Combats de la Résistance: le rôle de la Résistance dans la Libération



I

LES DEBARQUEMENTS ALLIES ET LA RESISTANCE

Le débarquement allié en France, tant espéré, tant attendu, avait donné lieu à de très minutieuses études préparatoires, par exemple à l'analyse des terres littorales depuis le Pas-de-Calais jusqu'aux Landes par des membres de commandos britanniques débarqués nuitamment par sous-marins, procédant quelques fois à des prélèvements de terre, de sable, de vase... à quelques mètres de sentinelles allemandes faisant les cent pas devant le "mur de l'Atlantique".
(1)

De vastes opérations d'intoxication avaient été lancées pour entretenir le doute au sein du commandement allemand sur le lieu du débarquement principal : Nord de la Manche ou Basse-Normandie, ou Bretagne-Sud, ou Landes ou Languedoc... Même après le débarquement, ce commandement crut à un autre dans le Pas-de-Calais.

Un chef d'oeuvre de logistique
Les problèmes posés par une telle opération étaient d'une ampleur considérable. Les Allemands disposaient en France de 60 divisions, dont seulement 15 étaient opératives et à effectifs complets; mais 9 de leurs divisons blindées, auxquelles s'ajoutait une division de grenadiers S.S, étaient parmi les meilleures et les plus entraînées. Trois d'entre elles étaient embossées en des garnisons leur permettant, théoriquement, de se rendre rapidement sur le lieu du débarquement, quel qu'il soit. Les alliés, eux, avant rassemblé en Grande-Bretagne 40 divisions qui, pour l'essentiel, n'avaient jamais reçu le baptême du feu. Mais 7 divisions seulement pouvaient être jetées dans la première vague - la vague dont tout dépendait - sur la Basse-Normandie, par mer ou par les airs. C'est elles seules qui pouvaient constituer la tête de pont où viendraient débarquer les autres.
Après un mois de mai parfaitement beau, la décision fut prise de débarquer le 5 juin. La raison tenait au fait que les 5 et 6 juin de grandes marées permettraient de faire atterrir les barges le plus bas possible, donc au-dessous des "asperges de Rommel". Malheureusement, les conditions météorologiques se détériorèrent par deux fois, un capitaine météorologue, nommé Stagg, eut littéralement en mains le sort de l'opération. D'abord, le 4 juin à 4h15, alors que les premiers navires sont déjà en mer, il annonce que vers 9 h l'ouragan va se déchaîner. Eisenhower lui fait confiance et rappelle les navires. A 10 h, la tempête est là. Heures d'angoisse. Le soir, Stagg annonce que l'anticyclone des Açores vient améliorer passagèrement le temps sur la Manche. Eisenhower et Montgomery sont partisans de lancer l'opération le 6 juin. Pas question d'attendre les prochaines grandes marées : alors qu'un million d'hommes connaissaient depuis la veille les objectifs, il eut été impossible de conserver de façon certaine le secret. L'opération fut donc lancée, bénéficiant d'ailleurs de la tempête de la veille, tellement forte que la Marine allemande n'avait pas procédé à ses patrouilles habituelles en baie de Seine, c'est à dire entre le Havre et Cherbourg ! Un débarquement était par ce temps tellement improbable que le maréchal Rommel était parti en permission... On connaît les forces lancées vers le Calvados et le sud-est du Cotentin : 4266 bateaux de transport, 722 navires de guerre, 12 654 avions. (Plus d'un bateau tous les 10 m sur plus de 40 km de front!). En avant-garde, 3 divisions parachutistes : une britannique à l'est de Caen et 2 américaines au sud du Cotentin. Débarquèrent ensuite les troupes terrestres : 2 divisions britanniques encadrant une division canadienne au nord de Caen, une division américaine à Saint-Laurent-sur-Mer et une autre à Sainte-Marie-du-Mont; L'anecdote dramatique du parachutiste demeuré accroché au clocher de Sainte-Mère l'église fait quelquefois encore dire que le débarquement eut lieu sur le territoire de cette commune... qui n'est pas en bord de mer ! C'est Sainte-Marie-du-Mont qui fut la célèbre Utah Beach). Il convient de dire que parmi les troupes débarquées se trouvait le commando de fusilliers-marins français du commandant Kieffer (les "Bérets Verts"), et d'ajouter que la flotte alliée comprenait aussi des bâtiments des Forces Navales Françaises Libres : 2 croiseurs, 1 torpilleur, 4 frégates, 4 corvettes, 1 flottille de vedettes rapides, le tout au commandement de l'amiral Jaujard. Sous diverses formes (terre,air ou mer) participèrent également aux opérations des volontaires belges, hollandais, polonais, norvégiens, danois, luxembourgeois... La mise en oeuvre de masses aussi énormes d'hommes et de matériels constitua, de la part de l'Etat-Major suprême interallié, un chef d'oeuvre sans précédent de logistique.


La bataille des plages et la Résistance
Pendant fort longtemps, nous étions peu nombreux à évoquer le rôle de la Résistance dans le succès du débarquement. Même si les plus importants chefs alliés s'étaient exprimés, journalistes et historiens français les citaient peu. il semble qu'en ce cinquantième anniversaire ce rôle constitue pour certains une découverte... C'est pourquoi le 15 mars 1994 nous avons beaucoup apprécié que, lors de la cérémonie consacrée au cinquantième anniversaire du Programme du C.N.R, Maurice Schumann, évoquant sa rencontre avec Georges Bidault en l'Hôtel de Ville de Paris, le jour de la Libération (et rappelant qu'ils avaient pris position ensemble dans le journal "l'Aube" contre la capitulation de Münich) ajouta: "Je ne m' éloignai pas sans avoir dit à Bidault que-selon le témoignage du commandement allié-le succès de la bataille de France, et d'abord de la bataille des plages, aurait été aléatoire, peut-être même impossible sans le concours de la Résistance française". Dans la préface qu'il donne à un album consacré au 6 juin, il répète: "L'issue de la bataille des plages aurait été pour le moins incertaine si la Résistance française n'avait pas apporté un concours décisif au commandement allié".
(2)
. L'historiographe britannique officiel , John Ehrmann, dont l'ouvrage publié par l'Office d'Editions de Sa Majesté a pour titre: "Grand Strategy", a écrit de la Résistance : "A aucun moment on ne lui accorda une première priorité parmi les mouvements européens en Europe". celui du Pentagone, l'Américain Forest G. Pogge a révélé que le premier mémoire du commandement suprême sur la préparation du débarquement contenait cette phrase : "L'assistance aux groupes de la Résistance doit être considéré comme un supplément plus que comme une partie essentielle du plan". Le Premier ministre Winston Churchill avait confié au commandant en chef Eisenhower:"Si nous prenions Paris pour Noël , ce serait la plus grande opération militaire de tous les temps". Eisenhower lui-même témoigne: "Jamais, à l'époque, je n'ai entendu prédire que cette guerre pourrait être terminée en moins de 2 ans".
(3) Or, la guerre ne se terminera pas en juin 1946 mais en mai 1945. Et Paris n'avait pas été libéré à Noël 1944, mais fin août. Certes, 250 divisions allemandes étaient engagées dans l'immense bataille défensive menée à l'Est depuis février 1943, l'armée soviétique ayant repris la totalité de son territoire, mais cela ne rendait pas obligatoire le succès du débarquement à l'ouest. Or ce débarquement réussit, et la tête de pont, en trois mois, couvrait la quasi-totalité de la France et de la Belgique. Pourquoi ? La réponse a été donnée sous diverses formes par les principaux chefs alliés eux-mêmes. Le Général Eisenhower a un jour évalué l'appoint de la Résistance comme l'équivalent de 15 divisions supplémentaires. Le compliment n'était pas mince mais forcément approximatif. D'après une déclaration faite par le général, en juillet 1968, à l'historien américain Funk (4), il semble qu'il s'agisse du nombre des divisions américaines qui auraient été immobilisées si les troupes débarquées avaient eu à défendre leur flanc droit, dégarni, de Nantes à Metz. Or ce flanc était protégé par la Résistance et par les troupes débarquées en Provence le 15 août; troupes qui, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, progressèrent à marche forcée grâce à la Résistance. L'appréciation la plus nette est probablement celle que donna, dans une conférence de presse du 19 mars 1946, le général Marshall, chef d'Etat-Major des armées américaines aussi bien d'Europe que du Pacifique : "La Résistance a dépassé toutes nos prévisions. C'est elle qui, en retardant l'arrivée des renforts allemands et en empêchant le regroupement des divisions ennemies à l'intérieur, a assuré le succès de nos débarquement. Sans vos troupes du maquis, tout était compromis"

(1) Gilles Perrault : "Les Secrets du Jour J"
(2) "6 juin 1944", de Jerôme Camilly-Editions du Cherche-Midi
(3) Conférence de Presse du 15 octobre 1960
(4) Arthur L. Funk-Université de Floride : "Considération stratégique de l'invasion du sud de la France".

Suite:

Sur l'immédiat arrière-front
Ce rôle décisif de la Résistance se développa bien entendu à l'échelle de l'ensemble du territoire, mais comment déjà ne pas mentionner quelques grandes lignes du rôle de la Résistance régionale ? La Résistance régionale avait, depuis longtemps, fait parvenir aux Alliés des renseignements extrêmement détaillés et précis sur les forces et les positions allemandes, sur le mur de l'Atlantique et les rampes de lancement de V1 (pour celles-ci, dès le début de leur construction, et avant même que personne ne sache encore de quoi il s'agissait exactement). Toutes ses formations, dans les départements du Calvados, de l'Orne, au sud de celui de la Manche puis bientôt de l'Eure et de la Seine-Inférieure, se trouvèrent dans des conditions inimaginables : densité de troupes allemandes sans égale en France, supériorité aérienne alliée telle que toute liaison de jour à découvert fut immédiatement impossible, les Lightnings, et Mosquitos mitraillant en rasemottes tout ce qui bougeait sur les routes et même les chemins de campagne. Cela n'empêcha pourtant pas que, par exemple dès le 6 juin au matin, le commandant Veto (Le Moal) et un groupe de trois firent sauter à St.-Martin-de-Tallevende 3 camions allemands et 11 tonnes de munitions. Le lendemain 7 juin, le détachement Guillaume Le Conquérant sauvait dans les marais de Varaville un détachement de parachutistes américains et, malgré le feu allemand, le dirigeait vers le gros de la formation. Le 7 juin encore, l'État-Major de la Wehrmacht qui se trouvait à Vire fut privé par les nôtres de toutes communications téléphoniques. Le 8, fut le tour de Lisieux. Et comment ne pas mentionner le passage dans la tête de pont de plusieurs dizaines d'aviateurs alliés tombés en territoire occupé et que maquisards, comptant parmi eux des braconniers, réussirent , grâce à leur admirable connaissance du terrain, à faire traverser les lignes allemandes (que l'on se représente bien ce qu'était ce passage des lignes autour de la tête de pont!). Lorsque nous évoquerons la période de la Libération, nous aurons à citer l'action du maquis de St.-Hilaire-du-Harcouët, celle des maquis de l'Orne, puis de l'Eure, et la participation de la Résistance de la Basse-Seine aux actions qui empêchèrent la VIIe armée allemande, plus tard en retraite, de se retrancher sur les falaises de la rive droite de la Seine. Mais comment aussi ne pas citer en cet anniversaire du 6 juin, le concours décisif du "père Lefèvre" aux " Bérets Verts" du capitaine de corvette Kieffer ? Lefèvre était évidemment Résistant. Habitant quasiment en front de mer à Ouistreham et non touché par le bombardement naval, il découvre le commando Kieffer dans la gare de Riva-Bella. Le commando doit détruire le casino. Or Lefèvre a vu les Allemands le fortifier. Il sait qu'il faut d'abord détruire le grand observatoire, connait les angles morts vers l'arrière, place les mitrailleuses, permet que les restes d'une batterie allemande soient neutralisés par un 75 sans recul, indique où il faut placer un tank pour qu'il détruise le grand blockhaus sans risquer de toucher les Alliés qui arrivent à proximité. Kieffer lui donne un fusil et des cartouches. Il dirige le commando vers l'endroit où passe le câble téléphonique souterrain qui relie tous les postes allemands des plages, le fait couper... puis va rejoindre les artilleurs anglais qui s'installent à Bénouville et les conseille sur leurs emplacements.


La Résistance, cheval de Troie
L'ennemi avait rapidement compris le danger que représentait pour lui la Résistance. Dans le journal de marche du Haut-Commandement de la Wehrmacht, on peut relever par exemple: " La naissance de vastes zones transformées en nids de Résistance ... constituait pour la conduite générale de la guerre un grand danger, et c'est pourquoi il fallait y faire obstacle dans toutes les circonstances". Le 5 juin 1944, exactement la veille du débarquement allié, un rapport de ce Haut-Commandement mentionnait la situation dans le sud de la France, " surtout dans les régions au sud de Clermont-Ferrand et de Limoges". Il énumérait: "Attaques en cours contre des trains de chemins de fer, des localités peu ou mal protégées, les centres administratifs, pillages des camps de travailleurs français, vols de véhicules automobiles et d'essence; libération d'un train de prisonniers, attaques à main armée contre les transports publics...".

Plus tard, à propos de la marche victorieuse de l'Armée B débarquée en Provence (et sur laquelle nous reviendrons) le général Von Blaskovitz a écrit: " La Résistance était pour nous comme un essaim de guêpes qui nous harcelait sans cesse et nous obligeait constamment à modifier le plan initial de bataille".. Son appréciation est valable à l'échelon national. Le 10 juillet 1944, le traître Jacques Doriot, de funeste mémoire, écrivait à l'ambassadeur allemand Otto Abetz, au sujet de la situation à l'arrière du front de Normandie: "Le chef de l'Etat-Major de l'armée, dont le Q.G est au Mans, m'a déclaré que la sécurité des convois allemands n'est pas assurée à cause des maquisards particulièrement agissants".

Il ajoutait qu'il en était de même partout en France: "Les routes de Paris à Nancy et à Verdun, et de Paris à Mézières, ont été interceptées par le maquis; c'est à dire qu'à quelque distance des frontières de l'Allemagne les hommes du maquis attaquent les officiers de la Wehrmacht". C'est peut-être au général Eisenhower lui-même que nous devons les précisions les plus importantes. Il écrivit notamment: "La concentration ennemie dans le zone de Normandie pendant les 6 premières semaines de la campagne s'effectuait seulement au rythme d'une demi-division par jour en moyenne. La marche de ces renforts fut rendue lente et hasardeuses par les efforts combinés des aviations alliées et des patriotes français... Les IXe et Xe divisions blindées S.S mirent autant de temps pour se rendre de l'est de la France en Normandie qu'elles en avaient mis pour aller de Pologne où elles étaient stationnées, à la frontière française..."
(5). Il évoque la 275e division d'Infanterie, partie de Fougères en chemin de fer, arrêtée par des bombardements, réquisitionnant des chevaux que les résistants et les paysans volèrent ou dispersèrent, et arrivant sur le front à pied. La division S.S. "Das Reich"-celle d'Oradour- mit 12 jours pour couvrir 720 kms, une colonne de 50 camions, partie de Toulouse, le 7 juin, n'en comptant plus que 6 à son arrivée à Limoges. Le maréchal Montgoméry confirma de son côté que la concentration allemande mit plus d'une quinzaine avant de se terminer "en raison de nos opérations aériennes et du sabotage". John Erhman écrivit que les Allemands étant "attaqués d'une manière constante par les airs et sans interruption par la Résistance française, leurs réactions furent difficiles et lentes". Le chef d'État-Major du groupe allemand est allé jusqu'à cet énorme aveu: " On ne peut parler d'un mouvement de Résistance, il s'agit d'une véritable armée qui combat dans notre dos". (6). Le rapport du commandant en chef pour la France estime que du 6 juin 1944 au 4 juillet, 7900 Allemands sont "tombés au combat"... du fait des maquisards . (Ceci sans parler de ceux qui sont tombés, autrement, notamment par des bombardements, à cause de leur immobilisation par la Résistance.).


La contre-attaque immobilisée
Dès le 31 mai 1945, nous a révélé l'ancien chef des précieux Lysanders, le colonel Hugh Vérity, présent au congrès de l'A.N.A.C.R., à Blois, Eisenhower écrivait au Général Gubbins: " En aucune guerre les forces de Résistance n'ont été aussi étroitement agrégées à l'effort militaire principal". Et comme il cite, entre autres, les coupures de voies de communication, essentiellement ferroviaires, relevons qu'en 1944, 1134 coupures et déraillements furent causés par les bombardements alliés et 2731 par la Résistance. On a pu citer les 27 coupures de voies ferrées réalisées par les FFI de la région de Dijon et qui immobilisèrent pendant environ 2 semaines plusieurs centaines de trains. 11 trains chargés de blindés allemands partirent de Bordeaux et furent aiguillés par les cheminots sur une ligne où les FFI venaient de faire dérailler successivement 2 trains. Ils furent ainsi retardés de 9 jours. On a aussi raconté l'invraisemblable itinéraire des S.S partis du camp de Mailly dans l'Yonne, qui allèrent buter sur des coupures de voies opérées par les FFI à Troyes, puis à Châlons-sur-Marne, puis à Vitry-le-François, puis à Sézanne, puis à Epernay, tournant ainsi en rond pendant 1 semaine et arrivant dans la région d'Avranches...15 jours après le débarquement!. L'amiral français Lemonnier
(6) a écrit: "Ce sont bien les difficultés de transport à travers la France qui interdisent le renforcement du front de Normandie à la cadence qu'il faudrait maintenir pour rétablir la balance des forces. Les unités de front réclamaient sans cesse en vain le remplacement des chars mis hors d'usage. Les dépôts regorgeaient de chars prêts à étre livrés. le drame est qu'il n'y a pas moyen de les faire parvenir sur le front de Normandie." Et c'est encore le général Eisenhower qui, dans le livre cité écrit: "Pendant toute la campagne, les hommes des FFI ont joué un rôle important. Ils ont été particulièrement actifs en Bretagne et sur tous les points du front, ils nous ont aidé de mille façons. Sans eux, la Libération de la France et la défaite de l'ennemi en Europe occidentale auraient été bien plus longues, et nous auraient coûté davantage de pertes."

(5) "Croisade en Europe"
(6) H.Luther: "Der partisanen Krieg"

Suite 2

LES DEBARQUEMENTS ALLIES ET LA RESISTANCE (Suite)



La contre-attaque allemande a été paralysée. Dès le 12 juin, sont dans la tête de pont 326 000 soldats alliés et 54 000 véhicules; et il arrive chaque jour 30 000 hommes et 7000 véhicules. Il est trop tard pour Hitler. Il fera encore bien du mal, mais les Alliés sont en France et la Résistance a superbement mérité de la cause commune.

La Résistance organisée, certes sans laquelle rien n'eût été possible, mais aussi le soulèvement populaire qui l'entoura et la porta; car sans lui, elle seule n'aurait rien pu. Telle fut, telle est la réalité historique. Puisse la France le comprendre de mieux en mieux. Nous aurons à montrer comment l'efficacité de la Résistance s'élargit après le succès du débarquement, comment l'Insurrection nationale permit que, dès les premiers jours de septembre, soit libérée la quasi-totalité du territoire français, que le gouvernement provisoire, organisme d'unanimité au même titre que le CNR, prenne ses fonctions à Paris sous la Présidence du Général De Gaulle et assume la souveraineté de la France. Mais comment ne pas évoquer par la mention d'un fait trop peu connu mais qui a valeur de symbole tragique, la terreur déclenchée et développée tant qu'ils le purent par les nazis et leurs séides. Le 6 juin au matin dans la prison de Caen, à l'annonce du débarquement, 80 résistants prisonniers furent fusillés par groupe de 8, chaque groupe creusant la fosse du précédent. Lorsque l'offensive alliée se dirigea vers Caen, les bourreaux exhumèrent leurs victimes dans l'espoir vain de supprimer les traces de leur barbarie et emmenèrent les corps, probablement vers une forêt proche de Rouen, où ils furent brûlés au lance-flammes...

Comment en revanche ne pas dire aussi ce qui l'est trop peu: ce même 6 juin 1944, les troupes françaises du Corps expéditionnaire en Italie , qui avaient forcé les défenses allemandes de Monte Cassino, défilaient, à Rome dans le Colisée: FFI, pieds-noirs, Nords-africains. Et comment ne pas s'incliner devant les vaillants qui, de tant d'origines diverses, soldats et résistants de tant de nations, étaient tombés en ces journées pour que les survivants et les nouvelles générations puissent vivre libres et en paix ?

II

L'INSURRECTION NATIONALE PRECIPITE LA LIBERATION


Le 50e anniversaire du débarquement de Normandie a donc été célébré avec l'éclat que méritait ce jour où la liberté, a dit François Mitterrand, "l'a emporté sur le seul , sur le véritable ennemi: le nazisme, ce qui y ressemble et ceux qui s'en inspirent".
Certes, les "marchands du Temple" n'ont évidemment pas renoncé à faire argent de tout, certes des "historiens" ont continué à fabuler ou à nager dans le médiocrité: le SIRPA
(1) a publié une carte qui fit la joie de ceux qui apprenaient la géographie à l'école primaire, puisque Brest s'y trouve dans les Côtes-d'Armor, Cherbourg à la Pointe de la Hague, Caen au bord de la mer et Rouen à la place de Tancarville...Il se trouva aussi un journaliste connu pour évoquer la Libération de Paris sans parler des barricades ni des FFI, ni de Rol-Tanguy... Certes aussi, lors des cérémonies de Normandie, la population locale fut reléguée derrière les lointaines barrières alors qu'à l'époque elle se montrait sous les bombes aussi courageuse qu'enthousiaste, et qu'en ce jour de 1994 elle se massait devant les gares où arrivaient les vétérans de toutes nations pour leur adresser de longues ovations... Mais il reste que la mémoire collective - et pas seulement en notre pays - a été ravivée, enrichie sur ce grand événement qui, a encore dit le président, "commandera si longtemps, même sans qu'elle sache pourquoi, les façons d'être des générations à venir"
"Les résistants représentant la France au premier rang"
Les célébrations ont fortement confirmé ce que nous constatations déjà : le rôle de la Résistance dans le succès des opérations alliées a été comme jamais affirmé par les plus hautes autorités. L'historien Marc Ferro a fort bien écrit: " On a parlé du syndrome de Vichy. On peut dire qu'il y a eu un syndrome de la Résistance. On n'a jamais vraiment reconnu, en France, l'importance du rôle de la Résistance...
(2). Aujourd'hui, on est moins injuste qu'on ne l'était dans les années 50". Autrement dit, la réalité historique s'impose. Les voix les plus autorisées l'ont exprimée comme jamais auparavant. Le président de la République a tenu à rappeler la part prise au succès final par l'ex-Union soviétique (dont le général d'Armée Catroux disait que sans elle "la victoire effective qui a été le fruit de l'effort commun de tous les Alliés n'aurait pas pu être acquise"). Il a salué les antinazis allemands (dont la présence en ce jour eût été logique), et c'est lui qui proclama que "LES RÉSISTANTS REPRÉSENTENT LA FRANCE AU PREMIER RANG."
La Reine Elizabeth II déclara: "c'est ici...que culminèrent tous ces mois de planification sur notre sol, de PRÉPARATION PAR LA Résistance FRANÇAISE, menée dans le plus grand secret, amorçant la Libération..."
Le président Bill Clinton, après avoir salué les Forces Françaises Libres, lança: "IL Y AVAIT LES COMBATTANTS DE LA Résistance FRANÇAISE QUI ONT MONTRÉ LE CHEMIN. N'OUBLIONS JAMAIS QUE CEUX QUI ONT VECU SOUS L'OPPRESSION NAZIE ONT RENDU POSSIBLE CETTE JOURNÉE".
Ainsi est-il rendu à la Résistance ce qui appartient à la Résistance et à la France. Des articles ou des livres ont également appuyé l'hommage, mais certains ont avancé des données qui nous laissent pantois. Comment peut-on écrire par exemple que dans tel département il y a avait 897 résistants et dans tel autre 1714 ? Préciser à l'unité près le total des effectifs de toutes les formations et de tous les mouvements d'un département, vu le secret, la mobilité imposée par le combat à "géométrie variable" de tous est une gageure.
Peut-être s'appuie-t-on sur les statistiques de services officiels ? Elles n'ont pu enregistrer que la reconnaissance sous-estimée, sabotée, des résistants. De même ergoter sur le pourcentage des résistants par rapport à la population relève d'une illusion. Sans une population devenue peu à peu mais sûrement, en couches profondes, complice des résistants, les renseignant, les cachant, soutenant leur action, et même simplement contribuant par son attitude d'ensemble à démoraliser l'ennemi, la Résistance n'aurait pu se développer ni agir comme elle le fit. Il est un nombre de source alliée, qui parle, lui: alors que l'on estime à environ 6000 le nombre des aviateurs alliés abattus au dessus du territoire français et qui purent user de leur parachute, le nombre de ceux qui furent dénoncés et livrés aux Allemands ou à la police de Pétain (ce qui revenait au même) fut de : 23. Voilà le vrai visage de la France, une proposition qui suffirait à discréditer la notion de "guerre civile", même si elle a la vie dure.

(1) Service d'information et de relations publiques des armées
(2) Ce qui explique à coup sûr les obstacles opposés aux résistants demandant la reconnaissance de leurs services

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