir de doute que je n’aille au Ciel. Pour toi non plus. Je sais
que tu souffres davantage que moi. Pour toi, le Christ aura préparé une couronne de laurier. Je t’offre la mienne car c’est à toi que revient tout l’honneur. Donc , chère Maman, ne désespère pas, reste en vie pour Papa et Mariette. Tu pourras attendre aussi longtemps jusqu’à ce que Dieu t’appelle auprès de moi.

Cher Papa, console ma mère, et reste toujours auprès d’elle. Tu es un homme, cher Papa, plus facilement que Maman tu trouveras le courage de me perdre sur cette terre. Pour cela, je te demande de consoler ma mère. Dieu te récompensera un jour. Et pense qu’un jour, nous serons à nouveau réunis, alors nous vivrons justement. La terre, ici-bas, n’a été créée par Dieu que pour éprouver les hommes. La vie réelle est au Ciel où règne le bon Dieu, le Roi juste. Alors, nous ne serons plus jamais séparés. Cher Papa, remercie tous les parents pour leurs prières, elles seront utiles à mon âme.

Chers Parents, soyez donc consolés par ma dernière lettre que vous recevrez lorsque je serai déjà auprès de Dieu. De mon côté, je prierai pour vous afin qu’il vous aide à surmonter votre peine. Saluez aussi de ma part, ma chère grand-mère, les membres de notre famille, nos amis, ainsi que la Sœur, ma tante. La chère grand-mère, je la verrai certainement bientôt au Ciel, je lui réserverai une belle petite place. Je saluerai de votre part mon cher frère et mon grand-père qui m’attendent certainement là-haut.

Dans un moment, je vais recevoir le Christ par la sainte Communion. Ainsi, tôt demain, je pourrai comparaître avec un cœur pur devant Dieu.

Maintenant, très chers Parents, je voudrais encore vous demander pardon pour toutes les peines que je vous ai causées, mais pensez que c’est Dieu qui l’a voulu. Nous avons beaucoup prié pour la rédemption sur la terre, Dieu m’a donné la rédemption éternelle. Que sa volonté soit faite, et non la nôtre. A la gloire de Dieu et pour le salut de notre âme. Vous m’avez élevé pour lui apporter ce sacrifice. Supportez-le sans deuil.

         Au revoir au Ciel. Vive Dieu le Roi.                                        
                                                                                                                                         Marcel Weinum


Extraits:

" Tout pour Jésus; moi-même je ne suis rien."
" Ils m'ont pris mon chapelet. Mais je prie sur les doigts... Ces gens ne savent pas que notre religion est sainte et constitue notre tout... Dieu ne leur permettra pas de réussir dans leur folie raciale et leur existence athée. Chère maman, je garderai toujours la religion. Je réalise maintenant ce qu'elle vaut. C'est pour elle aussi que j'ai combattu."

"Je serai exécuté demain à 6 h... Cela n'est pas un malheur, car alors commencera pour moi une nouvelle vie, la vraie vie... Dans un moment je vais recevoir le Christ par la sainte communion.  Ainsi, je pourrai comparaître avec un cœur pur devant Dieu... Que Sa volonté soit faite, et non la nôtre. A Sa gloire et pour le salut de notre âme. Au revoir au ciel. Vive Dieu le Roi."


Texte de la plaque apposée au collège Saint Etienne:
 

En septembre 1940

à l’initiative d’élèves de la maîtrise de la Cathédrale

25 garçons de 14 à 16 ans

ont créé ici l’un des premiers réseaux de résistance en Alsace

LA MAIN NOIRE

Arrêté par la Gestapo avec ses camarades,

leur chef, Marcel Weinum, a été condamné à mort

et décapité le 14 avril 1942. Il avait 18 ans.

 

« Si je dois mourir, je meurs avec un cœur pur. »

M.W.

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