Le général de Gaulle
reconnaissait volontiers : "Le territoire du Tchad a donné le signal
du redressement de l’Empire tout entier". On peut dire qu’il savait
de quoi il parlait. Tout au long de l’occupation allemande l’Afrique
est le porte drapeau de la résistance. En 1940, ce sont les
territoires d’Afrique Equatoriale Française -AEF- et du Cameroun qui
les premiers répondent à l’appel de de Gaulle qu’ils accueillent
alors que les Français sous Pétain s’insèrent dans la collaboration.
Une page mémorable d’héroïsme et de sens du sacrifice en résistance
est écrite par les Tirailleurs du 25e RTS, jeunes Guinéens en
majorité qui s'opposèrent à l'entrée des Allemands en région
lyonnaise, entre le 17 et 23 juin 1940. La Wehrmacht commet les 19
et 20 juin ses premiers crimes contre l’humanité sur des Noirs dont
beaucoup seront fait prisonniers, enfermés dans des camps de
travail au service de l'effort de guerre allemand, en métropole ou
outre-Rhin. Qui se souvient que les premières atrocités de cette
guerre touchent des Africains ?
La France libre n’a pas de
territoire, n’existe pour ainsi dire pas sinon à l’état clandestin,
réfugiée à Londres. C’est le territoire africain, Brazzaville qui
devient la capitale de la France Libre dès 1940, donnant une assise
et une représentation territoriale internationale à la résistance.
En 1944, les Africains ne
représentaient pas moins de la moitié des troupes ayant débarqué en
Provence. Environ 40 % des soldats d'AOF et d'AEF engagés en
1939-1940 trouvèrent la mort alors que le taux de mortalité des
combattants "Français de France" ne fut que de 3 %... L’armée
française décidait néanmoins de blanchir ses troupes en
intégrant, au détriment des courageux soldats Africains des
résistants qui n’avaient pas combattu, et qui allaient parader et
recevoir les honneurs de la patrie reconnaissante…
Les territoires Africains
allaient approvisionner l’armée et la résistance en denrées
alimentaires, matières premières, caoutchouc, coton, zinc, plomb,
or…Ces matières premières constituaient un financement de l’effort
de guerre français, et représentaient une garantie pour le compte de
la France Libre qui négociait des soutiens pécuniaires auprès des
autorités britanniques. Pendant ce temps des usines pour la
fabrication d’uniformes et d’armements tournaient dans les deux
Congo.
Sans nul doute, l’Afrique
donnait son sang pour la libération de la France, elle finançait
aussi et la résistance et la guerre, ce que la France métropolitaine
blanche n’aurait de toutes façons pas pu réaliser.
Le salaire de ce sacrifice
et la contribution essentielle à la libération de la France ne
devait pas tarder à échoir dans l’escarcelle des soldats africains.
Dès l’incorporation des Africains des discriminations de toutes
sortes apparaissaient : ségrégation et moindre qualité de
l’alimentation, lenteur dans l’avancement, commandement des rares
officiers africains par des blancs moins gradés… et surtout
différence de traitement pour les pensions. Le terme inventé pour
désigner une discrimination raciale dans les pensions des anciens
combattants blancs et noirs fut le terme de cristallisation,
indiquant sans le dire que la pension des Africains qui avaient
versé leur sang au combat et vidé leurs pays de ressources
précieuses, seraient moindres que celles de leurs collègues blancs !
Le 1er décembre
1944, au camp de Thiaroye près de Dakar, 1280 Africains démobilisés
manifestent pacifiquement leur impatience devant les promesses
matérielles non tenues. Au petit matin chars et mitrailleuses
français massacrent des Africains de retour de leurs héroïques
combats pour libérer ..la France ! Plus de 200 morts…Et la
répression continuait de suivre les anciens combattants africains,
soupçonnés de pouvoir servir de force d’appoint aux nationalistes et
anti-colonialistes africains. Des crimes odieux devaient encore être
commis pendant la colonisation, et la décolonisation contre ces
hommes et peuples qui avaient libéré la patrie des droits de
l’homme.
La France doit sans nul
doute sa libération à l’Afrique, en grande partie si ce n’est
essentiellement, ceci n’est pas pour nier les résistances réelles
mais tardives des Français, lesquelles dans les conditions de
1939-45 n’auraient pas permis à la France de se passer du soutien
africain. Il n’est pas difficile de juger du prix accordé
aujourd’hui à cet épisode périlleux de l’existence de la France, de
sa place réelle et véridique dans les manuels d’histoire…
Attention, comme disait le
philosophe allemand, tout ce qui est devient, et tout ce qui devient
revient. A bon entendeur salut !