L'Opération Dynamo
Prises en étau par les troupes allemandes, et sous le feu de leurs avions et de
leur artillerie, les forces alliées embarquent à Dunkerque pour rejoindre
l'Angleterre.
Le 20 mai, la situation est désespérée ; deux divisions de panzers commandées
par Heinz Guderian atteignent Abbeville et la mer. La Wehrmacht parvient ainsi à
couper les armées alliées en deux avec, entre les mâchoires de la tenaille, un
million de soldats français, belges et britanniques pris au piège.
Les chars allemands poursuivent leur progression. Le 24 mai, les avant-gardes de
Guderian établissent six têtes de pont sur l'Aa et atteignent Bourbourg ; elles
ont pratiquement le champ libre lorsqu'un ordre impératif du général von
Rundstedt, confirmé par Hitler, obnubilé par la prise de Paris, les stoppera net
jusqu'au matin du 27. Les Alliés profiteront de l'aubaine. Ils se regroupent en
hérisson pour tenir pied à pied un corridor s'étendant de la région lilloise à
Dunkerque, sur une centaine de kilomètres de profondeur et trente à quarante de
largeur.
Pour se dégager, le général français Weygand mise sur une traditionnelle
contre-attaque. Le chef du corps expéditionnaire britannique, le général Gort,
ne partage pas cette option. À moyen terme, l'évacuation lui semble inévitable.
Le cabinet de guerre britannique lui donnera raison. Le 26 mai, la décision
tombe : «En de telles conditions, une seule issue vous reste : vous frayer un
chemin vers l'ouest, où toutes les plages et les ports situés à l'est de
Gravelines seront utilisés pour l'embarquement. La marine vous fournira une
flotte de navires et de petits bateaux, et la Royal Air Force vous apportera un
support total...». Le 28 mai à quatre heures du matin, le roi Léopold III, chef
de l'armée belge capitule, après la bataille de la Lys, décision violemment
contestée en France et en Angleterre et par son propre Gouvernement. Mais aussi
par son conseiller militaire et plusieurs historiens, notamment, le Professeur
Henri Bernard de l'Ecole Royale Militaire belge [1], qui estime que l'armée
belge (600.000 hommes)même fort entamée de fin mai, aurait dû mieux coordonner
ses mouvements avec les Français et les Anglais.
Le vice-amiral Bertram Ramsay, chef de l'opératon installe son quartier général
dans une cave du château de Douvres, où avait fonctionné, jadis, un groupe
électrogène. L'entreprise est baptisée Opération Dynamo. Elle durera neuf jours
pleins : du mardi 26 mai au jeudi 4 juin.
Le 29 mai, le corridor s'est rétréci comme une peau de chagrin : il ne va plus
maintenant que, côté mer, des environs de Dunkerque au petit port belge de
Nieuport, aux canaux de Bergues à Furnes et de Furnes à Nieuport, côté terre.
Le 4 juin 1940, l'opération Dynamo est achevée ; le drapeau à croix gammée
flotte sur le beffroi de Dunkerque. En neuf jours, 338 226 combattants seront
évacués, dans des conditions inouïes.
La noria des little ships
Rassembler en aussi peu de temps une petite armada n'est pas chose aisée. Qu'à
cela ne tienne, la Royal Navy détache immédiatement 39 destroyers, des dragueurs
de mines et quelques autres bâtiments. Mais c'est insuffisant, car la faible
déclivité des plages oblige les navires de fort tonnage à mouiller au large. Il
faut dès lors mobiliser des ferries, des chalutiers, des remorqueurs, des
péniches, des yachts et d'autres embarcations encore plus modestes, les
désormais célèbres little ships. Il en vient 370 équipés tout au plus de deux
mitrailleuses.
Il faut ensuite organiser cette noria. Entre Dunkerque et Douvres, la route la
plus directe est la route Z, longue de 60 km, mais elle est à portée des canons
allemands à la hauteur de Calais. La route Y évite cet inconvénient à ceci près
qu'elle met Dunkerque à 130 km de Douvres ; qui plus est, elle constitue un
terrain de chasse pour les vedettes lance-torpilles de la Kriegsmarine. La voie
la plus praticable est la route X, longue de 80 km ; elle ne sera toutefois
déminée que le 29 mai.
Malgré la vigilance de la RAF, le principal danger vient des airs. Le 29 mai par
exemple, 400 bombardiers, protégés par 180 Messerschmitt, ont méthodiquement
pilonné Dunkerque, mitraillant les plages sans omettre de bombarder les
bâtiments croisant au large. Ce jour-là, le bilan des pertes est tellement lourd
que l'Amirauté décide d'arrêter l'opération : au total, près de 250 embarcations
sont envoyées par le fond ; des vedettes lance-torpilles ont raison de deux
torpilleurs français modernes, le Jaguar et le Sirocco. Heureusement que le
plafond des nuages, souvent très bas, et les fumées des incendies gênent la
Luftwaffe, laquelle ne peut sortir ses escadrilles que les 27, 29 mai et 1er
juin.
Les opérations de rembarquement sont incommodes. Il y a trop d'hommes et pas
assez de bateaux. Pour s'échapper, il faut soit être accepté à bord d'un navire
accostant au môle est du port (l'actuelle jetée s'avance en effet de 1 500
mètres dans la mer), soit rejoindre la plage et avancer en file indienne jusqu'à
une embarcation légère qui fait le va-et-vient entre le rivage et le bâtiment au
large. La machine s'est rodée ; le premier jour, 7 669 hommes ont pu rejoindre
un port allié, 17 804 le second, 47 310 le troisième, 53 823 le quatrième.
Le 4 juin à 3 h 20, le Shikari, chargé à ras bord de soldats, quitte le môle
pour sa dernière rotation. À 10 h, l'armée allemande investit Dunkerque.
En neuf jours, 338 226 combattants (dont 123 095 Français) ont pu être évacués
sur une mer d'huile ; la Wehrmacht capture quelque 35 000 soldats ; la
quasi-totalité sont des Français dont la plupart avaient participé aux combats
d'arrière-garde.
Soulagement à Londres [modifier]
L'évacuation de Dunkerque suscite néanmoins une certaine aigreur chez les
responsables français. Weygand et d'autres feront notamment grief aux
Britanniques d'avoir fait échouer la contre-attaque sur Arras. Les relations
entre les Alliés, souvent assez confuses, avec des difficultés de communication
perceptibles à bien des échelons, seront désormais placées sous le signe de la
méfiance.
Soulagement à Londres
L'évacuation de Dunkerque suscite néanmoins une certaine aigreur chez les
responsables français. Weygand et d'autres feront notamment grief aux
Britanniques d'avoir fait échouer la contre-attaque sur Arras. Les relations
entre les Alliés, souvent assez confuses, avec des difficultés de communication
perceptibles à bien des échelons, seront désormais placées sous le signe de la
méfiance.
À Londres, on éprouve du soulagement et de la gratitude : les combattants de
Dunkerque sont traités en vainqueurs et non en vaincus ; sur les quais de
débarquement comme dans les gares, on leur fait fête. Quand bien même Churchill
prend soin de tempérer l'enthousiasme de son peuple, en soulignant que «les
guerres ne se gagnent pas avec des évacuations» aussi héroïques soient-elles.
Ces mots imprimés dans les colonnes du journal américain New York Times au
lendemain de l'opération Dynamo ont conservé toute leur acuité : «Tant que l'on
parlera anglais, le nom de Dunkerque sera prononcé avec le plus grand respect».
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