L'expansion coloniale française au XIX et XX siècles
Le domaine colonial français
Comparé au domaine anglais contemporain, le domaine colonial français restait
bien limité en 1850. Il comprenait: 1° les débris de l'ancien empire colonial,
c'est-à-dire Saint-Pierre et Miquelon, la Guadeloupe, la Martinique et la
Guyane, en Amérique; les comptoirs du Sénégal, en Afrique; l'île de la Réunion,
dans l'océan Indien; les cinq comptoirs hindous, en Asie; 2° les acquisitions de
la Monarchie de Juillet: l'Algérie, les comptoirs de la Côte d'Ivoire et du
Gabon, Mayotte et Nossi-Bé - aux abords de Madagascar -, quelques îles du
Pacifique, dont Tahiti.
Soixante-quatre ans plus tard, en 1914, l'empire colonial français, s'il était
toujours moins vaste que l'empire anglais, n'en comprenait pas moins d'immenses
possessions en Afrique du Nord et en Afrique Noire, ainsi qu'un bloc cohérent et
riche de territoires en Indochine, sans compter des îles ou des archipels
océaniens, et divers établissements dispersés.
La politique coloniale française jusqu'à 1880
Quatre périodes successives peuvent être distinguées dans l'évolution de la
politique coloniale française entre 1852 et 1914; De 1852 à 1860, le
gouvernement impérial fit preuve d'un large esprit d'entreprise, sous
l'impulsion des marins- soucieux d'établir des points d'escale – et des
missionnaires catholiques – désireux d'assurer le plus grand succès possible à
leur oeuvre d'évangélisation. D'autres problèmes - difficultés européennes ou
expédition du Mexique - détournèrent, par la suite, plus ou moins Napoléon III
des questions coloniales. Cependant l'expansion ne cessa pas, grâce aux
initiatives de certains administrateurs locaux, le commandant du génie Faidherbe
au Sénégal, les amiraux qui gouvernaient la Cochinchine.
Après sa défaite de 1871, la France traversa, dans le domaine colonial comme sur
le plan de la politique internationale, une période de « recueillement», qui se
prolongea jusque vers 1880. Il y eut moins d'initiatives gouvernementales encore
que de 1860 à 1870. On conserva ce qu'on possédait; on n'acquit à peu près rien.
Une quatrième période commença à ce moment. Elle comporta d'abord des
initiatives privées: ainsi les missions de Savorgnan de Brazza. Puis les
républicains, satisfaits d'avoir enfin établi solidement la République, se
lancèrent délibérément dans la voie, alors toute nouvelle, de l'impérialisme.
L'essor de l'impérialisme français (1880-1885)
Le premier entre tous les dirigeants de la III-ème République, Gambetta osa
rompre avec la politique de recueillement. Il mit son influence et son prestige
au service de l'action coloniale; il fut le véritable inspirateur de
l'expédition française en -Tunisie qui aboutit à l'occupation de ce pays (1881).
Jules Ferry, soucieux par-dessus tout de politique intérieure, se montra d'abord
plus réservé et ne suivit qu'avec hésitation Gambetta, mais il devint bientôt, à
son tour, un partisan ardent de l'expansion; par son initiative et grâce à sa
ténacité, le domaine français s'agrandit, entre 1883 et 1885, de l' Annam et du
Tonkin, en même temps que l'occupation ou la conquête du Congo, du Soudan et de
Madagascar était amorcée. Ferry, par ailleurs, fut le principal théoricien de
l'impérialisme français; il fut le premier à en dégager les principes
fondamentaux et les buts essentiels.
La politique coloniale, telle que Gambetta et Ferry la conçurent ou la
pratiquèrent après 1880, fut combattue à la fois par les royalistes et par les
radicaux, qui suivaient Clemenceau. Le principal argument des adversaires de
l'expansion était à ce moment l'argument national: une pareille politique.
Disaient-ils, mettait ,la France hors d'état d'agir sur le continent européen;
elle risquait surtout de faire oublier aux Français ce qui devait rester leur
souci essentiel: la reprise de l'Alsace et de la Lorraine.
La politique coloniale après 1885
L'opposition à la politique d'expansion persista après la chute de Ferry (1885}.
Elle fut dès lors conduite surtout par les socialistes, adversaires par principe
du «colonialisme», dans lequel ils voyaient un intolérable moyen d'oppression ;
leur principal porte-parole fut, à partir de 1900, le grand orateur Jaurès: il
ne cessa de dénoncer avec vigueur, à la tribune de la Chambre comme dans ses
articles de L 'Humanité, les « louches spéculations financières» qui se
tramaient, disait-il, derrière les diverses entreprises de colonisation.
Cependant, en dépit de cette opposition, la politique coloniale resta
entreprenante et de nouveaux résultats substantiels furent obtenus tant en
Afrique qu'à Madagascar et en Extrême-Orient, de 1890 à 1914. La présence
fréquente dans les gouvernements d'anciens collaborateurs de Ferry explique en
partie cette persévérance. D'autre part les gouvernements furent encouragés et
soutenus par le revirement de l'opinion publique. Longtemps indifférente aux
questions coloniales ou même hostile aux expéditions, celle-ci s'y montra en
effet plus favorable à partir du moment où la colonisation commença à se révéler
payante. La constitution d'une armée coloniale de métier (1900) fit aussi
disparaître la crainte qu'on avait de voir les appelés du contingent participer
à des campagnes outre-mer.
Les Français en Afrique. Algérie et Tunisie
L'Afrique a été, de 1850 à 1914, le domaine principal de la colonisation
française. Un effort vigoureux y a été poursuivi dans toutes les directions à
partir des bases ou des comptoirs que la France y possédait déjà. Les trois
grands secteurs de cette politique africaine ont été : l'Afrique du Nord et le
Sahara; l'Afrique Noire; Madagascar .
La conquête de l'Algérie était à peu près terminée en 1850. Il restait cependant
à soumettre les montagnards des Kabylies : ce fut fait dès 1857. Il restait
aussi à assurer la sécurité des confins algériens du Sud, sans cesse menacés par
les pillards sahariens : les oasis du nord du Sahara - Laghouat, Ouargla,
Touggourt - furent occupées progressivement de 1852 à 1860. La possession de
l'Algérie une fois assurée, une nouvelle tâche se proposa aux dirigeants
français : garantir la présence française en Algérie en étendant l'influence ou
la domination françaises sur les pays limitrophes : la Tunisie, le Maroc, le
Sahara central et méridional. Différée de 1860 à 1879, cette tâche fut inaugurée
après l'arrivée au pouvoir des républicains, en 1880 ; elle était à peu près
achevée en 1912, à la veille de la Grande Guerre.
La question de Tunisie fut posée et résolue la première. La Tunisie était un
État vassal de la Turquie, qui avait pour souverain un bey. Les Français y
exerçaient une forte influence, mais s'y heurtaient à la résistance d'une
nombreuse colonie italienne, fermement soutenue par le gouvernement italien. En
1881, la situation devint telle que, sur les instances de Gambetta, Jules Ferry,
alors président du Conseil, se décida à agir. Les incessantes pilleries commises
à la frontière algérienne par des tribus tunisiennes, les Kroumirs, servirent de
prétexte à l'entrée des troupes françaises en Tunisie (avril 1881). Le bey
n'essaya pas de résister; il signa le traité du Bardo qui plaçait la Tunisie
sous le protectorat de la France (12 mai 1881)
Le Sahara et le Maroc
Après la Tunisie, l'expansion française au Maghreb a visé le Sahara algérien,
dont l'occupation devait assurer à la fois la sécurité de l'Algérie vers le Sud
et la liaison avec les nouvelles colonies de l'Afrique Noire. On occupa dès 1882
Aïn-Sefra et les oasis du Mzab, puis il y eut, pendant vingt ans, un temps
d'arrêt. Les opérations décisives eurent lieu à partir de 1900.
On prit possession des oasis du Touat (1901), puis de celles du Hoggar, en plein
cœur du désert saharien. La police du désert fut assurée par l'organisation de
compagnies indigènes de « méharistes».
La situation du Maroc, qui flanque l'Algérie à l'ouest comme la Tunisie le fait
à l'est, explique que tôt ou tard les Français devaient chercher à y établir
leur influence. Envisagée à plusieurs reprises depuis 1840, la pénétration
française avait cependant toujours été différée soit par crainte de
complications internationales, soit parce que des sultans énergiques avaient
réussi à maintenir un calme au moins relatif. L'intervention française ne fut,
en fait, décidée que lorsque l'incapacité d'un nouveau sultan, Abd-ul Aziz, eut
fait renaître l'anarchie et que des empiétements étrangers purent être redoutés
(1896). Contrairement à ce qui s'était passé pour la Tunisie, l'entreprise
apparut tout de suite très difficile par suite de la nature montagneuse du pays,
de la valeur guerrière de ses habitants et surtout de l'opposition que fit aux
tentatives françaises l'empereur allemand Guillaume II. La signature d'un accord
franco-allemand sur le Maroc n'intervint qu'en 1911. Le protectorat français sur
ce pays fut aussitôt proclamé (1912). Il ne resta plus dès lors qu'à assurer
militairement la pacification des régions dissidentes. Le général Lyautey, qui
avait fait ses preuves au Tonkin et à Madagascar, en fut chargé. Dès avant la
fin de 1912, la capitale du Sud, Marrakech, était occupée; en 1914, la prise de
possession de Taza, aux confins algéro-marocains, assurait la liaison avec
l'Algérie.
L'Afrique Noire
L'expansion française en Afrique Noire reçut une impulsion décisive dès le
Second Empire, grâce à l'action de Faidherbe au Sénégal. Nommé en 1854
gouverneur des comptoirs français de la région, celui-ci entreprit en effet
aussitôt de transformer ces comptoirs en colonie, en conquérant leur
arrière-pays; il sut aussi trouver les modes de conquête et de colonisation
appropriés à ce nouveau champ d'action. En 1865- année du départ définitif de
Faidherbe - le Sénégal s'étendait jusqu'au cours supérieur du fleuve dont il
porte le nom; son commerce – la traite des arachides- avait triplé; des missions
d'exploration avaient été envoyées plus loin encore vers l'intérieur, en
direction du Niger supérieur.
Après un temps d'arrêt qui dura jusque vers 1880, la pénétration du Soudan
occidental recommença, la conquête et la pacification allant souvent de pair
avec l'exploration. Elle se fit en partant à la fois de la colonie du Sénégal et
des comptoirs établis sur la côte du golfe de Guinée. Les missions envoyées du
Sénégal parvinrent, en dépit de la résistance acharnée de certains potentats
locaux, jusque sur le cours supérieur du Niger (1880-1893), puis les Français
entrèrent à Tombouctou, tête de ligne des caravanes à destination du Maghreb
(1893). La pacification des régions situées dans la boucle du Niger fut
effectuée un peu plus tard, après la destruction de l'empire musulman qu'avait
fondé un chef noir, Samory (1898). La progression, à partir des côtes du golfe
de Guinée, fut relativement aisée dans l'arrière-pays de la Guinée et de la Côte
d'Ivoire (1887-1889), mais elle nécessita de vigoureux efforts militaires au
Dahomey; il fallut envoyer des forces importantes pour vaincre le puissant roi
de ce pays, Behanzin (1892).
La fondation du Congo français, en Afrique équatoriale, fut due à Savorgnan de
Brazza, qui agit d'abord à titre privé (1875-1878), puis en tant que chargé de
missions officielles (1879-1880). Brazza fit passer le Gabon et le Moyen Congo
sous la domination de la France, sans coup férir et en gagnant la confiance des
indigènes par son comportement loyal. Au contraire, la pénétration dans la
région du Tchad se révéla très difficile. Elle ne s'acheva, en fait, qu'en 1900,
quand trois missions venues de l'Algérie, du Soudan et du Moyen Congo eurent
fait leur jonction et eurent détruit l'empire noir établi par un émule de Samory,
le féroce marchand d'esclaves Rabah.
L'Afrique orientale. Madagascar
Alors qu'elle s'est formé un vaste empire dans la partie occidentale de
l'Afrique Noire, la France ne s'est guère manifestée en Afrique orientale où
l'Angleterre et l'Allemagne se sont taillé les meilleures parts. La seule
occupation française dans ces régions fut, au débouché de la mer Rouge sur
l'océan Indien, celle d'un petit territoire sur la côte des Somalis. Le port
d'Obock (1862), puis celui de Djibouti (1892) y furent fondés et équipés pour
servir d'escales sur la route des Indes et de voies d'accès vers l'empire
d'Ethiopie.
Exclue d'Afrique orientale, la France a trouvé une appréciable compensation dans
l'annexion de la grande île de Madagascar, séparée de l'Afrique australe par le
canal de Mozambique. Cette annexion, qui se fit en 1896, apparut comme la
conclusion logique d'une longue histoire.
Les Français avaient pris pied à Madagascar dès le XVlIe siècle. Puis ils
avaient engagé, dans la première moitié du XIXe siècle, une lutte d'influence
avec les Anglais: Français et Anglais s'étaient disputé - avec des chances
alternées - la faveur des souverains hovas, maîtres des hauts plateaux de l'île.
Une première intervention française, en 1884, aboutit à la signature d'un traité
- assez vague - de protectorat. L'insuffisance même de ce traité et de nouvelles
crises provoquèrent, en 1895, une autre intervention militaire, beaucoup plus
énergique. Un traité plus strict de protectorat fut imposé au souverain hova,
puis, dès 1896, l'annexion pure et simple de l'île fut proclamée. La
pacification, l'organisation et la mise en valeur de la nouvelle colonie furent
aussitôt menées de main de maître par un colonisateur remarquable, le général
Gallieni.
Les Français en Océanie et en Asie
Déjà maîtresse de plusieurs îles ou archipels en Océanie, la France y a aussi
acquis, en 1853, la grande île de la Nouvelle Calédonie. Cependant les
acquisitions qui ont été faites après 1850 en Asie ont eu une tout autre
importance. La France est en effet devenue, par son installation dans la
péninsule indochinoise, une puissance extrême-orientale au moment même où
l'Extrême-Orient commençait à tenir une place de plus en plus grande dans la vie
économique et politique du monde.
La Cochinchine et le Cambodge
La première intervention militaire de la France en Indochine, sous le Second
Empire, a été directement provoquée par le souci d'assurer la sécurité des
missionnaires catholiques que l'empereur d'Annam persécutait. Le désir de
développer le commerce français en Indochine même et surtout d'établir, à
travers l'Indochine, des voies de pénétration commerciale vers le Sud de la
Chine a ensuite poussé à maintenir et à étendre les premiers établissements
qu'on avait acquis. Les deux événements essentiels, entre 1852 et 1870, furent
la conquête, d'abord partielle (1863), puis totale (1867) de la Cochinchine;
l'établissement du protectorat français sur le royaume de Cambodge, voisin
immédiat de la nouvelle colonie cochinchinoise (1863).
Le Tonkin, l'Annam et le Laos
Maîtresse de la Cochinchine et protectrice du Cambodge, la France a ensuite
étendu sa domination ou son influence sur l'Annam, le Tonkin, les plateaux mois
et laotiens. Ces diverses acquisitions ont toutes été réalisées sous la
Troisième République, entre 1880 et 1900.
L'idée de conquérir le Tonkin apparut dès avant 1870, à la suite d'une mission
d'exploration que Francis Garnier dirigea dans l'intérieur du pays; cette
mission permit en effet d'établir que la vallée du Fleuve Rouge, au Tonkin,
constituait la meilleure voie d'accès vers les provinces de la Chine du Sud.
cependant une première tentative pour occuper le Tonkin échoua tragiquement
(1873) ; cet échec entraîna, pendant dix ans, l'arrêt de toute opération. En
Indochine, comme en Afrique du Nord, en Afrique Noire ou à Madagascar, l'arrivée
des républicains aux affaires marqua la reprise des initiatives. Gambetta et
Ferry furent, ici encore, les deux initiateurs. Un incident, au cours duquel une
petite force française envoyée au Tonkin, sous le commandement de Rivière. fut
anéantie, fut suivi de l'envoi d'un corps expéditionnaire en Extrême-Orient
(1883). Après une courte guerre, l'empereur d'Annam, maître du Tonkin, se
soumit: L'Annam et le Tonkin passèrent sous le protectorat français. La crise ne
fut pas terminée pour autant car la Chine, qui prétendait à une suzeraineté sur
l'Annam, refusa de reconnaître le traité. Il fallut faire aussi la guerre à la
Chine ; celle-ci dut en fin de compte s'incliner (1885).
La prise de possession des régions situées entre le territoire annamite
proprement dit et le cours du Mékong fut effectuée par des moyens surtout
pacifiques entre 1885 et 1895. Un courageux explorateur, Maître, fit reconnaître
l'autorité française par les rudes habitants des plateaux moïs, tandis qu'un
autre explorateur, Pavie, parcourait, tel Brazza au Congo, les montagnes et les
plateaux du Laos, passant avec les chefs indigènes de nombreux traités de
protectorat.
Les problèmes locaux d'organisation
Comme la colonisation anglaise la colonisation française n'a pas consisté
seulement dans l'acquisition de nouveaux territoires. Des problèmes
d'organisation ont exigé des solutions. On peut, à cet égard, distinguer les
problèmes locaux, propres aux divers territoires, et les problèmes
d'organisation générale de l'ensemble du domaine colonial.
Sur le plan local, les problèmes et les solutions ont naturellement varié selon
les pays, les circonstances, le contexte politique ou international. Le
Cambodge, la Tunisie, l'Annam puis le Maroc ont été organisés en protectorats,
la France n'y assumant- en droit - qu'une fonction de contrôle. En revanche, la
Cochinchine, les territoires de l'Afrique Noire, Madagascar ont été organisés en
colonies soumises à une administration directe.
Les deux aspects de la question qui doivent retenir le plus l'attention ont été
la formation de grandes fédérations coloniales, ainsi que la longue série de
tentatives faites pour donner à l'Algérie un statut durable. La première grande
fédération coloniale qui fut formée fut l'Union indochinoise (1887). Elle servit
plus ou moins d'exemple pour les autres: l'Afrique occidentale française (1904)
et l'Afrique équatoriale française (1910). A la dIfférence des dominions
britanniques, ces trois fédérations constituèrent seulement des cadres
administratifs. Elles ne comportèrent ni parlement ni gouvernement responsable.
Le problème de l'organisation de l' Algérie fut, quant à lui, tout autant
économique et humain qu'administratif. Il s'est présenté, durant toute la
période, sous la forme d'une alternative : fallait-il considérer l'Algérie comme
un pays ayant ses caractères particuliers ? fallait-il la traiter comme un
simple prolongement de la France métropolitaine ? La première conception - dite
de l'association - fut l'objet de deux essais de réalisation: l'un- qui prit une
forme extrême -, de 1860 à 1870 ; l'autre, où l'application fut plus nuancée, de
1896 à 1914. La seconde conception - qualifiée d'assimilation - fut pareillement
expérimentée à deux reprises: de 1852 à 1860, puis de 1870 à 1896. A dire le
vrai, ni l'une ni l'autre conception ne donnèrent satisfaction. L'hésitation
persistait encore en 1914.
Le problème d'organisation générale
Le problème d'une organisation générale de l'empire français ne s'est guère
posé, en fait, qu'après 1885. Quelques efforts furent dès lors tentés pour
donner une plus grande cohésion aux divers éléments que le domaine d'outre-mer
comportait : un secrétariat d'État aux colonies, dépendant du ministère de la
Marine, fut créé en 1887 et confié à l'un des chefs du «parti colonial»,
Etienne, député d'Oran ; un Conseil supérieur des Colonies - comprenant les
sénateurs et les députés coloniaux ainsi que les délégués des colonies sans
député - fut organisé en 1890 ; enfin un ministère des Colonies fut établi en
1894. Dans l'ensemble, cependant, les résultats restèrent très incomplets ; en
1914, par exemple, les territoires français d'outre-mer continuaient à dépendre,
pour leur administration ou leur surveillance, de trois ministères différents:
celui des Colonies, celui des Affaires étrangères- pour les protectorats - et
celui de l'Intérieur - en ce qui concernait l'Algérie.