Combats de la Résistance: le rôle de la
Résistance dans la Libération
I
LES DEBARQUEMENTS ALLIES ET LA RESISTANCE
Le débarquement allié en France, tant espéré, tant attendu, avait donné lieu à
de très minutieuses études préparatoires, par exemple à l'analyse des terres
littorales depuis le Pas-de-Calais jusqu'aux Landes par des membres de commandos
britanniques débarqués nuitamment par sous-marins, procédant quelques fois à des
prélèvements de terre, de sable, de vase... à quelques mètres de sentinelles
allemandes faisant les cent pas devant le "mur de l'Atlantique".(1)
De vastes opérations d'intoxication avaient été lancées pour entretenir le doute
au sein du commandement allemand sur le lieu du débarquement principal : Nord de
la Manche ou Basse-Normandie, ou Bretagne-Sud, ou Landes ou Languedoc... Même
après le débarquement, ce commandement crut à un autre dans le Pas-de-Calais.
Un chef d'oeuvre de logistique
Les problèmes posés par une telle opération étaient d'une ampleur considérable.
Les Allemands disposaient en France de 60 divisions, dont seulement 15 étaient
opératives et à effectifs complets; mais 9 de leurs divisons blindées,
auxquelles s'ajoutait une division de grenadiers S.S, étaient parmi les
meilleures et les plus entraînées. Trois d'entre elles étaient embossées en des
garnisons leur permettant, théoriquement, de se rendre rapidement sur le lieu du
débarquement, quel qu'il soit. Les alliés, eux, avant rassemblé en
Grande-Bretagne 40 divisions qui, pour l'essentiel, n'avaient jamais reçu le
baptême du feu. Mais 7 divisions seulement pouvaient être jetées dans la
première vague - la vague dont tout dépendait - sur la Basse-Normandie, par mer
ou par les airs. C'est elles seules qui pouvaient constituer la tête de pont où
viendraient débarquer les autres.
Après un mois de mai parfaitement beau, la décision fut prise de débarquer le 5
juin. La raison tenait au fait que les 5 et 6 juin de grandes marées
permettraient de faire atterrir les barges le plus bas possible, donc au-dessous
des "asperges de Rommel". Malheureusement, les conditions météorologiques se
détériorèrent par deux fois, un capitaine météorologue, nommé Stagg, eut
littéralement en mains le sort de l'opération. D'abord, le 4 juin à 4h15, alors
que les premiers navires sont déjà en mer, il annonce que vers 9 h l'ouragan va
se déchaîner. Eisenhower lui fait confiance et rappelle les navires. A 10 h, la
tempête est là. Heures d'angoisse. Le soir, Stagg annonce que l'anticyclone des
Açores vient améliorer passagèrement le temps sur la Manche. Eisenhower et
Montgomery sont partisans de lancer l'opération le 6 juin. Pas question
d'attendre les prochaines grandes marées : alors qu'un million d'hommes
connaissaient depuis la veille les objectifs, il eut été impossible de conserver
de façon certaine le secret. L'opération fut donc lancée, bénéficiant d'ailleurs
de la tempête de la veille, tellement forte que la Marine allemande n'avait pas
procédé à ses patrouilles habituelles en baie de Seine, c'est à dire entre le
Havre et Cherbourg ! Un débarquement était par ce temps tellement improbable que
le maréchal Rommel était parti en permission... On connaît les forces lancées
vers le Calvados et le sud-est du Cotentin : 4266 bateaux de transport, 722
navires de guerre, 12 654 avions. (Plus d'un bateau tous les 10 m sur plus de 40
km de front!). En avant-garde, 3 divisions parachutistes : une britannique à
l'est de Caen et 2 américaines au sud du Cotentin. Débarquèrent ensuite les
troupes terrestres : 2 divisions britanniques encadrant une division canadienne
au nord de Caen, une division américaine à Saint-Laurent-sur-Mer et une autre à
Sainte-Marie-du-Mont; L'anecdote dramatique du parachutiste demeuré accroché au
clocher de Sainte-Mère l'église fait quelquefois encore dire que le débarquement
eut lieu sur le territoire de cette commune... qui n'est pas en bord de mer !
C'est Sainte-Marie-du-Mont qui fut la célèbre Utah Beach). Il convient de dire
que parmi les troupes débarquées se trouvait le commando de fusilliers-marins
français du commandant Kieffer (les "Bérets Verts"), et d'ajouter que la flotte
alliée comprenait aussi des bâtiments des Forces Navales Françaises Libres : 2
croiseurs, 1 torpilleur, 4 frégates, 4 corvettes, 1 flottille de vedettes
rapides, le tout au commandement de l'amiral Jaujard. Sous diverses formes
(terre,air ou mer) participèrent également aux opérations des volontaires
belges, hollandais, polonais, norvégiens, danois, luxembourgeois... La mise en
oeuvre de masses aussi énormes d'hommes et de matériels constitua, de la part de
l'Etat-Major suprême interallié, un chef d'oeuvre sans précédent de logistique.
La bataille des plages et la Résistance
Pendant fort longtemps, nous étions peu nombreux à évoquer le rôle de la
Résistance dans le succès du débarquement. Même si les plus importants chefs
alliés s'étaient exprimés, journalistes et historiens français les citaient peu.
il semble qu'en ce cinquantième anniversaire ce rôle constitue pour certains une
découverte... C'est pourquoi le 15 mars 1994 nous avons beaucoup apprécié que,
lors de la cérémonie consacrée au cinquantième anniversaire du Programme du
C.N.R, Maurice Schumann, évoquant sa rencontre avec Georges Bidault en l'Hôtel
de Ville de Paris, le jour de la Libération (et rappelant qu'ils avaient pris
position ensemble dans le journal "l'Aube" contre la capitulation de Münich)
ajouta: "Je ne m' éloignai pas sans avoir dit à Bidault que-selon le témoignage
du commandement allié-le succès de la bataille de France, et d'abord de la
bataille des plages, aurait été aléatoire, peut-être même impossible sans le
concours de la Résistance française". Dans la préface qu'il donne à un album
consacré au 6 juin, il répète: "L'issue de la bataille des plages aurait été
pour le moins incertaine si la Résistance française n'avait pas apporté un
concours décisif au commandement allié".(2)
. L'historiographe
britannique officiel , John Ehrmann, dont l'ouvrage publié par l'Office
d'Editions de Sa Majesté a pour titre: "Grand Strategy", a écrit de la
Résistance : "A aucun moment on ne lui accorda une première priorité parmi les
mouvements européens en Europe". celui du Pentagone, l'Américain Forest G. Pogge
a révélé que le premier mémoire du commandement suprême sur la préparation du
débarquement contenait cette phrase : "L'assistance aux groupes de la Résistance
doit être considéré comme un supplément plus que comme une partie essentielle du
plan". Le Premier ministre Winston Churchill avait confié au commandant en chef
Eisenhower:"Si nous prenions Paris pour Noël , ce serait la plus grande
opération militaire de tous les temps". Eisenhower lui-même témoigne: "Jamais, à
l'époque, je n'ai entendu prédire que cette guerre pourrait être terminée en
moins de 2 ans". (3)
Or, la guerre ne se terminera pas en juin 1946 mais en mai 1945. Et Paris
n'avait pas été libéré à Noël 1944, mais fin août. Certes, 250 divisions
allemandes étaient engagées dans l'immense bataille défensive menée à l'Est
depuis février 1943, l'armée soviétique ayant repris la totalité de son
territoire, mais cela ne rendait pas obligatoire le succès du débarquement à
l'ouest. Or ce débarquement réussit, et la tête de pont, en trois mois, couvrait
la quasi-totalité de la France et de la Belgique. Pourquoi ? La réponse a été
donnée sous diverses formes par les principaux chefs alliés eux-mêmes. Le
Général Eisenhower a un jour évalué l'appoint de la Résistance comme
l'équivalent de 15 divisions supplémentaires. Le compliment n'était pas mince
mais forcément approximatif. D'après une déclaration faite par le général, en
juillet 1968, à l'historien américain Funk
(4), il
semble qu'il s'agisse du nombre des divisions américaines qui auraient été
immobilisées si les troupes débarquées avaient eu à défendre leur flanc droit,
dégarni, de Nantes à Metz. Or ce flanc était protégé par la Résistance et par
les troupes débarquées en Provence le 15 août; troupes qui, sous le commandement
du général de Lattre de Tassigny, progressèrent à marche forcée grâce à la
Résistance. L'appréciation la plus nette est probablement celle que donna, dans
une conférence de presse du 19 mars 1946, le général Marshall, chef d'Etat-Major
des armées américaines aussi bien d'Europe que du Pacifique : "La Résistance a
dépassé toutes nos prévisions. C'est elle qui, en retardant l'arrivée des
renforts allemands et en empêchant le regroupement des divisions ennemies à
l'intérieur, a assuré le succès de nos débarquement. Sans vos troupes du maquis,
tout était compromis"
(1)
Gilles Perrault : "Les Secrets du Jour J"
(2)
"6 juin 1944", de Jerôme Camilly-Editions du Cherche-Midi
(3)
Conférence de Presse du 15 octobre 1960
(4)
Arthur L. Funk-Université de Floride : "Considération stratégique de l'invasion
du sud de la France".
Suite:
Sur l'immédiat arrière-front
Ce rôle décisif de la Résistance se développa bien entendu à l'échelle de
l'ensemble du territoire, mais comment déjà ne pas mentionner quelques grandes
lignes du rôle de la Résistance régionale ? La Résistance régionale avait,
depuis longtemps, fait parvenir aux Alliés des renseignements extrêmement
détaillés et précis sur les forces et les positions allemandes, sur le mur de
l'Atlantique et les rampes de lancement de V1 (pour celles-ci, dès le début de
leur construction, et avant même que personne ne sache encore de quoi il
s'agissait exactement). Toutes ses formations, dans les départements du
Calvados, de l'Orne, au sud de celui de la Manche puis bientôt de l'Eure et de
la Seine-Inférieure, se trouvèrent dans des conditions inimaginables : densité
de troupes allemandes sans égale en France, supériorité aérienne alliée telle
que toute liaison de jour à découvert fut immédiatement impossible, les
Lightnings, et Mosquitos mitraillant en rasemottes tout ce qui bougeait sur les
routes et même les chemins de campagne. Cela n'empêcha pourtant pas que, par
exemple dès le 6 juin au matin, le commandant Veto (Le Moal) et un groupe de
trois firent sauter à St.-Martin-de-Tallevende 3 camions allemands et 11 tonnes
de munitions. Le lendemain 7 juin, le détachement Guillaume Le Conquérant
sauvait dans les marais de Varaville un détachement de parachutistes américains
et, malgré le feu allemand, le dirigeait vers le gros de la formation. Le 7 juin
encore, l'État-Major de la Wehrmacht qui se trouvait à Vire fut privé par les
nôtres de toutes communications téléphoniques. Le 8, fut le tour de Lisieux. Et
comment ne pas mentionner le passage dans la tête de pont de plusieurs dizaines
d'aviateurs alliés tombés en territoire occupé et que maquisards, comptant parmi
eux des braconniers, réussirent , grâce à leur admirable connaissance du
terrain, à faire traverser les lignes allemandes (que l'on se représente bien ce
qu'était ce passage des lignes autour de la tête de pont!). Lorsque nous
évoquerons la période de la Libération, nous aurons à citer l'action du maquis
de St.-Hilaire-du-Harcouët, celle des maquis de l'Orne, puis de l'Eure, et la
participation de la Résistance de la Basse-Seine aux actions qui empêchèrent la
VIIe armée allemande, plus tard en retraite, de se retrancher sur les falaises
de la rive droite de la Seine. Mais comment aussi ne pas citer en cet
anniversaire du 6 juin, le concours décisif du "père Lefèvre" aux " Bérets
Verts" du capitaine de corvette Kieffer ? Lefèvre était évidemment Résistant.
Habitant quasiment en front de mer à Ouistreham et non touché par le
bombardement naval, il découvre le commando Kieffer dans la gare de Riva-Bella.
Le commando doit détruire le casino. Or Lefèvre a vu les Allemands le fortifier.
Il sait qu'il faut d'abord détruire le grand observatoire, connait les angles
morts vers l'arrière, place les mitrailleuses, permet que les restes d'une
batterie allemande soient neutralisés par un 75 sans recul, indique où il faut
placer un tank pour qu'il détruise le grand blockhaus sans risquer de toucher
les Alliés qui arrivent à proximité. Kieffer lui donne un fusil et des
cartouches. Il dirige le commando vers l'endroit où passe le câble téléphonique
souterrain qui relie tous les postes allemands des plages, le fait couper...
puis va rejoindre les artilleurs anglais qui s'installent à Bénouville et les
conseille sur leurs emplacements.
La Résistance, cheval de Troie
L'ennemi avait rapidement compris le danger que représentait pour lui la
Résistance. Dans le journal de marche du Haut-Commandement de la Wehrmacht, on
peut relever par exemple: " La naissance de vastes zones transformées en nids de
Résistance ... constituait pour la conduite générale de la guerre un grand
danger, et c'est pourquoi il fallait y faire obstacle dans toutes les
circonstances". Le 5 juin 1944, exactement la veille du débarquement allié, un
rapport de ce Haut-Commandement mentionnait la situation dans le sud de la
France, " surtout dans les régions au sud de Clermont-Ferrand et de Limoges". Il
énumérait: "Attaques en cours contre des trains de chemins de fer, des localités
peu ou mal protégées, les centres administratifs, pillages des camps de
travailleurs français, vols de véhicules automobiles et d'essence; libération
d'un train de prisonniers, attaques à main armée contre les transports
publics...".
Plus tard, à propos de la marche victorieuse de l'Armée B débarquée en Provence
(et sur laquelle nous reviendrons) le général Von Blaskovitz a écrit: " La
Résistance était pour nous comme un essaim de guêpes qui nous harcelait sans
cesse et nous obligeait constamment à modifier le plan initial de bataille"..
Son appréciation est valable à l'échelon national. Le 10 juillet 1944, le
traître Jacques Doriot, de funeste mémoire, écrivait à l'ambassadeur allemand
Otto Abetz, au sujet de la situation à l'arrière du front de Normandie: "Le chef
de l'Etat-Major de l'armée, dont le Q.G est au Mans, m'a déclaré que la sécurité
des convois allemands n'est pas assurée à cause des maquisards particulièrement
agissants".
Il ajoutait qu'il en était de même partout en France: "Les routes de Paris à
Nancy et à Verdun, et de Paris à Mézières, ont été interceptées par le maquis;
c'est à dire qu'à quelque distance des frontières de l'Allemagne les hommes du
maquis attaquent les officiers de la Wehrmacht". C'est peut-être au général
Eisenhower lui-même que nous devons les précisions les plus importantes. Il
écrivit notamment: "La concentration ennemie dans le zone de Normandie pendant
les 6 premières semaines de la campagne s'effectuait seulement au rythme d'une
demi-division par jour en moyenne. La marche de ces renforts fut rendue lente et
hasardeuses par les efforts combinés des aviations alliées et des patriotes
français... Les IXe et Xe divisions blindées S.S mirent autant de temps pour se
rendre de l'est de la France en Normandie qu'elles en avaient mis pour aller de
Pologne où elles étaient stationnées, à la frontière française..."(5).
Il évoque la 275e division d'Infanterie, partie de Fougères en chemin de fer,
arrêtée par des bombardements, réquisitionnant des chevaux que les résistants et
les paysans volèrent ou dispersèrent, et arrivant sur le front à pied. La
division S.S. "Das Reich"-celle d'Oradour- mit 12 jours pour couvrir 720 kms,
une colonne de 50 camions, partie de Toulouse, le 7 juin, n'en comptant plus que
6 à son arrivée à Limoges. Le maréchal Montgoméry confirma de son côté que la
concentration allemande mit plus d'une quinzaine avant de se terminer "en raison
de nos opérations aériennes et du sabotage". John Erhman écrivit que les
Allemands étant "attaqués d'une manière constante par les airs et sans
interruption par la Résistance française, leurs réactions furent difficiles et
lentes". Le chef d'État-Major du groupe allemand est allé jusqu'à cet énorme
aveu: " On ne peut parler d'un mouvement de Résistance, il s'agit d'une
véritable armée qui combat dans notre dos".
(6). Le
rapport du commandant en chef pour la France estime que du 6 juin 1944 au 4
juillet, 7900 Allemands sont "tombés au combat"... du fait des maquisards .
(Ceci sans parler de ceux qui sont tombés, autrement, notamment par des
bombardements, à cause de leur immobilisation par la Résistance.).
La contre-attaque immobilisée
Dès le 31 mai 1945, nous a révélé l'ancien chef des précieux Lysanders, le
colonel Hugh Vérity, présent au congrès de l'A.N.A.C.R., à Blois, Eisenhower
écrivait au Général Gubbins: " En aucune guerre les forces de Résistance n'ont
été aussi étroitement agrégées à l'effort militaire principal". Et comme il
cite, entre autres, les coupures de voies de communication, essentiellement
ferroviaires, relevons qu'en 1944, 1134 coupures et déraillements furent causés
par les bombardements alliés et 2731 par la Résistance. On a pu citer les 27
coupures de voies ferrées réalisées par les FFI de la région de Dijon et qui
immobilisèrent pendant environ 2 semaines plusieurs centaines de trains. 11
trains chargés de blindés allemands partirent de Bordeaux et furent aiguillés
par les cheminots sur une ligne où les FFI venaient de faire dérailler
successivement 2 trains. Ils furent ainsi retardés de 9 jours. On a aussi
raconté l'invraisemblable itinéraire des S.S partis du camp de Mailly dans
l'Yonne, qui allèrent buter sur des coupures de voies opérées par les FFI à
Troyes, puis à Châlons-sur-Marne, puis à Vitry-le-François, puis à Sézanne, puis
à Epernay, tournant ainsi en rond pendant 1 semaine et arrivant dans la région
d'Avranches...15 jours après le débarquement!. L'amiral français Lemonnier
(6)
a écrit: "Ce sont bien les difficultés de transport à travers la France qui
interdisent le renforcement du front de Normandie à la cadence qu'il faudrait
maintenir pour rétablir la balance des forces. Les unités de front réclamaient
sans cesse en vain le remplacement des chars mis hors d'usage. Les dépôts
regorgeaient de chars prêts à étre livrés. le drame est qu'il n'y a pas moyen de
les faire parvenir sur le front de Normandie." Et c'est encore le général
Eisenhower qui, dans le livre cité écrit: "Pendant toute la campagne, les hommes
des FFI ont joué un rôle important. Ils ont été particulièrement actifs en
Bretagne et sur tous les points du front, ils nous ont aidé de mille façons.
Sans eux, la Libération de la France et la défaite de l'ennemi en Europe
occidentale auraient été bien plus longues, et nous auraient coûté davantage de
pertes."
(5)
"Croisade en Europe"
(6)
H.Luther: "Der partisanen Krieg"
Suite 2
LES DEBARQUEMENTS ALLIES ET LA RESISTANCE (Suite)
La contre-attaque allemande a été paralysée. Dès le 12 juin, sont dans la tête
de pont 326 000 soldats alliés et 54 000 véhicules; et il arrive chaque jour 30
000 hommes et 7000 véhicules. Il est trop tard pour Hitler. Il fera encore bien
du mal, mais les Alliés sont en France et la Résistance a superbement mérité de
la cause commune.
La Résistance organisée, certes sans laquelle rien n'eût été possible, mais
aussi le soulèvement populaire qui l'entoura et la porta; car sans lui, elle
seule n'aurait rien pu. Telle fut, telle est la réalité historique. Puisse la
France le comprendre de mieux en mieux. Nous aurons à montrer comment
l'efficacité de la Résistance s'élargit après le succès du débarquement, comment
l'Insurrection nationale permit que, dès les premiers jours de septembre, soit
libérée la quasi-totalité du territoire français, que le gouvernement
provisoire, organisme d'unanimité au même titre que le CNR, prenne ses fonctions
à Paris sous la Présidence du Général De Gaulle et assume la souveraineté de la
France. Mais comment ne pas évoquer par la mention d'un fait trop peu connu mais
qui a valeur de symbole tragique, la terreur déclenchée et développée tant
qu'ils le purent par les nazis et leurs séides. Le 6 juin au matin dans la
prison de Caen, à l'annonce du débarquement, 80 résistants prisonniers furent
fusillés par groupe de 8, chaque groupe creusant la fosse du précédent. Lorsque
l'offensive alliée se dirigea vers Caen, les bourreaux exhumèrent leurs victimes
dans l'espoir vain de supprimer les traces de leur barbarie et emmenèrent les
corps, probablement vers une forêt proche de Rouen, où ils furent brûlés au
lance-flammes...
Comment en revanche ne pas dire aussi ce qui l'est trop peu: ce même 6 juin
1944, les troupes françaises du Corps expéditionnaire en Italie , qui avaient
forcé les défenses allemandes de Monte Cassino, défilaient, à Rome dans le
Colisée: FFI, pieds-noirs, Nords-africains. Et comment ne pas s'incliner devant
les vaillants qui, de tant d'origines diverses, soldats et résistants de tant de
nations, étaient tombés en ces journées pour que les survivants et les nouvelles
générations puissent vivre libres et en paix ?
II
L'INSURRECTION NATIONALE PRECIPITE LA LIBERATION
Le 50e anniversaire du débarquement de Normandie a donc été célébré avec l'éclat
que méritait ce jour où la liberté, a dit François Mitterrand, "l'a emporté sur
le seul , sur le véritable ennemi: le nazisme, ce qui y ressemble et ceux qui
s'en inspirent".
Certes, les "marchands du Temple" n'ont évidemment pas renoncé à faire argent de
tout, certes des "historiens" ont continué à fabuler ou à nager dans le
médiocrité: le SIRPA (1)
a publié une carte qui fit la joie de ceux qui apprenaient la géographie à
l'école primaire, puisque Brest s'y trouve dans les Côtes-d'Armor, Cherbourg à
la Pointe de la Hague, Caen au bord de la mer et Rouen à la place de
Tancarville...Il se trouva aussi un journaliste connu pour évoquer la Libération
de Paris sans parler des barricades ni des FFI, ni de Rol-Tanguy... Certes
aussi, lors des cérémonies de Normandie, la population locale fut reléguée
derrière les lointaines barrières alors qu'à l'époque elle se montrait sous les
bombes aussi courageuse qu'enthousiaste, et qu'en ce jour de 1994 elle se
massait devant les gares où arrivaient les vétérans de toutes nations pour leur
adresser de longues ovations... Mais il reste que la mémoire collective - et pas
seulement en notre pays - a été ravivée, enrichie sur ce grand événement qui, a
encore dit le président, "commandera si longtemps, même sans qu'elle sache
pourquoi, les façons d'être des générations à venir"
"Les résistants représentant la France au premier rang"
Les célébrations ont fortement confirmé ce que nous constatations déjà : le rôle
de la Résistance dans le succès des opérations alliées a été comme jamais
affirmé par les plus hautes autorités. L'historien Marc Ferro a fort bien écrit:
" On a parlé du syndrome de Vichy. On peut dire qu'il y a eu un syndrome de la
Résistance. On n'a jamais vraiment reconnu, en France, l'importance du rôle de
la Résistance...(2).
Aujourd'hui, on est moins injuste qu'on ne l'était dans les années 50".
Autrement dit, la réalité historique s'impose. Les voix les plus autorisées
l'ont exprimée comme jamais auparavant. Le président de la République a tenu à
rappeler la part prise au succès final par l'ex-Union soviétique (dont le
général d'Armée Catroux disait que sans elle "la victoire effective qui a été le
fruit de l'effort commun de tous les Alliés n'aurait pas pu être acquise"). Il a
salué les antinazis allemands (dont la présence en ce jour eût été logique), et
c'est lui qui proclama que "LES RÉSISTANTS REPRÉSENTENT LA FRANCE AU PREMIER
RANG."
La Reine Elizabeth II déclara: "c'est ici...que culminèrent tous ces mois de
planification sur notre sol, de PRÉPARATION PAR LA Résistance FRANÇAISE, menée
dans le plus grand secret, amorçant la Libération..."
Le président Bill Clinton, après avoir salué les Forces Françaises Libres,
lança: "IL Y AVAIT LES COMBATTANTS DE LA Résistance FRANÇAISE QUI ONT MONTRÉ LE
CHEMIN. N'OUBLIONS JAMAIS QUE CEUX QUI ONT VECU SOUS L'OPPRESSION NAZIE ONT
RENDU POSSIBLE CETTE JOURNÉE".
Ainsi est-il rendu à la Résistance ce qui appartient à la Résistance et à la
France. Des articles ou des livres ont également appuyé l'hommage, mais certains
ont avancé des données qui nous laissent pantois. Comment peut-on écrire par
exemple que dans tel département il y a avait 897 résistants et dans tel autre
1714 ? Préciser à l'unité près le total des effectifs de toutes les formations
et de tous les mouvements d'un département, vu le secret, la mobilité imposée
par le combat à "géométrie variable" de tous est une gageure.
Peut-être s'appuie-t-on sur les statistiques de services officiels ? Elles n'ont
pu enregistrer que la reconnaissance sous-estimée, sabotée, des résistants. De
même ergoter sur le pourcentage des résistants par rapport à la population
relève d'une illusion. Sans une population devenue peu à peu mais sûrement, en
couches profondes, complice des résistants, les renseignant, les cachant,
soutenant leur action, et même simplement contribuant par son attitude
d'ensemble à démoraliser l'ennemi, la Résistance n'aurait pu se développer ni
agir comme elle le fit. Il est un nombre de source alliée, qui parle, lui: alors
que l'on estime à environ 6000 le nombre des aviateurs alliés abattus au dessus
du territoire français et qui purent user de leur parachute, le nombre de ceux
qui furent dénoncés et livrés aux Allemands ou à la police de Pétain (ce qui
revenait au même) fut de : 23. Voilà le vrai visage de la France, une
proposition qui suffirait à discréditer la notion de "guerre civile", même si
elle a la vie dure.
(1)
Service d'information et de relations publiques des armées
(2)
Ce qui explique à coup sûr les obstacles opposés aux résistants demandant la
reconnaissance de leurs services
Retour deuxième guerre mondiale