Mémoire juive et éducation

LOI DU 3 OCTOBRE 1940

PORTANT STATUT DES JUIFS



(Journal Officiel du 18 Octobre 1940.)


Article premier - Est regardé comme juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.

Art.2. - L'accès et l'exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux Juifs :
1° Chef de l'État, membre du gouvernement, Conseil d'État, Conseil de l'Ordre national de la Légion d'honneur, Cour de Cassation, Cour des comptes, Corps des Mines, Corps des Ponts et Chaussées, Inspection générale des Finances, Cours d'appel, Tribunaux de première instance, Justices de Paix, toutes juridictions d'ordre professionnel et toutes assemblées issues de l'élection ;
2° Agents relevant, du, département des Affaires étrangères, secrétaires généraux des départements ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales des ministères, préfets, sous-préfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux des services administratifs au ministère de l'Intérieur, fonctionnaires de tous grades attachés à tous services de police ;

3° Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires généraux des colonies, inspecteurs des colonies ;

4° Membres des corps enseignants ;

5° Officiers des Armées de terre, de Mer et de l'Air ;

6° Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires de concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique, postes à la nomination du Gouvernement dans les entreprises d'intérêt général.

Art. 3 - L'accès et l'exercice de toutes les fonctions publiques autres que celles énumérées à l'art. 2 ne sont ouverts aux Juifs que s'ils peuvent exciper de l'une des conditions suivantes :
a. Être titulaire de la Carte de combattant 1914-1918 ou avoir été cité au cours de la campagne 1914-1918 ;
b. Avoir été cité, à l'ordre du jour au cours de la campagne 1939- 1940 ;

c. Être décoré de la légion d'honneur à titre militaire ou de la Médaille militaire.

Art. 4. – L'accès et l'exercice des professions libérales, des professions libres, des fonctions dévolues aux officiers ministériels et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux juifs, à moins que des règlements d'administration publique n'aient fixé pour eux une proportion déterminée. Dans ce cas, les mêmes règlements détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l'élimination des juifs en surnombre.

Art. 5. – Les juifs ne pourront, sans condition ni réserve, exercer l'une quelconque des professions suivantes :


Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues, agences ou périodiques, à l'exception de publications de caractère strictement scientifique. Directeurs, administrateurs, gérants d'entreprises ayant pour objet la fabrication, l'impression, la distribution, la présentation de films cinématographiques; metteurs en scène et directeurs de prises de vues, compositeurs de scénarios, directeurs, administrateurs, gérants de salles de théâtres ou de cinématographie, entrepreneurs de spectacles, directeurs, administrateurs, gérants de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion. Des règlements d'administration publique fixeront, pour chaque catégorie, les conditions dans lesquelles les autorités publiques pourront s'assurer du respect, par les intéressés, des interdictions prononcées au présent article, ainsi que les sanctions attachées à ces interdictions.

Art. 6. – En aucun cas, les juifs ne peuvent faire partie des organismes chargés de représenter les progressions visées aux articles 4 et 5 de la présente loi ou d'en assurer la discipline.

Art. 7 - Les fonctionnaires juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront d'exercer leurs fonctions dans les deux mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Ils seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite, s'ils remplissent les conditions de durée de service ; à une retraite proportionnelle, s'ils ont au moins quinze ans de service ; ceux ne pouvant exciper d'aucune de ces conditions recevront leur traitement pendant une durée qui sera fixée, pour chaque catégorie, par un règlement d'administration publique.

Art. 8 - Par décret individuel pris en Conseil d'État et dûment motivé, les Juifs qui, dans les domaines littéraires, scientifiques, artistique ont rendu des services exceptionnels à l'Etat français, pourront être relevés des interdictions prévues par la présente loi.

Ces décrets et les motifs qui les justifient seront
publiés au Journal Officiel.
Art. 9. – La présente loi est applicable à l'Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.

Art. 10. – Le présent acte sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l'État.



Fait à Vichy, le 3 octobre 1940.


Ph. Pétain.
Par le Maréchal de France, chef de l'État français :

Le vice-président du conseil, Pierre LAVAL.

Le garde des sceaux,

ministre secrétaire d'État à la justice, Raphaël Alibert.

Le ministre secrétaire d'État à l'intérieur, Marcel Peyrouton.

Le ministre secrétaire d'État aux affaires étrangères,

Paul Baudouin.

Le ministre secrétaire d'État à la guerre,

Général Huntziger.



Le ministre secrétaire d'État aux finances,

Yves Bouthillier.



Le ministre secrétaire d'État à la marine,

Amiral DARLAN.



Le ministre secrétaire d'État à la production industrielle et au travail, René BELIN.

Le ministre secrétaire d'État à l'agriculture,

Pierre CAZIOT

 




Le début du port de l'étoile jaune

Clarisse Bouzat, collégienne à Toulouse (31), me demande : « A partir de quand les Juifs ont porté l'étoile ? »
Tu ne me demandes pas si c'est en France ou dans le reste de l'Europe. Alors je vais répondre le plus largement possible.
Une autre question : « Bonjour je m'appelle Romain. Je voudrais savoir ce que symbolisait l'étoile jaune que portaient les juifs. »


Au Moyen-Age, il y avait déjà eu des signes distinctifs


En France, en Espagne et en Italie, la loi obligeait les Juifs à porter la « rouelle », un rond jaune, sur la poitrine.
C'est l'Eglise catholique et plus précisément le Pape qui voulait qu'on puisse repérer les Juifs et éviter des unions entre Juifs et Chrétiens.
Le pape Innocent III publie un décret en 1215, lors du quatrième Concile de Latran, ordonnant que les Juifs portent des vêtements différents de ceux des Chrétiens. Il s'agit d'empêcher des mariages entre Juifs et Chrétiens.
Le Concile de Vienne en 1267 qui ordonne le port d'un chapeau particulier, le Judenhut.
En France, c'est Louis IX dit "Saint Louis" qui ordonne en 1269 le port de deux signes jaune l'un dans le dos, l'autre sur le poitrine, à partir de 14 ans.

Pourquoi le jaune ?

Chez les Chrétiens, le jaune signifiait aussi trahison : Judas est représenté avec une robe jaune ainsi que les Juifs. Vers la fin du Moyen Age, le jaune est lié au désordre, à la folie : les bouffons et les fous sont habillés en jaune (le nain jaune). Le jaune est associé à Lucifer, au soufre, et aux traîtres. Paradoxalement il correspond aux maris trompés alors qu’originellement il indiquait le trompeur.


En Allemagne, c'est un chapeau que doivent porter les Juifs : le « Judenhut » est imposé par un décret du Concile de Vienne en 1267. C'est un chapeau plat surmonté d'une tige avec une boule comme on le voit très bien sur les armoiries suivantes où trois chapeaux juifs sont représentés.


 




Mais tout ce marquage des Juifs est abandonné progressivement. Au XVIème siècle, ces vêtements, couvre-chefs et marques de reconnaissance ont disparu partout, sauf à Venise où l'obligation du port du chapeau dura jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.
Il faudra le XXème siècle et sa barbarie pour que réapparaissent ces "marques d'infamie" :


En Pologne, dès 1939, pas d'étoile mais un brassard
C'est dès 1939 que les nazis qui ont occupé la Pologne, obligent les habitants à porter, non une étoile, mais un brassard sur lequel il y avait une étoile. L'étoile est un vieux symbole juif : le « Maguen David » ou bouclier de David, probablement l'ancien bouclier des soldats de l'armée d'Israël du temps du roi David :


I. Tous les Juifs et Juives seront obligés de porter un brassard blanc d'une largeur de 10 cm au moins sur la manche droite de leur vêtement ou pardessus, à partir du 1er décembre 1939.
II. Les Juifs et les Juives se procureront eux-mêmes les brassards et les revêtiront d'inscriptions correspondantes.

III. 1) Les contrevenants seront punis de prison.
2) Les tribunaux spéciaux sont compétents à cet effet.

IV. Les dispositions d'application seront publiées par le directeur de la section d'administration intérieure.

Cracovie, le 23 novembre 1939.

Signé: FRANK,
Gouverneur Général pour les territoires polonais occupés.


En Allemagne, dès 1941
Le décret du 19 septembre 1941, obligeait les Juifs à porter sur le côté gauche de la poitrine une large étoile jaune avec le mot "Jude".


Voici l'explication de cette mesure par les nazis. On remarque qu'ils inversent tout : ce sont les Juifs qui tenteraient de les "anéantir"... Il est clair qu'il s'agit de séparer les Juifs des autres Allemands et de leur faire payer ensuite leur « responsabilité collective »

« Cette mesure a pour but d'empêcher les Juifs de se camoufler pour tenter d'entrer en contact avec les Allemands. Les batailles de l'Est ont pleinement montré l'infamie des procédés juifs, ainsi que le danger universel que représente pour les peuples libres la politique juive d'anéantissement. Dans ces conditions, on ne peut plus tolérer que des Allemands risquent d'entrer en contact avec des Juifs qui dissimulent leur véritable race. La séparation entre Allemands et Juifs sera réalisée de façon aussi complète que possible dans les circonstances actuelles. Ainsi sera proclamée à la face du monde la responsabilité collective de tous les Juifs pour les abominations commises contre les aryens dans l'Est. Les Juifs du monde entier portent cette responsabilité accablante.»


En France, en Belgique et aux Pays-Bas, en 1942
Celui qui organise la mise en place de l'étoile jaune en France s'appelle Hellmuth Knochen. Cest l'adjoint d'Oberg à partir du printemps 1942. Il dirige la mise en place de l'extermination des juifs de France. Son activité, comme le montre la lettre ci-desous s'étend à la Belgique et à la Hollande :


Lettre du SS Knochen annonçant la mise en place de l'étoile jaune :

IV J SA 221 b Paris, le 10 mars 1942
Dan / Bir
.
Au service de Bruxelles
Sturmbannfuhrer Ullers.

Objet : Insigne distinctif des Juifs.
Référence: Réunion des spécialistes des questions juives à Berlin, le 4 mars 1942.

Ainsi que cela a été convenu à Berlin, il apparaît opportun d'introduire l'insigne distinctif des Juifs, simultanément dans les territoires occupés hollandais, belges et français.

J'ai choisi le 14 mars pour date de la conférence, à laquelle assistera également le spécialiste des questions juives du service d'Amsterdam.

Je vous prie de bien vouloir me donner votre accord, et de m'aviser de la date de votre arrivée.


Signé : Dr KNOCHEN.



La décision est publiée en France le 1er juin 1942. Voici le texte de l'ordonnance :


HUITIÈME ORDONNANCE
du 29 mai 1942 concernant les mesures contre les Juifs

En vertu des pleins pouvoirs qui m'ont été conférés par le Fûhrer und Oberster Befehischaber der Wehrmacht, j'ordonne ce qui suit:
§1
Signe distinctif pour les Juifs

I. Il est interdit aux Juifs, dès l'âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l'étoile juive.

II. L'étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d'une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caractères noirs, l'inscription « Juif ». Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement.

§2
Dispositions pénales

Les infractions à la présente ordonnance seront punies d'emprisonnement et d'amende ou d'une ces peines. Des mesures de police, telles que l'internement dans un camp de Juifs, pourront s'ajouter ou être substituées à ces peines.

§3
Entrée en vigueur

La présente ordonnance entrera en vigueur le 7 juin 1942.

DER MlLITÀRBEFEHLSHABER IN FRANKREICH.



La presse parisienne annonce le port de l'étoile jaune


Tous les juifs
quelle que soit leur nationalité
portent depuis hier
l'étoile de David


C'est à partir d'hier dimanche que le port de l'insigne jaune devenait obligatoire pour les juifs.
On en avait déjà aperçu quelques-uns vers la fin de la semaine précédente. Mais la plupart des israélites avait attendu l'échéance exacte pour se conformer à cette prescription.
Cette première journée fournit à la plupart des Français un sujet d'étonnement et, espérons-le, de méditation : à savoir le nombre considérable - et qu'ils ne soupçonnaient pas jusqu'alors - des juifs dans certains quartiers. Sans parler des quartiers Saint-Paul, Saint-Antoine, Mouffetard, Lancry, Porte-Saint-Denis ou Clignancourt, déjà connus comme comptant une forte densité israélite, on put constater une éclosion inatendue d'étoiles de David dans des arrondissements chics tels que les Ternes, Passy et Auteuil. On en vit aussi pas mal à Longchamps.
Précisons que cette décision est d'ordre général et qu'elle concerne tous les juifs, quelle que soit la nationalité dont ils croiraient pouvoir se réclamer. L'étoile de David, qui n'est nulelment un signe de dérision, mais un symbole racial, doit être portée découpée et cousue solidement, de façon apparente, sous peine de sanctions graves.



Le journal collaborateur Le Petit Parisien, du Lundi 8 juin 1942, annonce, en première page, l'obligation du port de l'étoile jaune.
Le journaliste collaborateur, qui ne signe pas son article, se réjouit de cette obligation qui permet, selon lui, de repérer les Juifs qui se cachaient dans des quartiers populaires de Paris, mais aussi dans des quartiers chics. Il insiste sur l'obligation faite à tous les Juifs, même ceux qui ont la nationalité française. Pour lui, un Juif ne peut pas être vraiment un Français ; on voit cela dans l'expression qu'il emploie : « quelle que soit la nationalité dont ils croiraient pouvoir se réclamer ». Pour lui, les Juifs "croient" être français et se "réclament", toujours à tort, de cette nationalité.



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