LA RÉSISTANCE NORMANDE EN ACTION
VEILLÉE D'ARMES EN ANGLETERRE
Fin mai 1944.
En fonction de sa situation géographique, c'est à la Résistance normande que
l'on va demander d'entrer en action.
Malheureusement, une cascade d'arrestations dues à des trahisons, mais aussi à
des imprudences, a décimé en avril et mai l'encadrement de la Résistance. Les
chefs de région en M-1, M-4, Robin, Meslin, Desplats, ont été arrêtés ; ceux de
l'O.R.A. : de la Croix-Vaubois, Foliot, et Mahieu le sont également. Le
responsable du B.O.A. Edouard Paysant a dû se réfugier en Seine-Inférieure, son
successeur, Gros, et celui de la Région A Delvallée, piégés, sont pris, ce sera
ensuite le tour de Philipeau. Les services de la Gestapo qui pressentent
l'offensive alliée se démènent pour démanteler la Résistance normande dont ils
savent bien qu'elle sera l'arme intérieure des attaquants.
Dans un environnement déjà difficile en raison de la densité des troupes
ennemies, et un climat psychique de plus en plus embrouillé, les rênes du combat
vont être reprises vaille que vaille par les rescapés des coupes des polices
allemandes.
Dans le Calvados, Parléani, Beaufils, Harivel, Berjot, Dumis, ressoudent les
liens rompus par les opérations du S.D.
Dans l'Orne. Daniel Desmeulles, chef départemental, rassemble autour de lui
André Mazeline et ses maquis de Gouffern et du Bois de l'Evêque, Robert Aubin
responsable de 1'O.C.M., Romain Darchy du secteur de L'Aigle, Almire Viel et ses
maquisards de Lignières-la-Doucelle.
Dans l'Eure, le commandant Breteuil (Marcel Baudot) dirige toute
l'infrastructure régionale, avec le concours de Robert Catalan envoyé de
Londres, Stouls, Gaétan Lesage, Hermier et Vochel. Mais il dispose surtout du
plus important maquis normand : le Surcouf dont on reparlera plus longuement.
Dans la Manche, le responsable départemental Gresselin s'appuie sur des adjoints
efficaces : Guidicelli, Berjon, Etienvre, Blouet.
La Seine-Inférieure au statut particulier puisqu'elle a été rat-tachée à là
Région A, a subi une kyrielle d'arrestations. De plus, elle a souffert de la
répétition des bombardements. Néanmoins, en cette fin de mois de mai, un
état-major a été reformé avec le commandant Multrier, Phélippeau, Fanfani,
Banse, qui a repris en main les équipes dispersées par la répression nazie. Ces
remaniements vont permettre d'organiser des groupes de francs-tireurs qui se
joindront aux douze Compagnies de F.T.P.F. qui harcèlent l'Occupant dans les
régions havraise et rouennaise. Bien que difficile, une entente entre tous les
patriotes va être déterminante dans les affrontements à venir.
Très paradoxalement, ce sont les maquis qui ont été le moins touchés par la
vague d'arrestations déclenchée par la Gestapo. Certes, des incursions lui ont
permis de se livrer à ses sinistres exactions, mais elle ne dispose pas, comme
dans d'autres régions de France, de l'assistance de son armée, celle-ci étant en
priorité mobilisée sur ses bases de défense en prévision de l'offensive alliée.
Et si les escouades qui musclent ses interventions sont toujours aussi
virulentes, elles peuvent être contenues par les maquisards. Ce sera le cas lors
des tentatives effectuées à l'encontre des sections du Surcouf dans la région du
Vièvre, de celles de l'Orne en forêt de Bellême, du Bois-de-l'Evêque, de
Lignières; des groupes du maquis Guillaume le Conquérant dans le Calvados, des
équipes de l'O.R.A.[1]
dans le massif de Lyons-la-Forêt. Ces maquis
demeurés opérationnels, et on en dénombrera quatorze dans toute la province,
seront mobilisés pour appliquer le plan Tortue mais, regrettablement, on ne leur
a pas fourni en temps et en heure l'armement adapté aux actions demandées. Grave
lacune que les chefs de la Résistance reprocheront toujours aux organismes qui
leur demandaient depuis Londres des opérations vigoureuses sur le potentiel
ennemi.
[1]
Il en sera de même avec les réseaux de renseignement du S.O.E.[2],
du B.C.R.A. [3]
et même du M.I.6, pourtant volet actif de l'Intelligence Service. Lorsqu'on sait
que l'on disposait d'une quarantaine de terrains de parachutages homologués,
dans les cinq départements, on s'interroge sur cette lacune? La seule
explication avancée après la guerre par un dirigeant britannique impliqué dans
le marasme, sera " Nous ne tenions pas à ce que des moyens trop importants en
armement tombent entre les mains des groupes communistes. On croit rêver !
[2]
[3]
Car, d'une part, les combattants clandestins du parti en question tenaient une
place fort active dans les rangs des partisans, et ceux qui relevaient des
F.T.P.F. luttaient depuis longtemps déjà contre les forces occupantes. Ainsi des
raisonneurs de salon bien au chaud à Londres préféraient, au nom de leurs
options personnelles, laisser les patriotes affronter l'ennemi, tenter de mettre
en œuvre les directives qu'on leur demandait, et ce, sans être dotés des moyens
pour le faire !
Si les réseaux de renseignement purent
poursuivre aussi activement leur mission, malgré les pertes subies, ils ne
furent guère mieux lotis en matière d'armement. Et il leur en fallait un minimum
pour assurer la couverture de leurs terrains de parachutages. Certains en
pâtirent cruellement tels : Butler, Farmer, Bricklayer, Physician ou Headmaster,
mais également ceux relevant directement du M.I.6 : Agir, Comète, Jade Ami-col,
Parsifal et Sosies. Bien évidemment, les réseaux dépendant du B.C.R.A.
souffrirent de la même façon, et bien que leur apport eût été important en
matière d'informations et d'accueil d'agents parachutés, plusieurs comme : Ajax,
Brutus, Centurie, Cohors-Asturies, Eleuthère, Fana, Goélette, Hunter, Turma,
Praxitèle, ne furent pas équipés en armement. Il en résulta souvent que la
sécurité des parachutages était nulle !
Cependant, en dépit de toutes ces équivoques, la contribution des combattants de
l'ombre en Normandie se montra telle qu'elle suscita les commentaires élogieux
après guerre de plusieurs généraux alliés à commencer par Eisenhower qui déclara
:
L'apport des résistants de Normandie dans la préparation et les opérations de
débarquement, leur contribution à la bataille pour l'établissement d'une solide
tête de pont... ont pesé d'un poids décisif... On peut comparer cette
contribution à l'équivalent opérationnel de plusieurs divisions.
1er juin - Londres - 10 Duke Street, siège du B.C.R.A.
Voici encore un rapport qui confirme l'arrivée de la 352e D.I. allemande dans le
secteur de Carentan. L'information provient des courriers de l'O.C.M. Il
confirme bien ceux qui sont parvenus au S.O.E.
Bien que les relations n'aient pas toujours été sans nuages entre les deux
services de renseignement, le climat est devenu plus serein depuis la réunion du
24 mars 1944 qui avait ras-semblé les responsables français et ceux des bureaux
alliés avec notamment le colonel Rexel-Biddle, le brigadier-général
Mockle-Ferryman et le lieutenant-colonel américain Coat. Des études conjointes
pour la formation de maquis de fixation sur les arrières du Mur de l'Atlantique
avaient dégagé des zones favorables : massif de la Montagne noire en Bretagne,
forêts de la Mayenne et de la Sarthe, Alpes Mancelles, bocage normand, futaies
de la vallée de la Seine, mais les réserves sur ce projet émises par la plupart
des responsables de la Résistance de zone nord peu favorables à ce genre
d'implantations, firent repousser, puis annuler ce plan. Ce qui amena les
services interalliés à définir le 25 avril les secteurs d'intervention des
groupes-francs et des maquis qui furent communiqués le 28 aux D.M.R. (délégués
militaires régionaux).
S'adressant à ses collègues, le lieutenant Drouot poursuivit :
Cette information importante a dû être
transmise au S.H.A.E.F. par les services de Drexel car elle concerne également
les unités U.S. Nous avons mentionné que c'est la seconde fois que nous sommes
avisés par nos agents de l'O.C.M. sur place. Espérons qu'elle sera étudiée car
l'arrivée d'une nouvelle division dans ce secteur sensible laisse penser que les
Allemands sont en alerte dans cette région.
Le commandant Simoneau haussa les épaules :
De toute façon, nos amis britanniques n'en feront qu'à leur idée, comme
d'habitude, et nous n'y pouvons rien car Coat les laisse gérer ce genre de
renseignements.
La seule chose que nous pouvons faire est de renouveler les consignes
communiquées aux états-majors clandestins le 5 mai concernant les secteurs
supposés des débarquements et les actions à entreprendre dans le cadre d'une
offensive.
En fait, ces consignes reprenaient l'essentiel des plans vert, violet, bleu et
rouge, agrémentées de quelques points supplémentaires dans le domaine des
interventions les plus impératives.
Le 15 mai, les D.M.R. et le C.O.M.A.C. répercutaient ces ordres qui
définissaient l'ensemble des interventions dévolues à la Résistance :
– Exécution dès la diffusion par la B.B.C. des messages personnels des sabotages
prescrits.
– Coupures immédiates des moyens de transmission (câbles, circuits, centraux).
– Exécution des déraillements aux endroits prévus sur les lignes désignées.
– Interruption de la distribution d'énergie par destruction des pylônes
électriques, et des centrales.
– Coups de main sur les dépôts de munitions et de carburant.
– Brouillage des panneaux de signalisation routière.
Pour la Résistance normande, ces consignes seraient complétées par les messages
d'alerte diffusés par la B.B.C. à J-2. Les deux principaux étant : Les dés sont
sur le tapis et Il fait chaud à Suez.
Chaque groupe recevrait ensuite pour déclencher ses missions des transmissions
personnelles. Afin d'éviter une énumération fastidieuse, nous n'en citerons que
quelques-unes :
– L'appel du laboureur dans le matin brumeux.
– Le coq chantera trois fois.
– La sirène a les cheveux décolorés.
– La flèche perce l'acier.
– C'est évidemment un tort.
– Les carottes sont cuites.
– À la fin de l'envoi je touche, etc.
Ainsi, tous les soirs, les patriotes de toutes les formations sont sur le
qui-vive. L'heure approche.
1er juin - Saint-Germain-en-Laye - O.B.W. Q. G. allemand.
Annulez ma tournée d'inspection d'après-demain, je dois recevoir la visite de
Rommel qui s'apprête à prendre quelques jours de détente et va partir chez lui.
Le commandant en chef des armées de l'Ouest, le maréchal von Rundstedt, repose
le combiné du téléphone sur son socle, tandis que son secrétaire s'empresse de
noter ses instructions.
Appelez-moi Blumentritt.
Dès que son chef d'état-major eut pris place dans un fauteuil, le maréchal lui
fit part de sa conversation avec Rommel :
Il parle de se rendre en Allemagne voir sa famille à Herrlingen, mais il veut
surtout en profiter pour obtenir un rendez-vous avec Hitler.
Sans doute pour lui demander le rapprochement des Panzers plus près des côtes de
la Manche, c'est son idée fixe.
Oui, pour la forme il a sollicité mon avis qui n'est pas favorable, je lui ai
rappelé ma position sur ce sujet. Les blindés doivent rester en réserve pour
être lancés le moment venu comme une lame déferlante sur les têtes de pont. En
aucun cas nous ne devons les exposer au feu des pièces de marine. Gudérian et
von Schweppenburg partagent cette opinion.
Cette convergence de vues sera-t-elle suffisante pour convaincre le Führer ?
Rommel reste l'un de ses interlocuteurs favoris, on l'a encore constaté le mois
dernier lorsqu'il a obtenu le renfort de la 352e D.I. dans les Veys, l'une de
nos meilleures unités.
Je crois que ce déplacement s'imposait, il a eu raison sur ce point car je ne me
fais guère d'illusions sur la valeur de nos éléments dans ce secteur. La 716e et
la 709e sont formées avec des " bataillons de l'Est ". Et je ne vois pas tous
ces Mongols, Cosaques, Ukrainiens, Kirghiz, Ouzbeks et autres Géorgiens se
battre avec ardeur pour le Reich. Au premier assaut, ils brandiront le drapeau
blanc. Non, croyez-moi Blumentritt, comme à l'Est la ligne de front potentiel
est bien trop longue, c'est pourquoi je reste partisan de tenir à l'arrière les
P.Z. (panzers) qui pourront intervenir sur tel ou tel point menacé. Le Führer
n'aurait jamais dû accéder au désir de Rommel en lui confiant les 2e, 21e et
116e Panzer pour les cantonner près des côtes normandes. Si l'invasion se
déclenche dans le Pas-de-Calais comme c'est probable, jamais ces unités ne
pourront remonter à temps, aucun pont sur la Seine n'offrira de passage. Déjà
presque tous sont détruits, la manœuvre des Alliés est évidente. Et je devrai
mendier à l'O.K.W. l'autorisation de, lancer les quatre autres divisions
blindées disponibles, car, aussi incroyable que cela puisse paraître, moi,
commandant en chef à l'Ouest, je n'ai pas le pouvoir de les mettre en mouvement
sans l'ordre du haut état-major de Berlin !
Von Rundstedt s'emportait et son visage s'empourprait de colère :
Comment cette cour servile de maréchaux et de généraux peut-elle supporter les
ratiocinations de ce " caporal bohème " entouré de médiocres et de laquais comme
Keitel ou Jodl ? Il dirige les meilleures armées d'Europe avec une incapacité et
une incohérence qui défient le bon sens. En fonction de quoi, j'en suis réduit à
commander des unités disparates sans soutien logistique. Je ne dispose d'aucune
autorité sur la Kriegsmarine ni sur la Luftwaffe, et les divisions blindées ne
peuvent bouger que lorsque mes ordres sont confirmés par l'O.K.W. En fait, je ne
dirige qu'une armée de plantons et de boulangers. Et voilà maintenant que
Rommel, qui est théoriquement sous mes ordres s'en va, comme il l'a déjà fait,
en me passant au-dessus de la tête, exposer sa propre stratégie au Führer !
Blumentritt profita de ce que son supérieur reprenait son souffle pour
intervenir :
Peut-être ne réussira-t-il pas à convaincre le Führer ?
Von Rundstedt consulta sa montre ; l'entretien était terminé, il allait
maintenant partir pour ce restaurant de Bougival où il avait sa table réservée
et où l'attendaient quelques officiers conviés à déjeuner avec lui.
Rommel, lui, en tournée d'inspection, partageait le repas des soldats à la
roulante d'un bataillon.
1er juin - secteur de Newbury - Angleterre.
Depuis plusieurs semaines, les hommes de la 101e Aiborne, Les Aigles hurlants (Screaming
Eagles) sont basés dans tous les villages entourant l'aérodrome de Newbury. À
l'exception des gens nécessaires à la vie de la région, toute la population a
été évacuée. Dans le sud de l'Angleterre, des mesures identiques ont été prises.
Disciplinés, animés d'un désir de revanche, les habitants se sont repliés sans
rechigner dans les secteurs qu'on leur a attribués. Du comté de Kent à celui du
Dorset, la frange côtière sur une profondeur variable d'environ cent kilomètres,
offre le spectacle d'un gigantesque camp militaire. Sur les bords des routes,
sous les arbres, s'alignent les formes arrondies des milliers d'abris en tôle
pleins d'obus et de torpilles. La moindre prairie regorge de chars, de jeeps, ou
de camions. Les tentes militaires disposées en villages de toile occupent des
hectares de campagne.
Les châteaux, les manoirs, les édifices publics et les cottages les plus
spacieux hébergent les postes de commandement, les antennes de secours et les
bureaux d'intendance, cependant que les salles des fêtes et les halles ont été
transformées en cuisines et en entrepôts de ravitaillement. Chaque soir, un
épais brouillard artificiel recouvre le sud du pays, interdisant toute
visibilité aérienne. Plus haut, jusqu'en Écosse, les divisions américaines,
britanniques et canadiennes sont regroupées dans de vastes complexes permettant
aux unités de s'entraîner et de manœuvrer sans aucune crainte.
Toute la Grande-Bretagne vibre au rythme de l'activité militaire. Ses usines,
ses chemins de fer, ses voies fluviales, ses ports, ses transports et même ses
administrations travaillent pour le même but : équiper et préparer l'assaut de
la forteresse Europe bâtie par le Führer nazi.
Venus de tous les Etats de leur lointaine terre américaine, des milliers de
jeunes hommes vont s'élancer pour reconquérir une liberté qui ne peut se
concevoir sous une dictature.
1er juin - Londres - le Bomber Command sous pression.
Dans le bureau du maréchal Tedder, l'adjoint britannique d'Eisenhower,
commandant de l'aviation anglaise, le marshal Harris rumine les propos
désagréables tenus par Winston Churchill la veille, lors de la réunion
habituelle de Storey's Gate.
Le vieux lion a rugi :
Passe encore sur le bombardement de zones en Allemagne, bien que je ne partage
pas votre opinion sur ses résultats, mais appliquer cette stratégie sur les pays
occupés me paraît une grave erreur, aussi bien sur le plan opérationnel que sur
le plan psychologique.
Cette diatribe reprise par le général Charles Portal, membre du comité des chefs
d'état-major et ancien responsable du Bomber Command, a atterré les présents à
la réunion. Le général Harris n'a pas bronché, le général Cari Spaatz qui
commande la 8e Air Force Américaine a fait la moue, bref, Portal n'a pas
convaincu ses interlocuteurs, et pourtant Portal c'est la voix de Churchill, et
celui-ci a ajouté : Je redoute avec ces raids meurtriers répétés que nous ne
suscitions une vague de haine à l'égard des libérateurs. Ce raisonnement a
ébranlé le flegme de l'Air Marshal Tedder, bras droit du général Eisenhower pour
les Britanniques, d'autant que l'I.S. a adressé un rapport signalant que
l'opinion des populations en Hollande, en Norvège, en Belgique et en France, est
en train de basculer en raison des milliers de morts causés par les
bombardements. Cette mise en garde de l'I.S. relayant celle du Premier ministre
provoque un indéniable malaise parmi le commandement des forces aériennes. Mais
ses chefs savent bien que sur ce drame des bombardements la propagande des nazis
s'en donne à cœur joie. En France, d'imposantes affiches couvrent les murs,
stigmatisant les raids aériens. À Paris, sur un fond de flammes, elles
dénombrent les victimes des six derniers mois : plus de huit mille personnes
tuées ou gravement blessées. À Lille, elles mettent en relief les destructions
civiles. À Rouen, sur une image de cathédrale en ruine, on aperçoit l'ombre de
Jeanne d'Arc avec cette phrase en gros caractères : Les assassins reviennent
toujours sur les lieux de leur crime. À Nantes et à Saint-Nazaire, des panneaux
représentent d'énormes bombes s'abattant sur des groupes d'enfants et à Bordeaux
la même affiche interroge : Ça, des libérateurs ?
Dans toutes les villes, les orateurs et les scribes de la collaboration
ressassent les mêmes slogans qui, en dépit du mépris dans lequel ils sont tenus,
trouvent là un écho favorable. Même la Résistance s'émeut et des centaines de
rapports parviennent à Londres pour demander l'arrêt de ces bombardements et
proposer que les sites stratégiques soient désignés à ses groupes de sabotage,
pourvu qu'on leur parachute le plastic et les explosifs nécessaires.
Dubitatif, Tedder a recueilli l'opinion du général Kœnig, responsable des Forces
Françaises de l'Intérieur. Ce dernier n'a pas barguigné : C'est la guerre, il
faut s'attendre à ce que des gens trouvent la mort... Nous serions prêts à
accepter des pertes deux fois plus lourdes pour la libération.
Vu de Londres, oui, a marmonné Churchill lorsque Tedder lui a rapporté ces
propos.
Mais pour l'heure, à quelques jours du démarrage de l'opération Overlord, ce
sont les militaires qui restent maîtres des décisions. Harris et Spaatz, dont
les théories reposaient sur l'effondrement moral des Allemands écrasés sous les
bombes, ont dû revoir leurs plans sous la pression d'Eisenhower. Celui-ci veut
qu'au Jour J l'ennemi ne dispose plus de moyens de communication routiers et
ferroviaires. Pour cela, il faut auparavant détruire les gares de triage, les
dépôts, les machines, les ponts, les tunnels, les ports et toutes les
infrastructures abritant des matériels ennemis.
Alors le Bomber Command et la 8e Air Force exécutent les ordres. En Belgique,
Liège, Gand, Courtrai, Anvers, Louvain entendent sans cesse le mugissement des
sirènes annonciatrices des raids diurnes et nocturnes.
En France, toutes les villes situées au nord de la Loire et dans la vallée de la
Seine reçoivent des tonnes de bombes. Lille, Cambrai, Boulogne, Douai, Amiens,
Mulhouse, Calais, Abbeville, Rennes, Nantes, Troyes sont sans arrêt pilonnées,
de même que les triages de Paris La Chapelle, Noisy-le-Sec, Trappes,
Vaires-sur-Marne, Achères, Poissy, Juvisy, Villeneuve-Saint-Georges,
Saint-Denis, Bobigny.
Malgré les systèmes de viseur Norden dont ils disposent, les aviateurs, surtout
les Américains qui larguent de très haut, continueront à ruiner les cités
françaises qui subiront jusqu'au dernier jour de leur occupation les ravages des
bombardements.
1er juin - La Roche-Guyon - Q. G. du maréchal Rommel.
Rommel rend à son officier d'ordonnance Staubwasser le rapport qu'il a étudié
tôt le matin, et que ce dernier a rédigé dans la nuit à la suite de l'examen que
les deux hommes ont effectué la veille.
Vous avez raison, je pense moi aussi que l'O.K.W. (Oberkommando der Wehrmacht,
haut commandement allemand) se trompe. Il n'y aura qu'un débarquement, soit en
baie de Seine, soit en baie de Somme, le reste n'est que de la poudre aux yeux.
Le Feldmarschall se dirige vers les portes-fenêtres de son bureau lambrissé.
Pensivement, il contemple la roseraie et les pelouses bien tondues, puis il
revient vers son collaborateur qui se tient respectueusement debout près de la
table de travail.
Oui je crains que ces fameuses opérations de diversion prédites par ces
messieurs de Berlin ne soient qu'un leurre destiné à immobiliser nos panzers
éparpillés bien trop loin des côtes. Les Alliés nous ont déjà montré leurs
capacités en ce domaine à maintes reprises.
Mais ne devons-nous pas tenir compte de la présence d'un groupe d'armées à l'est
de l'Angleterre, face au Pas-de-Calais ?
Cette concentration, Staubwasser, apparue brusquement à grands renforts de
trompettes, me surprend et me laisse sceptique. Lorsqu'on prépare une opération
d'une telle envergure, on fait preuve habituellement d'un peu plus de
discrétion.
Certes, monsieur le Feldmarschall, mais elle a tout de même été placée sous les
ordres de Patton, un général renommé pour ses capacités à diriger des unités de
grande valeur, et puis nos reconnaissances aériennes en ont photographié des
multitudes de traces, ce qui corrobore la réalité de cette armée.
C'est vrai, mais vous aurez remarqué aussi qu'aucun avion n'a pu survoler les
côtes anglaises de l'Ouest, toujours plongées dans le brouillard, et la chasse
britannique fait bonne garde à leur approche. Cette différence m'intrigue, je la
trouve anormale, et l'O.K.W. semble s'y laisser prendre. Je ne comprends pas le
revirement du Führer qui encore au début de ce mois informait Rundstedt que
l'offensive ennemie ne pouvait avoir lieu qu'en Normandie. Peut-être le F.H.W.
possède-t-il des informations tenues secrètes ? Quoi qu'il en soit, je maintiens
mon opinion, l'invasion aura lieu sur un seul front et probablement en baie de
Seine. Si j'étais à la place d'Eisenhower et de Montgomery, dont je connais la
rouerie pour l'avoir affrontée en Afrique, c'est là que j'attaquerais. C'est là
que le secteur du mur est le plus vulnérable et les deux ports à ses extrémités,
Cherbourg et Le Havre, sont indispensables aux approvisionnements d'un Corps
expéditionnaire. C'est là également que les fonds marins se prêtent le mieux à
des opérations amphibies. C'est là enfin que l'abri des vents est le meilleur.
Oui, malgré la plus longue distance, mon choix se porterait sur cette bande
côtière. Une offensive dans le Pas-de-Calais ne pourrait être qu'une diversion.
C'est pourquoi il est nécessaire que les divisions blindées soient ramenées près
des côtes. J'en suis convaincu. S'il le faut, je passerai par-dessus la tête de
l'O.K.W. et j'irai voir le Führer pour lui expliquer tout cela.
Rommel se redresse et paraît s'absorber une nouvelle fois sur le riant panorama
s'étendant devant le château.
Un heurt discret à la porte interrompt sa méditation, et sur son invite le
capitaine Lang, son aide de camp, pénètre dans la pièce.
Voici le dernier rapport sur les bombardements d'hier.
Merci, voyons un peu ça : pilonnage des triages et des axes routiers dans le
Nord, et nous notons que les raids d'hier sur les ponts de Gaillon, de Vernon et
de Mantes, dont nous avons constaté les dégâts, ont été suivis par ceux qui ont
détruit les viaducs sur la Seine à Rouen, Oisel, Elbeuf, Pont-de-l'Arche, et
Courcelles. Apparemment la manœuvre tend à isoler la Normandie de la Picardie et
vice-versa. C'est pourquoi je persiste à penser que l'invasion se fera soit en
baie de Seine, soit en baie de Somme.
Le général Speidel qui suit particulièrement l'action de la Résistance a
démontré hier que celle-ci est beaucoup plus virulente dans le Nord et en
Champagne qu'en Normandie actuellement.
Cela ne prouve pas grand-chose, rappelez-vous que c'était exactement l'inverse
ces temps derniers. Les terroristes normands nous ont sérieusement compliqué la
tâche par leurs sabotages depuis l'automne, et s'ils sont moins virulents depuis
un mois, cela est sans doute dû aux réactions de la Gestapo rappelée à davantage
de vigueur par l'E.M., mais les plus dangereux restent leurs réseaux qui
informent continuellement les Anglais en dépit des coupes sombres opérées dans
leurs rangs. Ils sont comme l'hydre de Lerne, plus on leur coupe de têtes, plus
il en repousse. Chacun de nos revers les fortifie, ils ont dépassé les degrés de
la crainte et de l'angoisse pour atteindre ceux de l'espoir. Dans la population
d'aujourd'hui, malgré le contrecoup des bombardements, ils prolifèrent comme les
poissons-chats dans l'étang de La Roche. De toute façon, quel que soit le lieu
de débarquement, nous aurons à subir les morsures des terroristes sur nos
arrières.
Nous sommes au mois de juin, et les Alliés n'ont pas profité de la clémence de
mai. Or nous savons qu'ils sont prêts, cet attentisme paraît curieux, d'autant
plus qu'ils n'ignorent pas que le Führer a déclaré que nos armes secrètes
allaient devenir opérationnelles dans quelques semaines.
Ne nous plaignons pas de ce répit car nos défenses sont loin d'être terminées,
surtout du Tréport à Brest. Les plages demeurent trop accessibles et les zones
de l'arrière insuffisamment fortifiées. Quant aux armes secrètes, elles ne nous
seront d'aucune utilité pour repousser l'assaillant. Voyez-vous Messieurs, comme
nos services sont incapables de nous fournir la date de l'invasion, nous devons
l'attendre tous les jours car effectivement ils sont prêts. Mais ne croyez pas
qu'ils attaqueront par beau temps et à marée haute, non, ils viendront sous un
ciel couvert et à marée montante car ils savent que l'effet de surprise n'en
sera que plus grand. C'est en tout cas ainsi que j'agirais.
Rommel quitta à nouveau sa table pour aller se planter devant la carte murale au
fond de son bureau. Sa main droite suivit le dessin de la côte de la Somme à
Cherbourg :
C'est là, sur le rivage qu'il faudra les rejeter avec nos panzers avant que ne
débarquent leurs chars, sinon... Croyez-moi ce jour J sera pour nous le jour le
plus long, et si nous n'en sommes pas vainqueurs la guerre sera perdue.
1er juin - 20 h00 - Saint-Lô - Direction des P. T. T.
En cette fin de journée où nous avons vu le maréchal Rommel examiner et juger la
situation avec lucidité et prémonition, dans les sous-sols de la direction des
P.T.T. de Saint-Lô, le groupe des postiers résistants est réuni. Clément Seger,
chef du centre d'amplification est venu tout spécialement pour fournir les
indications sur les actions à entreprendre : Voici le plan de nos interventions
sur les câbles et les centraux au jour J, il m'a été remis hier par Leveillé
(responsable des groupes Action-P.T.T. pour le Calvados et la Manche).
René Crouzeau, chef du groupe de la ville, le détaille aussitôt : détruire les
deux centraux surtout celui du sous-sol où aboutissent toutes les lignes du
front de mer, détruire les stations d'harmoniques au 1er étage, couper tous les
câbles prioritaires et les lignes aériennes, rendre inutilisables les L.S.G.D.
Autour de lui ses camarades examinent gravement les schémas.
Marcel Richer, Jean Sanson, Etienne Bobo, Raymond Robin, Auguste Lerable,
Jacques Albertini, et Auguste Le Sénécal, tous vieux briscards des sabotages,
jaugent immédiatement les difficultés des actions demandées. Marcel Richer qui
fut à la base de la constitution du groupe fait la grimace :
Pour parvenir jusqu'aux centraux, il faut neutraliser la garde allemande.
Je ne pense pas que cela soit un problème, répond Crouzeau, nous venons de
recevoir des armes et nous savons les utiliser, et il faut compter sur l'effet
de surprise. Voilà ce que je propose comme plan d'action : l'équipe de Marcel
avec Etienne et Auguste s'occupera du central de l'étage. Nous demanderons à
Blin, rédacteur à la direction, de faire une diversion et à Charles Marchesseau
du contrôle d'en créer une autre à l'I.E.M. (Installations électromagnétiques).
Avec Jean, je couvrirai l'action. Pour le central du sous-sol, le groupe de
Raymond interviendra simultanément avec le renfort de l'équipe de Deschamps.
Clément aura repéré le point de coupure des L.S.G.D. et des câbles prioritaires,
et nous y conduira ensuite. Les lignes aériennes seront l'affaire de Raymond
Chivet et de son groupe d'Avranches. Sitôt que tout sera terminé, nous nous
replierons, comme le précisaient les directives précédentes, au camp de
Beaucoudray et nous y resterons à la dis-position de Fillâtre et de Pruvost. Ah
! encore une chose, n'oubliez pas d'appliquer les consignes de sauvegarde pour
les familles qui devront immédiatement rejoindre leurs lieux de recueil prévus
le mois dernier. C'est une mesure de sécurité car il faut redouter une possible
réaction des Allemands à leur égard après les sabotages. Après une réflexion
commune sur les actions à venir, le groupe se sépara. Cette petite formation
résistante appartenant depuis fin 1941 au mouvement Action P.T.T. a déjà
beaucoup donné pour la lutte clandestine, plusieurs de ses membres arrêtés le 13
mars ont été incarcérés à la prison de Saint-Lô et ils seront ensevelis sous les
décombres de cette maison d'arrêt lors des bombardements qui anéantiront la
ville un peu plus tard. Mais c'est un rescapé de ce groupe-franc, Maurice
Loridant, qui réussira à se procurer une carte d'état-major allemand indiquant
les routes stratégiques, les dépôts de munitions, de carburant, les bases de
l'aviation et les P.C. ennemis dans le Cotentin. Cette carte expédiée à Londres
par le canal du réseau de Renaud-Dandicolle, coordinateur parachuté pour diriger
le maquis de Saint-Clair dans la région du bocage virois, arriva bien à Londres
puisque les principaux points indiqués furent bombardés par la R.A.F.
Malheureusement la tragédie du maquis de Beaucoudray le 14 juin se termina par
la mort de onze membres de l'équipe de Saint-Lô, dont son responsable René
Crouzeau.
1er juin - La Perdrière (Orne) hameau de Francheville.
Au fond de ce hameau, dans un hangar appartenant au menuisier Guyot, chef de
groupe de la résistance ornaise, une dizaine de responsables locaux des
formations clandestines sont rassemblés. Convoqués par le chef départemental de
l'A.S. de l'Orne, Desmeulles, certains n'ont pas hésité à effectuer un long
déplacement pour répondre à la demande du responsable des forces clandestines.
Toutes obédiences confondues, ils attendent avec impatience les consignes qui
doivent leur être données pour l'application des plans vert, violet, bleu, et
bibendum, qui seront exécutés dans ce département particulièrement cité dans les
ordres des services londoniens.
Présents : Jean Soubabère et Paul Valet des F.T.P. d'Argentan, Maurice Vernimmen
et André Mazeline pour les maquisards du Bois-de-l'Evêque et de Gouffern, Robert
Bernier de Flers, Almire Viel chef des maquisards de Lignières-la-Doucelle,
Alphonse Vaudron chef de ceux de Bellême, Étienne Panthou de l'Aigle, ainsi que
les responsables des Corps-francs : Paul Saniez, Emile Peschard, Jean Lincker,
Pierre Nez, André Vimal du Bouchet, Constant Dauvergne, Olivier Challemel du
Rozier, Jérôme Levesque, ainsi que l'adjoint de Daniel Desmeulles, le
représentant des F.T.P.F. Raymond Noël.
Voici, informe le chef de l'A.S., les dernières directives qui nous sont
adressées pour les interventions prévues :
1) Coupure de la route Alençon-Domfront à Couptrain, à la sortie est du bourg le
long du ravin qui se trouve à environ 800 mètres.
2) Coupure de la route Angers-Caen, sortie nord-ouest de la ville à Domfront au
lieu-dit Le pont de Caen.
3) Toujours sur Domfront, route de La Ferté-Macé, dans le bois à trois
kilomètres de la ville au carrefour de Champsecret.
4) Sur la route Alençon-Bernay, à Marmouillé quatre kilomètres avant
Nonant-le-Pin, dans le bosquet à droite avant le carrefour.
5) Sur la route Argentan-L'Aigle, à la Grande Savetière à deux kilomètres à
l'est de Sainte-Gauburge, sous les talus à l'intersection du hameau.
6) Sur la route Alençon-Verneuil, à Saint-Maurice-les-Charencey au lieu-dit la
Blotière à deux kilomètres au nord-ouest du village.
Pas de changement pour les autres points prévus dans les instructions du 8 mai
dernier.
Chacun des présents a noté ce qui concerne son secteur. Pour ces hommes qui
affrontent le risque permanent depuis longtemps, ces actions à entreprendre dès
la réception des messages ne présentent pas plus de difficultés que toutes
celles qu'ils ont déjà exécutées. Ils ne veulent pas penser à tous leurs
camarades victimes des rafles de la Gestapo, ni à ceux arrêtés à la suite de
trahisons. Tendus vers un seul but, libérer leur sol, ils vivent au jour le jour
dans ce climat perpétuel de défiance et d'exaltation à la fois sous-jacente et
omniprésente.
Avons-nous au moins quelques indications sur le lieu et la date du débarquement
? s'informe Mazeline.
Sur la date aucune, si ce n'est qu'elle est très proche. Quant au lieu, tout ce
que je suis autorisé à vous dire, c'est que notre département fait partie des
quatre régions qui pourraient être concernées. En même temps que les directives
que je vous ai données, j'ai reçu la liste des emplacements anti-chars. Rien de
plus pour l'instant.
Justement, questionne Soubabère, pour ce dernier point, n'est-il pas anormal que
les équipes d'encadrement S.A.S. prévues ne soient pas encore parachutées ? Et
l'armement lourd ?
C'est vrai, renchérit Vaudron, chef du maquis de Saint-Cyr-la-Rosière (entre
Bellême et Nogent-le-Rotrou), est-ce qu'à Londres on ne se fout pas un peu de
notre gueule ? Nous n'avons même pas un F.M. ! Le dernier parachutage de la
semaine dernière ne nous a même pas fourni un malheureux bazooka ! Est-ce qu'ils
croient qu'on va bloquer les blindés de Nogent-le-Rotrou avec les méchantes Sten
reçues ?
Mais je le sais mon vieux Alphonse ! à chaque vacation radio j'insiste pour que
l'on nous envoie de l'armement lourd. Mais jusqu'à présent, il semble bien que
seuls les groupes de Rânes en aient reçu. Vous n'ignorez pas, et vous en
connaissez les raisons, que nous n'avons aucun contact avec les équipes de
Foccart. Il faudra bien, intervient Panthou, que le moment venu il s'explique
sur son comportement marginal.
En attendant, coupe Raymond Noël, les secteurs d'Argentan et de L'Aigle n'ont
toujours pas le cinquième des armes dont ils auront besoin pour appliquer les
plans prévus !
Desmeulles demeure silencieux. Sans doute ressent-il le poids écrasant de ses
responsabilités. Ce jeune professeur que rien ne prédestinait à devenir le chef
de la Résistance ornaise avait dû passer la main en janvier pour se soustraire
aux recherches de la Gestapo qui le serrait de près. Mais son successeur, Romain
Darchy, ayant été arrêté, il était courageusement revenu à son poste. En ce
début de juin pressent-il qu'il tombera dans un guet-apens douze jours plus tard
lors d'une inspection des maquisards de Lignières-la-Doucelle, et qu'il ne
survivra pas au chemin de tortures aboutissant à un camp de la mort ?
Et parmi ceux qui sont là aujourd'hui à ses côtés pour préparer leurs groupes à
la réalisation de l'opération Overlord, trois autres tomberont sans avoir connu
les joies de la libération : Etienne Panthou, fusillé le 28 juin, Fernand
Chasseguet exécuté le 9 août, André Vimal du Bouchet tué au combat le 17 août.
Avec eux, deux cent cinquante-deux résistants ornais se seront sacrifiés.
Mais pour l'heure, dans ce hangar dissimulé qui sert de relais aux chefs
clandestins, seule compte la perspective de l'action immédiate, et André
Mazeline futur colonel dans la 1re Armée, conclura la réunion par cette boutade
:
Si les armes antichars ne sont pas arrivées à temps, nous abattrons des arbres
pour barrer les routes ! Ça, on sait le faire !
Dans huit jours, cette boutade deviendra une réalité.
1er juin - Londres - Q. G. Churchill - Storey's Gate.
Les autorités politiques refusent de prendre en considération les tentatives de
dialogue de la Schwarze Kapelle. Pour elles, seule la solution militaire peut
mettre fin à la guerre.
Le lieutenant-colonel Ronald Wingate, l'un des chefs du L.C.S. (London
Controlling Section), manifeste son amertume. Assis en face de lui, le colonel
John Bevan, son homologue, hausse les épaules :
C'est surtout l'avis du président Roosevelt. Et pourtant de tels contacts
favoriseraient nos opérations de leurre stratégique.
Oui, cela nous ouvrirait de sacrées perspectives sur le sort de la bataille. Si
nous prêtions une oreille attentive à leurs appels du pied, sans doute les
généraux allemands membres de la Schwarze Kapelle s'en trouveraient-ils
confortés dans leurs convictions et, partant, plus résolus que jamais à éliminer
Hitler pour négocier la paix rapidement.
C'est précisément pour cela que le Département d'Etat se refuse à tous
pourparlers. Les accords de la conférence de Téhéran stipulent qu'il n'y aura
pas de paix séparée. Roosevelt ne contrariera pas Staline sur ce point édicté
par le Kremlin.
Wingate prit un dossier sur la table dont il sortit plusieurs feuillets :
Et pourtant ce n'était pas mal engagé, il suffit de relire le rapport
d'Ollivier. Canaris n'était pas particulièrement exigeant et il nous a prouvé sa
sincérité. Je regrette qu'on lui ait opposé une fin de non-recevoir.
Puissions-nous ne pas avoir à le regretter un jour !
Oui, surtout si par malheur le F.H.W. a percé notre opération Fortitude.
Bevan rassembla les papiers épars sur lesquels ils venaient de se pencher et
alla les déposer dans un coffre mural.
L'éventualité de la dernière phrase de leur dialogue hantait leurs nuits, car
les deux hommes portaient l'écrasante responsabilité de ce plan, clef de voûte
de la réussite ou de l'échec d'Overlord. Dans ce dernier cas, des milliers
d'hommes auraient été sacrifiés pour rien.
Sans échanger d'autres paroles, ils quittèrent la pièce. Quoi qu'il advienne,
Bevan et Wingate traîneraient toujours derrière eux cette casserole qu'était
Fortitude.
1er juin – Evreux – La Résistance normande se compte.
La B.B.C. vient de diffuser le message L'heure des combats viendra et les
principaux responsables de la résistance normande l'entendent avec à la fois
joie et crainte. Joie, parce que cette phrase code est le premier signal de la
mobilisation des clandestins, elle signifie donc que le débarquement est tout
proche. Crainte, parce que les chefs rescapés des rafles allemandes, savent bien
qu'ils vont devoir déclencher les interventions prévues aux plans vert, violet,
bleu, jaune et rouge, sans posséder tous les moyens pour les accomplir.
Ceux qui vont avoir cette charge, Parléani dans le Calvados, Baudot-Breteuil
dans l'Eure, Desmeulles dans l'Orne, Gresselin dans la Manche, Multrier en
Seine-Inférieure, s'efforcent surtout de reconstituer leurs effectifs dispersés
par les attaques de la Gestapo. Tant bien que mal, ils sont parvenus à
recomposer leurs groupes et leurs Corps-francs, cela ne s'est pas mal passé pour
Gresselin dans le Cotentin et pour Multrier en Pays de Caux et dans les massifs
de Lyons, mais leurs émules du Calvados, de l'Eure et de l'Orne, en sont à
reformer des équipes en beaucoup de secteurs.
Et il reste toujours cette question lancinante du manque de moyens, surtout
d'armement lourd. Depuis le début du mois de mai, les messages destinés aux
différents secteurs sélection-nés pour les parachutages ont été transmis, ce
sont : Voici venir la Saint-Jean pour le maquis Surcouf, Demain il sera trop
tard pour les Corps-francs de l'Orne, Le cinéma ferme à minuit pour le réseau
Malter, Avez-vous retrouvé vos amis pour le maquis La Marseillaise, Les poussins
sont éclos pour le réseau Donkeyman, Les enfants s'ennuient le dimanche pour le
maquis d'Écouves, Mon cheval préfère la verdure pour le maquis de l'O.R.A. à
Lyons.
Mais il reste à savoir, et c'est l'interrogation qui est posée à chaque chef de
région : quand? Et de quoi seront remplis les containers ? Des questions
auxquelles ils ne peuvent absolument pas répondre, ce qui parfois amène bien des
discussions.
Depuis la veille, les six instructions définitives concernant les actions
prioritaires ont été fournies par les D.M.R. Elles indiquent :
– Les points de coupures des voies ferrées à j – 1.
– Les zones d'interventions sur les transmissions à j – 1.
– Les lieux de barrages routiers à j et à j + 1.
– Les postes pour les armes anti-chars au jour J et J + 1.
– Les messages personnels pour chaque secteur.
— Les plans de sabotages de l'énergie à j — 1 et J.
1. Le chiffre entre parenthèses en fin de ligne indique le nombre de points
d'interventions. La lettre J désigne le jour du débarquement. Le signe + ou —
indique la veille ou le lendemain.
Rappelons à une semaine du Jour J le découpage des régions sur ce qui va devenir
le théâtre des opérations :
Incorporées dans la région M, les zones concernées sont : Zone M1 : Orne,
Sarthe, Mayenne.
Zone M4 : Calvados, Manche, Eure.
Zone A : Seine-Inférieure, Somme, Pas-de-Calais, Aisne.
Cependant, les derniers avatars qui se sont abattus ces jours derniers sur
l'organisation résistante avec les multiples arrestations survenues, se sont
encore aggravés avec celle de Valentin Abeille (Fantassin), le D.M.R. régional.
Trahi par sa propre secrétaire, il est appréhendé par la Gestapo le 20 mai, et
exécuté dans des conditions mal définies le 31. Son successeur désigné, Kammerer
(Parallèle) livré aux Allemands par la même personne, est tué en compagnie de
son adjoint Eric, lors de leur interpellation. Coupés du commandement et de
leurs points de relais, les responsables départementaux se réfèrent aux
directives reçues du C.O.M.A.C. Toutefois, le radio de Kammerer étant demeuré
aux côtés de Robert Leblanc, le chef du maquis Surcouf, des liaisons restent
possibles avec les services de la France Libre. Elément essentiel puisqu'elles
maintiennent les contacts avec le B.O.A. qui devient le trait d'union entre les
dirigeants nationaux et les formations locales. Son représentant régional,
Edouard Paysant (Tinchebray) échappe de peu à la Gestapo aux environs de Sées,
mais il se voit contraint de s'exiler en Seine-Inférieure d'où il va reprendre
ses fonctions de coordinateur des opérations aériennes. Son remplaçant en M1-M4,
Gros, a à peine le temps de se mettre en place qu'il est aussitôt arrêté, ce qui
en dit long sur les infiltrations d'agents de la Gestapo dans le B.OA. régional.
Celui qui lui succède, Croisé, commence par démasquer, avec le concours du
brigadier de gendarmerie Dauvergne, qui anime les groupes-francs du secteur de
Barenton-Domfront, les deux stipendiés infiltrés. Il s'agit des nommés Cardin et
Bucaille travaillant pour le chef de bande Jardin du S.D. d'Argentan. Ceux-ci
éliminés, les opérations de parachutage reprennent sur les terrains de l'Orne :
Griffon, Éclair, Orage et Aurore respectivement situés aux environs de Mortagne,
Tanville, Macé, et Saint-Léonard-des-Parcs.
Si environ une centaine de tonnes d'armes et de matériel sont parachutées au
cours des deux lunes suivantes, leur répartition ne sera malheureusement pas
effectuée correctement.
Pour des raisons qui n'ont jamais été clairement établies, le plus gros de cette
manne sera stocké par des gens qui ne l'utiliseront jamais (c'est le cas pour la
formation de Rânes dirigée par Foccart), ou attribué à des groupes excentrés des
secteurs des têtes de pont.
Mais la constatation demeure que les maquis de l'Eure et du Calvados : Surcouf,
Guillaume-le-Conquérant, Champ-du-Boult, Ecouves, Bois-de-l'Evêque,
Saint-Cyr-la-Rosière, La Ferté-Macé, ne recevront pratiquement rien et devront
se débrouiller pour s'armer en prenant de gros risques pour s'approvisionner
dans les secteurs servis, grâce aux contacts des responsables régionaux. Ce sera
le cas du Surcouf, obligé d'aller se ravitailler à Flers-de-l'Orne et à
Chartres, du maquis d'Ecouves contraint d'organiser de dangereux transferts
depuis le Loir-et-Cher, ou des Corps-francs de Suisse normande astreints à des
déplacements imprudents dans la Mayenne. Il faudra attendre la mi-juin pour que
ces maquis soient un peu fournis en armes légères, car l'armement lourd promis
se réduira à vingt-huit pièces pour les maquis de l'Orne ainsi que
cinquante-huit anti-chars livrés trop tardivement. Ce qui est dérisoire par
rapport aux objectifs désignés, et notamment de retarder l'approche de la
division Panzer Lehr descendant de Nogent-le-Rotrou pour renforcer les unités
allemandes en difficulté dans les têtes de pont.
Réactions dans les autres régions.
Tandis que les patriotes normands se débattent avec leurs problèmes locaux, les
Résistants des autres régions appliquent également les directives reçues des
D.M.R.
En Lozère, le maquis Bir Hakeim soutient des affrontements héroïques lors de ses
actions de harcèlement au mont Aigoual et à La Parade du 25 au 28 mai.
Dans le Lot, les 11 et 12 mai, le maquis Gabriel Péri attaque un convoi. Deux
chenillettes, un car, et trois camions sont détruits.
Le 1er juin, Capdenac, gros centre ferroviaire, est occupé toute la journée par
les F.T.P.F. du secteur qui mettent hors d'usage les triages et les plaques
tournantes, coupent les fils et interrompent toute communication pour plusieurs
jours. Ils partent après avoir détruit le dépôt et les hangars des machines. Cet
important nœud ferroviaire sera indisponible pendant les journées cruciales de
la bataille dans les têtes de pont.
Le 3 juin, le Corps-franc Imbert attaque au F.M. et à la grenade un convoi
allemand près de Camburat sur la nationale 140. Trois camions de troupes sont
détruits.
Le même jour, sur la route Figeac-Bagnac, le maquis Bessières réalise un beau
coup en neutralisant deux véhicules de l'état-major régional, faisant cinq
gradés prisonniers et en tuant trois autres.
Le 4 juin, la voie ferrée Paris-Toulouse est coupée en cinq endroits par une
action organisée par les F.T.P. et l'O.R.A. Ces sabotages vont sérieusement
nuire à l'acheminement des troupes allemandes les jours suivants.
À Commentry, dans l'Allier, cet important centre industriel verra plusieurs
transformateurs et générateurs détruits par des équipes de Résistance-Fer et le
Corps-franc de la ville les 2, 4, et 5 mai.
À Moulins, toujours dans l'Allier, deux trains sont bloqués par une explosion le
4 juin. Le trafic est stoppé durant plus d'une semaine au grand dam des
Occupants qui ne peuvent faire circuler leurs rames de matériel et de
chenillettes.
Le 22 mai entre Saint-Flour et Aurillac, les véhicules d'accompagnement et la
voiture du général von Brodowski tombent dans une embuscade. Plusieurs
Feldgendarmes du groupe 932 de Clermont-Ferrand sont tués, le véhicule du
général fait demi-tour en catastrophe et prend la fuite. Von Brodowski
sanctionne deux de ses officiers de sécurité en les expédiant sur le front de
l'Est. Cette embuscade a été montée par le Corps-franc des Truands de Jean
Mazuel.
Le même Corps-franc récidive le 29 mai près de Langeac en attaquant une
Compagnie de G.M.R. dont elle confisque les véhicules et les armes.
Le 2 juin, le viaduc de Saint-Léonard entre Lignerolles et Teillet est coupé,
cependant que les deux autres ponts en aval sautent.
Entre le 30 mai et le 3 juin, une dizaine d'actions sont effectuées par les
maquisards du Mont-Mouchet.
Dans le Jura, sabotages, embuscades, coups de main qui se sont multipliés depuis
début mars, ont amené les Allemands à renforcer la protection de leurs
installations et de leurs convois.
Cela avait commencé le 2 mars avec des déraillements à Mouchard. Successivement
les trains SF 834, SF 9386, et SF 832 ont quitté les voies, l'un d'eux, projeté
dans un ravin, ne sera pas redressé avant le 19 mai; et un Allemand
d'accompagnement y trouvera la mort.
Puis les 3 et 8 mars, 2 et 10 mai, le trafic est interrompu entre Neublans et
Pierre en raison des coupures de voies. La ligne Lons-le-Saunier-Dijon saute le
20 mai à Pleure, celle de La Cluse à Andelot subit le même sort deux jours plus
tard. Le 1 er mai à Morez, cinq machines sont détruites, le 5, sept wagons sont
incendiés, mais l'action la plus déterminante aura lieu à Montbarrey avec
l'immobilisation d'un train de matériel allemand durant plusieurs jours.
Le 28 mai, la ligne Lons-le-Saunier-Saint-Claude est coupée et un pont-tournant,
une machine et une quinzaine d'aiguilles sont sabotés.
Dans le Centre, le 15 mai, vingt-huit wagons déraillent entre Salbris et
Theillay sur la ligne Paris-Toulouse. Le lendemain, deux autres wagons sont mis
hors d'usage entre Menars et Suèvres sur l'axe Paris-Bordeaux. Un train est
bloqué à Noyons-sur-Cher, sur la ligne Vierzon-Tours le 17 mai.
Les lignes électriques vont être cisaillées dans le Loir-et-Cher à Orchaise le
1er mai, à Dhuizon le 10, puis à nouveau dans le même secteur le 31. Dans le
Loiret, celles de Changy, le 24, et celle de Saran le 5 juin.
Ce même jour, les pylônes haute tension de Montlouis sautent, et un train
déraille à Saint-Pierre-des-Corps.
Le 7 juin, la ligne Paris-Nevers est sabotée près de Nogent-sur-Vernisson ;
celle d'Avallon à Montargis saute à Triguières, cependant qu'à Nouan-le-Fuselier
et à Vouzon la liaison Paris-Toulouse est interrompue durant trois jours.
Le 9 juin, alors que la bataille fait rage en Normandie, la ligne Paris-Nevers
est à nouveau coupée entre Dordives et Souppes-sur-Loing, il en est de même au
pont canal de Briare.
Et puisque nous venons d'évoquer des actions dans le secteur du Centre, il
convient de rappeler que la virulence de la Résistance dans cette région amènera
les Allemands à renforcer considérablement leurs troupes, et particulièrement
dans la Nièvre. Ce département qui abritera une dizaine de maquis et une
vingtaine de Corps-francs sera d'ailleurs le théâtre de durs combats dans deux
mois, alors que les Occupants tentent de se dégager de l'emprise des Alliés.
Le harcèlement des escouades allemandes commença en 1943 avec les coups de main
des F.T.P.F. de Roland Champenier aux limites du Cher et les sabotages des
groupes de l'O.C.M., de Libé-Nord et de Turma. De leur côté, les affiliés du
mouvement Vengeance, qui se nomma au départ L'Armée volontaire du Dr Chanel, de
Raymond Chanel, et de François Wetterwald, formés en Corps-franc, et bénéficiant
de l'appui des membres d'Action-Fer de Guérigny, avec Lucien Delance (Serge), de
ceux de Debailleux et Boileau à Cosne-sur-Loire, de Gaudry à Urzy, de Jean
Lavenant qui étendit les ramifications de la formation clandestine jusqu'aux
localités de Saincaize, de Pougues-les-Eaux et de La Charité-sur-Loire,
effectuent un certain nombre d'interventions sur les installations allemandes.
Lavenant devenu responsable de toute l'action SNCF désigne Maurice Martel pour
le remplacer avant d'être obligé de se tenir en retrait poursuivi par la
Gestapo. Dès lors, les coups de main vont se succéder :
Début janvier 1944, les lignes haute tension de Saint-Aubindes-Forges sont
sabotées par le groupe Melnick de Guérigny. Celles de Forgebas suivent en
février, puis à Urzy, Parigny-les-Vaux et Guérigny. Nouvelle série en mai à
Parigny, Vauzelles et Fourchambault.
Les 2 et 3 avril, l'usine Lambiotte de Prémery est touchée par l'incendie de ses
bois de stokage. Et encore les 28 et 29 avril où huit charges explosives
détruisent le turbo-alternateur ; l'activité sera stoppée durant deux mois.
Les déraillements se succèdent sur la ligne Paris-Nevers, le 17 février avant La
Charité, le 22 mars à La Marche où la voie sera obstruée plus de 72 heures; il y
aura dix morts parmi les volontaires qui partaient travailler en Allemagne, le 7
avril à Fourchambault, le 22 mai à La Celle-sur-Loire où les deux voies seront
bloquées durant trois jours. Le 2 juin à Vauzelles, aux ateliers C.G.C.E.M. un
groupe F.T.P.F. sabote des machines.
En liaison avec les équipes si actives du B.O.A. de Pichard, les parachutages
ont lieu assez régulièrement, citons ceux de :
– Mars sur le terrain Oulon au bénéfice du maquis Mariaux et sur le terrain
Traîne pour le maquis Camille.
— Avril sur le terrain Traire 173 pour le maquis Mariaux.
– Mai sur le terrain Fretoy pour le maquis Socrate, sur Trainer 259 pour le
maquis de Fours.
– Juin sur le terrain Faculté pour le maquis Le Loup, sur le terrain Peinture
pour le maquis Camille, sur le terrain Les Cabets pour les F.T.P.F. de Donzy,
sur le terrain Cognac pour le maquis Camille.
Ces quelques exemples montrent l'intensité de la lutte clandestine dans le
département de la Nièvre qui, suivant l'expression du colonel Roche, fut un
vivier pour la Résistance.
Sur la résistance, l'opinion des ennemis concorde.
Avant de clore ce chapitre, il est assez intéressant de constater que l'opinion
des Alliés et celle des Allemands se rejoignirent sur un point : le rôle
primordial de la Résistance. On trouvera dans le Journal de marche de l'OK.W.
cette remarque :
Les dirigeants allemands savaient depuis longtemps que les organisations
françaises de résistance entretenaient les rapports les plus étroits avec le
Q.G. allié. C'était de là que partaient les instructions et les armes, mais ce à
quoi nous ne nous attendions pas, ce fut l'impitoyable combat que ceux que nous
nommions des terroristes parviendraient à mener pour disloquer (sic) nos
troupes.
Et aussi cette observation portée sur le Journal de marche de la 9e Panzer
Division :
La Hohenstaufen ne réussit à se rassembler au sud d'une ligne Falaise -
Condé-sur-Noireau que le 27 juin. La marche de tout le IIe S.S. Panzer Korps est
retardée par l'action de la Résistance qui a déposé des corps explosifs
détruisant les pneus des véhicules, ou obstrué les routes avec des arbres
abattus. Les véhicules bloqués sont alors victimes de l'aviation ennemie.
Et puis : La Résistance, par la valeur des renseignements qu'elle nous procura
et par son activité dans les sabotages, fut l'un des rouages de notre réussite
le 6 juin 1944. Général Omar Bradley, commandant de la 11e Armée des U.S.A. (10
juin 1945).
Source: Overlordr la Résistance
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