LES MOUVEMENTS DE RESISTANCE / Franc-Tireur
Franc-Tireur est également le nom du journal clandestin du mouvement, qui connut
37 numéros de décembre 1941 à août 1944.
Sous l'égide de Jean Moulin, le mouvement fusionnera avec Libération-Sud et
Combat pour donner les Mouvements unis de la Résistance (MUR).
Membres:
Edouard Alexander
Georges Altman
Antoine Avinin
Marc Bloch
Eugène Claudius-Petit
Noël Clavier
Pierre Degon (alias Bouconne)
Jean Desfrançois
Yves Farge
Pol Ferjac
André Ferrat
Robert Lasserre
Jean-Pierre Lévy
Elie Péju
Auguste Pinton
Albert Rohmer
Henri Romans-Petit
Jean-Jacques Soudeille
Joseph Rouquairol
Maurice Pessis
Paul Guiral (alias Daumier)
Denise Vernay
Des trois grands mouvements de zone sud, Franc-Tireur s'il est le plus restreint
en nombre de militants, est sans doute l'un des plus originaux. Typiquement
lyonnais au début, il regroupe des hommes et des femmes venus d'horizons divers
et de nuances politiques variées qui s'affichent tous comme républicains et
démocrates. A l'origine, se trouvent de petits cercles comme celui qu'anime
Antoine Avinin autour du milieu Jeune République, Auguste Pinton et ses amis
radicaux, Élie Péju et Jean-Jacques Soudeille, tous deux ex-communistes,
indépendants d'extrême gauche, Noël Clavier proche de Georges Valois, qui, après
avoir fondé le Faisceau dans les années trente, a évolué vers le syndicalisme de
gauche.
De France-Liberté à Franc-Tireur
Opposés à l'armistice dès l'automne 1940, la ville de Lyon, alors en zone libre,
offre à ces révoltés des possibilités nombreuses qu'ils souhaitent exploiter
pour "faire quelque chose". Les uns comme Clavier utilisent l'appartement
familial comme couverture pour leur réunion, les autres renouant avec le rôle
traditionnel de sociabilité urbaine qu'offrent les cafés, se rencontrent sous le
prétexte d'une partie de cartes ; ils discutent des possibilités concrètes que
leur offrent les moyens d'alors. (Avinin et Pinton sont des habitués du café de
la Place des Terreaux, à l'enseigne du Moulin Joli). Peu à peu, ces courants se
rejoignent pour former une petite équipe qui s'intitule France-Liberté (1940).
Ensemble, ils rédigent des tracts antipétainistes, tapés à un très petit nombre
d'exemplaires, signés du nom de France-Liberté, qu'ils font circuler de main en
main dans la ville. II est très difficile de retrouver la trace de ces premiers
tracts. On a néanmoins la preuve que Auguste Pinton a été à l'origine d'un
tract.
L'arrivée de Jean-Pierre Lévy fin 1940-1941 modifie ces données. Par suite de
ses qualités personnelles et des circonstances, celui-ci s'impose comme le
véritable chef du mouvement. Derrière lui, il a un long héritage qui le pousse à
défendre la France puisqu'il est lié au milieu judéo-alsacien auquel il
appartient (sa famille est installée en Alsace depuis plus de deux siècles).
S'ajoute à cela un véritable culte pour la République et la démocratie dont il
partage les valeurs. Enfin très jeune, en tant que chef de famille il a été
habitué à endosser des responsabilités qui ont forgé son caractère. Avant la
guerre, ingénieur commercial employé dans une entreprise de filature et de
tissage : Weill et Cie, son travail le conduit à Lyon puis dans de nombreuses
villes du sud. Mobilisé comme lieutenant de réserve au moment de l'offensive
allemande en mai 1940, il est cantonné dans l'Est de la France et prend alors
conscience de l'état de choc dans lequel le pays est plongé. Après la défaite, à
l'automne 1940, le jeune homme (il n'a pas 30 ans) se fixe à Lyon où s'est
réfugiée sa famille et noue ses premiers contacts avec des Alsaciens installés
dans la capitale rhodanienne : Pierre Eude, secrétaire général de la Chambre de
commerce de Strasbourg ou Henri Feldman.
Grâce à son réseau d'amis lyonnais, essentiellement des relations
professionnelles d'avant-guerre, Jean-Pierre Lévy rencontre des personnes de
tous bords dont les membres de la petite équipe France-Liberté. Parmi eux, le
marchand de confection, Antoine Avinin qui se révèle être une véritable plaque
tournante, Élie Péju, entrepreneur de déménagement dont le rôle s'avère lui
aussi essentiel et Auguste Pinton, membre du Conseil municipal lyonnais. Aux
dires de ses camarades qui prennent l'habitude de se tourner vers lui,
Jean-Pierre développe l'effort de propagande et veut faire sortir France-Liberté
du cadre lyonnais. Le seul moyen est de se procurer une ronéo. C'est chose faite
grâce à Armand Noirel et à Durand-Chabert, tous deux réparateurs de machines à
coudre qui trouvent également un entrepôt où tirer et stocker les tracts ; le
chiffre de 200 est bientôt atteint. L'étape suivante, la création d'un journal,
donne lieu à des discussions au sein du groupe. André Gayet, en désaccord avec
l'idée car à ses yeux "ce n'est pas avec du papier que l'on gagnera la guerre",
quitte l'équipe tout en restant très proche de certains camarades.
Le journal : Le Franc-Tireur
Le premier numéro du Franc-Tireur paraît en décembre 1941 au prix de difficultés
inouïes. Il est imprimé chez Henri Chevalier et tiré à 5 000 exemplaires. Le
titre suggéré par Jean-Jacques Soudeille et retenu n'est pas anodin : c'est une
allusion aux jours terribles de la guerre de 1870 qui avait vu se créer une
armée de volontaires "hors la loi", prêts à défendre la République et la patrie.
L'humour est également présent puisque sous le titre figure la manchette
suivante : "Mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la police du
Maréchal". Toute l'équipe participe à la rédaction de ce premier numéro qui
contrairement à d'autres titres n'est pas numéroté. L'éditorial "Rassemblement"
est un appel à toutes les énergies et les bonnes volontés. Chaque mois, d'autres
numéros suivent dont le tirage ne cesse d'augmenter. L'originalité du journal
est d'avoir à sa tête, à partir de mars 1942, un homme de métier en la personne
de Georges Altman, journaliste au Progrès de Lyon qui devient rédacteur en chef
du Franc-Tireur clandestin. Dès lors, le journal achève de se débarrasser de ses
imperfections. Brillante, la plume de Georges Altman qu'il met sans réserve au
service du Franc-Tireur est facilement identifiable. Imprimés à Lyon, Miribel,
Saint-Étienne, Morez, Aibi, Paris, 37 numéros paraissent jusqu'au numéro libre
du 21 août 1944. D'emblée, Le Franc-Tireur se fait remarquer par son ton, par la
virulence de ses propos envers l'occupant, Pétain et toute sa "clique" : Laval
et la collaboration font l'objet d'attaques très vives. Il défend ardemment la
démocratie et la République. Plus tard apparaissent les problèmes d'autorité
face à la France Libre et au général de Gaulle, Georges Altman et certains
membres de Franc-Tireur se montrant au départ très réticents envers ce dernier.
La querelle Giraud - de Gaulle finit par mettre fin aux hésitations. Auparavant,
face à l'envoyé de la France Libre, grâce à l'attitude de Jean-Pierre Lévy,
Franc-Tireur avait adopté une position nuancée et conciliante.
Franc - Tireur
Autour du journal se greffe un mouvement de résistance, Franc-Tireur qui va
devenir l'un des trois grands de la zone sud. Peu à peu Jean-Pierre Lévy prend
en main les destinées du journal. Il y a à cela plusieurs raisons. Le fait qu'il
soit disponible, célibataire sans charge de famille mais surtout sa position de
cadre commercial qui l'autorise à aller et venir en zone non occupée. Chaque
passage dans les principales villes de la zone Sud où il a des relations est
l'occasion de tisser un réseau ou d'utiliser les relations d'avant-guerre.
Roanne, Saint-Étienne, Marseille, Toulon, Clermont-Ferrand deviennent des
centres actifs. Bientôt le mouvement est implanté dans la vallée du Rhône, dans
la Loire, les Alpes, à Grenoble autour du docteur Léon Martin, sur la côte
méditerranéenne, le Massif central, le Cantal où grâce à Antoine Avinin il est
très présent. Le mouvement se fait également remarquer par la sortie d'un
journal satirique : Le Père Duchesne (4 numéros) dû à Georges Altman et à Élie
Péju et qui connaît un vif succès. Outre la propagande, sous la direction de
Benjamin Roux, s'organisent des groupes francs chargés de sabotage qui mettent
sur pied entre autres une opération simultanée dans plusieurs villes en novembre
1942, avant que ne soit visée l'usine France-Rayonne de Roanne. Un cafetier,
Aimé Pupin, socialiste, est avec le Docteur Léon Martin partageant les mêmes
idées politiques l'un des tout premiers à trouver des "planques" dans des fermes
pour cacher les jeunes refusant d'aller travailler en Allemagne. Sous prétexte
de participer à des travaux de bûcheronnage, la filière conduit ces opposants à
Ambel. Là s'organise le premier maquis du Vercors.
Si Jean-Pierre Lévy devient l'interlocuteur privilégié, celui qui prend les
contacts avec les gens venus de Londres comme Yvon Morandat ou les dirigeants de
Combat, Libération, il s'appuie sur d'autres membres de l'équipe, Élie Péju,
Avinin qui prirent une part grandissante. Le dernier arrivé, par l'intermédiaire
d'Avinin, et comme lui membre de la Jeune République, Eugène Petit (Claudius),
se montre très actif et, après l'arrestation d'Avinin, en mai 1942 son rôle
prend toute son importance.
Les coups durs n'épargnent pas la tête du mouvement. Interrogé par la police en
septembre 1941, Jean-Pierre Lévy est arrêté le 24 octobre 1942, Place des
Jacobins, dans un appartement qui sert de quartier général à l'équipe
Franc-Tireur et réussit à s'en sortir grâce au dévouement de France Péjot et de
Micheline Altman qui détournent les soupçons sur elles. Après une nouvelle
alerte en décembre, il se réfugie à Miribel chez Henri Deschamp.
Les chefs de Libération et de Combat, plus âgés et mieux introduits
politiquement se montrèrent parfois condescendants envers le responsable de
Franc-Tireur. Pourtant dans la phase unificatrice qui s'ouvrit sous la direction
de Jean Moulin, Jean-Pierre Lévy joua un rôle pondérateur qui mériterait
davantage de considération. Son voyage à Londres, en avril 1943, marque une
étape dans son parcours : la façon dont il fut accueilli par les services de la
France libre et par de Gaulle souligne à ses yeux, l'importance que Londres
accordait à la Résistance et à Franc-Tireur en particulier (le chef du mouvement
est fait compagnon de la Libération).
Sans être catégorique, on peut avancer que, lorsqu'il le peut, le mouvement à
gauche sur l'échiquier politique, recrute parmi des professeurs, des
instituteurs, des cadres moyens ou des employés. Tous les âges sont représentés,
mais les jeunes femmes furent nombreuses, plus qu'ailleurs (secrétaires, agents
de liaison, responsables du service social) à l'exemple de Micheline Altman,
Marie-Aimée Dufour (Marie-Aimée Péju à la Libération), France. Péjot ou Denise
Jacob, Cécile Gonard-Herman.
La devise qui anime les Franc-Tireur, le ciment qui les unit tient en ces trois
mots : liberté, égalité, fraternité. Plus que les autres mouvements de
Résistance, Franc-Tireur s'est fait l'héritier des grands principes
révolutionnaires et républicains. En lui resurgit le vieux courant jacobin,
pétri de démocratie dont le journal Le Franc-tireur et Le Père Duchesne se sont
faits l'écho.
Dominique Veillon
Liste des réseaux et mouvements de la Résistance intérieure française
Conseil national de la Résistance
Huit mouvements furent représentés au Conseil national de la Résistance.
Nom du mouvement Date de création Chefs du mouvement Tendance politique
Combat août 1940 Henri Frenay Nationaliste, puis gaulliste Ces trois mouvements
ont fusionné pour donner les
Mouvements unis de la Résistance (MUR).
Franc-Tireur Novembre 1940 Jean-Jacques Soudeille ; Antoine Avinin et Auguste
Pinton
Jean-Pierre Lévy
Communiste, socialiste, républicaine et radicale
Libération-Sud 1941 Emmanuel d'Astier de la Vigerie Syndicaliste et socialiste
Ceux de la Libération Novembre 1940 Maurice Ripoche, Henri Pascal, Jacques
Ballet (novembre 1940-mars 1943)
Roger Coquoin et Gilbert Védy (mars 1943-décembre 1943)
André Mutter (janvier 1944-août 1944)
Gaulliste
Libération-Nord Décembre 1940 Christian Pineau et Jean Cavaillès Syndicaliste
Organisation civile et militaire Décembre 1940 Jacques Arthuys Conservatrice et
nationaliste, puis socialiste
Front national Juin 1941 Jacques Duclos et Pierre Villon Communiste Créé en
réaction à l'invasion de l'URSS
Ceux de la Résistance février 1943 Jacques Lecompte-Boinet ; Pierre Arrighi (action) et Jean de Voguë (renseignement)
Gaulliste et nationaliste Mouvement issu de Combat
Autres mouvements
Les forces Françaises libres :
Au moyen orient, en Afrique (Libye et Syrie).
A Londres ...
En France : les liaisons avec Londres (radio, parachutage ...) les passeurs, les
réseaux de renseignement, les commandos (SAS)
Les forces Françaises de l'intérieur : Le CNR, le maquis de Vercors : Les
sabotages d'envergure, la préparation de débarquement (entraînement, armement,
fausses informations ... ) Saint Marcel, juin 1944 ...
Réseaux
Réseaux d'évasion : passage de la ligne de démarcation (zone nord, zone sud),
pour l'Espagne et l'Angleterre. Réseaux de renseignement : anti-propagande,
journaux et tracts. Réseaux d'actions : actes de désobéissance, sabotages,
provocations.