Groupe du musée de l'Homme

Le Réseau du musée de l'Homme est un des premiers mouvements de la Résistance française à l'occupation allemande, lors de la Seconde Guerre mondiale.




Histoire


Paul Rivet est de longue date un acteur important de la lutte contre le fascisme. Il est président du Comité de vigilance des intellectuels anti-fascistes depuis sa création le 5 mars 1934. Au moment de l'entrée des troupes allemandes dans Paris en juin 1940, il placarde le poème de Rudyard Kipling, If, à l'entrée du musée de l'Homme. Il adresse une lettre ouverte à Pétain, où il lance : « Monsieur le Maréchal, le pays n'est pas avec vous, la France n'est plus avec vous ».
Dès juillet-août 1940, un réseau dit du Musée de l'Homme se forme autour de Boris Vildé, jeune ethnologue d'origine russe – dont l'épouse, Irène Lot, exerce à la Bibliothèque nationale – entouré d'Anatole Lewitsky, chef du département de technologie comparée, et d'Yvonne Oddon, bibliothécaire.
Ils sont rejoints par l'ethnologue Germaine Tillion et sa mère Émilie Tillion ; Agnès Humbert du musée des Arts et Traditions populaires ; Georges Freidman, sociologue installé en zone libre ; Denise Allègre, autre bibliothécaire du musée de l'Homme ; Paul Decrombecque, bibliothécaire à l'université de Paris ; Armand Boutillier du Rétail, conservateur au centre de documentation rattaché à la Bibliothèque nationale ; José Meyer, bibliothécaire à l'ambassade américaine ; Raymond Burgard, René Iché, Claude Aveline, Marcel Abraham, Jean Cassou, Pierre Brossolette, René-Yves Creston, Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Pour ne pas attirer l'attention des Allemands et des services de police français lors de leurs réunions, ils se constituent en une « société littéraire », Les amis d'Alain-Fournier et utilisent les services de la bibliothèque où Yvonne Oddon reçoit lettres et appels téléphoniques pour le réseau et fixe les rendez-vous pour Maurice, le nom de code de Vildé, et pour Chazalle, celui de Lewitzky.
Le groupe de Vildé crée un journal clandestin simplement intitulé Résistance. Le choix du titre est discuté au cours d'une conversation à la bibliothèque, entre Yvonne Oddon et Boris Vildé : Yvonne Oddon, issue d'une famille protestante, propose « Résister ! », en référence au mot gravé dans leur cachot de la tour de Constance par les huguenotes d'Aigues-Mortes ; Boris Vildé choisit « Résistance ». Entre décembre 1940 et mars 1941, cinq numéros sont distribués, Pierre Brossolette en a écrit le dernier numéro paru le 25 mars 1941, juste avant le démantèlement du Groupe.
Depuis juin 1940, Germaine Tillion est en rapports avec le colonel Hauet, de l'union nationale des combattants coloniaux qui organise des filières d'évasion vers la zone libre et l'Afrique du Nord.
Le colonel Hauet est un ami de Charles Dutheil de La Rochère, animateur des groupes La Vérité française, cercles liés à la droite traditionnelle, mais hostiles à la révolution nationale, qui diffusent un journal clandestin.
Par l'intermédiaire de plusieurs militants, il existe également des liaisons avec Combat Zone Nord.
Les divers groupes apparentés au musée de l'Homme collectent des renseignements militaires et politiques, organisent des filières d'évasion de prisonniers français et anglais ou d'aviateurs abattus. Boris Vildé tente vainement d'établir des liaisons avec la Grande-Bretagne.
Le cercle de Vildé est pénétré par un agent du S.D., Albert Gaveau, dont Boris Vildé fait son homme de confiance. Celui de La Rochère, par un agent de la Geheime Feld Polizei, Jacques Desoubrie.
Le groupe de Vildé paye un lourd tribut. En janvier 1941, Léon-Maurice Nordmann est arrêté alors qu'il distribuait Résistance. Le 10 février, c'est au tour d'Anatole Lewitzky et d'Yvonne Oddon d'être arrêtés ; puis quelques semaines plus tard d'Agnès Humbert et Boris Vildé. Germaine Tillon succède à Vildé, mais elle est à son tour arrêtée en 1942 puis déportée l'année suivante à Ravensbrück. Les membres du réseau sont traduits devant une cour militaire le 17 février et condamnés à mort. Le 23 février 1942, au Mont Valérien, Anatole Lewitzky, Boris Vildé et cinq autres membres du réseau sont exécutés. Yvonne Oddon voit sa peine commuée en déportation dont elle ne revient que le 22 avril 1945.
Membres
• Jean de Launoy fusillé le 27 octobre 1942
• Marcel Abraham
• Jules Andrieu, fusillé en février 1942.
• Claude Aveline
• Jean Blanzat
• Pierre Brossolette, mort en détention en 1944
• Raymond Burgard, décapité en 1944
• Jean-Paul Carrier, condamné à 3 ans de prison à la suite du procès. Évadé de la prison de Clairvaux puis interné 7 mois en Espagne avant de rejoindre Alger.
• Jean Cassou, lance le journal Résistance
• René-Yves Creston, ethnologue et nationaliste breton
• Christiane Desroches Noblecourt
• Colette Duval (Colette Vivier)
• Jean Duval
• Marcel Fleisser Chef départemental des maquis AS de la Creuse en 1943. Mort en déportation en 1945
• Geneviève de Gaulle-Anthonioz
• Jean Hamburger, néphrologue
• Colonel Paul Hauet, cofondateur chef du réseau (mort à Neuengamme)
• Agnès Humbert, déportée
• René Iché
• Georges Ithier, fusillé en février 1942.
• Jean Jaudel (1910-2006)
• Colonel de La Rochère, mort à Sonnenburg.
• Renée Lévy, décapitée le 31 août 1943, puis inhumée après la guerre au Mémorial de la France combattante
• Anatole Lewitsky, adjoint de Vildé, fusillé en février 1942
• Thérèse Massip, épouse de Launoy puis de Liniers
• Léon-Maurice Nordmann, fusillé en février 1942.
• Yvonne Oddon
• Maguy Perrier, déportée, survivante
• Paul Rivet
• René Sénéchal, fusillé en février 1942.
• Émilie Tillion, morte en déportation à Ravensbrück en 1945
• Germaine Tillion, chef du réseau-adjoint auprès de Hauet, avec le grade de commandant, de 1941 à 1942, (déportée à Ravensbrück)
• Boris Vildé, cofondateur et chef du réseau, fusillé en février 1942
• Pierre Walter, fusillé en février 1942.
• René Sanson

 



Autre source:

Destins fauchés par la répression nazie. Biographie des 7 résistants responsables du réseau dit du musée de l'Homme pendant la Seconde guerre mondiale.
ANDRIEU Jules, Henri

ITHIER LAVERGNEAU Georges, Robert

LEVITSKY Anatole

NORDMANN Léon, Maurice

SÉNÉCHAL René, Auguste, Eugène

VILDE Vildé

WALTER Pierre

 

ANDRIEU Jules, Henri

Né le 8 février 1896 à Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais), marié, père de deux enfants, grand mutilé de la Première Guerre mondiale, Jules Andrieu est directeur d’une école de garçons.

Jules Andrieu s’engage dans la résistance et rejoint le groupe de Boris Vildé, le réseau du musée de l’homme. Andrieu est arrêté le 20 juin 1941 à Haisnes-Lez-La Bassée (Pas-de-Calais) par les autorités allemandes pour espionnage. Incarcéré à la prison de Béthune, il est transféré à Fresnes pour être jugé avec les autres membres du réseau du Musée de l’Homme.

Le 8 janvier 1942, le procès des 19 membres du réseau arrêtés s’ouvre après plusieurs mois d’instruction devant une cour militaire allemande. Le tribunal militaire allemand de Paris condamne à la peine de mort Jules, Henri Andrieu, Boris Vildé, Anatole Lévitski, Pierre Walter, Léon-Maurice Nordmann, René Sénéchal, Georges Ithier-Lavergneau et Yvonne Oddon, Alice Simonnet et Sylvette Leleu le 17 février 1942, pour intelligence avec l’ennemi.

Émile Muller et Agnès Humbert sont condamnés à cinq ans d’emprisonnement en Allemagne, Jean-Paul Carrier et Élisabeth de la Bourdonnaye, respectivement à trois ans et six mois de prison. Jacqueline Bordelet, Albert Jubineau, Daniel Héricault, René-Georges Étienne sont acquittés.

Jules Andrieu est fusillé au Mont-Valérien le 23 février 1942.

Yvonne Oddon, Sylvette Leleu et Alice Simmonet sont déportées en Allemagne.

 
 

ITHIER LAVERGNEAU Georges, Robert

Né le 28 février 1897 au Panama, Georges Ithier-Lavergneau est interprète à la société royale néerlandaise de transports aériens à Paris.

Dès août 1940, Georges Ithier-Lavergneau intègre le réseau du Musée de l’homme.

Interpellé le 8 mars 1941 à Paris pour espionnage, il est incarcéré à la prison de Fresnes pour être jugé avec les autres membres du réseau du Musée de l’Homme.

 

LEVITSKY Anatole

Né le 9 août 1901 en Russie, Anatole Levitsky est anthropologue au musée de l’Homme à Paris.

Dès l’été 1940, le réseau du musée de l’Homme est mis en place par trois personnes qui travaillent dans ce musée parisien : Anatole Levitsky, Boris Vildé et Yvonne Oddon, la bibliothécaire. Ils développent leur organisation en recrutant parmi les intellectuels et les avocats, puis en s’associant à différents groupes.

A la suite d’une dénonciation, une série d’arrestations démantèle le réseau. En janvier 1941, Léon Maurice Nordmann est arrêté pour diffusion du tract Résistance. Le 10 février, c’est le tour d’Anatole Levitsky et d’Yvonne Oddon puis, le 26 mars, de Boris Vildé et, le mois suivant, d’Agnès Humbert et Pierre Walter.

Le 23 février 1942, Anatole Levitsky est fusillé au Mont-Valérien.

 

NORDMANN Léon, Maurice

Né le 18 février 1908 à Paris, avocat à la cour d’appel de Paris, Léon Maurice Nordmann adhère à la Section française de l’international ouvrière (SFIO) dans les années 1930.

En 1940, l’avocat André Weil-Curriel fonde avec Léon Maurice Nordmann et Albert Jubineau un groupe clandestin, Avocats socialistes. Pour sa part, René Creston, sociologue au musée de l’Homme recrute Albert Jubineau, avocat et membre d’un groupe anti-occupation du Palais de Justice dont fait également partie Léon-Maurice Nordmann.

Le réseau « élargi » du musée de l’Homme, lié à plusieurs autres groupes clandestins, s’engage dans de multiples activités.

A la suite d’une dénonciation, une série d’arrestations démantèle le réseau. Le 18 avril 1941, Pierre Walter est arrêté par les Allemands.

Il est fusillé le 23 février 1942 au Mont-Valérien.

Voici la lettre que Léon Maurice Nordmann écrivit au bâtonnier Jacques Charpentier le jour même de son exécution :

"Monsieur le Bâtonnier, Mon avocat me dit à l’instant que vous avez bien voulu faire une démarche en ma faveur. Je me permets de vous en remercier profondément. Je dois cependant mourir. Je voudrais que vous sachiez qu’en ce moment, comme dans tous ceux qui ont précédé, je tâche d’être digne de notre robe, dont le port a été pour moi un grand honneur. J’ai, comme je vous l’ai peut-être déjà écrit, entendu devant la plaque de bronze de notre bibliothèque des paroles courageuses et fières auxquelles je me suis efforcé de faire écho. J’ai essayé de faire mon devoir pour mon pays. J’espère que mon sacrifice ne sera pas inutile. J’y puise à l’heure présente, comme dans toutes celles de ma détention, un précieux et complet réconfort. Je veux par votre entremise saluer une dernière fois l’Ordre et les amis que j’y compte, et j’espère qu’on y gardera de moi un souvenir amical. Recevez, Monsieur le Bâtonnier, l’expression de mon profond respect".

 

SÉNÉCHAL René, Auguste, Eugène

Né le 11 juin 1922 à Ham-en-Artois (Pas-de-Calais), René Sénéchal est comptable à Paris dans le 19e arrondissement.

René Sénéchal rejoint le groupe de Boris Vildé, le réseau du Musée de l’Homme. Il fait passer clandestinement la ligne de démarcation notamment à des aviateurs anglais.

Ren Sénéchal est arrêté par les autorités allemandes, le 18 mars 1941 à Paris, pour actes de résistance et incarcéré à la prison de Fresnes pour être jugé avec les autres membres du réseau du Musée de l’l’Homme.

René Sénéchal est fusillé au Mont-Valérien le 23 février 1942.

 

VILDE Vildé

Né à Saint-Pétersbourg, dans une famille estonienne d’origine allemande. En 1919, la famille se réfugie à Tartu en Estonie. En 1930, il passe en Lettonie puis en 1932 en l’Allemagne. Il participe à la lutte contre le nazisme, ce qui lui vaut un court emprisonnement. À Berlin, il rencontre André Gide venu donner une conférence. Celui-ci lui propose de l’accueillir à Paris. Vildé arrive à Paris à l’été 1932. Par l’intermédiaire d’André Gide, il rencontre Paul Rivet, directeur du Musée de l’Homme. Naturalisé français le 5 septembre 1936, il obtient des diplômes de langues allemande et japonaise et est chargé du département des civilisations arctiques au Musée de l’Homme.

En septembre 1939, il est mobilisé dans l’armée française. Fait prisonnier par les Allemands dans les Ardennes en juin 1940, il s’évade et regagne Paris.

En juillet, Boris Vildé commence ses activités antiallemandes en compagnie d’intellectuels parisiens et de collègues du Musée de l’Homme. Le « Comité National de Salut Public », connu sous le nom de réseau du Musée de l’Homme, se compose de Vildé, Anatole Lewitsky, Yvonne Oddon, et s’élargit à Jean Cassou, Pierre Walter, Léon-Maurice Nordmann, Claude Aveline, Emilie et Germaine Tillion, Simone Martin-Chauffier, Jacqueline Bordelet, René Sénéchal, Marcel Abraham, Agnès Humbert, et d’autres.

En septembre, le premier tract : « Vichy fait la guerre » est édité à plusieurs centaines d’exemplaires. Le premier numéro du journal Résistance, dont la première page a été rédigée par Boris Vildé, est publié sous la direction de Jean Cassou le 15 décembre. Le deuxième numéro sort le 30 décembre 1940. Deux ou trois autres numéros seront encore publiés après l’arrestation de Boris Vildé.

A la suite d’une dénonciation, une série d’arrestations démantèle le réseau. Le 26 mars 1941, à Paris, Vildé est arrêté par la Gestapo.

A l’issue du procès des membres du réseau, Boris Vildé est fusillé au Mont-Valérien le 23 février 1942.

 

WALTER Pierre

Né le 29 avril 1906 à Montigny-les-Metz (Moselle), Pierre Walter est photographe à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes).

Pierre Walter rejoint le groupe de Boris Vildé, le réseau du Musée de l’homme où il est plus particulièrement chargé de faire passer la frontière espagnole aux aviateurs alliés, aux résistants voulant rejoindre Londres.

A la suite d’une dénonciation, une série d’arrestations démantèle le réseau. Le 18 avril 1941, Pierre Walter est arrêté par les Allemands.

Pierre Walter est fusillé au Mont-Valérien le 23 février 1942.

Sources : SGA/DMPA
Droits : Mindac/SGA

Histoire et fin tragique du réseau pionnier des mouvements de résistance. Une épopée tragique.
L’année 1940 voit l’émergence des premiers mouvements et groupes de résistance issus des réactions spontanées d’hommes et de femmes qui n’acceptent pas l’armistice. Ces premiers mouvements vont s’organiser et se mettre en place tout au long de l’année, tant en zone nord qu’en zone sud, constituant le noyau des organes structurés des années à venir. Ils agissent aussi bien dans le domaine du renseignement que des filières d’évasion et s’appuient souvent sur la publication clandestine d’un journal destiné à informer et à combattre les propagandes adverses.

C’est ainsi que prend corps, au cours de l’été 1940, le groupe du musée de l’Homme, totalement structuré dès le mois d’octobre suivant, que ses nombreux contacts transforment rapidement en réseau. Le musée de l’Homme, situé place du Trocadéro à Paris (XVIe), est alors dirigé par Paul Rivet, qui fut, avant la guerre, membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

D’emblée, le professeur Rivet montre son accord avec certains membres de son personnel qui veulent se regrouper pour agir contre l’occupant : un ethnologue, Boris Vildé, un jeune linguiste et anthropologue, Anatole Lewitsky, la bibliothécaire du musée, Yvonne Oddon. L’ethnologue Germaine Tillion, Agnès Humbert, venue du musée des arts et traditions populaires, Jean-Paul Carrier, les rejoignent bientôt.

Cette organisation recrute, à l’origine, en majorité parmi les intellectuels et les avocats et associe différents groupes qui se sont créés spontanément, à l’instar du groupe du musée de l’Homme. Ces contacts s’opèrent sur la base de relations personnelles entretenues par les membres des différents noyaux. René Creston, sociologue au musée de l’Homme, connaît Albert Jubineau, avocat membre d’un groupe d’opposants à l’Occupation militant au Palais de justice.

Albert Jubineau entre lui-même en relation avec Séjournan, également fondateur d’un groupe anti-allemand. Vildé, par l’intermédiaire de son beau-père, rencontre le professeur Fawtier. Par l’intermédiaire d’Agnès Humbert, Les Amis d’Alain-Fournier, groupe résistant qui se réunit chez l’éditeur "Les frères Emile-Paul" et dont font partie Jean Cassou, Jean Paulhan, Simone Martin-Chauffier, intègre le réseau à l’automne 1940. À la fin de l’année, le groupe est rejoint par le groupe de Sylvette Leleu et des enseignants de Béthune et par l’avocat André Weil-Curriel. Ce dernier a fondé, de son côté, un groupe clandestin Avocats socialistes avec Léon Maurice Nordmann et Albert Jubineau.

Le groupe du musée de l’Homme dispose de contacts avec des groupes tels celui de l’ambassade américaine, le groupe Walter, le groupe de Bretagne et celui des Aviateurs. Il entretient également une coopération avec le colonel Hauet, le colonel de La Rochère, animateur du groupe la vérité française. Un contact avec le groupe Maintenir, qui opère dans le quartier latin, s’établit en octobre 1940.

Ainsi étendu à plusieurs autres équipes qui vont former, avec le groupe du musée de l’Homme, le réseau du même nom, s’engage dans de multiples activités. Il tente de monter deux filières d’évasion vers l’Angleterre, l’une par la Bretagne, l’autre par l’Espagne, disposant de relais à Bordeaux, à Perpignan, à Toulouse ou encore en Dordogne. Il faut en effet trouver des "caches" sûres, des guides et des passeurs pour franchir la ligne de démarcation, la frontière espagnole… Elles sont d’abord empruntées par les prisonniers de guerre français et anglais évadés puis par tous ceux qui se sentent menacés ou veulent rejoindre Londres.

L’activité "renseignement" nécessite également l’instauration de tout un réseau de collecte et d’acheminement à destination de Londres. Les informations, à caractère militaire, sont transmises par divers canaux comme l’ambassade des États-Unis ou la légation hollandaise. Boris Vildé cherche à étendre ces activités sur tout le territoire français. En janvier 1941, il part ainsi établir des contacts en Provence et dans la région toulousaine.

L’autre grande activité est, dès le mois d’août, la production et la diffusion de tracts comportant des nouvelles issues de la BBC, de la presse étrangère provenant de l’ambassade américaine. Le réseau se transforme en un "Comité national de Salut public" et lance un journal ronéotypé Résistance, auquel participent Marcel Abraham, ancien directeur de Cabinet de Jean Zay au ministère de l’Éducation nationale, l’écrivain Claude Aveline et Jean Cassou, conservateur du musée d’art moderne. Ce dernier a déjà rédigé, en septembre, un tract intitulé "Vichy fait la guerre" lui-même déjà tiré par le groupe du musée de l’Homme à plusieurs milliers d’exemplaires. Jean Paulhan, directeur de la Nouvelle revue française, Jean Blanzat participent à sa rédaction à partir de 1941.

Le premier numéro de Résistance - il y en aura cinq - paraît, sur quatre pages 21 x 27 cm, le 15 décembre 1940. Ses 500 exemplaires sont distribués dans les boîtes-à-lettres, glissés dans des piles de journaux.. L’éditorial débute en ces termes :

"Résister ! C’est le cri qui sort de votre cœur à tous, dans la détresse où vous a laissés le désastre de la Patrie. C’est le cri de vous tous qui ne vous résignez pas, de vous tous qui voulez faire votre devoir."

Ce bulletin comporte également des informations sur l’évolution de la guerre et engage ses lecteurs à l’action en se proposant de coordonner l’activité de ceux qui veulent agir. Les textes sont écrits dans l’appartement des Martin-Chauffier puis chez les éditeurs Albert et Robert Émile-Paul. Dactylographiés par Agnès Humbert, ils ronéotés dans la cave du musée de l’Homme, dans un local d’Aubervilliers, puis chez Jean Paulhan au 5 rue des Arènes à Paris.

Le numéro 2 paraît le 30 décembre 1940. Il est de six pages et contient, outre le texte intégral de l’appel lancé de Londres par le général de Gaulle, publié sous le titre "L’heure d’espérance", une revue de presse intitulée "Dans la presse illégale". Le troisième numéro paraît le 31 janvier 1941, en grande partie consacré à la position des États-Unis. Le quatrième numéro paraît le 1er mars 1941, le cinquième et dernier numéro, entièrement rédigé par Pierre Brossolette, à la mi-mars. Toute cette activité finit par attirer l’attention de l’ennemi. Mais le groupe lui-même ne se préserve pas assez : ainsi, aucun de ses membres n’utilise de faux-papiers. Les Allemands décident d’infiltrer le réseau, choisissant pour cette mission un ouvrier mécanicien, Albert Gaveau.

A la fin de l’année 1940, il est décidé qu’André Weil-Curiel se rende à Londres pour un contact direct avec le général de Gaulle. Mais l’entreprise, surveillée par Gaveau, échoue. Le 31 décembre 1940, lors d’une perquisition dans un local de l’avenue Victor Hugo à Aubervilliers qui sert de lieu d’impression de Résistance, les Allemands trouvent un document portant les noms des responsables du réseau est trouvé par les Allemands. Deux employés du musée de l’Homme dénoncent certains résistants à la police qui arrête, en janvier, Maurice Nordmann alors qu’il diffuse Résistance puis, début février, l’avocat Jubineau. Le 10 février 1941, sur les indications, de Gaveau, la feldgendarmerie investit le Palais de Chaillot ; Anatole Lewitsky et Yvonne Oddon sont capturés. Le 26 mars, la Gestapo appréhende Boris Vildé place Pigalle, puis, le mois suivant, Agnès Humbert et Pierre Walter. Ce sont en tout dix-neuf personnes qui sont arrêtées dans le cadre de "l’affaire du musée de l’Homme".

Dans la prison de Fresnes, Boris Vildé rédige de courts textes où il note ses pensées, ses réflexions, qui formeront plus tard un "journal". Après des mois d’instruction, le procès s’ouvre le 8 janvier 1942, devant une cour militaire allemande présidée par le capitaine - d’origine alsacienne - Ernst Roskothen. Boris Vildé prend tout sur lui et prononce, en allemand, un plaidoyer pour les résistants. Le verdict tombe sur dix condamnations à mort.

Des appels à la clémence sont lancés, signés d’académiciens, de savants, de Jérome Carcopino, secrétaire d’Etat à l’éducation nationale, de de Brinon, le représentant du gouvernement de Vichy à Paris. Ces appels restent lettre morte. Les sept hommes condamnés, Léon Maurice Nordmann, Georges Ithier, Jules Andrieu, René Sénéchal, Pierre Walter, Anatole Lewitsky et Boris Vildé, sont exécutés le 23 février 1942, au Mont-Valérien et enterrés au cimetière d’Ivry. Yvonne Oddon, Sylvette Leleu et Alice Simmonet voient leur peine commuée en déportation. Émile Muller et Agnès Humbert sont condamnés à cinq ans d’emprisonnement en Allemagne, Jean-Paul Carrier et Élisabeth de la Bourdonnaye, respectivement à trois ans et six mois de prison. Jacqueline Bordelet, Albert Jubineau, Daniel Héricault, René-Georges Étienne sont acquittés. Henri Simmonet est relaxé.

Cette première série d’arrestations ne met pas pour autant un terme aux activités du réseau et d’autres groupes, comme le groupe La Rochère ou le groupe Hauet, prennent le relais jusqu’à ce que ceux-ci soient eux-mêmes touchés en juillet 1941. Germaine Tillion prend alors la tête de l’organisation et assure la continuité des activités, notamment en matière de renseignement, jusqu’au 13 août 1942, date à laquelle elle est arrêtée à son tour. Les "survivants" rejoignent pour la plupart le réseau Manipule puis Ceux de la Résistance, tous deux fondés et dirigés par Jacques Lecompte-Boinet.

Claude Aveline retrace l’épopée de Résistance dans un article intitulé "Souvenir des ténèbres" paru dans le numéro de Franc-Tireur du 11 septembre 1944 et relate sa fin tragique en ces termes : "… Une nuit de février, ce fut Lewitsky qu’on arrêta. Il fallut quitter une zone pour l’autre, s’en aller travailler ailleurs, Lyon, Toulouse. Vildé se trouvait alors à Marseille. Il accourut. En apprenant ce que nous appelions "l’accident" de Lewitsky, il décida de remonter à Paris. Je nous revois sur la place Carnot, devant Perrache, et sur le quai même de la gare, le suppliant de remettre une expédition aussi folle. Je n’ai pas le courage d’évoquer le reste. Son arrestation fantastique, l’interminable instruction (..) les dix condamnations à mort, Fresnes, le Mont-Valérien, Vildé demandant à mourir le dernier…"

Sources : SGA/DMPA
 

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