Les tirailleurs sénégalais et l’effort de
guerre
LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS
Pour renforcer son armée, la France crée des unités militaires composées
d’hommes de ses colonies, encadrés par des officiers français. Les soldats
d’Afrique du nord constituent l’Armée d’Afrique. Les soldats issus du reste des
colonies forment l’Armée coloniale. Ils sont issus d’Indochine, de Madagascar et
d’Afrique noire. Ils appartiennent à des unités militaires qui portent les noms
de tirailleurs, zouaves, spahis, goums ou tabors. Le corps militaire des
tirailleurs sénégalais est constitué en 1857. Ses membres sont recrutés dans
toute l’Afrique noire aussi bien en Afrique de l’est que centrale et
occidentale. Le terme «sénégalais» leur est donné car le premier régiment de
tirailleurs a été créé au Sénégal. De cette date à leur suppression, dans les
années 1960, les tirailleurs participent à toutes les campagnes coloniales ainsi
qu’aux guerres menées par la France. Durant la Seconde Guerre mondiale le nombre
total des tirailleurs sénégalais mobilisés est estimé à 179 000 hommes. Ils se
sont illustrés lors de nombreuses batailles : celle de Bir Hakeim (Lybie) en mai
et juin 1942, celle pour la conquête de l’île d’Elbe (Italie) en juin 1944,
celle pour la prise de Toulon (France) en août 1944,… Souvent en première ligne
face aux balles ennemies et peu formés, les tirailleurs subissent de lourdes
pertes. En leur mémoire, la France a construit une nécropole de style soudanais,
le Tata sénégalais de Chasselay, dans le département du Rhône. 188 tirailleurs
massacrés dans les environs par une unité allemande en juin 1940 y sont
enterrés. La Seconde Guerre mondiale marque donc un tournant dans l’histoire de
l’Afrique. En effet, le continent africain a fourni des hommes aux armées
européennes et a été une zone de combat. De plus, la déstabilisation politique
des grandes nations coloniales permet l’émergence des mouvements et des partis
politiques africains luttant pour l’Indépendance.
N’Tia Gbaguidi, Tirailleur Sénégalais
«Le 18 juin 1944, on nous a demandé de nous préparer pour débarquer sur l’île
d’Elbe. Le capitaine a alors réuni tous les officiers pour leur expliquer que
nous allions en guerre. Je savais qu’on allait à la guerre, mais je ne savais
pas pourquoi faire. J’ai donc demandé ce qu’on allait y faire. Le Blanc me
demandait de tuer le Blanc. Nous rentrions dans le bateau de guerre sans savoir
réellement ce qu’on allait y faire. A quatre heures du matin, le samedi 18 juin
1944, nous débarquions pendant que tous les Allemands dormaient. Le matin, je
suis allé chercher du café pour mes camarades, mais personne ne pouvait se
servir. Tout le monde avait peur. Moi je me suis servi et j’ai mangé. Je n’avais
pas peur parce que j’étais conscient que j’allais mourir. C’est là que j’ai pris
conscience que la guerre n’est pas une bonne chose.
La guerre c’est comme dans un marché, c’est presque le même branle-bas, des
hurlements ici, des bouleversements là-bas, des agitations par là. J’ai été
blessé mais je ne sais plus comment les choses se sont passées. J’ai subitement
ressenti une douleur qui m’a traversé le corps, depuis le pubis jusqu’à la
mâchoire.
Mon lieutenant m’ayant vu souffrant, s’est approché, m’a déshabillé et s’est
exclamé que c’était fini pour moi. Puis il a demandé aux autres d’avancer. Il y
avait un camarade qui me disait que puisqu’il n’y avait ici ni ma mère ni mon
père, il fallait que je me débrouille.
Je suis resté seul. À la guerre, les cadavres et ceux qui ne pouvaient plus
servir étaient oubliés. J’ai alors tenté un pansement pour arrêter le sang. À
côté, il y avait un camarade mort, j’ai pris sa casquette pour me protéger.
Quelques temps après, des Allemands sortaient d’un trou. Ils ont été rejoins par
d’autres groupes. Je pouvais les reconnaître à leur uniforme.
Je savais que s’ils me trouvaient en vie, ils m’achèveraient. Malgré tout le
bruit qu’ils faisaient, je n’ai pas réagi. J’ai simulé le mort. Quand ils se
sont approchés de moi, quelqu’un m’a foutu un coup de pied et a crié aux autres
«il est mort». Après eux, il y a eu une deuxième vague qui tirait dans tous les
sens. J’ai fait le mort. C’est ainsi que j’ai été sauvé. Lorsque nous avons
embarqué dans le bateau pour Ajaccio, on a commencé par nous donner un peu d’eau
à boire et le Général De Gaulle est venu nous voir. Il nous a tous visité.
Il nous a salués à la manière du soldat et nous a rassurés qu’on nous
octroierait de bonnes conditions jusqu’à ce que nous retournions chez nous, et
que la France serait toujours à nos côtés.
Aussi a-t-il ajouté que la France avait perdu la bataille, mais pas la guerre.»
L’EFFORT DE GUERRE EN AFRIQUE
En plus des soldats, l’Afrique a également fourni un apport économique non
négligeable durant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit principalement de
ressources agricoles et industrielles. En effet, la France demande à ses
colonies de ravitailler ses industries et ses armées. Les colonies doivent alors
accroître leurs productions et exportations de produits de base (coton,
oléagineux, ricin) ainsi que de cultures vivrières (riz, mil, maïs, …) alors que
ces produits n’étaient pas demandés avant la guerre.
Dans ce but, les administrations locales rendent obligatoire les cultures dans
«les champs du commandant» qui produisent des produits commandés par la
métropole. Elles mettent également en place un service de réquisition concernant
même les réserves vivrières. De plus, les produits cultivés sont achetés aux
producteurs à des prix imposés très faibles, et revendus dans le commerce à des
prix plus élevés. Cette pression sur la production, associée à la réduction des
moyens disponibles (hommes au front, suppression des crédits venant de la
métropole), appauvrit fortement les populations des colonies et des famines
apparaissent. A la fin de la guerre, la France libre prend conscience des
sacrifices effectués par les colonies et organise alors la conférence de
Brazzaville.
Francisca Patterson, Commerçante
«Entre Lagos et Porto-Novo, c’était le jour et la nuit. Le Nigeria avait tout ce
qu’il fallait. Les boutiques de Lagos étaient achalandées. Il y avait certains
commerçants de Porto-Novo qui y allaient pour apporter tout ce qu’il fallait.
Mais nous, nous étions obligés d’avoir des bons d’achat en tous genres. Des bons
d’achat de farine de blé, des bons d’achat de sucre. Tout ce qu’il y avait comme
produits de nécessité était contingenté. C’était la restriction. Si vous n’étiez
pas citoyen français ou assimilé, vous n’aviez pas droit à tout ça.
Et tous ceux qui se permettaient d’aller au Nigeria étaient accueillis ; parfois
ils étaient envoyés en exil parce qu’on pensait qu’ils allaient comploter. Nous
étions sous Vichy, il ne fallait pas qu’on vous surprenne en train de passer la
frontière.
Il y a des gens qu’on a envoyés en exil tels que Monsieur Faladé Maxime parce
qu’on l’a suspecté. Il était haut fonctionnaire, mais on l’a suspecté d’être
contre Vichy.
Le peuple dahoméen devait fournir des efforts de guerre. C’est ainsi que nos
braves paysans étaient contraints de donner de l’huile de palme, qu’on appelait
effort de guerre. Cela a duré jusqu’à la fin de la guerre, jusqu’en 1945.»
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