Journaux clandestins de la Résistance en France



Les journaux clandestins de la Résistance sont des titres de presses créés en France pendant la Seconde Guerre mondiale par les mouvements de Résistance à l'Occupation allemande, afin de diffuser leurs idées, qui jouèrent un rôle important dans l'Histoire de la presse écrite, en particulier lors des Ordonnances de 1944 sur la liberté de la presse.

Presse clandestine

En Allemagne, afin de dissuader les intellectuels et écrivains de prêter leur concours aux journaux clandestins, les autorités nazies décapitent d'abord à la hache (de 1933 à 1938) puis progressivement guillotinent en tout plus de 40 000 personnes (et leurs proches selon la pratique de la Sippenhaft) ayant participé à l'élaboration, l'impression et l'édition de cette presse.

Dès 1939 paraissent en France des moyens de contre-propagande comme les tracts, papillons (exemple : les premières feuilles du journal Valmy), brochures, affichettes, journaux clandestins1. Le 10 juillet 1942, le général Karl Oberg fait placarder dans toutes les mairies de la France occupée ce même type de régime de la Sippenhaft applicable aux familles des agents condamnés (écrivains, ouvriers typographes, colporteurs, distributeurs) pour propagande contre l'occupant. Cela n'empêche pas qu'en 1944, 1 200 titres de journaux clandestins sont édités à 2 millions d'exemplaires ce qui représente près de cent millions d'exemplaires pendant toute la guerre.

Titres les plus diffusés

Combat


"Organe du Mouvement de libération française", résultant de la fusion en 1941 des journaux Liberté et Vérité, Combat sera le journal du mouvement de la résistance intérieure française, animé par Henri Frenay et Berty Albrecht qui lanceront le premier numéro en décembre 1941.

Henry Frenay en prend la direction qu'il abandonnera à Claude Bourdet en 1943. À l'arrestation de celui-ci (25 mars 1944) c'est Pascal Pia qui lui succède. Au total, 58 numéros seront publiés.

L'équipe de rédaction comprend Georges Bidault (rédacteur en chef), Pierre-Henri Teitgen, François de Menthon, Claude Bourdet, Pierre Dumas, Cerf-Ferrière, Rémy Roure et Jacqueline Bernard. Il accueillera, en 1943, Albert Camus qui en sera l'animateur de 1944 à 1947, au côté de Claude Bourdet.

Pour l'histoire du titre après la Libération l'article : Combat (journal).

Défense de la France


Fondé le 15 août 1941 sous l'impulsion des étudiants Philippe Viannay et Robert Salmon ; 47 numéros clandestins de Défense de la France seront diffusés. Y participeront, entre autres, Jean-Daniel Jurgensen, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Robert d'Harcourt.

Repris en main « à la hussarde » par Pierre Lazareff après la Libération, il deviendra France-Soir.

Le Franc-Tireur


De tendance radicale-socialiste, "Mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la police de Pierre Laval". Jean-Pierre Lévy est à l'origine de son lancement le 1er décembre 1941 en même temps que de l'organisation du mouvement clandestin du même nom en zone Sud. 39 numéros clandestins parurent.

Il parait jusqu'en 1957, où il est racheté par Cino Del Duca et paraîtra sous le nom de Paris-Journal, puis Paris Jour.

L’Humanité
Le journal officiel du PCF devient illégal à partir du 25 août 1939 où le gouvernement Daladier le fait saisir suite au soutien par le PCF du Pacte germano-soviétique. Cette époque ne ressort évidemment pas de la Résistance.

Après l'occupation de la France, en juin 40, alors que Jacques Duclos était le numéro un du parti à Paris, en liaison avec Moscou, il y eut des pourparlers avec les autorités d'occupation pour une reparution légale du journal. Ces pourparlers n'aboutirent pas et le journal resta clandestin. Jusqu'en juin 41 -pacte germano-soviétique oblige-, l’Humanité est un journal clandestin anti-vichystes, mais pas anti-allemand. On dénombre 317 numéros clandestins jusqu'à la Libération.

Il reparaît librement à partir du 21 août 1944, à la suite de la Libération de Paris.

Les publications du Front National


Le Front national était un mouvement de Résistance contrôlé par le Parti communiste français. Ce mouvement publia un grand nombre de journaux et de feuilles clandestines:

Les Lettres françaises


Revue des écrivains français groupés au Comité national des écrivains. Fondée en octobre 1941 par Jacques Decour et Jean Paulhan, 25 numéros seront publiés. Les Lettres françaises paraîtront après la Libération, jusqu'en 1972.
L'École laïque (1941);
Le Médecin français (mars 1941) animé par le docteur Raymond Leibovici;
Musiciens d'Aujourd'hui, feuille clandestine tirée à 2500 exemplaires, dont André Fougeron a réalisé la maquette, qui devient Le Musicien d'Aujourd'hui lorsqu'elle est intégrée aux Lettres françaises clandestines;
L'Université libre (104 numéros, de novembre 1940 à octobre 1944), animé par Georges Politzer, Jacques Solomon (gendre de Paul Langevin) et Jacques Decour;
Les Allobroges (1942), région Isère-Hautes Alpes;
L'Étudiant patriote (1941).

Libération


Journal clandestin du mouvement de résistance Libération-Sud, Libération est lancé en juillet 1941 par Raymond Aubrac et Emmanuel d'Astier de La Vigerie. Il sera l'un des plus importants et diffusés des journaux de la Résistance.

Libération reparaît au grand jour à la libération de la France en août 1944.

Témoignage chrétien


C'est dans la France occupée que, le 16 novembre 1941 à Lyon, un jésuite, le père Pierre Chaillet, publie clandestinement le premier Cahier du Témoignage chrétien. Intitulé France prend garde de perdre ton âme, sous forme d'un opuscule de petit format (d'où le nom de Cahier), il contient un vibrant appel à s'opposer au nazisme au nom des valeurs chrétiennes. Il est entièrement rédigé par le père Gaston Fessard. Témoignage Chrétien devait s'appeler Témoignage Catholique, mais par œcuménisme et suite à la participation de protestants dans l'équipe clandestine initialement constitués de théologiens jésuites de la faculté de Fourvière à Lyon, l'adjectif catholique a été changé en chrétien. Parallèlement aux Cahiers du Témoignage Chrétien, qui ne traite que d'un seul sujet à chaque fois, parait, dès mai 1943, le Courrier Français du Témoignage Chrétien, d'un tirage de 100 000 puis 200 000 exemplaires.

La spécificité du Témoignage Chrétien, par rapport aux autres journaux de Résistance est qu'il revendique une Résistance spirituelle. C'est en effet en référence à l'Évangile et aux idéaux chrétiens que Témoignage Chrétien s'est opposé au nazisme. Le sous-titre du Courrier du Témoignage Chrétien est Lien du Front de résistance spirituelle contre l'Hitlérisme. Treize numéros du Courrier du Témoignage Chrétien et quatorze Cahiers seront diffusés jusqu'à la Libération.

La Vie Ouvrière


Interdite en 1939, La Vie Ouvrière reparaît clandestinement dès février 1940. Aux premiers jours de l'occupation, Benoît Frachon, André Tollet, Eugène Hénaff et quelques autres militants syndicaux de l'ancienne Confédération générale du travail unitaire, exclus de la Confédération générale du travail en septembre 1939, qui avaient échappé aux recherches des polices françaises relance le journal. Tout au long de l'occupation il publiera 223 numéros où l'accent est mis sur les problèmes quotidiens: coût de la vie, pénuries alimentaires, difficultés de ravitaillement, faiblesse des salaires, etc.. Il appelle à la lutte, à la réunification syndicale et combat les divisions. Il dénonce le patronat qui a largement sombré dans la collaboration avec les occupants et informe régulièrement sur les luttes qui ont lieu dans les entreprises.

Autres titres


Arc, Probus-Corréard.
Bir-Hakeim , Journal républicain mensuel paraissant malgré la Gestapo, malgré le négrier Laval et son gouvernement de Vichy.
La Bretagne enchaînée Journal clandestin de la région de Rennes
Cahiers, 1943-1944, par le Groupe de la rue de Lille.
Le Coq enchainé, journal des "Bataillons de la Mort" à Paris.
Le Courrier de l'air, distribué par la R.A.F..
La France, Jacques Chabannes.
La Résistance Ouvrière.
France, journal chrétien fondé en 1941.
L'Insurgé, journal du P.S.O.P. de la région lyonnaise. 26 numéros à partir de 1942.
Libération, fondé par Christian Pineau du mouvement Libération-Nord.
La Main à plume.
Messages.
Les Petites Ailes, Jacques-Yves Mulliez, Nord et Pas-de-Calais.
Les Petites Ailes de France, Robert Guédon, Henri Frenay, Pierre de Froment, mouvement Combat à ses débuts.
Le Populaire, organe du Comité d’action socialiste “Socialisme et Liberté”. 35 numéros à partir de début 1942.
Résistance
Unter Uns, Combat Zone Nord.
Valmy, créé par Raymond Burgard.
Veritas, abbés Vallée et Portier.
La Vérité, organe trotskiste, premier journal clandestin sous Vichy (à partir d'août 1940).
La Vérité française, Launoy, Lafaye, Holstein.
Fraternité, J'Accuse, Combat médical, Lumières et Clarté, organes du Mouvement National contre le Racisme, ancêtre du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples.
Voix de la France Journal clandestin diffusé dès juillet 1940
Notre Voix, Notre Parole, Droit et liberté, La Voix de la Femme Juive, journaux de la Section Juive de la M.O.I. (communistes).
Unzer Wort ("Notre parole"), Solidaritet ("Solidarité"), Le Travailleur Juif, journaux juifs en yiddish de la M.O.I..
Jeune combat, En avant, Résister, journaux de jeunes Juifs de la M.O.I..
La presse de la Résistance dans la Vienne
Le Petit Maconnais, organe de la Résistance française en Saône-et-Loire ou organe des Forces francaises de l'interieur en Saône-et-Loire ; le n°1 est publié le lundi 4 septembre 1944.

Tirages uniques
Le faux numéro du Nouvelliste du 31 décembre 1943

Moyens de publication et de diffusion


Les personnes qui tentent de diffuser leur écrits se retrouvent opposées à la Gestapo et doivent user de la ruse pour déposer leurs papillons (journal sur une seule page, recto-verso) chez un maximum de gens sans être arrêtées ; le régime nazi puni sévèrement ce genre de tentatives qu'il assimile à de la propagande.

Le papier est fourni par largage aérien par les Alliés, et vendu au marché noir (ainsi que l'encre). Les presses sont rares, si bien que la plupart des écrits sont créés très artisanalement et souvent rédigés à la main.



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