LES GERSOIS AU COMBAT DANS L'ARMEE REGULIERE
Les membres de la commission départementale de
l'information historique pour la paix, qui ont participé à la conception de ce
dossier, sous la direction de Monsieur Marcel-Pierre Carrère, Directeur du
service départemental de l'Office National des Anciens Combattants et Victimes
de Guerre, tiennent à remercier tout particulièrement Monsieur Guy Labedan,
Correspondant de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, qui a bien voulu
accepter de mettre à leur disposition sa documentation personnelle et les
recherches qu'il a effectuées sur l'Armée française durant le second conflit
mondial.
Les remerciements des membres de la commission vont aussi aux associations
d'anciens combattants qui ont contribué par leurs dons généreux, à la
réalisation de ce document.
Il s'agit de:
l'association départementale des évadés de France, internés en Espagne,
l'association départementale Rhin et Danube et amicale de la 1ère Armée,
l'association départementale des combattants volontaires de la Résistance,
l'amicale de l'organisation de Résistance de l'Armée-Corps Franc Pommiès,
la section départementale de l'association nationale des anciens combattants de
la Résistance,
Soldats du 158ème R.I. débarquant sur l'ile d'Oléron.
les gersois au combat dans l'armée régulière
LES GERSOIS AU COMBAT DANS L'ARMEE REGULIERE
1er SEPTEMBRE 1944
2 SEPTEMBRE 1945
Publié en 1994 - O.N.A.C.-S.D. GERS
29, Chemin de Baron - B.P. 368 - 32008 AUCH-CEDEX * Tél : 05-62-05-01-32 *
Télécopie : 05-62-05-51-05 *
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HISTOIRE GENERALE
LA PARTICIPATION A LA VICTOIRE
Nous abordons là, la phase ultime de la part prise par l'armée française au
second conflit mondial. Désormais ses effectifs sont importants. En effet, en
1945, 700 000 hommes sont répartis entre les unités des différentes armes
concernées par les combats et notamment entre les 15 divisions de l'armée de
terre:
* 1ère division française libre (D.F.L.)
* 2ème division d'infanterie marocaine (D.I.M.)
* 3ème division d'infanterie algérienne (D.I.A)
* 4ème division marocaine de montagne (D.M.M.)
* 9ème division d'infanterie coloniale (D.I.C.)
* 1ère division d'infanterie (D.I.)
* 10ème division d'infanterie (D.I.)
* 14ème division d'infanterie (D.I.)
* 19ème division d'infanterie (D.I.)
* 23ème division d'infanterie (D.I.)
* 25ème division d'infanterie(D.I.)
* 27ème division alpine (D.A.)
* 1ère division blindée (D.B.)
* 2ème division blindée (D.B.)
* 5ème division blindée (D.B.)
Depuis le début de la guerre, les troupes françaises ont été et continuent
d'être présentes sur les fronts essentiels d'Afrique, d'Italie, de France ou
d'Allemagne. Grâce au nombre de ses soldats et aux services qu'ils rendent,
l'armée française est à nouveau reconnue et son rôle évalué avec plus
d'objectivité par de nombreux responsables alliés.
C'est donc à une force militaire tendue vers la reconstruction progressive de sa
puissance qu'ont à faire, amis et ennemis.
LA BATAILLE DE FRANCE
Paris libéré le 26 août 1944, les Alliés sont à la poursuite des troupes
allemandes, fortement éprouvées par la bataille de Normandie qui leur a coûté
presque le double d'hommes qu'à Stalingrad.
Le 2 septembre, Dieppe tombe presque sans coup férir, belle revanche pour les
Canadiens deux ans après leur raid cuisant sur les défenses allemandes.
Toutefois, Le Havre résiste avant de crouler sous les bombes (11 000 tonnes
déversées). Boulogne, Calais, enfin débarrassés des rampes de lancement des V1,
vont tomber à leur tour. Les Britanniques opèrent victorieusement en Belgique,
délivrant Bruxelles; les Américains sont sur la Moselle le 11 septembre, Nancy
est pris le 15.
La division LECLERC, placée à l'extrême droite du dispositif allié, est envoyée
vers Langres pour faire la jonction avec l'armée B du Général de LATTRE de
TASSIGNY remontant vers Dijon. C'est que les troupes françaises débarquées en
Méditerranée n'ont pas perdu de temps et sont même en avance sur le planning
initial. Tandis que la 5ème D.B. occupe le col de la Faucille (Jura oriental),
la 1ère D.F.L. est entrée le 3 septembre dans Lyon que les Allemands ont évacué.
Partout, les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.), soit isolément, soit en
corps constitués, apportent un précieux concours. Leur action est parfois
déterminante, comme dans la reddition de l'arrière-garde de la 1ère armée
allemande, laquelle gardait de Hendaye à la Loire, la côte atlantique. Laissant
sur place des îlots, des "poches", dans les ports de la côte, puissamment
défendus mais sans grand espoir de sortie pour la garnison, le dernier corps
d'armée allemand à évacuer le littoral cherche à son tour la fuite par le nord
et le nord-est, avant que les armées débarquées en Provence ne se joignent à
celles de Normandie. Le gros des troupes, en dépit des harcèlements, atteint
Dijon. Cependant, le "Kampfgruppe"(K.G.) BAUER et surtout le"groupement
temporaire à pied sud" du Général ELSTER ont pris du retard malgré leur désir
ardent de rejoindre l'Allemagne. Ils constituent une grave menace pour le flanc
gauche de l'Armée de LATTRE qui progresse le long de la Saône. Aussi son chef
détourne-t-il dans la direction d'Autun un détachement comprenant entre autres
le 2ème Dragons. A Paray-le-Monial, le 7 septembre, le régiment rencontre les
éléments avancés de la "Division Légère de Toulouse" du Colonel REDON, partie du
"Groupement Mobile des F.F.I. du Sud-Ouest" ou colonne SCHNEIDER. Au cours de
durs combats, sur une ligne de front discontinue c'est l'action conjuguée des
troupes d'Afrique et des F.F.I. (corps Franc Pommiès entre autres) qui permettra
l'anéantissement du KG BAUER, estimé à 5 OOO hommes. Plus à l'ouest, dans le bec
de l'Allier, les F.F.I. de la "Division Légère d'Auvergne", auront encore raison
des 2O OOO hommes de la colonne ELSTER.
Le 12 septembre a lieu la rencontre d'un peloton du régiment de reconnaissance
de la 2ème DB (1er RMSM) avec les éléments avancés de l'Armée de LATTRE
(fusiliers marins de la 1ère DFL). Dès lors, est définitivement assurée la
liaison entre les forces qui viennent de l'ouest avec celles qui arrivent du sud
placées sous le commandement unique du Général EISENHOWER. A ce moment-là, les
Alliés connaissent encore de rapides succès. Le 11 septembre, la frontière
allemande est traversée au nord de Trèves, le 16 la ligne SIEGFRIED est percée à
Aix-la-Chapelle (alors que les Russes atteignent la Vistule). Mais en Hollande,
la bataille d'Arnhem (17-27 septembre) opération terrestre et aéroportée ayant
pour objectif de s'emparer des ponts sur la Meuse et le Rhin est un échec pour
les Alliés.
Sur les Vosges, l'ennemi s'est ressaisi, sûr d'y trouver une ligne de défense
naturelle. Il établit des positions successives pour interdire les routes et les
crêtes: la ligne de défense pré-Vosgienne et la ligne Vosgienne, bloque la
trouée de Saverne. Les ordres du Haut-Commandement allemand sont de tenir coûte
que coûte, dans l'espoir pas tellement chimérique de gagner du temps. Ses
troupes de l'ouest, qui en sont à leur 3ème commandant en chef, ont au moins un
avantage, celui d'être près de leur base, l'Allemagne n'étant plus qu'à une
centaine de kilomètres.
Les Alliés, en revanche, connaissent des difficultés de ravitaillement, en
essence principalement. Ils ont, en outre, besoin de souffler un peu après avoir
parcouru plus de 5OO kilomètres sans cesser de livrer combat. L'Allemagne
mobilise ses dernières ressources pour renforcer son front de l'ouest et
conserver la partie du sol français qu'elle occupe encore. HITLER va incorporer
les jeunes Allemands à partir de 16 ans, puis procéder à la levée en masse des
hommes valides jusqu'à 6O ans (VOLKSSTURM).
La 1ère Armée française, nouvelle appellation de l'Armée B, composée des deux
Corps d'armée BETHOUART et de MONSABERT, parvenue à sa hauteur, commence à se
regrouper face à la trouée de Belfort, en vue d'engager la bataille pour la
libération de l'Alsace. Elle a à sa gauche la 7ème Armée américaine qui tend à
se porter sur le nord, obligeant de LATTRE à étendre son dispositif.
Les Alliés préparent une grande offensive en direction du Rhin. Elle consiste à
attaquer sur les voies d'invasion conduisant en Allemagne. Face à 78 divisions
allemandes, dont 5 panzer, ils déploient 3 millions d'hommes, chiffre
extraordinaire mais il y a 650 km de front, de la Hollande à la Suisse.
L'attaque débute le 8 novembre dans de mauvaises conditions atmosphériques. Les
Américains établissent plusieurs têtes de pont au delà de la Moselle et
parviennent même à dépasser la frontière allemande. Metz tombe le 22 novembre
mais les forts ne seront définitivement réduits que le 13 décembre.
L'offensive de la 1ère Armée française est déclenchée le 14 novembre. Une
semaine après, le Rhin est atteint, Belfort où s'illustrent les commandos de
France est libéré en même temps que Mulhouse qui voit à l'oeuvre les blindés de
la 1ère D.B. du Général du VIGIER. La percée ainsi réalisée tourne les positions
allemandes sur les Vosges. C'est l'occasion pour la 7ème Armée américaine
d'avancer sur Sarrebourg, pris le 21. Les blindés de LECLERC mis à sa
disposition percent au delà de Saverne, foncent dans la plaine d'Alsace et le 23
atteignent Strasbourg et le Rhin pour la deuxième fois.
La période qui suit voit de nouveaux succès alliés; les Américains s'emparent de
Sarreguemines, de Forbach, Sélestat, entrent à Haguenau. Mais les troupes sont
fatiguées, la météo toujours détestable. L'ennemi, lui, durcit sa résistance. Il
doit toutefois céder Dannemarie aux troupes de de LATTRE auxquelles il cause des
pertes sensibles: 1300 tués, 4500 blessés mais en subit beaucoup plus. A l'issue
de ces durs et difficiles combats où les deux corps d'armée ont été engagés, la
Haute-Alsace est libérée jusqu'à Masevaux.
Mais entre la 7ème Armée américaine, trop au nord, et la 1ère Armée française,
les Allemands repliés des Vosges se sont organisés autour de Colmar. Ils forment
une vaste poche qu'ils sont résolus à défendre jusqu'au bout. Renforcée de la
2ème D.B. française et de la 36ème D.I. américaine, l'armée de LATTRE se lance à
l'attaque le 7 décembre sous une tempête de neige. Les Tirailleurs, les Spahis
marocains font des prouesses malgré la crue des rivières, les mines et surtout
la réaction violente de l'ennemi. Le 10 décembre, Thann est occupé mais la
progression s'arrête là. Les soldats français piétinent dans la boue et le
froid. Partout, du reste, les Alliés sont immobilisés.
En campagne depuis 4 mois, épuisés par les combats et par les conditions
climatiques, les troupes françaises venues d'Italie et d'Afrique du Nord n'en
peuvent plus. Elles sont heureusement complétées par des éléments venus des
F.F.I., qui n'ont pas encore l'expérience du front mais sont pleins de bonne
volonté. C'est le mérite, après avoir été son souci, du Général de LATTRE de
TASSIGNY d'avoir réalisé l'amalgame qui est en quelque sorte la cohabitation,
sous un même drapeau des troupes de l'armée d'Afrique et des F.F.I. venus pour
la plupart des maquis avec leurs chefs et leurs armes.
Dans les faits, l'amalgame a été chose complexe et délicate. Il y avait des
questions de grades, de chefs que les nouveaux venus entendaient conserver, de
mentalité, d'éducation militaire qui laissaient souvent à désirer dans les
F.F.I.. La synthèse s'est donc réalisée progressivement. En février 1945,
l'intégration est une réalité; avec les formations issues de la résistance
intérieure sont reconstitués des régiments par emprunt au répertoire historique
des corps de l'Armée française. C'est ainsi qu'aux soldats venus de l'Empire
s'ajoutèrent 137 000 hommes provenant de la France métropolitaine.
Aucun n'est de trop, compte tenu des évènements qui vont se dérouler. Alors que
les Alliés marquent le pas à peu près partout sur le front de l'Ouest,
l'Allemagne se prépare à frapper un grand coup. HITLER veut offrir une victoire
à son armée et à son peuple, en attendant la mise en service d'hypothétiques
armes secrètes. Le 16 décembre, les armées de VON RUNDSTEDT lancent une violente
contre-offensive dans les Ardennes. L'attaque débouche par temps de brouillard,
avec des moyens considérables, sur un terrain enneigé, peu propice aux
opérations d'envergure. Les Alliés sont totalement surpris. L'intention des
Allemands est de percer brusquement les lignes alliées en direction de la Meuse,
afin de séparer les armées britanniques et canadiennes des Américains, puis
d'atteindre Anvers, important port de ravitaillement. Ils pourront alors se
déployer vers le sud et vers le nord pour détruire les unes après les autres les
forces alliées dissociées. L'opération débute dans l'enthousiasme mais aussi
dans le désordre. Pour en conserver le secret au maximum, les commandants de
grandes unités n'ont été mis au courant que 2 ou 3 jours avant. Quant aux
exécutants, ils ne savent pas toujours où ils sont et encore moins où ils vont.
En 10 jours, l'ennemi ne réussit à progresser que de 7 km. Les Alliés se
ressaisissent vigoureusement. Les éclaircies dans le ciel permettent à leur
puissante aviation d'intervenir en pilonnant les troupes allemandes qui sont
définitivement stoppées, puis refoulées jusqu'à leur base de départ. L'ennemi
est exsangue mais nous sommes le 26 janvier 1945.
Entre temps il y a eu le drame de Strasbourg. A peine l'offensive des Ardennes
semble-t-elle jugulée que plusieurs divisions allemandes attaquent, le 31
décembre, les lignes américaines au nord de Strasbourg que défend au sud la 1ère
Armée française. Sans attendre, le Général EISENHOWER donne l'ordre à la 7ème
armée américaine, qui avec l'Armée de LATTRE forme le 6ème Groupe d'Armées, de
se replier promptement sur les Vosges. Il s'agit en fait d'abandonner Strasbourg
que les Allemands auront tôt fait de réoccuper.
Le Général de GAULLE proteste énergiquement auprès du Haut-Commandement allié,
soutenu par Winston CHURCHILL. Le chef du Gouvernement Provisoire de la
République Française ( G.P.R.F) réussit à fléchir EISENHOWER qui modifie les
ordres donnés. La 7ème armée ne doit plus, en effet, se replier que sous la
pression de l'ennemi. Mais déjà pour parer au danger d'une intrusion allemande,
de LATTRE a fait entrer la 3ème D.I.A. dans la capitale alsacienne, remplacée
dans les Vosges par la 10ème D.I. du Général BILLOTTE. Les Allemands sont bien
décidés à reprendre Strasbourg. Ayant repassé le Rhin, ils arrivent à 20 km de
la ville. Le 7 janvier, ils déclenchent l'attaque générale. Les Américains, qui
sont là, tiennent bon ainsi que les troupes de la 1ère D.F.L., renforcées de la
brigade Alsace-Lorraine de MALRAUX. Attaques et contre-attaques se succèdent.
L'ennemi s'acharne et gagne du terrain jusqu'à parvenir à Wantzenau, la porte de
Strasbourg. Il est finalement refoulé par les Tirailleurs algériens et un
"combat command"de la 2ème D.B..
Cependant, payant d'audace, de LATTRE malgré une situation plus que critique,
décide de s'en prendre à la poche de Colmar où les Allemands tiennent toujours
bon. Il a l'assentiment des Américains qui lui fournissent en plus une division.
Le 20 janvier, le 1er corps d'armée du Général BETHOUARD, par un temps
abominable, part à l'attaque entre Thann et Mulhouse. Le 2ème corps d'armée du
Général de MONSABERT attaque à son tour au nord de Colmar. Après d'âpres combats
la ville est prise le 2 février, à peu près intacte. Le Général de GAULLE vient
lui-même féliciter les vainqueurs. Les troupes françaises et américaines
s'empressent d'exploiter la percée. Cernay, Soultz, Guebviller, Rouffach,
Neuf-Brisach, Fessenheim sont enlevés. La poche est nettoyée. 2137 tués, 11 253
blessés sont le prix de la victoire de Colmar. Mais la 19ème Armée allemande,
qui s'était reformée après sa retraite du sud de la France, est anéantie. Elle
laisse 20 000 prisonniers.
On note qu'est intervenu dans la bataille le 1er Corps aérien français, aux
côtés du 12ème Tactical air force américain.
Au nord de Strasbourg, malgré leurs efforts désespérés, les Allemands cèdent de
plus en plus de terrain. Le 31 janvier, ils abandonnent Gambsheim où ils avaient
établi leur première tête de pont. Strasbourg, dégagé du nord au sud (par
l'offensive contre Colmar), est sauvé.
Une nouvelle opération, menée de concert par la 1ère Armée française et le 6ème
Corps d'Armée américain, permet de s'emparer de la région de Haguenau le 17
mars. Le lendemain, les troupes françaises libèrent les derniers villages
alsaciens. Les Américains leur ont laissé cet honneur qui illustre la fraternité
d'armes franco-américaine.
Côté allemand, c'est la désillusion et le découragement. L'année 1944 ne leur a
apporté que des défaites. Rien que sur le front de l'Ouest, la Whermacht a perdu
en 8 mois, 1 million 500 000 hommes, estime-t-on. A l'est, sous la poussée de
l'Armée rouge, que plus rien ne peut arrêter, Varsovie est tombée, la Prusse
envahie, la Baltique atteinte, Budapest a capitulé.
LA CAMPAGNE D'ALLEMAGNE
Les opérations militaires
Hormis les "poches" de l'Atlantique et quelques forteresses des Alpes, la France
est libérée. L'ennemi est repoussé au delà du Rhin. En dépit des pertes subies,
il va s'accrocher cette fois-ci à son propre sol et c'est là que les Alliés vont
l'anéantir. Mieux que quiconque, les Français savent qu'il ne faut pas
renouveler l'expérience de 1918. Aussi veulent-ils participer à l'envahissement
de l'Allemagne et par la présence effective de leurs troupes sur ce territoire,
s'assurer d'une zone d'occupation que les Américains et les Soviétiques
pourraient leur contester. Le Général de LATTRE de TASSIGNY a obtenu le 27 mars
1945, l'autorisation de faire pénétrer ses forces dans le Palatinat car la
veille les Américains ont déclenché l'offensive et passé le Rhin. En un temps
record, ses troupes sont prêtes à franchir le fleuve-frontière. Le 31 mars, un
peu avant le lever du jour, des tirailleurs du 3ème R.T.A. et du 4ème R.T.M., à
bord d'embarcations légères, prennent pied sur la rive opposée, suivis
d'éléments du 151ème R.I.. L'ennemi réagit violemment à partir de casemates bien
protégées. L'intention du commandement est de s'assurer, pour commencer, la
possession de Karlsruhe pour s'ouvrir la trouée de Pforzheim et accéder ensuite
au Wurtemberg. La capitale badoise, abordée de trois côtés, tombe le 4 avril.
L'ennemi masse alors ses forces, dont une partie s'accroche à la ligne
Siegfried, autour de Stuttgart. Au terme d'une manoeuvre d'enveloppement, à
laquelle participent la 2ème D.I.M., la 5ème D.B. et la 3ème D.I.A., la capitale
du Wurtemberg est prise le 22 avril. Des combats très violents se sont déroulés
plusieurs jours, l'ennemi cherchant par tous les moyens à échapper à
l'encerclement. La ville est presqu'entièrement détruite. Pendant ce temps, les
troupes du 1er Corps d'Armée du général BETHOUART, poussant le long de la
Forêt-Noire, ont atteint le Danube, l'ont franchi en divers points et se
dirigent vers la frontière suisse et le lac de Constance. Mais il reste quatre
divisions SS invaincues, enfermées dans le vaste massif. Le 26 avril, elles
tentent une vigoureuse sortie sans toutefois y parvenir et doivent alors se
disperser. Des renforts sont envoyés par le commandement de la 1ère Armée,
appuyés par le 1er Corps aérien français. Finalement, l'ennemi cerné est anéanti
dans la région de Villigen. Quelques troupes SS ont pu se réfugier dans la
montagne. Elles seront capturées par la suite au cours d'opérations de
nettoyage. Enfin, partant de Khel, la 9ème D.I.C. s'est emparée de Fribourg et
le 26 avril a fait la jonction sur la frontière suisse avec la 4ème D.M.M. qui
opérait à l'Est de la Forêt-Noire.
A la manoeuvre qui a permis de s'emparer de Stuttgart fait suite celle qui
aboutit à la prise d'Ulm sur le Danube, s'agissant toujours de prendre l'ennemi
à revers ou de le bloquer en vue de l'anéantir. L'opération est menée par la
1ère D.B. (Général SUDRE) et trois "combat command" partant de plusieurs
directions. Ils se rejoignent à Sigmaringen, siège de l'ancien gouvernement de
Vichy en Allemagne, dans la soirée du 24 avril. Les drapeaux blancs apparaissent
partout.
La rapidité est la caractéristique de la campagne d'Allemagne. La prise de
Constance, le 25 avril, et de sa région permettent à la 1ère Armée française de
mettre la main sur les ateliers de construction de V2. Le 28 avril la frontière
autrichienne est franchie. Les unités SS mènent une lutte acharnée, s'accrochent
aux ouvrages de montagne et multiplient les destructions. La bataille fait rage
également dans les Alpes bavaroises. Dans la montagne, les fantassins de la 4ème
division marocaine et de la 2ème division d'infanterie dépassent parfois les
blindés des 1ère et 5ème D.B.. Du 31 mars, jour du franchissement du Rhin au 3
mai, la 1ère armée française a conquis les régions allemandes de Bade et du
Wurtemberg, fait plus de 100 000 prisonniers dont 15 généraux. Nuremberg
atteint, les Américains passent à leur tour le Danube. La 2ème D.B., libérée du
front de Royan, s'est portée à marches forcées à la hauteur d'Augsbourg. Le 3
mai au matin, l'Inn est franchi par ses groupements. Les Allemands réagissent
surtout par la destruction systématique des ponts et des barrages de routes. Les
chars de LECLERC foncent à toute allure sur l'autostrade conduisant à
Berchtesgaden. Mais le pont sur la Sallach qui en défend l'entrée est coupé et
la gorge bien défendue par de l'artillerie. Un pont est finalement lancé par le
génie et le 5 mai le village est atteint alors que les troupes américaines,
arrivées par une voie parallèle, l'occupent déjà. Les SS ne se défendront même
plus. Les casernes sont pleines de troupes qui se rendent. La 12ème compagnie du
Tchad s'empare du Berghof, le fameux "nid d'Aigle" de HITLER, durement pilonné
et y plante le drapeau français. Le symbole de la grandeur et de la puissance du
régime nazi n'est plus.
Le 7 mai 1945, un peu avant 3 heures, dans une salle de l'école professionnelle
de Reims, où se trouve le P.C. avancé du Général EISENHOWER, l'Allemagne
capitule sans conditions. L'acte qui consacre l'effondrement du Grand Reich est
signé une nouvelle fois le 8 mai à Berlin, son ancienne capitale en ruines, par
les grands chefs militaires; du côté des vaincus: le Maréchal KEITEL, l'Amiral
FRIEDEBURG, le Colonel Général d'aviation STUMPF; du côté des vainqueurs: Le
Maréchal JOUKOV, le Maréchal de l'Air Sir Arthur TEDDER, délégué du Général
EISENHOWER, le Général SPAATZ et le Général de LATTRE de TASSIGNY.
Le 12 mai 1945, les autorités françaises organisent une cérémonie militaire (1)
dans la clairière de l'Armistice, près de Rethondes, destinée, dans l'esprit de
ses promoteurs, à effacer le souvenir humiliant de l'armistice franco-allemand
signé au même endroit, le 22 juin 1940. En effet, en présence du Commissaire de
la République de la région concernée, du Général PRIOU, commandant la deuxième
région militaire et du Général américain GALLAGHER, lecture est donnée, face au
monument du Maréchal FOCH, de l'acte de capitulation de l'Allemagne, signé
quelques jours plus tôt à Reims par les Alliés et notamment par le Général
français SEVEZ. Un défilé de troupes françaises et américaines mettra un point
final à cette cérémonie.
La délivrance
Au fur et à mesure que les troupes alliées avancent en territoire allemand
apparaissent, en groupes informels, leur liberté retrouvée, diverses catégories
de détenus.
Ce sont d'abord les prisonniers de guerre, marqués au dos de leurs uniformes
rapés des initiales K.G. (Kriegsgefangene), appartenant à toutes les nations
luttant contre l'Allemagne et abandonnés par leurs gardiens. Devant l'avance
alliée à l'ouest et celle de l'Armée rouge à l'est, les Allemands les ont
entrainés dans leur fuite. Le haut commandement de la Wehrmacht avait ordonné de
ne laisser aucun prisonnier sur place dans les territoires abandonnés par
l'armée. Mais la débâcle allemande les a jetés sur les routes et la plupart
errent dans le pays à la rencontre des Alliés. L'évacuation des camps, les
stalags, a commencé en septembre 1944 par ceux de Rhénanie, suivie en janvier
1945 par la Poméranie. Cependant la majeure partie des camps ne sera libérée
qu'en avril 1945 tandis que d'autres, à la frontière de la Tchécoslovaquie,
devront même attendre le jour de l'armistice pour voir leurs portes s'ouvrir.
Les requis du service du travail obligatoire forment une autre catégorie. Les
autorités allemandes ont gardé au travail jusqu'au dernier moment cette main
d'oeuvre qui leur coûte peu. L'évacuation des camps s'est faite d'abord à l'est,
obligeant les travailleurs, mal vêtus, par des températures très basses, à
parcourir à pied de longues distances, mêlés aux civils allemands fuyant
l'invasion russe. Au terme de leur voyage, c'est un nouveau chantier qui les
attend pour les occuper. A l'indigence vestimentaire, s'ajoutent la
sous-alimentation, souvent les bombardements, les prisonniers par exemple
n'ayant pas droit aux abris. La misère physique et morale atteint son paroxysme
dans les camps de déportation et leur kommandos que les libérateurs vont
découvrir avec effroi, suscitant l'indignation du monde civilisé. Les déportés,
hommes et femmes, qui ont survécu à la schlague, à la malnutrition, à la
liquidation par les S.S., sont moins que l'ombre d'eux-mêmes. Squelettes
vivants, ils flottent dans leur tenue rayée de bagnards. Parvenus au bout de la
résistance humaine, lorsque leurs libérateurs sont là, ils sont à peine en
mesure de réaliser que le cauchemar est fini. Dans les sinistres blocks,
d'autres déportés entassés dans les châlits, les yeux enfoncés, achèvent de
mourir. Et partout, des morts,à l'intérieur, dehors, attendant de prendre place
dans les charniers. Le premier camp à être libéré est celui d'Auschwitz, en
Pologne, réservoir de main d'oeuvre pour l'I.G. FARBEN. Les Soviétiques y
rentrent le 27 janvier 1945. Mais il ne reste que 5000 détenus, 60 000 environ
ont été évacués par les S.S. par moins 20°. Des milliers sont morts en chemin,
exténués, gelés, assassinés d'une balle dans la nuque, car tout transfert donne
lieu à d'effroyables tueries. Les Américains libèrent les camps de Dachau (29
avril), de Buchenwald (11 avril), de Mauthausen (7 mai) mais dans ces derniers,
les déportés se sont révoltés et ont neutralisé leurs geôliers. Les Anglais sont
entrés à Bergen-Belsen (15 avril), un camp surpeuplé car il a reçu d'importants
contingents en provenance des camps évacués à l'approche des Alliés. Les
Soviétiques ont libéré les camps, ou ce qu'il en reste, de Sachshenhausen (27
avril), de Ravensbrück (30 avril), de Dora (8 mai). Les Français ont délivré les
déportés du kommando de Vaihingen qui avait dépendu du camp central de
Natzwiller-Struthof (Bas-Rhin), jusqu'à son évacuation le 31 août 1944 vers
Dachau. A Lindau, sur le lac de Constance, où il a établi son P.C., le Général
de LATTRE de TASSIGNY a rendu visite aux personnalités politiques et militaires
internés par les nazis au château d'Itter dans le Tyrol et nouvellement libérés:
Paul REYNAUD, Edouard DALADIER, Léon JOUHAUX, les généraux GAMELIN et WEYGAND.
(1) Une manifestation comparable eut lieu le 17 juin 1944 à la villa Incisa, à
Olgiata près de Rome où fut signé l'armistice franco-italien du 24 juin 1940.
Les troupes françaises occupèrent la villa, sévèrement endommagée par les
combats et organisèrent une cérémonie militaire.
Entre le moment de la libération et celui du retour tant attendu, les anciens
captifs sont dirigés vers des centres de rapatriement ou des lieux de
rassemblement, créés de toutes pièces, souvent à l'initiative des prisonniers de
guerre français. La population civile allemande, adoptant un profil bas, obéit
avec empressement aux ordres des nouvelles autorités militaires et ne marchande
pas son concours, en ce qui concerne notamment le ravitaillement. Les Alliés ont
certes leurs plans de rapatriement mais ils sont vite débordés par le nombre car
aux ex-prisonniers de guerre, s'ajoutent les déportés politiques, des
travailleurs du S.T.O., voire des travailleurs étrangers. Le sauvetage des
déportés, car il s'agit de sauver les survivants d'un affreux génocide, ne
manque pas de poser des problèmes. L'impréparation des Alliés, surtout dans le
domaine de l'aide alimentaire applicable aux déportés, est patente. Ils n'ont
pour y faire face que leurs propres services sanitaires. Cela conduit parfois à
des incompréhensions, comme par exemple, le maintien provisoire des déportés
pour "quarantaine" dans le cadre concentrationnaire. Un évadé de Dachau s'étant
présenté au PC de de LATTRE, porteur d'un message de solitude et de désespoir
des déportés français, le chef de la 1ère Armée intervint alors auprès des
autorités américaines pour qu'ils lui soient transférés, ce qu'il obtint assez
facilement. De la sorte, quelque 8000 déportés furent conduits sur les bords du
lac de Constance où il leur fut loisible grâce à des soins appropriés, de
réapprendre à vivre. Les plus valides, au bout de quelques jours étaient
rapatriés vers la France par trains suisses, les ponts de chemin de fer sur le
Rhin étant détruits. Les autres étaient répartis dans des maisons de santé de la
Forêt-Noire, où leur famille allait venir les retrouver. Magré tout, les
rapatriements vont bon train. On note qu'à partir du 11 avril 1945, les
autorités américaines acheminent tous les jours par avion, sur Paris, 8000
anciens prisonniers et déportés. En France, le Ministère des Prisonniers,
Déportés et Réfugiés, installé le 1er septembre 1944, s'occupe des questions de
rapatriement. Des centres d'accueil et de transit, comme ceux d'Arras, Nancy,
Vesoul, Annecy, Lille..., assurent la réception des prisonniers acheminés par
train. Certaines structures sont équipées pour recevoir quotidiennement 20 000
personnes. Les rapatriés sont examinés au plan médical, reçoivent un carnet de
rapatriement, perçoivent une prime, puis sont dirigés si cela est nécessaire,
vers un centre de traitement, sinon ils rentrent chez eux. C'est l'Hôtel Lutétia,
transformé en centre d'accueil et d'hébergement qui reçoit les rescapés des
camps de la mort.
A la fin de l'été 1945, on comptera 910 000 prisonniers rapatriés. Il en
arrivera d'autres, libérés et pris en charge par les Russes mais bien plus tard,
après maintes tribulations et embarquement au port d'Odessa. Si les centres
d'accueil ont fonctionné à plein, la sécurité militaire et la Prévôté n'ont pas
non plus chômé car il s'agissait de contrôler les arrivants, de vérifier
soigneusement leur identité. Il est apparu en effet que d'anciens miliciens, des
engagés à la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme ou dans la
Waffen S.S., voire des travailleurs volontaires se glissent dans le flot des
gens à rapatrier. Ceux-ci sont soumis à de longs interrogatoires que d'aucuns
considèrent comme une mesure vexatoire. Les éléments douteux sont gardés pour un
examen approfondi de leur situation. La comparution devant les tribunaux
répressifs attend les individus coupables de collaboration avec l'ennemi. Il
arrive aussi que la justice soit plus expéditive. C'est ce qui s'est passé le 8
mai 1945 aux environs de Berchtesgaden: 11 membres de la L.V.F. rencontrés par
un détachement de la 2ème D.B. ont été passés, sur le champ, par les armes.
L'Allemagne occupée
En conséquence de sa capitulation sans conditions, toute l'armée allemande est
prisonnière. L'Allemagne, en entier, est occupée par les vainqueurs. La plupart
de ses chefs sont mis en prison en attendant d'être jugés par un tribunal
international pour crimes de guerre. Militairement et politiquement anéantie,
elle n'existe plus en tant qu'Etat, ainsi l'avaient voulu les conférences de
Téhéran et de Yalta. Cette dernière conférence assez proche de la reddition
finale puisqu'elle s'est déroulée en février 1945, a réaffirmé le démembrement
de l'Allemagne, délimité les zones d'occupation et posé le principe d'une
occupation indivise pour Berlin. La France, absente de Yalta mais appuyée par
CHURCHILL, obtient une zone d'occupation en Allemagne prélevée sur celle
attribuée aux Britanniques et aux Américains. La France fera également partie de
la commission de contrôle de Berlin. Le 5 juin 1945 sont définies les limites
des zones qui seront occupées par les Alliés: l'URSS, la partie Est; la Grande
Bretagne, le Nord-Ouest; les Etats-Unis, le Sud-Ouest; la France, l'Ouest. Mais
les Américains vont céder à la France le Palatinat, puis le sud de la Rhénanie.
Ils partagent avec elle le Pays de Bade et le Wurtemberg. Au moment de la
conférence de Postdam, les Français s'installent à Berlin dans la zone qui leur
revient.
Dans leurs zones de stationnement, les neuf divisions composant à présent la
1ère Armée française ont pour mission de maintenir l'ordre, fonction qui n'est
pas superflue car il arrive que de temps à autre des coups de feu soient tirés
sur leurs sentinelles ou éléments isolés. L'armée a également en charge la
récupération du matériel considérable que les Allemands ont emporté pendant
quatre ans, en provenance des usines et des laboratoires français. Un butin qui
vaut des milliards et qui doit reprendre le chemin de la France. Sans doute
moins connue, la "chasse aux savants allemands" est une activité à laquelle se
livrent la France comme ses Alliés. Bien qu'ayant commencé plus tard que les
Anglo-Américains ou les Soviétiques, les Français "recrutent" un nombre très
important d'ingénieurs et de techniciens spécialistes des missiles et de
l'aviation, dont l'apport ne sera pas sans influence sur la position appréciable
qu'occupe aujourd'hui la France, dans le domaine de l'aéronautique et de
l'espace. Mais la plus noble des missions reste, comme nous l'avons vu
précédemment, le rapatriement de milliers de Français détenus à des titres
divers en Allemagne et errant dans la zone de la 1ère Armée. Pendant la période
d'été, de nombreux enfants de la banlieue parisienne sont également invités à
prendre leurs vacances en Forêt-Noire. Chaque régiment se doit alors de recevoir
un contingent de petits Français. Tout naturellement, l'administration des
territoires occupés incombe à l'autorité militaire. Suivant les zones, les
styles diffèrent. Pour la partie occupée par les Français, c'est un gouvernement
militaire qui a la charge de son administration, articulé non pas d'après les
secteurs d'occupation impartis aux grandes unités mais suivant les "Lander",
divisions territoriales allemandes. Il y a un général à la tête de chacun d'eux.
Le personnel, placé sous statut militaire mais ayant sa propre hiérarchie, est
recruté par Paris avec une large part d'improvisation. On reproche notamment à
ces nouveaux administrateurs de ne pas connaître grand chose à la mentalité, aux
problèmes allemands, de ne faire aucune distinction entre nazis et antinazis. La
population qui est sous leur férule ne récrimine pas contre les ordres de
réquisition dont les Français, comme les autres occupants, ne se font pas faute.
Dans les villes et les villages, largement ruinés, les Allemands se serrent un
peu plus pour laisser libre aux militaires ce qui est encore habitable. Il est
vrai que la débâcle de l'armée du Reich, notamment devant les Soviétiques, a
jeté sur les routes des populations civiles allemandes terrorisées. L'exode
massif de plusieurs millions de personnes, le plus grand que l'histoire ait
connu, mêlées aux troupes allemandes en retraite et fuyant de l'est vers l'ouest
sous les bombardements de l'aviation alliée, a grossi notablement la population
des zones contrôlées par les Occidentaux. Jeunes, vieux, mutilés de la guerre
dont le nombre impressionne, surprennent les Français en leur cédant le
trottoir. Abasourdis par leur défaite, les vaincus d'aujourd'hui n'en n'ont pas
moins repris courage. Pierre par pierre, les ruines sont dégagées et tout le
monde y participe, souvent le ventre creux. Les entreprises de reconstruction
sont de grosses demanderesses de main d'oeuvre. Le redressement allemand est
déjà en marche mais la tâche est immense. Pendant quelques années encore, le
tourisme des ruines en Allemagne attirera beaucoup de monde.
A l'égard de la population allemande, le général de LATTRE entend mener une
politique de prestige, afin qu'elle révise son jugement sur la France et les
Français. Jusqu'au dernier jour, la propagande nazie avait caché l'existence
dans les rangs alliés d'une importante armée française, si ce n'est pour
insulter les "bandes gaullistes" et autres "terroristes". De plus, le poids de
la défaite de 1940 et pour des raisons en partie politiques (1), l'absence
presque totale dans les actualités ou les articles de presse anglo-saxons, des
actions militaires mettant en valeur les faits d'armes de l'Armée française
reconstituée, n'ont pas permis à la plupart des Allemands de connaître la part
non négligeable prise par la France à l'effondrement du "Reich"; de fait, ils
eurent tendance à considérer que notre pays n'avait pas participé notablement à
leur défaite. Cependant, les armes se sont tues mais les soldats français,
conscients de la valeur de leur contribution à la victoire, sont toujours sur la
brèche; prises d'armes, revues somptueuses, défilés musique en tête, la
démonstration de la présence de la France, pacifique mais ferme, n'est jamais
prise en défaut. On y ajoutera la discipline, l'élégance dans la tenue des
soldats à l'écusson "Rhin et Danube". Les chefs de corps ont reçu l'ordre d'y
veiller personnellement. Le commandant en chef de la 1ère Armée Française est
convaincu que les Allemands, malgré leur prostration observent l'attitude de ses
hommes ainsi que leur conduite. Tout est volontairement fastueux au P.C. de
Lindau, au carrefour de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Suisse. Il s'y donne
des soirées mondaines, des réceptions éblouissantes en l'honneur des
personnalités en visite: ministres, académiciens, le bey de Tunis, le sultan du
Maroc auquel de LATTRE offrit pendant trois jours le spectacle de la grandeur
française.
C'est surtout vers la jeunesse allemande que le chef de la 1ère armée voudrait
agir, les adolescents, garçons et filles, formés dans les sections de la
jeunesse hitlèrienne. Ils conservent visiblement de l'éducation qu'ils ont reçue
un comportement fanatique; celui-ci, loin de faire appel au raisonnement, les
conduit à être subjugués par des spectacles colossaux, des démonstrations de
force. Pour influencer ces jeunes, il faut continuer à faire jouer ces réflexes
mais dans le sens du Bien, afin qu'ils prennent goût aux valeurs de l'Esprit.
Cette entreprise de désintoxication prend un nouveau nom: la dénazification. Les
Alliés en tracent les grandes lignes à la conférence de Postdam en juillet 1945:
dissolution des organisations et abrogation des lois nazies, interdiction de
répandre la doctrine nazie et de confier des postes importants à d'anciens
nazis...Dans la pratique, tous les Allemands doivent se soumettre à un examen
destiné à établir leur responsabilité politique. Ils sont alors classés en
plusieurs groupes selon le degré de participation à l'ancien système; les
sanctions sont imposées suivant les responsabilités de chacun. Les Américains
semblent avoir pratiqué avec le plus de sérieux la dénazification. C'est eux qui
ont établi le questionnaire en 131 points auquel les Allemands avaient à
répondre. En réalité, la dénazification n'intéresse qu'assez peu la troupe. Elle
lui préfère la "fraternisation" qui à la fin des combats pouvait apparaître
comme une gageure. Les rancoeurs, nées de cinq années de servitude, de misère,
d'horreur, vécues par les Français, se sont peu à peu atténuées et ont fini par
disparaître au contact d'une population débonnaire. Si tout contact avec des
civils allemands était interdit au départ, la "fraternisation" est alléguée par
certains observateurs dès juin 1945. A la mi-juillet, les Britanniques
l'autorisent en partie dans leur zone. Les Français ont déjà détendu leur
surveillance. Mais aux environs du 20 septembre, la commission de contrôle
interalliée autorise les troupes à "fraterniser" avec la population allemande.
Le mois suivant, les membres des forces alliées peuvent loger chez l'habitant. A
partir du 10 janvier 1946, les mariages seront autorisés entre nationaux
allemands et ressortissants alliés.
(1) La déception causée par la défaite française de 1940, l'antigaullisme des
Américains, la francophobie de STALINE manifestée notamment à Yalta et à
Postdam, la volonté affirmée par CHURCHILL d'être l'interlocuteur unique et
privilégié des Etats-Unis en Europe, ont conduit à une relative marginalisation
de la France et donc, dans une certaine mesure, à une sous-estimation de sa
participation à la victoire.
Au fur et à mesure que les années s'écouleront et que la situation
internationale se modifiera, le réglement de la question allemande sera perçue
de façon différente par les puissances occupantes. En 1948, la réforme monétaire
dans les trois zones occidentales va consacrer la rupture avec les Soviétiques.
Le 23 mai 1949, un nouvel Etat, la République fédérale d'Allemagne est créé à
l'ouest tandis qu'à l'est, le 7 octobre 1949, la République démocratique
allemande voit le jour. Seule la ville de Berlin restera occupée jusqu'à la
période récente qui a vu la réunification des deux Allemagnes. En effet, à la
suite de l'accord dit "2+4", signé à Moscou le 12 septembre 1990, qui rétablit
la souveraineté de l'Allemagne, les ministres des Affaires étrangères de France,
de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de l'U.R.S.S. déclarent officiellement, le
1er octobre 1990 à New-York, que leurs droits issus de la victoire de 1945 sont
suspendus.
Les prisonniers de guerre allemands en France
En novembre 1945, le nombre de prisonniers de guerre allemands détenus en
France, dans des camps français, dépasse le million.
Près de 300 000 ont été capturés, depuis l'origine, par les forces françaises,
tandis que plus de 700 000, qui ont été faits prisonniers, pour l'essentiel, par
les Américains, ont été remis aux Français.
En effet, la France a besoin de main d'oeuvre. Entamant la reconstruction de ses
infrastructures et la restauration de ses capacités agricoles et industrielles
largement détruites par la guerre, la France utilise les prisonniers de guerre
allemands, en les affectant, souvent au sein de commandos de travail, dans les
secteurs les plus divers de son économie. A cette époque, les Français
connaissent de graves pénuries, notamment vestimentaires et alimentaires,
aggravées par d'énormes difficultés dans le domaine des communications et des
moyens de transport. De fait, les prisonniers de guerre allemands subissent
aussi les mêmes privations. Toutefois, leur situation est parfois rendue
meilleure quand des employeurs généreux sont en mesure d'améliorer leur
alimentation. D'autres Français ont, au contraire, des réactions d'hostilité à
leur égard et adoptent une attitude plus rigoureuse. Ces comportements peuvent
être rapprochés sur de nombreux points, de ceux que bien des prisonniers de
guerre français ont connu en Allemagne, surtout, dans les dernières années du
conflit.
Quoiqu'il en soit, les derniers prisonniers de guerre allemands seront libérés
par les Français en 1949.
La fin de la guerre pour la 1ère Armée française
Le 24 juillet 1945, la 1ère Armée a été dissoute. Son chef, le Général de LATTRE
de TASSIGNY est nommé inspecteur général de l'Armée. Il demeure des troupes
françaises d'occupation en Allemagne, placées sous le commandement du Général
KOENIG avec pour adjoint le Général de MONSABERT. Plus tard, le Général LECLERC
de HAUTECLOQUE débarquera à Saïgon avec des éléments de la 2ème D.B. Un conflit
est latent en Indochine.
Les hommes qui ont appartenu à la 1ère Armée française: Européens d'Afrique du
Nord mobilisés dès 1943, indigènes, recrues mêlées de l'ancienne Armée
d'Afrique, évadés de France, engagés des F.F.I., leur devoir accompli, vont
quitter l'uniforme sauf s'ils désirent continuer à servir les armes. Leur
libération s'accomplit au cours des derniers mois de 1945. Il y a pour eux une
prime de démobilisation de 1000F et une permission de 30 jours avec solde. Ils
emportent le souvenir d'une grande épopée, hélas! jalonnée de multiples croix.
LES AUTRES FRONTS
Les six "poches" du littoral
De Dunkerque à la Pointe de Grave, en passant par Lorient, Saint-Nazaire, La
Rochelle et Royan, six "poches" subsistent encore au printemps 1945. Ce sont six
forteresses dans lesquelles les Allemands solidement retranchés sont bien
décidés "à tenir jusqu'au bout". Tels sont, du reste, les termes de la directive
de Hitler du 17 août 1944, qui ordonne après la retraite de l'été, que les
secteurs de défense des côtes ouest et sud de la France soient tenus jusqu'au
dernier homme. Cette directive immobilise sur les côtes françaises plus de 100
000 hommes. Lors de la formation des "poches", ce sont les F.F.I. qui supportent
pour l'essentiel la charge de l'encerclement. En octobre 1944, le Général de
GAULLE nomme un commandant du front de l'Atlantique : le Général Edgard de
LARMINAT. Responsable des deux "poches" de Bretagne : Lorient et Saint-Nazaire
et du groupe de "poches" situées plus au sud qui comprend La Rochelle, Royan et
la Pointe de Grave, le Général de LARMINAT organise le "détachement d'Armée de
l'Atlantique".
Les "poches" de La Rochelle-Royan-La Pointe de Grave:
La première attaque est prévue par le Général de LARMINAT le 10 janvier 1945 ;
mais l'offensive allemande déclenchée mi-décembre dans les Ardennes, contraint
la première division française libre, envoyée en renfort sur le front de
l'Atlantique, à reprendre la direction de l'Alsace. Dès lors, l'attaque est
retardée.
Après une période de stabilisation des positions adverses, troublée par
l'effroyable erreur du bombardement de Royan par l'aviation américaine, qui fit
1800 tués parmi les civils français, la seconde attaque alliée est fixée au 14
avril. Le Général de LARMINAT dispose des blindés de LECLERC, des F.F.I.,
d'éléments américains d'artillerie et d'un fort soutien aérien. En outre, au
sein même des "poches", les groupes de résistance organisent des coups de main
et renseignent le commandement des troupes françaises sur le dispositif
allemand.
Le 14 avril, l'attaque dite opération "Vénérable", est donc déclenchée
simultanément au sud de la Pointe de Grave et sur toutes les lisières terrestres
de la "poche" de Royan. L'offensive est un succès, en quatre jours la "poche" de
Royan est réduite. Le 18 avril à 7 heures, a lieu la reddition des derniers
défenseurs ennemis. Dans la "poche" du Verdon, c'est la brigade Médoc du Colonel
de MILLERET qui déclenche l'attaque le 14 avril à 6 h 30, aidée dès le 18, après
la chute de Royan, par les chars de Leclerc. La bataille du Médoc s'achève le 20
avril à 20 h 30. Ces derniers combats ont coûté à l'ennemi de nombreux tués et
près de 8000 prisonniers. Mais, côté français les pertes sont lourdes ; la
réduction de la "poche" de Royan a fait 364 tués, 1567 blessés et 13 disparus.
L'opération "Vénérable", terminée, l'objectif suivant est la prise de l'île
d'Oléron. Le déclenchement de l'opération est fixé au 30 avril à 5 h 3O. Le 1er
mai, la conquête de la totalité de l'île est achevée. Les pertes françaises
s'élèvent à 18 tués et 55 blessés. Tandis que les troupes françaises se
préparent à l'attaque de La Rochelle, prévue pour le 1er mai, la garnison
allemande accepte de capituler. La Rochelle est libérée le 8 Mai 1945, alors que
la capitulation de l'île de Ré intervient le même jour.
Les "Poches" de Lorient et Saint-Nazaire :
Face à la "poche" de Lorient, qui regroupe 24 000 soldats allemands se trouve la
19ème division d'infanterie du Général Borgnis-Desbordes, qui l'a constituée à
partir de divers groupes F.F.I. La division française occupe les 9O kms du front
de Lorient, à la seule exception du secteur central tenu par une partie de la
66ème division d'infanterie américaine. Attaques surprises et tirs de
harcèlement se succèdent. Le 7 mai 1945, un cessez le feu est signé à Etel,
entraînant quelques jours plus tard la capitulation de la garnison allemande.
A Saint-Nazaire 25 000 Allemands se sont enfermés et fortifiés. Chargé de la
direction des opérations autour de cette poche, le Général CHOMEL intègre les
F.F.I. après leur dissolution, dans le cadre de la 25ème division d'infanterie.
Attaques et tirs d'artillerie se succèdent de part et d'autre, tandis qu'au sein
de la "poche", la Résistance multiplie les actes de sabotage et développe la
collecte des renseignements. Le cessez-le-feu sera appliqué le 8 Mai 1945 et la
reddition des troupes allemandes aura lieu le 11 mai.
La "poche" de Dunkerque :
17 000 Allemands se sont regroupés à Dunkerque et disposent d'un armement lourd
exceptionnel. Autour de Dunkerque, la brigade blindée tchèque, le 33ème régiment
d'artillerie britannique, et les F.F.I. regroupés au sein du 110ème régiment
d'infanterie, puis du 51ème régiment d'infanterie tiennent le front. Jusqu'au
bout, le commandement des troupes allemandes parvient à conserver à Dunkerque
une activité guerrière. Les duels d'artillerie sont constants. Début avril,
l'ennemi déclenche une violente contre-attaque qui malgré la résistance des
Alliés aboutit à la création d'un saillant irréductible. Il faudra attendre le 9
mai 1945 pour que les Allemands signent l'acte de reddition.
La bataille des Alpes
Après la réussite du débarquement sur les côtes de Provence, la 7ème Armée
américaine et la 1ère Armée française se dirigent, en août-septembre 1944, vers
le Nord et l'Alsace pour rejoindre les Alliés débarqués en Normandie. Tout au
long de son avance, la 7ème Armée américaine épaulant des éléments F.F.I.,
refoule progressivement l'ennemi sur les cols frontières des Alpes. Sur le front
des Alpes, stabilisé à la mi-septembre, les Allemands tiennent dans les hautes
vallées, les crêtes et les observatoires.
Durant tout l'hiver 1944-1945, la principale activité dans ces secteurs est
déployée par les sections d'éclaireurs-skieurs, patrouillant sur les crêtes et
pratiquant embuscades et coups de main.
Le 1er mars 1945, le Général de GAULLE crée un Détachement d'Armée des Alpes (D.A.A.)
qu'il place sous les ordres du Général DOYEN. La mission de ce détachement
d'armée est de tenir les positions occupées, d'interdire toute incursion ennemie
dans les vallées et de préparer des opérations ayant pour but de rejeter
l'ennemi, au delà de la chaîne principale des Alpes. Cependant, la faiblesse des
moyens dont dispose le D.A.A. ne lui permettra d'entreprendre que successivement
les différentes opérations. Sur ce vaste front, divisé en trois secteurs, allant
de la Suisse à la mer, le détachement d'armée se trouve face à deux divisions
allemandes et à deux divisions fascistes italiennes. Fin mars, le D.A.A.
commence à attaquer. A plus de 2000 mètres d'altitude, les Français donnent
l'assaut aux ouvrages du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis, dont plusieurs
sont investis. Le 10 avril à 9 heures, des éléments du D.A.A. attaquent le
massif de l'Aution et malgré une violente réaction ennemie, s'en saisissent. Au
sud, le Mangiabo est également enlevé à l'adversaire. Les combats dureront sept
jours au cours desquels, les Français s'empareront des forts qui commandent la
montagne. Au Nord, les cols de Larche et de la Lombarde sont également entre les
mains des troupes françaises qui entrent à Tende et à la Brigue. Le 28 avril, le
détachement d'armée avance sur la totalité du front. En effet, le D.A.A. se
dirige vers Cunéo, entre dans le Val d'Aoste, descend du Mont-Cenis et du
Mont-Genève, emprunte la vallée de la Stura. Le 2 mai 1945, alors que les forces
germano-italiennes de la Péninsule, cessent le combat, les Français sont dans la
plaine du Pô et atteignent les abords de Turin.
Les combats en Indochine
A partir du mois d'août 1940, les troupes japonaises commencèrent à stationner
en Indochine, en échange de la reconnaissance par le gouvernement nippon, de la
souveraineté française sur ce territoire. Cette reconnaissance permit à
l'administration et à l'Armée française de s'y maintenir. Très tôt des
mouvements de résistance aux Japonais firent leur apparition. En effet, des
réseaux renseignèrent les services chinois, américains, britanniques et français
libres sur les emplacements et les mouvements des forces japonaises. En 1944, la
politique française en Indochine prend un tournant décisif. D'accord, avec le
gouvernement provisoire de la République Française, l'Amiral DECOUX, Gouverneur
Général nommé par Vichy, accepte de créer le poste d'inspecteur général des
forces armées, en faveur du Général MORDANT, représentant clandestin du Général
de GAULLE. Cette fonction importante assurera au Général MORDANT une
"couverture" qui lui permettra de diriger sur place la Résistance. Le coup de
force japonais du 9 mars 1945 va marquer un revirement de l'attitude nippone à
l'égard de l'Indochine. La défaite prévisible de son alliée, l'Allemagne, comme
les revers successifs qu'il subit en Birmanie, aux Philippines et dans le
Pacifique, conduise le Japon à ne plus pouvoir tolérer "la présence, au milieu
de (son) dispositif d'une force étrangère (la France) qui menaçait de devenir
hostile." (1) En conséquence, après avoir renforcé leurs effectifs sur le
territoire indochinois, les Japonais préparent un plan d'attaque surprise des
garnisons françaises et la main mise sur l'administration civile. Un prétexte
est trouvé pour réaliser ce coup de force. L'ambassadeur du Japon MATSUMOTO
prend rendez-vous le 9 mars 1945, avec l'Amiral DECOUX. A l'issue de la réunion,
l'Ambassadeur remet au Gouverneur Général un ultimatum exigeant "le rattachement
de l'Armée française au commandement impérial nippon". L'Amiral DECOUX rejette
énergiquement cette demande. A 21 heures, les Japonais passent à l'attaque sur
tout le territoire indochinois, avant même de connaître la réponse de l'Amiral
DECOUX, prenant par surprise les troupes françaises. Celles-ci mal équipées et
moins nombreuses que les assaillants, opposent une résistance farouche mais
désespérée. A Hanoï, les Français combattent le plus souvent au corps à corps, à
Lang Son, les défenseurs sont massacrés par les soldats nippons, dans le centre
et le sud de l'Indochine de multiples combats sont livrés dans les garnisons ou
en brousse. Au Tonkin, la colonne du Général ALLESSANDRI, au prix d'une "longue
marche", de batailles quotidiennes avec les Japonais, réussit à rejoindre la
Chine du Sud. Mais partout les troupes nippones ont vaincu. Comme a pu le dire
M. Yves GRAS (2) "L'armée d'Indochine payait fort cher sa rentrée dans la
guerre. Il n'en restait, au mois de mai, que les trois mille hommes, épuisés,
vêtus de loques, démunis de tout, qui avaient trouvé refuge en Chine, ainsi que
quelques groupes isolés qui tenaient encore dans les forêts du Laos avec la
complicité de la population. 242 officiers et 2400 hommes étaient tombés, 5000
blessés-soit au total des pertes équivalant au cinquième de ses effectifs".
Après le coup de force, commence la véritable occupation nippone de l'Indochine.
Il n'y a plus d'administration française, les occupants soutiennent des
mouvements autonomistes et internent dans les six principales villes
d'Indochine, la population civile française. Les combattants français qui ont
échappé à la mort commencent, comme l'écrit justement M. Yves GRAS (3) "une
captivité misérable dans les camps japonais où des centaines d'entre eux
devaient périr, notamment dans celui de Hoa-Binh que sa sinistre réputation fit
surnommer "le camp de la mort lente". Après l'explosion des bombes atomiques
d'Hiroshima et de Nagasaki, le Japon capitule le 15 août 1945. Le 2 septembre,
les Alliés reçoivent la reddition solennelle de l'Empire du Soleil Levant. Grâce
au sacrifice des combattants d'Indochine, le Général LECLERC peut signer l'acte
de reddition au nom de la France. Le désarmement des troupes japonaises en
Indochine est assuré au nord du 16ème parallèle par les Chinois et au sud par
les Britanniques, appuyés seulement, par quelques éléments français, notamment
ceux du 5ème régiment d'infanterie coloniale (R.I.C.). En effet, les Alliés,
Américains et Chinois surtout, marquent leur hostilité au retour de la France
dans cette région. Ainsi, les Américains ont refusé d'aider les Français dans
leurs combats contre les Japonais, en ne faisant pas intervenir leur aviation
basée en Chine; de même, les Chinois n'ont pas admis d'être accompagnés par les
soldats du Général ALESSANDRI, qui ont dû rester en Chine du Sud. La situation
est encore compliquée par la présence sur le terrain des Japonais, vaincus
certes et attendant d'être désarmés, mais qui ne manquent pas de soutenir
certains mouvements nationalistes indigènes, parfois en leur remettant leurs
armes. Isolés, le 5ème R.I.C., les maquis qui ont poursuivi la lutte au Laos et
quelques personnalités, s'efforcent de maintenir les intérêts de notre pays en
Indochine. Il faudra attendre le mois d'octobre 1945, pour que l'arrivée d'un
corps expéditionnaire français, commandé par le Général LECLERC, réaffirme la
présence de la France sur ce territoire. Dès lors, Britanniques et Chinois
évacuent l'Indochine. Les Français sont revenus, mais la colonie reste en
effervescence. Le Viet-Minh réclame l'indépendance. La première guerre
d'Indochine est commencée et durera jusqu'en 1954.
(1) Général de GAULLE - Mémoires de guerre
(2) (3) L'intrusion japonaise en Indochine - Etudes historiques M. Y.GRAS.
Des combattants français dans les Ardennes et en Hollande
L'opération "Franklin" - 24 décembre 1944 - 25 janvier 1945
A la suite de l'offensive lancée dans les Ardennes par le Maréchal von RUNDSTEDT
à partir du 16 décembre 1944, le commandement allié, d'abord surpris, réussit à
arrêter les chars allemands à 6 kilomètres de la Meuse. Le 22 décembre, le 2ème
régiment de chasseurs parachutistes (2ème R.C.P.) ou S.A.S. français reçoit
l'ordre de reconnaître les lignes de l'avancée allemande afin de venir en aide à
la 101ème division aéroportée américaine assiégée dans Bastogne.
Le 24 décembre, les hommes du 2ème R.C.P. entrent en Belgique et installent leur
P.C. à Bertrix. Pendant un mois d'hiver très rude, ils harcèlent les points
d'appui ennemis, ramenant de nombreux prisonniers. Le 12 janvier, ils
s'infiltrent de nuit dans la ville de Saint-Hubert que les Américains se
proposent d'attaquer le lendemain après une préparation d'artillerie. Les S.A.S.
français y font une vingtaine de prisonniers. Steinbach et Limerlé tombent
ensuite entre leurs mains et le 25 janvier, les hommes du 2ème R.C.P. sont
relevés et rejoignent leur cantonnement en Champagne.
L'opération "Amherst" - 7 au 14 avril 1945
L'avance anglo-américaine vers le nord-est a élargi une poche sur le flanc
ouest, englobant presque tout le nord de la Hollande.
Le 28 mars 1945, le Général CALVET, nouveau commandant de la brigade de S.A.S.,
reçoit une demande d'intervention de deux unités françaises, les 2ème et 3ème
R.C.P. Leur mission est multiple: créer le maximum de confusion dans le triangle
Groningen-Coervorden-Zwolle, empêcher la destruction des ponts, s'emparer de
l'aérodrome de Steinwijk, soutenir la résistance, signaler des objectifs à
l'aviation. Le 7 au soir, 706 parachutistes sont largués sur un terrain
difficile. La dispersion des hommes est forte et le regroupement ralenti par la
recherche des containers d'armes et de munitions. De plus, c'est avec 24 heures
de retard que la résistance locale est avertie. Malgré ces handicaps,
l'initiative française joue au maximum. Un P.C. est attaqué en plein jour par
une vingtaine d'hommes; des combattants isolés continuent le harcèlement prévu.
Certains regroupés, contrôlent les axes routiers et font de nombreux
prisonniers. D'autres, trahis, cernés vont lutter jusqu'à la mort. Mais la
plupart des missions sont remplies avec succès, malgré le retard atteignant
parfois sept jours, de l'arrivée des renforts alliés. Trente-trois Français ont
laissé leur vie en Hollande, plus du double a été blessé.
Une unité française en Slovaquie
La participation d'une unité française au soulèvement national slovaque de
1944-1945 est un évènement peu connu du second conflit mondial.
L'origine de la création du contingent français en Slovaquie a résidé dans
l'évasion des camps allemands situés les plus à l'Est, de prisonniers de guerre
qui cherchant le plus court chemin pour rejoindre les Alliés, s'orientèrent vers
les Balkans. Toutefois, ne pouvant y parvenir, ils durent chercher refuge en
Europe centrale, notamment en Hongrie. C'est dans ce dernier pays que naquit,
chez le Lieutenant de LANNURIEN et le Lieutenant de LA RONCIERE, l'idée de
prendre contact avec les partisans, essentiellement tchécoslovaques et
soviétiques, disséminés dans les Carpathes. Peu à peu, de petits groupes de
soldats français se formèrent et rejoignirent la forêt des Tatras en Slovaquie.
Fin août 1944, alors que l'insurrection slovaque est déclenchée, les Français,
constitués en compagnie, sous les ordres de de LANNURIEN, participent à des
affrontements meurtriers face à des unités blindées.
Elément de choc, de la brigade STEFANIK à laquelle elle a été rattachée, la
compagnie française connait de très lourdes pertes lors des premiers combats de
Vrutky, de Strecno et de Priekopa. En septembre 1944, elle a la chance de
recevoir l'apport de jeunes travailleurs du S.T.O. qui ont pu s'échapper d'une
usine Messerschmitt, située en Slovaquie. L'arrivée de ces jeunes galvanise
l'unité qui participe à nouveau à de très rudes combats à Handlova, Svaty-Kriez
et Starnica, notamment. Ce n'est qu'au printemps 1945, que les survivants
français firent leur jonction avec les unités soviétiques. Sur les 200
combattants de la compagnie LANNURIEN, 56 moururent au combat et 45 furent très
gravement blessés. Le 9 décembre 1944, le Général de GAULLE citait l'unité à
l'ordre de l'Armée.
CONCLUSION
" La France, cependant jalouse de ses gloires et consciente de ses sacrifices, a
mal connu le rôle militaire que, grâce à son armée ressuscitée, elle a tenu dans
la coalition des Nations Libres, alliées pour vaincre l'Allemagne nazie. Si elle
en avait été mieux informée, sans doute aurait-elle aujourd'hui un sens plus vif
de sa victoire et une plus grande confiance dans l'avenir que celle-ci lui a
ouvert." Ces propos du Général de LATTRE de TASSIGNY sont tout à fait
révélateurs. En effet, peu de personnes ont conscience, aujourd'hui encore, du
rôle notable joué, au cours de la seconde guerre mondiale, par l'Armée française
reconstituée. Pourtant, sans le redressement spectaculaire de celle-ci, jamais
les Alliés, plutôt mal disposés à l'égard de la France, n'auraient envisagé le
retour de notre pays à son rang d'avant la débâcle. Certes, les Américains, les
Soviétiques et les Britanniques ont pour l'essentiel gagné la seconde guerre
mondiale, mais à l'évidence, les Français en tant que force d'appoint, ont
permis d'accélérer le déroulement de certaines de ses phases: tel est notamment
le cas des troupes françaises en Italie en 1944 ou des forces de la Résistance
au cours des deux débarquements. Il faut aussi noter que, pendant le conflit,
l'Armée française disposera d'effectifs plus réduits que ceux des principales
armées alliées; ceux-ci seront malgré tout suffisants pour que, s'ajoutant à
l'excellente qualité des combattants, la France bénéficie d'un instrument
privilégié assurant sa renaissance. Les pertes militaires françaises sont
d'ailleurs à la mesure de cette résurrection. Aux 92 000 morts de la campagne de
1939-1940, aux 24 000 F.F.I. tombés au cours des combats de la Résistance, aux
25 000 résistants morts en déportation, aux 40 000 prisonniers de guerre décédés
en captivité, le plus souvent des suites d'affections pulmonaires, s'ajoutent
les 57 000 soldats des Forces françaises libres, de l'Armée d'Afrique, de la
1ère Armée française, tombés de 1940 à 1945 (1). Le total de ces pertes s'élève
ainsi à 238 000 hommes.
Pour le Général de GAULLE, les questions militaires sont évidemment
primordiales; il sait que la France doit participer aux combats au maximum de
ses possibilités, si elle veut être l'un des principaux vainqueurs et retrouver
sa place dans le "club des Grands". Dans ses mémoires, Charles de GAULLE dira de
l'Armée française: "Jamais encore notre pays n'a, en une si grave occasion, été
réduit à des forces relativement aussi limitées.....Mais jamais non plus, son
armée n'eut une qualité meilleure". A cet égard, M. André MARTEL (2) met
clairement en évidence la logique profonde du "maître d'oeuvre et du metteur en
scène de la Libération": " Le Général de GAULLE, conscient du rapport de forces
au sein de la coalition, n'a pas fait de la Libération du territoire, l'objectif
principal des forces françaises. Leur véritable mission, pour lui, était de
rendre à la France, le "rang" perdu en 1940, de rebâtir sa puissance afin de la
mettre en mesure à la fois de défendre ses frontières, ses valeurs et ses
intérêts et de participer à l'établissement du nouvel équilibre européen... donc
de franchir le Rhin. Pour ne pas subir la volonté des autres et imposer la
sienne, un pays doit posséder une capacité d'action à la mesure de ses
ambitions. Les armées françaises symbôle de souveraineté et instrument de
puissance, peuvent seules la lui garantir."
Toutefois, si le rôle accru des forces françaises dans le déroulement des
opérations contraignent peu à peu, Anglais, Américains et Soviétiques à tenir
compte des intérêts de la France, cette situation ne sera pas, sur le moment,
parfaitement perçue. En effet, du contraste existant entre l'image de la France
vaincue en 1940 et celle de la France en ascension en 1945, naîtra un
comportement souvent ambigu de la part des Alliés. Ainsi, ils admettront que les
Généraux SEVEZ et de LATTRE de TASSIGNY, signent respectivement à Reims et à
Berlin, l'acte de capitulation de l'Allemagne mais s'opposeront à ce que la
France participe à la conférence de Yalta; toutefois, au cours de celle-ci, les
Alliés lui feront une place identique à la leur sur la scène internationale, en
lui reconnaissant une zone d'occupation en Allemagne et un poste de membre
permanent au Conseil de Sécurité de l'O.N.U..
(1) Chronique de la 2ème guerre mondiale - Editions "Chroniques"
(2) Communication de M. André MARTEL au cours du colloque international consacré
au rôle des armées françaises pendant la deuxième guerre mondiale (fondation de
la défense nationale et institut d'histoire des conflits contemporains).
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Bien qu'en 1945, la puissance de la France ne puisse pas être mise sur le même
plan que celle de ses grands alliés, il est clair que son net redressement
modifie le point de vue de ceux-ci à son égard. A l'origine, "quantité
négligeable", selon l'expression de ROOSEVELT (1) notre pays, que ce Président
avait eu pour projet de dépecer puis plus tard de soumettre à un gouvernement
militaire américain (l'AMGOT), est perçu différemment à la fin du conflit. En
effet, un rapport (2) rédigé par les conseillers de TRUMAN fera apparaître "
l'importance de son apport dans la phase finale des hostilités en Europe" ainsi
que la nécessité de sa "participation totale aux affaires mondiales à égalité
avec les autres grandes puissances". Quant à CHURCHILL, il dira clairement à
Yalta, que sans la France, la Grande - Bretagne ne pourrait envisager de faire
face seule à une éventuelle attaque allemande; il est vrai qu'à cette époque les
Américains ne souhaitaient pas rester plus de deux ans en Europe (3).
En 1945, la situation internationale est devenue favorable à la France et
constitue pour elle un atout supplémentaire. En effet, que l'on envisage le
retour de l'impérialisme allemand ou l'apparition d'une menace soviétique, la
France, à nouveau reconnue, est un élément indispensable à une future alliance
militaire occidentale.
La cohésion retrouvée du peuple français, les efforts de la Résistance et de
l'armée régulière, auront donc permis au Général de GAULLE d'infléchir les
décisions des Alliés dans le sens de la prise en compte des objectifs politiques
français et de réussir ainsi, la surprenante réapparition de la France dans le
concert des grandes Nations. Toutefois, celle-ci intervient alors que l'Europe
sort de la guerre très affaiblie. Elle est couverte de ruines et partout, la
production industrielle et agricole s'est effondrée. En 1945, l'Allemagne
n'existe plus, la Grande Bretagne est considérablement endettée, la France a
subi d'énormes pertes matérielles.
De plus, l'emprise des états européens sur leurs territoires coloniaux est
remise en cause par des mouvements nationalistes qui revendiquent l'indépendance
pour les peuples dominés. Face à de tels mouvements, les principales puissances
concernées, la Grande-Bretagne et la France, se révèleront incapables d'assurer
la cohésion de leurs empires. Dès lors, il ne leur sera plus possible de
maintenir ou de rétablir, selon le cas, leur statut de "super-grand" qu'elles
devaient à leur position antérieure.
L'après-guerre sonnera le glas de la prééminence de l'Europe; ses plus grands
états feront figure de puissances moyennes; la suprématie des Etats-Unis et de
l'U.R.S.S. sera pour longtemps établie.
(1) ROOSEVELT et une partie notable de son entourage sont notoirement peu
suspects de francophilie et surtout antigaullistes. En fait, le sort de la
France leur est indifférent car elle n'entre pas dans la vision du monde quelque
peu chimérique du Président américain. Celle-ci est, en effet, fondée sur une
relation de confiance susceptible de persister entre les U.S.A. et l'U.R.S.S.
(2) "Les secrets des archives américaines - ni de GAULLE ni THOREZ" de M. Nerin
GUN - Editions Albin Michel.
(3) "Yalta" de M. Pierre de SENARCLENS - P.U.F. Collection "Que sais-je?"
SOURCES COMPLEMENTAIRES
Dictionnaire de la seconde guerre mondiale-Larrousse; Histoire de la 1ère Armée
française, Général de LATTRE de TASSIGNY-Plon; Histoire de l'Armée française,
Général WEYGAND-Flammarion; revues d'histoire : "Historia"; "Miroir de
l'Histoire", "Historama"; articles signés Maréchal JUIN, Général MONDAIN,
Jacques MORDAL, Jacques ROBICHON; la deuxième guerre mondiale de John KEEGAN; la
seconde guerre mondiale de Pierre MIQUEL; Chroniques du 20ème siècle-Larousse.
HISTOIRE LOCALE
De la période qui a suivi immédiatement la Libération du département, les
témoins de l'époque ont gardé un souvenir exaltant. L'occupant défait à
L'Isle-Jourdain, la joie et l'espoir faisaient battre les coeurs. Les maquisards
qui sortent de l'ombre sont follement acclamés par une population enthousiaste.
Avec les effigies de PETAIN et de LAVAL, on fait des autodafés.
Le dimanche 27 août 1944 a lieu à AUCH le grand défilé de la Libération devant
les nouvelles autorités rangées place de l'Hôtel de Ville. Au premier rang, on
reconnaît : M. VILA, président du Comité départemental de la Libération (C.D.L.),
M. DECHRISTE, préfet de la Libération, Melle HACHON, chef de cabinet, M.
SOURIGUERE, secrétaire général de la Préfecture, M. NUX, maire de la ville
rétabli dans ses fonctions, M. l'abbé TALES, aumônier des F.F.I. Le défilé
militaire est conduit par les lieutenants-colonels LESÛR et TERMIGNON. Les
troupes descendent de la rue Victor-Hugo. Les uniformes sont disparates,
certains éléments ont conservé leur costume civil. Il est visible que les
participants n'ont pas été préparés pour cet exercice de fête que rythme à grand
peine la musique des sapeurs-pompiers. La foule pour autant ne leur ménage pas
ses applaudissements. Il y a des détachements des Bataillons "SIMON" (SOULES) et
"PROSPER" (GIRAL), des guerilleros espagnols, drapeaux au vent, largement fêtés,
des F.T.P. avec en tête le commandant "MARCEL". Le groupe représentant le
Bataillon "BERTRAND" (DORBES) porte sur son drapeau cravaté de noir, le nom
douloureux de Meilhan.
LE TEMPS DES F.F.I.
Ce n'est en fait qu'une mince partie du corps de bataille des F.F.I. du Gers. On
estimait à l'époque entre 6000 et 7000 hommes son effectif global. Des sources
officielles donnent pour plusieurs unités les chiffres suivants au 20 août 1944
:
Groupe franc d'Auch (DURAND) 256
Groupe de Jégun (PEREGORT) 70
Bataillon SIMON (C.F.L.) 564
Bataillon PROSPER (C.F.L.) 995
1/2 Brigade MILER (O.R.A.- C.F.P.) 850
Bataillon GASTON (F.T.P.) 560
Bataillon GEORGES (F.T.P.) 527
auxquels il convient d'ajouter les brigades espagnoles de l'U.N.E. 1250 (époque
imprécise)
Peu après son installation, le C.D.L. a lancé un appel à la population par
lequel il invite les jeunes à s'engager dans les F.F.I. Dans l'enthousiasme
général, le recrutement connaît un large succès chez les "ouvriers de la 11ème
heure". On assiste aussi à une floraison de galons sans que ceux-ci
correspondent à un commandement précis. Mais ce ne sera qu'un intermède
profitable surtout aux passementiers.
Les F.T.P., dès le 19 août ont installé leur Etat-Major au 1er étage du Café d'Etigny,
place de l'Hôtel de Ville à Auch, dans les locaux abandonnés par la Milice. Ils
ont des détachements dans la région de Vic-Fezensac, à Miradoux (compagnie
3203), à Fleurance.
Le Bataillon SOULES a réparti ses compagnies à Mirande (PRADIER), à Marciac (IHLEIN-LANGLOIS),
à Miélan (SAHUC), à Montesquiou (RUFFAT) ; le Bataillon GIRAL à Fleurance,
Lectoure, Saint-Clar, Mauvezin, Cologne, le Bataillon DORBES à l'Isle-Jourdain
et Gimont. Ils occupent d'importants lieux publics. Les casernes d'Auch, Espagne
et Lannes, ont également en charge des F.F.I.
Une police F.F.I. est constituée sous la dépendance directe du Chef
départemental F.F.I. Elle siège rue de la Somme dans l'immeuble précédemment
occupé par le Foyer du soldat allemand. Elle est à ses débuts commandée par M.
TARDY, parachuté début août près de Fleurance comme instructeur des maquis.
Appelé à d'autres missions, il est remplacé par le lieutenant SARRET dit "GIL"
qui vient du Tarn-et-Garonne et a séjourné quelque temps à Mauvezin. Cette
formation a le contrôle des militaires isolés et des groupes en armes ainsi que
de la circulation automobile. Elle est en outre chargée de la répression des
actes délictueux commis dans le département par les membres des F.F.I. ou des
individus s'en prétendant (faux-maquis). Dès le 25 août, le commandement
départemental des F.F.I. a prévu la peine de mort pour tout pillard et interdit
les actions individuelles de répression.
Quelques qu'elles soient les formations ne devaient pas recruter de volontaires
en application d'un ordre du 11 septembre donné par le colonel RAVANEL,
commandant régional des F.F.I. de Toulouse. Le plein des troupes étant largement
atteint, il était souhaitable que les jeunes se tournent désormais vers les
secteurs de l'économie. Néanmoins la directive ne sera pas suivie par certaines
unités, notamment celle en partance pour le front.
Nommé chef départemental après l'arrestation du capitaine TERMIGNON le 15
juillet 1944, le commandant Marcel LESÛR reste à la tête des F.F.I. du Gers. Le
premier, sorti de la prison Saint-Michel de Toulouse à la suite du départ des
Allemands, va présider la Cour martiale, puis le Tribunal militaire d'Auch, qui
ont à connaître les cas les plus graves de la collaboration.
Au commandement de la subdivision militaire, dont le siège est inchangé 65,
boulevard Sadi-Carnot et qui reprend ses attributions traditionnelles, est nommé
le lieutenant-colonel MARCHAL (Jules), polytechnicien, appartenant à l'O.R.A.
territoriale qui secondait LESÛR dans les opérations de la Libération. En 1941
et 1942, il était chef d'Etat-Major du commandement militaire du Gers. Il ne
reste que quelques mois à la tête de la Subdivision d'Auch car en novembre 1944
le commandement passe au lieutenant-colonel LESÛR. MARCHAL est, à la suite,
affecté à l'Etat-Major du général de LARMINAT, commandant en chef du front de
l'Atlantique tenu en majorité par des troupes F.F.I. Il assure la liaison avec
les corps alliés avant de se voir confier le commandement du 67è R.I.
Les F.F.I. du Gers ont un journal "Vaincre" dont l'ambition, outre le désir de
servir de trait d'union entre les éléments F.F.I. du département, est d'aider
les résistants à prendre mieux conscience des devoirs qui s'imposeront à tous
les Français après la victoire. Il paraîtra 17 numéros entre le 17 septembre
1944 et le 28 janvier 1945, date à laquelle l'autorisation ministérielle est
retirée. Le commandement F.F.I. s'est également doté d'une voiture radio de
propagande qui parcourt le département à compter du 1er octobre. Alternant avec
des marches militaires elle fait entendre la voix du lieutenant-colonel LESÛR
qui appelle les populations à aider les F.F.I., l'armée nouvelle, la grande
armée populaire qui se constitue et s'instruit. Il ne doit plus y avoir de
séparation entre les civils et les militaires ; aussi propose-t-il le concours
de la troupe pour l'accomplissement des travaux saisonniers ainsi que pour
faciliter certains transports nécessaires aux habitants. Il rassure enfin
ceux-ci à propos des faux-maquisards auxquels sont imputés réquisitions indues,
pillages, vols à main armée et divers attentats contre les personnes ou les
biens et qui se verront comparaître devant les Tribunaux militaires.
Malheureusement des exactions n'ont pu être empêchées en divers lieux tout au
moins jusqu'à l'instauration des tribunaux militaires.
L'Armée nouvelle ayant les F.F.I. pour noyau, ne manque pas de tenants,
politiques et militaires ; elle prend corps aisément dans une région comme
Toulouse qui s'est libérée par ses propres forces de la Résistance intérieure.
Ses partisans, ils se réclament de CARNOT, de JAURES, ont pleinement conscience
que les F.F.I. manquent de connaissances techniques et tactiques propres à une
armée moderne. C'est pour pallier ces insuffisances que le lieutenant-colonel
DARNAULT ex-commandant de la zone Ouest F.F.I., appartenant lui-même au corps
des officiers de l'ancienne armée (Prom. Saint-Cyr 1929-1931), crée l'Ecole
d'officiers F.F.I. de Lespinet à Toulouse. La 1ère session du 18 septembre 1944
réunit 120 officiers élèves en provenance de tous les départements de la région.
L'éducation morale et civique y est poussée autant que l'instruction militaire.
Acquise aux idées et aux méthodes de Lespinet s'ouvre dans le Gers au château de
Larroque, près Gimont, une école de sous-officiers F.F.I. Elle est dirigée par
le Capitaine BON (un proche dans la Résistance du chef SAHUC) qui sort de
Lespinet. Elle s'adresse aux responsables des maquis qui se sont révélés aptes
au commandement ainsi qu'à la jeune génération ayant participé aux actions de la
Résistance. On y dispense une formation générale, un enseignement dit politique
apporté par des concours extérieurs avec discussions sur les problèmes
d'actualité. L'instruction militaire pour aller plus vite est abordée dans le
cadre du groupe, unité élémentaire du combat. A la sortie, les élèves selon
leurs qualités vont être utilisés soit pour l'encadrement des unités, soit
dirigés sur les pelotons d'instruction dans le département. Le 3 décembre 1944
sort la 1ère promotion des sous-officiers F.F.I., baptisée PARISOT en souvenir
du prestigieux chef du bataillon de l'Armagnac.
Il existe, d'autre part, une école de moniteurs d'éducation physique F.F.I. à
Fleurance. Les stages où l'on pratique la méthode HEBERT, sans pareille pour
développer les qualités physiques et morales de l'individu, durent un mois.
A Nogaro enfin, sous l'égide de Jean ARMAGNAC, fondateur en 1934 de l'Aéro-club,
fonctionne une école militaire de pilotage 1er degré qui forme des pilotes
destinés à l'Armée de l'Air. Du reste, un certain nombre de Gersois se sentent
attirés par l'Aviation. Un bureau de recrutement est installé à la fin de
l'année 1944 à la caserne Espagne. Quelques chanceux sont envoyés faire leur
instruction à Agadir (Maroc).
L'AMALGAME PAR ETAPES
Les formations F.F.I. gardent quelque temps leur appartenance d'origine: C.F.L.
(ex A.S.), O.R.A., F.T.P.F. Le général BERTIN, venu d'Alger, commandant des
F.F.I. des zones Sud-Ouest et Centre, réclame leur amalgame qui est réalisé fin
septembre. En principe toutes les formations militaires de la région de Toulouse
fusionnent, de la base au sommet, en une seule armée F.F.I. avec un commandement
unique tant à l'échelon départemental que régional.
Il apparait de plus en plus clairement que les F.F.I. ne vont pas garder
longtemps leur individualité et leur indépendance. Le 19 septembre 1944, le
général de GAULLE est venu à Toulouse. On sait qu'il a traité avec
condescendance les chefs F.F.I., au point, dit-on, d'être menacé un temps
d'enlèvement par certains d'entre eux!
Le 23 parait au journal officiel un décret stipulant que les F.F.I. sont partie
intégrante de l'Armée et sont soumises, sous l'autorité du ministre de la Guerre
aux règles générales de l'organisation et de la discipline militaires. Elles
conservent toutefois leur encadrement mais un autre texte lui faisant suite
relatif au statut des F.F.I. précise, d'une part, qu'aucun recrutement dans les
Forces Françaises de l'Intérieur ne peut avoir lieu dans une parcelle du
territoire lorsque la libération de celle-ci est accomplie et que, d'autre part,
leurs membres qui ne contractent pas un engagement pour la durée de la guerre,
sont placés jusqu'à l'appel de leur classe de mobilisation, en congé provisoire
dans leurs foyers. Ces mesures ont pour effet de réduire considérablement les
effectifs en place. Beaucoup de volontaires, en effet, ne se sentent pas en
mesure de souscrire un tel engagement. Le décret, enfin, vise l'homologation des
grades d'assimilation des F.F.I. par le ministre de la guerre, "compte tenu des
commandements effectivement exercés et des services rendus au cours des combats
pour la Libération". C'est pour le moins un coup d'arrêt dans la floraison de
galons dont il a été parlé plus haut.
A titre indicatif, nous donnons ci-après les résultats des séances de la
commission d'homologation des grades de sous-officiers F.F.I. des 27 et 28
février 1945, laquelle comprenait le lieutenant-colonel LESÛR, commandant de la
subdivision militaire, le commandant CUGNENC (ex "HENRI" des F.T.P.) et le
capitaine VILLANOVA.
Grade F.F.I./ Décision de la commission
Aspirants: 4
maintenus: 4
Adjudants -chefs: 12
maintenus: 4
reclassés adjudant: -
reclassés sergent-chef: 4
reclassés sergent: 4
Adjudants: 8
maintenus: -
reclassés sergent-chef: 5
reclassés sergent: 2
reclassé soldat: 1
Sergents-chefs: 35
maintenus: 8
reclassés sergent: 14
reclassés caporal-chef: 8
reclassés caporal: 4
reclassé soldat: 1
Sergents: 49
maintenus: 24
reclassés caporal-chef: 8
reclassés caporal: 10
reclassés soldat: 7
Nous n'avons pas de renseignements statistiques en ce qui concerne les
officiers F.F.I.
Lors de son voyage officiel à Toulouse, le 16 septembre 1944, le général de
GAULLE avait déclaré au commissaire de la République, Pierre BERTAUX, qu'il
allait lui envoyer COLLET, le général qui en mai 1941, alors qu'il était
capitaine, était passé de Syrie en Palestine à la tête de ses escadrons
tcherkesses, pour rejoindre les troupes gaullistes. Effectivement, à la fin
octobre 1944, le général COLLET prenait le commandement de la 17ème région
militaire de Toulouse. On pouvait craindre qu'il se fasse rejeter par les chefs
F.F.I. comme cela s'était produit ailleurs, parait-il. Mais ses talents de
diplomate, son art du dialogue allaient permettre d'aplanir nombre de
difficultés. Sous son autorité, s'accomplit la normalisation des rapports entre
F.F.I. et l'Armée française telle qu'elle était conçue rue Saint-Dominique à
Paris. C'est sous son autorité que fonctionnent les commissions d'homologation
des grades F.F.I. Il dissout les 2ème Bureaux ou autres polices ou prévôtés
militaires opérant dans la région. Il accepte, par contre, de reprendre les
anciens officiers d'active restés à l'écart du maquis mais qui acceptent de se
racheter au combat. Pourtant une note du lieutenant-colonel de BERMOND de VAULX,
commissaire militaire de la région de Toulouse, début septembre 1944, consignait
à leur domicile les anciens officiers d'active qui ne faisaient pas partie des
F.F.I. et leur interdisait de revêtir la tenue militaire. Le besoin en cadres
expérimentés, difficilement remplaçables en raison de leur technicité, est la
raison évidente de ce changement d'attitude.
LE C.F.P. ET LE BATAILLON DE L'ARMAGNAC A LA POURSUITE DE L'ENNEMI
Alors que les formations F.F.I. n'ayant quasiment pas de formation militaire
prennent des dispositions pour s'instruire dans différentes localités du
département, sous l'égide d'instructeurs qualifiés, le Corps Franc POMMIES
(C.F.P.) et le Bataillon de l'Armagnac ne tardent pas à reprendre le combat sous
d'autres cieux. Ce sont, il est vrai, deux unités fortement structurées, bien
encadrées et aguerries par les opérations du maquis. Formées dans le même
creuset dans la Résistance, elle vont toutefois diverger dans leurs théâtres
d'opération. Les hasards de la guerre en ont décidé ainsi.
Le C.F.P. qui a participé victorieusement aux combats de la Libération dans le
Gers, les Hautes-Pyrénées, les Landes, le Tarn et Garonne est fort dans la
région de Toulouse de quelque 12 000 hommes, y compris toutefois les recrues du
20 août et des jours suivants. Celles-ci remplacent d'ailleurs les éléments
âgés, combattants de la Résistance, ou chargés de famille qui renoncent, le sol
natal libéré, à poursuivre l'ennemi dans sa retraite.
Les nombreux Gersois engagés au C.F.P. se retrouvent à peu près dans toutes les
unités constituées dès avant la Libération, avec une large prédominance pour les
demi-brigades MILER, CERONI, les bataillons CASANOVA, FRANCOT, la compagnie de
LA LANCE.
Suivant les directives du général KOENIG, chef national des F.F.I., le chef
POMMIES a fait déplacer ses troupes sur la frontière franco-espagnole qu'elles
doivent garder jusqu'à nouvel ordre. Elles exercent leur surveillance entre la
côte atlantique et la région de Montréjeau, réparties d'ouest en est entre les
détachements LE MAGNY, de CLERCK, de ROUGEMONT.
DES PYRENEES A AUTUN
La brigade CARNOT, ancien groupement Ouest, après avoir puissamment contribué à
la libération de Mont-de-Marsan, s'est portée dans le Médoc où elle est
rapidement à pied d'oeuvre.
Le départ pour les Pyrénées est donné à partir du 22 août. Quand les compagnies
du C.F.P., mal équipées en véhicules de transport et retardées par les obstacles
dressés sur la route pour freiner la fuite de l'ennemi, atteignent la zone
frontalière, les Allemands ont déjà gagné l'Espagne, pays ami. Il sera fait
quelques prisonniers, presque volontaires pour la capture et recueilli des
déserteurs de l'armée franquiste.
La vallée d'Aspe fait toutefois exception. Ce couloir étroit qui donne accès à
l'Espagne par le col du Somport est utilisé par la garnison allemande d'Oloron
pour se sauver. Pour une raison inconnue, celle-ci a attendu le dernier moment.
Aussi a-t-elle à ses trousses les guérilleros espagnols, débouchant de la
montagne, des éléments du C.F.P. (détachement de CLERCK), appuyés par les
résistants locaux. Les Allemands, au nombre d'environ 150, le 23 août, se sont
retranchés à Bédous. Mais craignant l'encerclement, ils reprennent leur marche
vers la frontière, décidés à forcer le passage tenu par les guérilleros
espagnols qui à leur débouché engagent le combat, sans toutefois réussir à les
empêcher de passer. L'ennemi est rejoint par MILER et ses hommes qui poussent au
maximum leurs véhicules au pont de Sebers, pas très loin du Fort du Portalet où
les Allemands comptent se réfugier. Une nouvelle fois, le combat est engagé au
fusil mitrailleur. La compagnie MARATIER parvient à déborder par la montagne la
colonne ennemie et à mettre hors d'usage ses véhicules. Après une heure de
combat, les Allemands agitent le drapeau blanc; ils sont désarmés à la suite. Le
lieutenant LEFEBVRE d'Auch, qui faisait partie des premiers éléments arrivés au
pont de Sebers, a été tué au cours de cet engagement du 24 août 1944. Le chef
POMMIES ne saurait toutefois se satisfaire d'une mission de contrôle de la
frontière, au demeurant fort paisible, dans un pays particulièrement agréable.
Il a été invité le 31 août à une conférence de responsables militaires, tenue
par CHEVANCE-BERTIN qui arrive d'Alger. Le Gouvernement provisoire de la
République française lui a donné le commandement des F.F.I. de la zone sud qu'il
va exercer avec le grade de général de brigade. Sa mission est de mettre sur
pied de fortes unités prêtes à l'emploi en provenance des F.F.I. Celles-ci, en
effet, prolifèrent dans les régions nouvellement libérées. Toulouse ne fait pas
exception. Le colonel DARNAULT parle de 50 000 rationnaires dans l'ancienne R4.
C'est ainsi que se constitue le 1er septembre un groupement mobile F.F.I. ayant
à sa tête le colonel SCHNEIDER, officier qui accompagnait BERTIN lors de son
arrivée dans la capitale languedocienne. Cette grosse unité, qui a le mérite de
"décongestionner" la région, doit se porter vers le Nord le plus rapidement
possible afin d'intervenir sur les flancs ou les arrières des colonnes
allemandes du Sud-Ouest et du Centre, en marche depuis une dizaine de jours.
Cette manoeuvre a pour objectif de permettre l'encerclement de l'ennemi entre
les armées alliées du Nord-Ouest et l'armée de LATTRE remontant la vallée du
Rhône. POMMIES met 3800 hommes à la disposition du Groupement mobile. Il fait
revenir des Pyrénées une partie de ses troupes. Avec d'autres formations qui
viennent du Tarn, du Lot (F.T.P.), du Tarn-et-Garonne est formée la colonne R4,
ou colonne F.F.I. Toulouse ou encore colonne REDON-DURENQUE du nom de son chef,
forte de 7450 hommes. Elle défile le 3 septembre dans la ville rose. Elle est
haranguée notamment par le colonel RAVANEL au stade E. WALLON.
Le lendemain, la demi-brigade CERONI, soit 800 volontaires prend la première le
départ. C'est par la route, grâce à ses 70 véhicules en relatif bon état de
marche qu'elle se portera dans la région de Clermont-Ferrand où elle doit
assurer, selon les prévisions de l'heure, la protection du débarquement des gros
de la colonne transportés par fer. Elle franchit en 3 étapes 400 kms à travers
le Massif-Central pourvoyant elle-même à son ravitaillement en vivres et en
carburant, un voyage mémorable pour ceux qui en étaient.
La brigade POMMIES (changement de dénomination car la colonne R4 est devenue
1ère Division Légère de Toulouse ou 1ère D.L.T.) embarque, à la suite, les 5 et
6 septembre aux gares de Saint-Cyprien et Raynal. Il ne faut pas moins de 10
rames de chemin de fer pour charger personnels et matériels. Compte tenu des
destructions, certains itinéraires doivent être détournés. Les cheminots mettent
tout leur coeur à faciliter le transport des troupes. Les trains de la Division
sont poussés jusqu'à Varennes-sur-Allier et Lapalisse au Sud de Moulins que les
Allemands ont évacué depuis peu. Ces gares disposent, en effet, de quais en
bout, nécessaires à l'enlèvement des véhicules. Le débarquement s'opère du 7 au
9 septembre, au milieu d'une grande animation. A noter que des hommes ont été
perdus en cours de route, voire des sections entières...
Pour sa part, le chef de la Brigade a fait le voyage en avion, un appareil
construit de bric et de broc par la Résistance d'Aire-sur-Adour (lieutenant
Charles PECASTAING). Il installe son P.C. à Digoin (Saône-et-Loire).
Dans la journée du 7 commence la manoeuvre du C.F.P., motorisée dans toute la
mesure de ses moyens, sur Autun qui est à 120 km du point de débarquement. Lors
de la traversée des localités, les jeunes filles se précipitent avec des fleurs,
croyant avoir affaire aux Américains... Les avant gardes sont au contact de
l'ennemi au carrefour de Fontaine-la-Mère (14 km au Sud-Ouest d'Autun) dans la
soirée du 7. C'est une colonne allemande, des soldats à pied ou à bicyclette et
de nombreuses voitures hippomobiles. Le feu déclenché trop tôt par des éléments
embusqués, met la colonne en alerte qui réussit à passer au prix de quelques
pertes.
Les ordres supérieurs confirment bien qu'Autun est l'enjeu des opérations de la
1ère Division Légère de Toulouse. La tactique à appliquer est toujours celle de
la guérilla : démoraliser l'adversaire par un harcèlement continu de ses
éléments isolés. Dans le chapitre "Histoire générale", il a été indiqué que le
général de LATTRE, pour protéger le flanc gauche de son armée, avait envoyé vers
Autun un détachement comprenant entre autres le 2ème Dragons. La jonction avec
les éléments de la brigade POMMIES, à l'Est du Groupement SCHNEIDER, était donc
prévisible. Le hasard a voulu que dans la soirée du 7 septembre, à Digoin, le
chef POMMIES tombe nez à nez avec le commandant de NEUCHEZE qui avec ses "tanks-destroyers"(T.D.)
vient d'arriver à Paray-le-Monial. Les deux hommes ne s'étaient pas revus depuis
juin 1943, époque où de NEUCHEZE avait dû quitter le commandement du Groupement
Centre de l'organisation clandestine du C.F.P. Le lendemain à Etang-sur-Arroux,
dans la ville en effervescence ce sont les mêmes retrouvailles, aussi
émouvantes, avec le chef de compagnie GRATTARD, ancien du 2ème Dragons et
collaborateur direct de de NEUCHEZE dans la mise sur pied de la Résistance
armée. Leur séparation date du jour où de NEUCHEZE prenait à Toulouse l'étendard
du régiment pour lui faire traverser la Méditerranée.
Le chef de corps du 2ème Dragons, le lieutenant-colonel DEMETZ a pour mission de
s'emparer d'Autun, carrefour de routes importantes, afin d'empêcher le passage
des colonnes allemandes du Sud-Ouest en retraite. Il dispose de 3 escadrons de
T.D., de fusiliers marins, d'un bataillon de Légion Etrangère ainsi que d'unités
F.F.I. Toutefois, l'investissement de la vieille cité romaine ne peut faire
oublier la menace que constituent les colonnes en mouvement. En fait, l'ennemi,
rendu agressif par ses propres enjeux, est partout : sur les routes qu'il
cherche à dégager, dans les bois, les fermes où il se dissimule, dans les
cultures. Il n'y a pas de ligne de feu, amis et ennemis s'emmêlent et sont le
plus souvent sans liaison avec l'échelon supérieur. Plus que la pression sur
Autun, le blocage des voies d'accès est difficile et coûteuse. Les carrefours de
Fontaine-la-Mère, des Quatre-Vents, du Mousseau sur la route de Luzy qu'emprunte
la colonne BAUER sont le théâtre de combats sans merci. Les automitrailleuses
des pelotons de reconnaissance, les "tanks destroyers" (T.D.) doivent intervenir
à diverses reprises pour dégager les compagnies F.F.I. prises sous le feu
violent de l'ennemi. DEMETZ dans l'après-midi du 8 fait entrer en action sa
réserve au carrefour de Fontaine-la-Mère où a pris position la compagnie
GRATTARD. Celle-ci tient toute la nuit alors que les chars se sont repliés. Le
lendemain matin, le chef d'escadron de NEUCHEZE prend à son compte une nouvelle
intervention au même carrefour. Il est accompagné de GRATTARD et d'éléments de
sa compagnie ainsi que de la compagnie SEHET. Le choc avec l'ennemi est
particulièrement brutal. De NEUCHEZE, après le conducteur de son char, est tué.
Le chef GRATTARD prend le commandement. Il est lui-même blessé ; SEHET tombe à
son tour mortellement atteint. Les chars, à ce moment-là, sur ordre radio se
replient, laissant une section C.F.P. "en l'air". A la demande pressante du
commandant MILER ancien lui aussi du 2ème Dragons d'Auch, les chars reviennent,
permettant aux F.F.I. de se tirer d'affaires. Pour le colonel DEMETZ, sa mission
est terminée car Autun est vide d'Allemands, la majeure partie de la garnison
étant partie dans la nuit. Aussi regroupe-t-il ses chars pour faire mouvement
vers le Nord. Mais un ordre du 2ème C.A., sollicité par le colonel SCHNEIDER le
fait revenir dans la bataille. En effet, la colonne BAUER n'a jusqu'à présent
engagé que son avant-garde. Le gros est toujours sur la route Luzy-Autun et
menace cette dernière. Un bataillon de la Légion Etrangère, un groupe
d'Artillerie tiennent les abords de la ville. Quand la colonne allemande se
présente, elle est accueillie par un feu infernal, auquel se sont joints les
chars, qui la taillent en pièces. BAUER présente, sa capitulation vers quatorze
heures. Sa troupe, 3500 hommes, est épuisée. Elle se rend au milieu d'une
quantité impressionnante de morts et de blessés, gisant auprès des carcasses de
toute sorte et de chevaux éventrés. Pour sa part, le C.F.P. a fait 850
prisonniers. Une citation à l'ordre du corps d'armée lui est décernée pour son
action courageuse dans la bataille d'Autun. Les bataillons BARTHE, DANGOUMAU de
la demi-brigade MILER, le bataillon FRANCOT, la demi-brigade CERONI, les
bataillons du Lot ont apporté leur contribution, soit en soutien d'infanterie
pour les chars du 2ème Dragons, soit par leur harcèlement de l'ennemi sur ses
itinéraires. Une mention spéciale pour la compagnie de FUMEL du bataillon
FRANCOT, qui participant à l'investissement d'Autun a été une des premières à
entrer dans la ville au matin du 9 septembre.
Plusieurs Gersois sont tombés au cours de la bataille d'Autun : le commandant de
compagnie Germain BOMAIN (Monferran-Plavès), Daniel CRISTOL (Crastes), Robert
LAPORTE d'Auch, Paul GARETTA (Vic-Fezensac). Alors que le 8 septembre, elle
approchait de la commune d'Etang-sur-Arroux, la section des engins de la
compagnie GRATTARD subit le feu d'avions alliés qui s'aperçoivent trop tard de
leur méprise. Le sergent Edmond PALLARES (Vic-Fezensac), le chasseur Jean DOMERC
(Bassoues) sont tués. Au 2ème Dragons est tombé le brigadier chef Gabriel
LABADENS de Saint-Martin-Gimois.
LES VOSGES, L'ALSACE AVEC LA 1ère ARMEE FRANCAISE
L'affaire d'Autun réglée, le "groupement " POMMIES, d'ordre du général de LATTRE
de TASSIGNY, est mis à la disposition du 2ème Corps d'armée. C'est l'occasion
pour son chef de rompre avec le groupement F.F.I. de SCHNEIDER pour entrer de
plain pied dans la 1ère Armée Française. Le 12 septembre, il reçoit à son P.C.
de Saulieu (Côte-d'Or) le général de MONSABERT. Le commandant du 2ème C.A. lui
indique qu'il doit le lendemain faire mouvement sur Dijon. Là, il doit se
réorganiser, s'habiller et s'instruire. Le général de LATTRE vient également au
P.C. POMMIES. Il fait alors connaître son point de vue sur l'utilisation des
forces F.F.I. qui voudront bien se mettre sous ses ordres. Le surlendemain de la
réception, un détachement du C.F.P. est mis à la disposition de la 1ère D.B.
pour participer aux opérations militaires dans le secteur des Vosges, région de
Servance-Le-Thillot. Pendant tout le mois d'octobre, les unités du Corps Franc
monteront en ligne ou dans leurs cantonnements de la Haute-Saône, parachèveront
leur instruction militaire.
Dans des conditions matérielles extrêmement défavorables, elles attaquent et
manoeuvrent l'adversaire, l'une après l'autre sans répit, lui causant des pertes
sensibles. Elles occupent successivement Melay, Fermay, Saint-Hilaire, Servance,
Miélin (N.E. de la Haute-Saône), puis les cols du Drumont et du Tholy. Elles
attaquent aux Grands-Champs, à la Pile, mènent des actions défensives dans la
région de Ferdrupt et de la Tête du Géant. Cependant, le combat de l'Etraye (2
km au N.O. du Thillot), livré par des éléments du Bataillon FRANCOT, le 14
octobre, coûte cher aux attaquants. Y sont tués, Armand FIDANZA (Saint-Mézard),
Jean TOURISSEAU (Saint-Clar), Guy DECAMPS (Samatan), Jean CHARLAS, rescapé du
maquis de Meilhan.
Le 20 octobre, le C.F.P. passe en réserve générale de l'Armée, ce qui lui permet
de se réorganiser. Il devient alors régiment avec un effectif de 412 hommes
ayant effectivement signé un engagement pour la durée de la guerre. Des
sections, voire des compagnies entières ont choisi de rentrer dans leurs foyers.
Le nouveau corps comprend 1 groupe de commandos, 3 bataillons de choc, 1
compagnie antichars, 1 compagnie de canons et 1 compagnie de transport. Il
remonte en ligne le 11 novembre pour participer aux combats qui sont en cours
sur le front des Vosges, rattaché à la 1ère brigade de la 1ère D.F.L. Il lui est
dévolu le sous-secteur de Château-Lambert, point crucial du dispositif. On se
bat dans la neige et dans la boue alors que l'ennemi n'a rien perdu de son
mordant. Dans les jours qui suivent, il occupe le Thillot, Fresse, la Hutte, le
Plein du Repos, malgré les violentes réactions allemandes. Le 29 novembre, il
s'empare par surprise du sommet du Drumont réalisant le premier la percée du
dispositif ennemi sur la crête des Vosges. Après avoir libéré Oderen et
Fellering, il s'organise défensivement sur un front de 5 km à l'Est de Kruth
(Alsace) qu'il va tenir durant 2 mois pleins, tout en vérifiant quotidiennement
le contact.
Utilisant la route des Crêtes, avec des canons automoteurs, l'adversaire se
livre journellement à des tirs de harcèlement causant des pertes dans les rangs
du corps franc. D'autre part, ses patrouilles se montrent particulièrement
agressives. Le 4 février 1945, des indices de repli ayant été observés, les
dispositions sont prises en vue de conserver le contact. La progression reprend
dans la neige, à travers les mines (18 blessés) et la route des Crêtes est
atteinte. Le lendemain, au cours d'un raid audacieux de 14 heures dans la
montagne fortement enneigée, le régiment réalise à Linthal la liaison avec les
troupes françaises descendant la plaine d'Alsace. Après un nouveau regroupement
dans la région de Saulxures, Cornimont, puis dans la région de Strasbourg, il
prend à son compte le matériel moderne américain du 7ème R.T.A.
Le 10 février 1945, le C.F.P. est devenu 49ème R.I., le régiment de Bayonne.
Après les noms prestigieux de la Grande Guerre, il portera "Languedoc-Pyrénées-Résistance
1944" - "Stuttgart 1945". Pour quelque temps, le régiment s'installe
défensivement le long du Rhin, à hauteur de Haguenau. L'ennemi continue à se
montrer actif, par ses patrouilles, le tir des armes automatiques et son
artillerie.
DE STUTTGART A BERLIN
Le 1er avril, le régiment pénètre en Allemagne pour y rejoindre le gros de la
3ème D.I.A. à laquelle il est affecté depuis le 22 novembre ; ses bataillons
franchissent le Rhin à Spire et à Mannheim par le pont des Américains. Il est
engagé sur un axe Stettfeld-Odemheim. De nombreuses localités allemandes tombent
entre ses mains ; les plus durs combats ont lieu à Eppingen, à Cleebronn et à
Walheim dans le Pays de Bade. Il est fait plusieurs centaines de prisonniers.
Au cours de son avance, les démineurs de la section CHOUNET, opérant en tête,
découvrent le camp de déportés de Vaihingen-sur-Enz qui était un kommando de
Natzweiler/Struthof, puis de Dachau. Il restait une centaine de déportés surtout
français, très mal en point, qui purent ainsi être sauvés d'une mort certaine.
A compter du 10 avril, le 49ème s'installe sur des positions défensives le long
de la rivière l'Enz. Il tient alors un front de 25 km. Dans cette situation
délicate, il se doit de tromper l'ennemi pour fixer des effectifs largement
supérieurs aux siens. L'objectif final est Stuttgart, capitale du Wurtemberg. Le
régiment lui fait face à son nord-ouest. La ville est protégée par une ligne
continue de feux. L'artillerie et les tirs de "minen" sont cause de lourdes
pertes. Toutefois, au soir du 20 avril, les chasseurs de l'ancien C.F.P. sont en
vue de Stuttgart. Ils entrent dans la ville le lendemain, brisant les
résistances de l'ennemi qui a accumulé les mines, les destructions et les
abattis. Le nettoyage de la ville permet de faire encore de nombreux
prisonniers. C'est à Stuttgart que le régiment apprend le 8 mai, la signature de
l'armistice.
De nombreux défilés ponctuent l'occupation en Allemagne; la musique du 49ème,
une des meilleures de la 1ère armée, est de toutes les parades. Elle a du panser
ses plaies après le coup au but tiré des arrières allemands alors que les
musiciens répètent à l'hôtel de ville de Kleinsachsenheim. On a relevé 3 morts
et un certain nombre de blessés par éclats de 88.
Des éléments du 49ème R.I. participent au défilé à Paris pour l'anniversaire de
l'appel du 18 juin.
Le 12 juin a lieu le départ des premiers volontaires pour l'Indochine.
En juillet, le régiment cède à contre-coeur Stuttgart, son titre de gloire, aux
Américains. Il s'installe alors dans le Palatinat, zone qui lui est dévolue,
autour de Neustadt. Le colonel POMMIES est à la tête d'un détachement qui
participe à Berlin, le 7 septembre 1945, à la grande prise d'armes de la
Victoire. A la fin de ce mois, le 49ème s'installe dans la zone française de
l'ex-capitale du Reich.
La vie en occupation est somme toute assez monotone en dépit des contacts de
moins en moins ténus qui s'établissent avec la population. Aussi, la grande
majorité des hommes ne pense qu'à la démobilisation. Celle-ci ne sera pas un
coup d'éclat. Elle s'effectuera lentement, selon un processus consacré, avec
passage obligé à Saverne (Bas-Rhin), pour y changer l'uniforme contre des habits
civils, en fait des défroques. Ridiculement vêtue, la nouvelle troupe prend
plaisir à défiler ainsi dans les rues de la ville alsacienne. Il en sera de même
à l'arrivée à Toulouse. Les journaux locaux ne manquent pas de relever
l'incident.
Le colonel POMMIES fait le 10 mars 1946 ses adieux au 49ème RI au cours d'une
émouvante prise d'armes sur la Mullerstrasse à Berlin. Le régiment est dissous
en 1949 mais en avril 1956 un 49ème Bataillon d'Infanterie est créé qui reprend
la tradition et part en Algérie. Il est dissout en 1962.
LE BATAILLON DE L'ARMAGNAC PERD SON CHEF
Le lendemain de la reddition allemande à l'Isle-Jourdain, le bataillon de
l'Armagnac fait mouvement sur Toulouse avec une étape à Ausonne. Elle forme un
convoi impressionnant d'une centaine de véhicules. Le colonel anglais STARR
("HILAIRE") et les missions alliées l'accompagnent. Les "Armagnacs" sont
ovationnés par la population toulousaine, comme ils le seront les jours suivants
dans les villes traversées. La troupe s'installe provisoirement à la caserne
NIEL. Elle est alors habillée de pied en cap, au moyen des collections
d'uniformes neufs, la tenue modèle 1941, stockées à bon escient depuis de longs
mois par l'intendant Christian CARDIN. Le 24 août, le colonel VERNANT "BERTHIER"
chef départemental F.F.I. de la Haute-Garonne, demande au chef PARISOT
d'entreprendre une reconnaissance dans la région du Languedoc que hanteraient
encore des éléments ennemis chassés des Pyrénées. L'unité, forte de 800 hommes,
fait mouvement le lendemain. Des patrouilles motorisées sont lancées vers
Castelnaudary, Auterive, Revel, Caraman. Les villes de Béziers, Carcassonne,
Lézignan, Narbonne, sont atteintes sans coup férir. La liaison est établie avec
des groupes locaux F.F.I. Il est fait quelques prisonniers et du matériel est
récupéré dont un char d'assaut pris à Castelnaudary. Une nouvelle mission de
nettoyage conduit le bataillon au Nord de la N.113, vers Saint-Chinian,
Bédarieux, tandis que les représentants alliés s'informent de la situation à
Montpellier, Sète, Port-Vendres. Sa mission s'arrêtant là, le bataillon de
l'Armagnac regagne Toulouse et la caserne NIEL. Il reçoit alors du
Lot-et-Garonne un important détachement de Casteljaloux conduit par le capitaine
LAMBRET et provenant de l'ex-chantier de la jeunesse, groupement N°47, l'Ecole
navale de Clairac, ainsi que des groupes C.F.L. de la Haute-Garonne. L'effectif
atteint le chiffre considérable de 1800 hommes ce qui va lui valoir
l'appellation de Demi-Brigade.
A Toulouse, le D.M.R. de la R4 (Délégué Militaire Régional) qui est le délégué
du Commandement français de Londres, SCHLUMBERGER, suite à la sollicitation de
son homologue de la Région B, demande au Bataillon de l'Armagnac de se porter
dans la région bordelaise afin de la protéger des forces allemandes repliées
dans le Médoc et autour de Royan.
Un drame terrible se produit à ce moment-là. Dans la nuit du 5 au 6 septembre,
sur le terrain militaire de Francazal, plusieurs opérations aériennes doivent
avoir lieu : parachutage de matériel divers, de munitions à réceptionner par le
bataillon, atterrissage d'agents avec reprise d'autres regagnant l'Angleterre.
Le colonel RAVANEL a désigné Maurice PARISOT pour veiller à la sécurité du
terrain dont est chargée sa 4ème compagnie. Il est un peu plus de minuit quand
un premier HUDSON atterrit, suivi d'un parachutage de 24 containers. Un second
HUDSON se prépare à atterrir mais prend la piste à l'envers, sans prendre le
soin d'effectuer le tour règlementaire. Malgré le signal d'interdiction lancé
par l'officier responsable de l'opération, l'avion atterrit à l'endroit où il
aurait dû s'arrêter, c'est-à-dire sur le groupe qui l'attend. Le capitaine
PARISOT, la nuque brisée par l'hélice, le lieutenant AUSTRUIT du S.A.P. sont
tués. Les corps sont transportés à la caserne NIEL où une chapelle ardente est
dressée pour les recevoir. Dans la journée, une prise d'armes a lieu en leur
honneur dans la vaste cour du quartier avec la participation de l'ensemble des
compagnies et en présence des missions alliées. Promu lieutenant-colonel à titre
posthume, le vénéré chef du bataillon de l'Armagnac est fait chevalier de la
Légion d'Honneur accompagnée d'une citation à l'ordre de l'Armée. L'ordre de
l'Empire britannique lui est décerné par le colonel STARR.
Le lendemain 7 septembre, se déroule à Auch la cérémonie officielle de ses
obsèques, organisée par le C.D.L. et la nouvelle municipalité. Une foule
innombrable, rendue muette par la consternation, y assiste. Les personnalités
civiles et religieuses, les chefs militaires, les officiers alliés conduits par
le colonel STARR et le major américain FULLER présentent tour à tour leurs
condoléances à Madame PARISOT et à sa famille. Dans la soirée, l'inhumation a
lieu au petit cimetière de Saint-Go, dans la commune de Bouzon-Gellenave, tout
proche du domaine que Maurice PARISOT mettait en valeur tout en oeuvrant pour la
Résistance.
SUR LE FRONT DE L'OUEST
Officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, le capitaine Henri MONNET
prend dès lors le commandement de la puissante formation avec le grade de
lieutenant-colonel. Son état-major aura la composition suivante:
Chef d'état-major: commandant CELERIER de SANOY, également chef du 3ème bureau,
1er bureau: capitaine Robert BLOCH
2ème bureau: capitaine de corvette Lucien FOURNIER
Secrétaire général: capitaine Jean GAVE
Intendance: capitaine Léon MALANDAIN
Service chargé du transport: capitaine Abel SEMPE
Service de santé: médecin-capitaine Jean DEYRIES
Le samedi 9 septembre, le commandant FOURNIER, accompagné d'un détachement
précurseur, arrive à Bordeaux et prend contact avec le commandement F.F.I. Ce
dernier manifeste peu d'enthousiasme à l'idée de recevoir une formation aussi
importante qui de surcroît vient de Toulouse, en proie, disait-on, à la
révolution... FOURNIER obtient néanmoins un gîte d'étape à l'école de santé
navale. Il fait prévenir son chef MONNET, en attente à Langon, des difficultés
qui se font jour. Toutefois, l'ordre de départ est donné et les camions de
troupe pénétrent dans la ville dans la nuit et la journée du lendemain. Le 10 et
11 novembre, les Allemands qui tiennent le triangle du Verdon donnent des signes
de nervosité. Le colonel DRUILHE, commandant d'armes, craint une attaque sur
Bordeaux. Ses préventions contre les nouveaux venus cessent; il est alors tout
aise de pouvoir compter sur ces renforts. Les premières compagnies se mettent en
place suivant un plan de défense rapprochée de Bordeaux. La demi-brigade est
répartie en 3 sous-quartiers:
1) Fusiliers marins de l'école navale; commandant BAUSSEAN, P.C. à Blanquefort.
2) 1ère, 2ème, 3ème compagnies, 1/2 compagnie d'engins; commandant CAPIN, P.C. à
Eysines.
3) 3ème, 4ème, 5ème, 6ème compagnies, 1/2 compagnie d'engins, commandant Messin,
P.C. à Mérignac.
Il y a un troisième bataillon ( 7ème, 8ème, et 9ème compagnies ) en réserve, aux
ordres du commandant LAMBRET.
La bonne tenue, la discipline des "Armagnacs" impressionnent la population. Les
groupes F.F.I. locaux et les milices patriotiques n'ont plus lieu d'exister dans
la zone d'action de la demi-brigade.
Le 17 septembre, c'est la venue du général de GAULLE à Bordeaux. Le colonel
MONNET lui rend les honneurs avec la 1ère compagnie à l'aérodrome de Mérignac.
La demi-brigade fournit également un détachement à la présentation des troupes,
cours de l'intendance.
Un nouveau théâtre d'opérations attend la demi-brigade. Le 30 septembre, elle se
porte en Charente-Maritime, face à la presqu'île d'Arvert et l'île d'Oléron, un
créneau que lui a attribué le colonel ADELINE, commandant les Forces Françaises
du Sud-Ouest (F.F.S.O.) à Saintes. Le P.C. et ses services sont à Port d'Envaux;
le 2ème bataillon occupe une seconde ligne, le 3ème bataillon est en réserve.
La préoccupation du commandement des F.F.S.O. est d'empêcher la jonction des
forces allemandes installées dans la "poche" de Royan avec celles de La
Rochelle, estimées à 25 000 hommes.
L'activité de la troupe se borne à renforcer les avants-postes, à patrouiller
aux abords de la Seudre. L'artillerie, les armes automatiques font toujours des
blessés et des morts. Le 10 décembre, une patrouille du corps-franc marin
Armagnac dans l'île d'Oléron, fait des prisonniers dont l'interprète de la
Kommandantur de Saint-Trojan. Le 15, le même corps franc enlève et ramène 7
soldats F.F.I. prisonniers des Allemands. Le 22 décembre, une patrouille de 11
hommes attaque un poste ennemi à Coux, sur la Seudre, 4 Allemands sont tués.
En octobre, l'obligation pour les volontaires de signer un engagement pour la
durée de la guerre a eu pour effet de réduire notablement les effectifs. Les
raisons étaient diverses: familiales, professionnelles, parfois de santé.
L'administration, de son côté, avait rappelé certains fonctionnaires. On compta
quelque 300 départs, compensés par un apport F.F.I. de la Dordogne.
Cependant, le secteur tenu par la demi-brigade avait considérablement augmenté,
au delà de Marennes jusqu'au Port-des-Basques. Des renforts étaient nécessaires.
Ils furent demandés au général COLLET, commandant la 17ème région militaire.
LE 1er REGIMENT DU GERS MONTE EN LIGNE
Il a été dit plus haut que les éléments F.F.I. n'appartenant pas au corps franc
POMMIES ou au bataillon de l'Armagnac mais décidés à se battre, étaient à pied
d'oeuvre pour recevoir la formation militaire qui leur manquait. Ces nouvelles
forces, au moral élevé, vont constituer pour commencer le 1er régiment du Gers,
créé officiellemment le 13 octobre 1944. Le lieutenant-colonel
TERMIGNON en prend le commandement avec pour adjoints les commandants DORBES et
HOLGAN. Il s'articule en 3 bataillons:
Bataillon "R" (en souvenir de son premier chef le Docteur RAYNAUD, tué à Meilhan)
commandé par le capitaine LUSSIA-BERDOU, comprend les compagnies GALAN, LAROSE,
CORNILLEAU "DOMINIQUE", stationne quartier Espagne à Auch.
Bataillon "GEORGES", commandé par le commandant Georges MOUDENS (ex-F.T.P.),
comprend les compagnies CAZES, ILHEIN "LANGLOIS", SERIN, stationne à
l'Isle-Jourdain.
Bataillon TRIPET, commandé par le capitaine TRIPET, comprend les compagnies
COUSTHAM, HAUSBERGER, JEAN-PAUL, DUPUY, BRUNET, VINCENT, stationne à Condom.
L'instruction se poursuit sous le contrôle du chef de corps qui visite
périodiquement les unités. Fin octobre, le régiment est en alerte. Il s'agirait
de se porter dans la région de Dax (Landes) pour barrer la route à des forces
allemandes échappées de la Pointe de Grave. Les bataillons "R" et "GEORGES" sont
sur pied de guerre; finalement, ils n'ont pas à bouger.
Lors des cérémonies commémoratives du 11 novembre à Auch, le 1er régiment du
Gers reçoit son drapeau des mains du colonel LESÛR et le bataillon "R" un fanion
offert par les Alsaciens-Lorrains.
Le 21 novembre l'ordre lui est donné de se préparer à partir. Les
permissionnaires sont rappelés ainsi que les démobilisés après le 25 septembre.
La formation doit se donner en peu de temps une nouvelle structure, exigée par
le commandement de la 17ème région militaire. Ainsi, est mis sur pied un
détachement de 867 hommes, constituant un bataillon dit type "Atlantique". Vu le
faible délai imparti, une grande fébrilité règne dans les cantonnements. Une
compagnie d'engins (capitaine d'ANTRAS) entre dans la composition du nouveau
bataillon tandis que d'autres compagnies cessent d'exister. L'appellation 1er
régiment du Gers demeure néanmoins et il est toujours commandé par le
lieutenant-colonel TERMIGNON qui a pour adjoints DORBES et LUSSIA-BERDOU. Le
commandant MOUDENS fait également partie de l'état-major. On retrouve les
compagnies GALAN, CORNILLEAU, ILHEIN, d'ANTRAS. Le samedi 25 novembre, en fin de
matinée, la troupe défile dans la basse ville d'Auch. La population est
nombreuse pour l'accompagner à la gare. Mais ce n'est plus l'enthousiasme du
mois d'août, certains chroniqueurs le constatent amèrement. Un détachement du
2ème régiment du Gers, créé à la suite du 1er, avec pour chef le
lieutenant-colonel SOULES, rend les honneurs sur le quai. Le détachement
"GEORGES" embarqué à l'Isle-Jourdain, rejoint à Toulouse-Raynal. Le voyage est
marqué par de nombreux arrêts dûs à l'état du réseau, notamment à Brive. Le
débarquement s'opère dans la nuit du 26 au 27 en gare de Pisany
(Charente-Maritime). Le colonel MONNET, commandant la demi-brigade de
l'Armagnac, accueille les nouveaux venus, tout en mettant à leur disposition ses
véhicules pour rejoindre les cantonnements prévus: Saint-Saturnin, Port d'Envaux,
le Peux, Saint-James. Le colonel TERMIGNON prend le surlendemain ses ordres chez
le général de LARMINAT et le 2 décembre, le bataillon du 1er régiment du Gers
prend la relève d'un bataillon de la demi-brigade. La compagnie LANGLOIS est
installée aux avant-postes. Les hommes s'emploient à aménager et à consolider
les abris. Le colonel LESÛR visite le front le 6 décembre; il a conféré avec les
colonels MONNET et TERMIGNON. L'envoi d'un 2ème bataillon gersois est dans l'air
mais s'avère par la suite difficilement réalisable. Cependant à la mi-décembre,
un protocole d'accord est établi entre le colonel MONNET et son homologue
TERMIGNON qui prévoit la constitution d'un régiment dans lequel seraient
intégrées les 2 formations. Ce sera le régiment PARISOT, comprenant 3 bataillons
type Atlantique, une batterie d'artillerie et une forte compagnie d'engins. Le
colonel TERMIGNON se rend à Auch le 18 décembre, pour régler les problèmes liés
à la future organisation. Le Bataillon "R" devient le 3ème bataillon commandé
par DORBES qui conserve ses hommes et commandants de compagnie. Le colonel
MONNET est chef de corps tandis que TERMIGNON devient son adjoint. L'abbé TALES,
naguère aumônier des F.F.I. du Gers, rejoint le front de l'Atlantique et prend
en main le service social. Comme tous les F.F.I. et peut-être davantage sur le
front de l'Ouest, les hommes sont mal équipés en vêtements et en chaussures. Aux
avant-postes et dans les cheminements, on patauge dans la boue. Le 10 décembre,
un colonel américain vient en inspection, accompagné de ses officiers; une
section de la compagnie GALAN leur rend les honneurs. Beaucoup d'hommes sont en
sabots. Les Alliés s'étonnent que dans un tel état de dénuement, ils soient
chargés d'une mission de sûreté, pourtant essentielle. Mais leur commisération
est sans conséquences pratiques. Plus efficace est la visite un peu plus tard du
colonel anglais Georges STARR qui fait obtenir aux volontaires du
lieutenant-colonel TERMIGNON des collections d'uniformes "tommies". Ces
dernières n'arriveront toutefois qu'à la fin janvier 1945. Si l'hiver est moins
rigoureux sur l'Atlantique que sur le front d'Alsace, propice aux gelures, on
notera que le 11 janvier 1945, il neigea sur la Saintonge, ce qui n'arrive
dit-on que tous les 10 ans.
Pour venir en aide spécialement aux volontaires de l'Ouest ainsi qu'aux blessés
et malades de l'hôpital d'Auch, une association s'est créée à Auch, "les amies
du front", ayant des ramifications dans tout le département. Conduites par
Madame TERMIGNON, ces généreuses dames se présentent le jour de la Noël 1944
avec un chargement de 500 colis individuels, de diverses denrées alimentaires,
de couvertures, pull-overs, chaussettes et 120 bouteilles d'armagnac collectées
dans la région de Valence-sur-Baïse. La troupe est en liesse. D'autre part,
depuis le 13 décembre un tour de permission est établi, permettant à 10% de
l'effectif de passer quelques jours en famille.
Il est vrai que le secteur est relativement calme. Les activités de patrouille,
particulièrement pénibles dans les marécages bordant la Seudre, occupent à peu
près tout l'hiver. On ne saurait pour autant négliger les harcèlements quasi
journaliers par l'artillerie adverse des postes avancés, sans trop de dégâts
toutefois. Les hommes s'habituent, qui ont fini par acquérir les réflexes
voulus. Du 3 au 15 février 1945 notamment, on assiste à des duels d'artillerie
de part et d'autre de la Seudre. L'observatoire installé en haut du clocher de
Marennes est pour l'ennemi une cible de choix. Les infiltrations allemandes dans
les lignes amies sont toujours redoutées, voire un débarquement en force. Une
opération de cet ordre a lieu le 19 janvier. Montés sur des barques, une
centaine de soldats allemands ont tenté de traverser la Seudre afin de
neutraliser les avant-postes. Mais ils ont été arrêtés par les armes lourdes.
Les Gersois sont par ailleurs témoins du pilonnage par l'aviation alliée de
Royan, en particulier celui du 15 janvier 1945, qui fait de très nombreuses
victimes civiles. Les médecins et les moyens de transport du régiment PARISOT
sont mis, à la faveur d'une trêve, à la disposition de la population pour les
soins à donner aux blessés et l'évacuation des sans-abri.
DES GASCONS REFONT LE 158ème
Nouveau pas vers la normalisation, de même que le C.F.P. est devenu 49ème R.I.,
le régiment PARISOT s'intègre davantage dans l'Armée française en prenant, par
décision gouvernementale, la suite du 158ème R.I., dit aussi "15-8", le régiment
de tradition de Strasbourg. Celui-ci s'est notamment distingué à Lorette, dans
l'Artois pendant la Grande Guerre. Le 2 avril, le colonel MONNET, accompagné du
lieutenant MONDEVAIN et de 5 hommes sont à Paris pour recevoir le drapeau du
valeureux corps des mains du général de GAULLE. Il est présenté à la troupe le 5
avril au cours d'une émouvante prise d'armes.
Alors que dans l'euphorie de la libération, les engagements dans les F.F.I.
s'étaient multipliés au point que les autorités durent y mettre un terme (Voir
supra), l'armée qui se bat connaît une crise des effectifs dès le mois de
décembre 1944. Dans son journal " La Gascogne libre ", à l'intention de ses
lecteurs de l'arrière, la demi-brigade de l'Armagnac lance un appel pour que de
nouvelles recrues viennent la rejoindre et participer de la sorte à l'entière
libération de la France. Le général COLLET, de son côté, s'exprime à la radio le
16 janvier 1945 pour stimuler les engagements dans l'Armée, citant la Bretagne
comme exemple du patriotisme français. Des encadrés du genre "Français aux
armes!" figurent dans les journaux. Il en est appelé aux officiers et
sous-officiers de réserve pour venir servir volontairement, de même qu'aux
réservistes de l'armée de l'air, des troupes coloniales et d'une façon générale
aux spécialistes quelle qu'en soit la catégorie. Fin janvier 1945, parait
l'ordre d'appel de la classe 1943 qui doit s'effectuer en 3 tranches et ne sera
pratiquement d'aucun secours pour les forces combattantes, étant donné le cours
pris par les évènements de guerre.
Le front de l'Atlantique s'anime à compter du 16 avril. Le général de LARMINAT,
commandant des Forces françaises de l'Ouest, qui a pour mission de réduire les
"poches" de l'Atlantique, a donné l'ordre d'attaquer simultanément à la Pointe
de Grave où est en position la brigade de MILLERET et Royan dont le résultat
sera le dégagement du port de Bordeaux, indispensable pour la reprise du trafic
maritime (opération vénérable). Le 158ème participe à l'opération qui comporte
l'investissement de la presqu'île d'Arvert. Plus spécialement sa mission est de
s'emparer de La Tremblade, puis de pousser au nord vers Ronce-les-Bains. La
Seudre est traversée au moyen d'embarcations légères. Les commandos du capitaine
CAPIN sont maîtres de la ville avant midi, ceux du capitaine de corvette
FOURNIER atteignent Ronce-les-Bains dans la soirée. Il y a des pertes dues aux
tirs de l'artillerie ennemie et aux mines: 8 tués dont 4 officiers et 19
blessés. Les 17 et 18 avril, les compagnies étendent leur action sur la totalité
de la presqu'île d'Arvert. Elles nettoient la forêt de la Coubre et font des
prisonniers. Le régiment s'établit sur les territoires nouvellement libérés
jusqu'au 30 avril. Des accidents dûs aux mines feront 4 tués et de nombreux
blessés durant cette période qui prélude à l'attaque de l'île d'Oléron.
La prise de l'île d'Oléron est dans l'esprit de LARMINAT, la phase préliminaire
à la réduction de la "poche amiral" de La Rochelle. La préparation de cette
opération fait apparaître des divergences de vue entre le chef du détachement
d'armée de l'Atlantique et le colonel MONNET, commandant le 158ème R.I. qui
tient par dessus tout à économiser ses hommes. Aussi voit-on nommé à la tête du
régiment un officier chevronné, le lieutenant-colonel BABONNEAU qui vient de la
Légion Etrangère et s'est déjà illustré à Bir-Hakeim en 1942. Mais celui-ci
entend laisser le commandement du régiment au colonel MONNET pour le temps de
l'opération qu'il a lui-même préparée. Il sera seulement son conseiller
technique. L'attaque est déclenchée le 30 avril. Le 158ème fait partie de la
brigade MARCHAND qui doit prendre l'île par le sud. Les commandos de CAPIN,
contrariés par le gros des troupes en mer, ne peuvent être débarqués comme prévu
sur la côte est. Le soir seulement, ils prendront pied au sud-est de l'île. Le
groupe franc marin du commandant FOURNIER débarque le lendemain avant le jour à
"La Perrotine", sur la côte est, avec mission de traverser l'île pour rejoindre
les résistants locaux. Il s'emploie par la même occasion à neutraliser les
points de résistance allemande. Le bataillon "R" du commandant DORBES s'est pour
sa part emparé de Saint-Trojan et le 1er mai du fort de Boyardville. Durant les
2 journées, le 158ème et le groupe franc marin ont fait près d'un millier de
prisonniers et mis la main sur un important butin en vivres et en munitions.
Le régiment, de son côté, a perdu 2 hommes décédés des suites de leur blessures.
Mais il y a de très nombreux blessés qui sont hospitalisés. Après l'armistice,
une maison de convalescence s'ouvre à leur intention à Capbreton (Landes),
portant le nom de "centre PARISOT".
Le 3 mai, à Saint-Pierre d'Oléron, le général de LARMINAT décore sur le front
des troupes les éléments qui se sont particulièrement distingués au combat.
Ultérieurement, de très nombreuses croix de guerre sont attribuées. La 8ème
compagnie (lieutenant CORNILLEAU) est citée à l'ordre de la brigade.
La capitulation de l'Allemagne est fêtée sur le continent car le régiment a
rejoint sa base primitive entre Saint-Jean d'Angle et Saint-Agnan. Le colonel
MONNET quitte son commandement mais le colonel TERMIGNON reste adjoint au chef
de corps BABONNEAU qui réorganise le régiment avec ses 3 bataillons. Le 158ème
R.I. passe alors à la 23ème Division d'Infanterie, commandée par le général
d'ANSELME. Après le 6 juin, le régiment stationne près de Thouars dans les
Deux-Sèvres. L'encadrement est complété par des officiers d'active, récemment
libérés d'Allemagne.
Le 18 juin, le drapeau, le colonel et une compagnie d'honneur défilent à Paris
pour la commémoration de l'appel du général de GAULLE. Du 12 au 15 septembre, il
est en manoeuvres au camp de la Courtine. A son retour, il apprend qu'il part en
occupation en Allemagne. Du fait des mesures de démobilisation concernant les
classes antérieures à 1944 qui affectent une grande partie de la troupe, la
composition du régiment est entièrement remaniée. Le 24 octobre, il passe la
frontière allemande pour se porter dans le Palatinat (Pfalz). Le général de
MONSABERT le passe en revue au camp de Baumholder, le 8 novembre. Le lendemain,
un détachement de 643 hommes, sous les ordres du commandant BOISSARIE, part en
renfort du 49ème R.I. à Berlin. Le drapeau est ramené à l'hôtel des Invalides à
Paris, tandis que le régiment en tant qu'unité constituée est dissous.
LE RETOUR DES PRISONNIERS DE GUERRE
Afin de mieux comprendre l'importance historique de ce retour, il nous est
apparu utile de le situer dans le cadre plus vaste de l'histoire de la captivité
des soldats français au cours du second conflit mondial. Quelles en sont les
données générales?
Au cours des combats malheureux de mai-juin 1940, où fut démontrée la
terrifiante efficacité du binôme blindés-aviation, environ 1 580 000 soldats
français ont été faits prisonniers. Le chiffre est énorme quand on sait que les
effectifs de notre armée, engagés sur le front Nord-Est, étaient de 2 240 000
hommes. La grande majorité a été capturée en Belgique, dans le Nord de la
France, entre la Somme et la Seine, entre l'Aisne et la Bourgogne, entre la
Seine et la Loire, mais aussi dans les Vosges et l'Alsace, là où les grandes
unités se sont trouvées encerclées par les manoeuvres allemandes. Les
militaires, en plus ou moins bon ordre, qui refluent vers le Sud-Ouest sont
dépassés, encerclés et contraints de remettre leurs armes au vainqueur. Dans
tous les cas, la capture est massive, des régiments entiers tombent aux mains
des Allemands. Le futur général BARTHE, originaire d'Auch, qui commande au front
le 13ème régiment d'infanterie de Nevers, est fait prisonnier le 21 juin après
s'être bien battu et avoir perdu beaucoup d'hommes. Emmené au quartier général
allemand, les honneurs militaires lui ont été rendus.
Le 14ème régiment d'infanterie de Toulouse, où de nombreux Gersois sont
affectés, tient également jusqu'au bout. Il met bas les armes dans la région de
Neufchâteau (Vosges). Les Allemands ont parqué une partie des hommes tout à côté
de la maison natale de Jeanne d'Arc à Domrémy, un détail que les prisonniers
ignorent. Aussi ne comprennent-ils pas pourquoi les officiers et la troupe de la
Wehrmacht adressent des saluts militaires dans leur direction. On sait en fait,
que les Allemands avaient de l'admiration pour la sainte qui bouta les Anglais
hors de France. Quant aux prisonniers, ils n'auront l'explication de leur
méprise que plus tard. Abattus et désorientés les prisonniers vivent leurs
premières heures dans les frontstalags, camps de prisonniers au nombre de 62,
répartis dans la zone occupée, principalement au nord de la Loire. Il y en a un
cependant à Peyrehorade (Landes). Les occupants y connaissent la faim tandis que
l'hygiène est déplorable. Le lieutenant de réserve Henri BOCQUIER, Professeur à
l'école normale d'Auch, écrit dans son livre "Visage de l'absence", en 1946:
"Prisonniers. Le mot se découvrait soudain dans la clarté de son vrai sens... Il
lui revenait alors en mémoire la prière qu'il récitait machinalement dans son
enfance, à l'église, pour les prisonniers, les malades et les agonisants." (1)
Il se raconte beaucoup de "bobards" dans les camps. Nombreux sont ceux qui
croient à leur libération prochaine, à l'instar des Alsaciens-Lorrains.
Cependant, ils ignorent que selon les conditions de l'armistice: ... "Les
membres des forces armées françaises qui sont prisonniers de guerre de l'armée
allemande resteront prisonniers de guerre jusqu'à la conclusion de la paix." Il
n'y a pas plus clair bien que le général KEITEL ait précisé à la délégation
française que des négociations ultérieures pourront aboutir à des mesures plus
libérales. Après la rencontre de Montoire (24 octobre 1940), premier jalon sur
la voie de la collaboration, certaines personnes pensent que la libération des
prisonniers français est imminente. Le Maréchal PETAIN, après son entrevue avec
HITLER, a visité le camp de prisonniers d'Amboise (frontstalag 180 à 40
kilomètres de Montoire). Il leur a demandé de patienter:"votre libération ne
saurait tarder" ("Le Légionnaire", organe officiel de la légion française des
combattants, du 1er décembre 1940). Un rapport officiel sur la situation du
département du Gers fait état des mêmes espérances, mêlées toutefois d'une
certaine crainte à l'égard du vainqueur. Un mois après, le 6 décembre 1940, le
commandant militaire du département du Gers souligne le désenchantement de la
population qui escomptait le retour progressif des prisonniers. Les déclarations
rassurantes de l'ambassadeur SCAPINI, dit "l'ambassadeur des prisonniers", ne
sont pas davantage crues.
(1) "Scènes du temps de l'exil"; édité par l'association départementale des
anciens combattants prisonniers de guerre.
C'est que peu à peu, les frontstalags se vident de leurs occupants qui prennent
le chemin de l'Allemagne, le plus loin possible de l'ancienne frontière
franco-allemande (crainte d'évasions). Ils sont entassés dans des wagons à
bestiaux; pour tous la destination est inconnue. Le moral ne peut être que bas.
Les convois atteignent la Bavière, le Brandebourg, la Poméranie, la Prusse
orientale. Les militaires allemands les conduisent dans les camps: stalags pour
les sous-officiers et hommes de troupe, oflags pour les officiers. Ils refont
connaissance avec les barbelés et les miradors. La nourriture laisse
généralement à désirer en quantité et en qualité. Le prisonnier reçoit un numéro
matricule et est photographié. Son nouveau cadre de vie, le camp, varie selon
les lieux.
Il peut s'agir d'usines désaffectées, d'anciennes fabriques ou alors de
baraquements en bois, type de bâtiments vite montés qui reflètent parfaitement
l'état de guerre. Les conditions d'existence y sont très précaires. Hormis les
officiers qui sont enfermés en permanence car ils ne sont pas astreints au
travail selon la convention de Genève de 1929, les prisonniers ne restent pas
longtemps au camp. Ils constituent, en effet, une main d'oeuvre considérable à
exploiter dans l'entreprise de guerre nazie. L'administration du camp les
répartit dans les "Arbeit Kommando" ou détachements de travail. Au camp ne
restent que les prisonniers chargés des services d'entretien, les inaptes et les
malades. Les "kommandos" agricoles sont majoritaires, ce qui ne peut étonner:
plus de la moitié des prisonniers appartiennent à la profession agricole (neuf
cent mille, selon l'almanach de la Légion 1942). L'ambassadeur SCAPINI a d'autre
part, obtenu que les prisonniers de guerre soient, dans la mesure du possible,
employés à des travaux en rapport avec leur formation et leur profession. En
fait, la répartition professionnelle dans les différents "kommandos" varie selon
les régions et les époques. Sont également variables les conditions de
traitement, d'existence, tout dépend de la mentalité de l'employeur. Il y a de
bons et de mauvais "kommandos". Il est certain que le travail dans les fermes du
Tyrol est tout à fait supportable. Dans l'industrie et les mines, le travail est
particulièrement pénible. Il dépasse largement les 40 heures par semaine. Il s'y
ajoute le risque d'accident, les conditions de sécurité n'étant pas toujours
observées par les employeurs. Mais dans l'ensemble, les prisonniers utilisent la
"force d'inertie", c'est à dire le travail le plus lent et le plus inefficace
possible. Leur journée terminée, les prisonniers retournent au "kommando" (12 à
20 hommes), un local fermant à clé et qu'un soldat en arme garde en permanence.
L'éloignement des siens marque profondément le prisonnier relégué en territoire
allemand; éloignement et absence de nouvelles. Les 6 premiers mois de captivité
se passent pratiquement sans échange de courrier avec les familles; il en sera
de même au cours des 6 derniers mois de la guerre. Il y a certes des exceptions,
comme cette carte postale de Châteauneuf, datée du 15 juillet 1940, arrivée à
Auch sans timbre ni cachet de la poste, par laquelle l'Auscitain André CASTEX
informe sa mère qu'il est -tout simplement- prisonnier et va jusqu'à lui donner
l'adresse du camp où il est retenu. A partir du 12 août 1940 paraissent les
listes officielles de prisonniers français, d'après les renseignements fournis
par l'autorité militaire allemande. Ces listes, comprenant chacune quelque 10
000 noms, atteignent les plus petites communes du département. En mai 1941 est
atteint le chiffre de un million, indication qui rend compte de l'ampleur du
phénomène national touchant toute la société française. Les premières adresses
des stalags sont connues avec la livraison du 14 novembre 1940. Avis est
toutefois donné aux familles que les visites sont interdites...
Entre temps la Croix-Rouge s'est beaucoup dépensée pour informer les familles,
dont elle était la seule ressource pour connaître le sort d'êtres chers, s'ils
étaient tués, blessés ou captifs. Dès fin juillet 1940, les camions de la
Croix-Rouge ravitaillaient dans la mesure de ses moyens les camps de prisonniers
en France, réussissant même à faire entrer ses camions conduits par un personnel
féminin. Pour les camps situés en Allemagne, les envois de colis sont faits par
la Croix-Rouge internationale de Genève qui a obtenu la réservation de wagons de
chemin de fer pour le service des prisonniers de guerre. Par ailleurs, la
Croix-Rouge organise en zone occupée des centres d'hébergement afin de recevoir
à leur retour de captivité les prisonniers blessés ou malades.
A la détresse morale s'ajoute dans d'innombrables cas la misère physique. Les
malades, les blessés sont loin de recevoir les soins désirables. La tuberculose
commence à frapper dans les fronstalags. La Croix-Rouge a été autorisée à faire
passer dans des camps ses camions radiophotographiques en vue du dépistage de la
maladie. La tuberculose, en effet, est encore dans cette moitié du XXème siècle
un véritable fléau (on disait alors qu'elle décimait le quart de l'espèce
humaine). Le bacille de Koch trouve dans la population captive, qui manque de
défenses naturelles, un terrain particulièrement propice à sa multiplication.
L'agglomération d'un grand nombre de personnes dans des camps, les mauvaises
conditions d'hygiène, la nourriture peu fortifiante, constituent des causes
prédisposantes à la tuberculose qui atteint principalement les sujets de 20 à 35
ans. On sait que la phtisie ou tuberculose pulmonaire, peut succéder à un rhume
négligé, à un simple refroidissement. Aussi ne faut-il pas s'étonner si la
maladie frappe notamment les pionniers, soldats employés par tous les temps aux
travaux de terrassement. Beaucoup vont venir mourir dans les sanas de Plateau
d'Assy (Haute-Savoie) après leur évacuation d'Allemagne.
Les autorités allemandes ont accepté, dès le début, de rapatrier les malades des
camps, tant en France qu'en Allemagne, inaptes à servir la machine de guerre du
Reich. Il s'ajoute la peur des maladies contagieuses, commune à tous les pays
mais plus fortement ressentie par l'Allemagne qui peut craindre pour l'avenir de
la race aryenne...
Les premiers prisonniers qui ont pu revoir la France mais fortement diminués,
sont donc les malades qui arrivent par train sanitaires complets. La Croix-Rouge
est toujours présente pour les recevoir, de même que les journalistes patentés
du pouvoir. Le Journal Officiel donne périodiquement la liste des militaires
blessés ou malades rapatriés avec leur répartition dans les hôpitaux des
différentes régions militaires. C'est en principe une commission médicale qui
dans les camps statue sur les différents cas présentés. Mais la décision du
rapatriement dépend uniquement des autorités allemandes. A n'en pas douter, des
prisonniers ont su bénéficier des rapatriements sanitaires alors que leur état
physique n'avait rien d'alarmant.
Selon une statistique du Ministère des Anciens Combattants parue en 1951 (J.O.
du 12 décembre 1951), il y eut environ 45 000 prisonniers rapatriés pour des
raisons sanitaires. D'autre catégories de prisonniers font également l'objet de
mesures libératoires, obtenues des autorités allemandes par l'ambassadeur
SCAPINI, dès fin 1940. Il s'agit des militaires pères de 4 enfants, des aînés de
4 enfants mineurs. Si l'on s'en tient aux publications de l'époque, l'entrevue
de l'amiral DARLAN avec le chancelier HITLER, le 12 mai 1941 à Berchtesgaden, a
eu pour résultat de rendre la liberté aux anciens combattants de la guerre 1914
-1918.
Sont venues ensuite les opérations de la "Relève", imaginées par Pierre LAVAL et
qui consistent à envoyer en Allemagne des travailleurs volontaires français
contre le rapatriement de prisonniers de guerre. L'accord qu'il a conclu le 16
juin 1942 avec le Gauleiter SAUCKEL, surnommé le "Négrier de l'Europe", est
ignominieux car il s'établit sur l'échange d'un prisonnier contre trois ouvriers
spécialisés. L'échec est patent malgré une grande campagne de propagande: peu de
Français s'offrent pour venir relever les prisonniers, 17 000 au 1er septembre
1942. Malgré tout, un premier train de prisonniers rapatriés au titre de la
"Relève" - le nombre n'est pas précisé - arrive en gare de Compiègne, le 1er
août 1942, répartis ensuite sur Paris et Mâcon. Venant de cette dernière ville,
une vingtaine de prisonniers libérés arrive à Toulouse le samedi 15 août.
Quelques autorités sont là pour les recevoir. On note que le même jour un convoi
de 40 rapatriés malades, dont 11 couchés, était arrivé tôt le matin en gare de
Matabiau, venant de Lyon et dirigés aussitôt sur l'hôpital de Purpan.
Un nouveau train de rapatriés au titre de la "Relève" est reçu à Compiègne par
de nombreuses personnalités un mois après. Il est dit que les prisonniers
rapatriés sont surtout choisis parmi les agriculteurs et les veufs, pères de
famille. D'autres trains de la "Relève" continueront d'arriver, sans que le
nombre des libérés soit toujours indiqué. Alors que le Service du Travail
Obligatoire est institué l'année suivante du fait de l'échec d'une opération à
base de volontariat, les prisonniers de guerre que les Allemands consentent à
libérer continueront officiellement à faire partie de la "Relève". Dans les
faits cependant, il ne sera pas toujours facile de distinguer les rapatriés
"échangés" et les prisonniers réformés.
La statistique du Ministère des Anciens Combattants de 1951 donne le chiffre de
100 000 (environ) prisonniers qui furent rapatriés au titre de la "Relève". La
Direction départementale du Gers des Prisonniers de Guerre, Déportés et Réfugiés
(D.D.P.G.D.R.) donne le chiffre de 1278 prisonniers rapatriés au 1er janvier
1945, sans distinguer les rapatriés sanitaires et ceux de la "Relève", étant
précisé par ailleurs que 18 communes dont celle d'Auch n'ont pas fourni les
renseignements demandés. De fait, il se passe peu de semaines au cours de
l'année 1943, sans que soit annoncée l'arrivée d'un certain nombre de
prisonniers libérés à un titre ou à un autre. Il y a des retours importants: 23
en janvier, 77 en février, 57 (dont 7 Polonais) en mars. En juin, c'est le
retour de deux ingénieurs agronomes et d'un entrepreneur de battages d'Aubiet.
Les mois suivants, les prisonniers rentrés se feront beaucoup plus rares,
malades mis à part.
La statistique départementale citée plus haut fait également état de 645
prisonniers transformés (210 000 au plan national). Il s'agit d'une autre
catégorie de prisonniers, non renvoyés chez eux mais bénéficiaires d'un statut
particulier destiné, pouvait-on croire à stimuler leur ardeur au travail. La
mesure vient d'un nouvel "accord" passé en avril 1943 entre le Président LAVAL
et le Gauleiter SAUCKEL, prévoyant la transformation de quelque 250 000
prisonniers, mis en congé de captivité pour devenir des travailleurs libres. Ils
cessent de porter l'uniforme militaire; un costume civil leur est remis à la
place, une cocarde tricolore étant cousue à la manche gauche. Ils perçoivent le
salaire des travailleurs allemands de la même catégorie professionnelle. Ils
peuvent, d'autre part, obtenir une permission pour revenir voir leur famille en
France. Un premier contingent de travailleurs permissionnaires est accueilli le
jour de Pâques à Châlons-sur-Marne. Ils étaient un millier; le même nombre, la
permission terminée, regagne l'Allemagne. La seconde fois, ce sont près de 8000
hommes, en plusieurs trains, qui ont la joie de revoir la France. Mais dans les
convois du retour, il en manque 2500. Plusieurs appels leur seront adressés,
suivis des exhortations de l'ambassadeur SCAPINI, en vain semble-t-il car les
autorités allemandes suspendent les permissions. De toute manière, les
prisonniers transformés s'ils relèvent du Commissariat Général à la Main
d'Oeuvre en Allemagne comme les travailleurs du S.T.O., restent des prisonniers
mais à statut "allégé".
Dès l'été 1940, combien de soldats prisonniers n'ont-ils pas songé à fausser
compagnie à leurs gardiens alors qu'en longues colonnes ils prenaient le chemin
de la captivité. Mais, assurent des témoins, il y avait toujours un motocycliste
allemand qui, sans brutalité mais fermement, repoussait les velléitaires vers le
gros de la troupe. Cette idée de rompre avec la captivité a poursuivi de
nombreux prisonniers, sans pouvoir se concrétiser. Car s'évader n'est pas une
mince affaire. Il faut avoir en plus la "baraka". Passés les frontstalags en
France occupée, l'entreprise se faisait de plus en plus hasardeuse. Il n'y avait
plus guère d'opportunités, comme se plaisent à le raconter les premiers évadés.
Dans les stalags ou en "kommandos" de travail, le candidat à l'évasion doit se
préparer longuement, s'assurer des complicités le cas échéant et un jour, il
tente la grande aventure. Il a des centaines de kilomètres à parcourir, le plus
souvent à pied, pour atteindre la ligne douanière française ou la Suisse. Il n'a
garde d'oublier qu'il se trouve en pays ennemi, que le moindre contrôle risque
de lui être fatal, qu'il lui faut malgré tout survivre... Il y a beaucoup
d'échecs et en cas de reprise c'est pour le moins la bastonnade. Les
récidivistes sont bons, les officiers, pour la forteresse de Colditz, les
sous-officiers et les hommes de troupe pour le camp 325 de Rawa-Ruska en Galicie
(Pologne), région de marécages où règnent de façon endémique typhus et typhoïde.
Les conditions de détention y sont très dures mais le moral reste intact.
On compte une soixantaine de Gersois, forcenés de l'évasion, qui sont passés par
le camp de représailles de Rawa-Ruska.
Il nous est impossible de fixer le nombre de prisonniers originaires du
département et ayant réussi leur évasion depuis l'Allemagne. Il est certainement
très inférieur à 100.
Au plan national, on en dénombre 70 000 dont 33 000 en 1943 et seulement 3000 en
1944. Militaires de carrière ou pas, il se trouve toujours des évadés prêts à
reprendre les armes. Le 18ème régiment d'Infanterie de Pau, unité de l'armée
d'armistice qui a un bataillon à Tarbes et un autre à Aire-sur-Adour, en
compterait 102. On pourrait citer aussi le cas de l'adjudant BOMAIN de
Monferran-Plavès, prisonnier se morfondant dans un camp de la région de Kassel.
C'est la fiancée d'un de ses compagnons d'infortune, Lorraine de Hagondange, qui
nantie de sa bonne connaissance de l'allemand et d'un courage à toute épreuve,
entreprend de les délivrer. Elle y parvient à la 3ème fois, grâce à quelques
complicités. Revêtus de vêtements civils, les évadés font le voyage en train
jusqu'à Hondange, puis un passeur les prend en charge. De cette façon, les deux
hommes, nous sommes en octobre 1943, sont à pied d'oeuvre pour recommencer la
lutte, via les maquis du Corps Franc POMMIES.
Localement, à partir de l'occupation allemande, les prisonniers ne cherchent pas
à se faire connaître par crainte d'être repris. Par une sorte de connivence, les
services administratifs ayant à s'occuper de leur cas les appelle "rapatriés
spéciaux". Les dénonciations malheureusement existent. On connait le cas d'un
habitant de Sarrant, évadé du stalag XII, qui en a été certainement la victime
car le 16 février 1943, la Feldgendarmerie d'Auch procédait à son arrestation.
Sur l'intervention du Préfet régional, il recouvrait néanmoins la liberté. Les
gendarmes allemands reviennent dans la région, à Solomiac, en septembre de la
même année, afin de reprendre Y. A..., soi-disant évadé d'Allemagne.
L'information cependant, n'est pas tout à fait exacte, l'intéressé se trouvant à
la prison militaire de Metz, ville où il a été découvert. Un autre prisonnier de
guerre évadé, revenu à Solomiac début décembre 1943, est à son tour inquiété.
Mais les militaires allemands ne le trouvant pas à son domicile s'en retournent
sans le chercher davantage.
C'est le lieu de signaler l'existence, durant ces années languissantes, d'une
forme nouvelle d'escroquerie qui tend à abuser des familles décidées à payer le
prix pour faire rentrer l'un des leurs des camps d'Allemagne: c'est
l'escroquerie au prisonnier. Elle est le fait d'individus présentant bien, qui
moyennant le versement d'une certaine somme (pour frais...) promettent de faire
revenir un prisonnier de guerre. La gendarmerie de Lombez arrête un de ces
personnages sans scrupules en février 1943 tandis qu'un réseau de Résistance en
capture et en exécute un autre.
Un texte émanant de Vichy a, d'autre part, érigé en délit aggravé le commerce
adultérin avec la femme d'un prisonnier de guerre. Un métayer de
Montaut-les-Créneaux, individu d'ailleurs mal considéré par la population, écope
de ce chef de 5 mois de prison, le 10 décembre 1942. Le fait sera d'ailleurs
largement cité. Les femmes indignes se voient, par ailleurs, retirer les
allocations qu'elles percevaient par l'intermédiaire du bureau militaire de la
Maison du Prisonnier.
En dépit de ces cas malheureux qu'il n'était pas possible de passer sous
silence, les prisonniers et leur famille sont l'objet du pays tout entier d'une
grande sollicitude. Plusieurs organismes officiels s'occupent d'eux, étant
précisé que la protection des prisonniers en Allemagne et les envois collectifs
de denrées et de vêtements ressortent d'un service des prisonniers de guerre à
Paris. Les familles des prisonniers et les prisonniers rapatriés ont à leur
disposition la Maison du Prisonnier, installée d'abord 10, rue Caumont à Auch
qui rassemble tous les services mis à leur disposition dont le service du
reclassement des prisonniers libérés dirigé par L. ANDIGNAC. Elle est aussi un
foyer de Résistance, des membres de son personnel appartenant au M.N.R.P.G.
(Mouvement National de Résistance des prisonniers de guerre). Auprès de la
Maison du Prisonnier, on trouve un centre d'entraide constitué par des
prisonniers rapatriés qui prennent en charge leurs camarades à leur libération.
Il y a le Secours National, installé lui aussi à une époque rue Caumont à Auch,
dont un délégué "prisonniers" suit les familles des captifs ainsi que les
prisonniers rapatriés, leur apportant un soutien moral et matériel. La Légion
Française des Combattants agit de même.
La Croix-Rouge, par l'intermédiaire de son service médico-social prend en charge
les questions médicales et médico-sociales. Elle fournit notamment une aide
matérielle en matière de soins.
Au plan privé existent diverses associations dont le but est de secourir les
prisonniers par l'envoi de colis et elles ne s'en font pas faute. Les captifs
réclament des denrées alimentaires, comme du sucre et du chocolat, pour
améliorer leur pitance mais aussi du tabac et des vêtements, surtout des
lainages. Pour confectionner ces colis, les fonds sont apportés par des
collectes organisées en maintes occasions. Dans les villages, l'instituteur ou
le curé, avec le concours des élites locales, dirigent des troupes de théâtre
amateur. Le plein est fait dans les salles qui ne sont souvent que des granges
fermées. Le bénéfice de la soirée ou de la matinée, va aux oeuvres chargées
d'envoyer des colis aux prisonniers. Une rencontre sportive est également
l'occasion de recueillir des fonds. On signalera enfin la reprise d'une
tradition: "l'aguilhounè" qui consiste pour les jeunes gens à parcourir la
campagne, en période d'Avent, pour recueillir toutes sortes de denrées ainsi que
des dons en espèces.
Si l'année 1945 doit voir le retour des prisonniers, ceux-ci comme leurs
familles en sont à présent sûrs, en raison des progrès des armées alliées, elle
débute cependant mal. Le moral est bas chez les uns et chez les autres, faute de
recevoir de nouvelles. Le courrier ne fonctionne quasiment pas. Plus de colis ou
l'expédition est très aléatoire car les envois butent à la ligne de front qui
ceint le territoire allemand. Les familles, par contre, apprennent par la presse
ou par la radio que certains camps ont subi des bombardements, ce qui les met
dans l'anxiété comme celles qui ont un des leurs retenu dans la partie orientale
de l'Allemagne. De grandes batailles s'y déroulent; l'Armée rouge, après avoir
traversé la Prusse orientale, atteint la Vistule le 1er février. Entre le
rouleau compresseur russe et les combats retardateurs de la Wehrmacht, de
nombreux prisonniers français vont être ballotés. La majorité des Gersois
figurant sur la "liste des prisonniers décédés en captivité" ont effectivement
trouvé la mort sur ce théâtre d'opérations, principalement en mars 1945. Pour
certains dont la trace ne fut jamais retrouvée, les tribunaux de première
instance ont dû rendre un jugement déclaratif de décès.
Recensés à la date du 1er janvier 1945 par la Direction départementale du Gers
des Prisonniers de Guerre, Déportés et Réfugiés (D.D.P.G.D.R.), le nombre des
prisonniers de guerre détenus en Allemagne serait de 4202, sous la réserve
indiquée plus haut, puisque toutes les communes n'ont pas fait connaître leur
chiffre, dont Auch. Malheureusement, les renseignements fournis par les services
concernés, D.D.P.G.D.R. et Maison du Prisonnier, comportent d'importantes
lacunes d'où l'impossibilité de retrouver les 4000 prisonniers dans la
statistique du rapatriement.
Il n'y a pas eu de retour en décembre 1944. En novembre, on n'a signalé que
l'arrivée d'un commerçant de Mirande ayant passé plus d'un an en Roumanie et
d'un propriétaire de Saint-Puy, rentré comme malade à la suite d'un accord entre
les F.F.I. de Haute-Savoie et les Allemands. Les mois de janvier et de février
1945 sont aussi déconcertants; on enregistre en tout et pour tout le retour d'un
travailleur passé en septembre 1944 chez les partisans français en Slovaquie,
grièvement blessé et rapatrié par Moscou.
Une quarantaine de prisonniers arrive en mars. Ils proviennent essentiellement
de Rhénanie: Coblence, Dortmund, Trèves, ayant été libérés par l'avance
américaine. Ce sont des hommes très affaiblis car ils ont vécu plusieurs
semaines cachés pour se protéger des bombardements ou échapper à la surveillance
nazie, mangeant rarement à leur faim. Les médecins qui les examinent ne font pas
toujours preuve de compréhension à leur égard. Il est rare qu'un congé de
convalescence leur soit accordé.
Cependant, la solidarité est grande chez les prisonniers. Ceux qui ont eu la
chance de rentrer, à quelque titre que ce soit, ont hâte d'accueillir leurs
camarades encore en exil. Le 25 novembre 1944, il ont désigné le bureau du
comité départemental de leur association de prisonniers de guerre:
Président: Clément BIAUTE (rapatrié sanitaire en novembre 1942)
Vice-Présidents : BOURGADE, Georges DUCAMIN (rentré en juillet 1944)
Secrétaire: René PELOUSE (rapatrié "vieilles classes" en août 1941)
Trésorier: Gabriel SABATHIER (évadé en avril 1941)
Ils participent aux réunions d'information organisées en divers points du
département par Monsieur BONFILS, directeur départemental des Prisonniers de
Guerre, Déportés et Réfugiés, 7, rue Diderot à Auch et Monsieur NICOLAS,
directeur de la Maison du Prisonnier, 2, rue Dessoles à Auch. Ces conférences
portent essentiellement sur les modalités de l'accueil que l'on réservera aux
rapatriés le moment venu. Ils ont soin en même temps de relever les cas de
détresse qui leur sont signalés dans les foyers des absents.
Il s'est formé également une association de femmes de captifs qui regroupe les
femmes ayant leurs maris, leurs fils ou leurs frères en Allemagne. Elle poursuit
les mêmes buts que l'association des prisonniers. Ensemble, ils animent en
janvier 1945 la "Semaine de l'Absent", initiative nationale au cours de laquelle
des collectes sont faites en diverses occasions: soirées récréatives avec tirage
de tombola ou enchères américaines, quêtes de maisons en maisons avec vente de
timbres spéciaux. Les fonds sont reversés à la Maison du Prisonnier qui les
utilise en secours d'urgence. Plusieurs millions de francs se trouvent dès lors
en sa possession, lui permettant d'agir plus efficacement qu'auparavant.
Début avril 1945, une réunion se tient au siège de la Direction départementale
des Prisonniers de guerre, Déportés et réfugiés, 7, rue Diderot à Auch, aves la
participation des représentants des divers organismes concernés par le retour
des prisonniers et des déportés. Il s'agit, toujours, de recevoir dans les
meilleures conditions possibles la masse des prisonniers dont la venue ne
saurait tarder, étant donné la tournure des évènements militaires. On vient
d'apprendre, en effet, que les services de rapatriement échelonnés de Lyon à la
frontière suisse sont en état d'alerte. Des dizaines de milliers de prisonniers
et de déportés se dirigent d'Allemagne vers la frontière suisse et française. Il
y a peu est arrivé à Marseille le premier contingent important de prisonniers
(1978 hommes), libérés par l'avance russe, en provenance d'Odessa.
A Auch, un hôpital complémentaire de 120 lits a été installé, caserne Lannes
avec à sa tête un médecin-chef. Dès novembre 1944, à la demande du ministre
Henri FRENAY, il avait été recherché dans le département un château susceptible
d'être transformé en maison de repos pour les rapatriés déficients. Le choix
s'était porté sur le château de Larroque près de Gimont, propriété de la société
immobilière de la Croix-Rouge, rue du Général Marchand à Grenoble, idéalement
situé sur le trajet Auch-Toulouse par route et par fer. Mais dans cette
splendide demeure néo-renaissance, pouvant recevoir 120 personnes, est déjà
installée l'école des cadres F.F.I. et l'autorité militaire n'entend pas la
céder. Après de multiples recherches, c'est le château d'Izaute à Caupenne
d'Armagnac, propriété de la société des vêtements Saint Rémy d'Agen, après être
passée par les mains d'un certain VALINOT ou VALLINO, sujet italien, agent
patenté de MUSSOLINI, qui va servir, dans un cadre de qualité, de maison de
repos pour prisonniers et déportés. La municipalité de Nogaro accueille les
premiers arrivants, 4 prisonniers et 2 déportés politiques, de façon très
conviviale, fin mai 1945. Ils seront 32 en juillet 1945.
L'hôtel de Paris à Auch, à 200 mètres de la gare SNCF, est réquisitionné par la
Préfecture pour devenir centre d'accueil et d'hébergement, pouvant à ce dernier
titre servir 300 repas par jour. Des bureaux y sont aménagés afin de renseigner
les arrivants et les aider à accomplir les premières démarches. Un gradé et un
employé du centre de démobilisation sont sur place pour rendre à la vie civile
des centaines d'hommes dont certains ont passé une dizaine d'années sous
l'uniforme.
En outre, une baraque d'accueil provisoire est édifiée dans la cour de la gare.
Dès la descente du train, les rapatriés sont conduits dans ce local où ils
donnent leur nom, celui de leur dernier camp et leur destination. Il leur est
délivré un bon de repas qu'ils prendront à l'hôtel de Paris. Les véhicules du
service emportent les moins valides et font suivre les maigres bagages. Il
s'agit après le passage à l'hôtel de Paris, d'acheminer les rapatriés vers leurs
domiciles respectifs. Cela se fait au moyen de véhicules privés, non sans
grosses difficultés car on manque d'essence et de pneus de rechange. Il n'est
pas possible de compter sur les transports en commun, les lignes d'autobus
desservant le département étant au mieux bi-hebdomadaires. Ici encore la
solidarité "prisonnier" joue à plein. Les associations cantonales vont prendre
le relais du centre d'accueil d'Auch. On signalera le centre d'accueil de
Lectoure qui se charge d'aller chercher les rapatriés soit à Auch, soit à Agen
et de les ramener dans leurs foyers; le centre d'accueil de Condom fait appel
aux automobilistes de passage à Auch ou à Agen pour prendre en charge les
prisonniers de l'arrondissement. Des cantons viennent alors des voitures qui
assurent le transport jusqu'au domicile.
Le dimanche 1er avril, jour de Pâques, 8 prisonniers gersois retrouvent leur
famille. Venant de Toulouse, il sont reçus sur le quai de la gare d'Auch par les
représentants de l'Armée, du Préfet, du Comité départemental de Libération, le
maire A. NUX, les responsables des services chargés des prisonniers, les
délégués des associations, Mademoiselle MAUROUX du C.O.S.O.R. L'ambiance est
toute à la joie et à la fête.
Durant le mois, ce sont 293 rapatriés qui foulent à nouveau le sol gascon dont
33, les 25, 26 et 27 avril. Les stalags VI, VII, IX, XII A, XII F, XIII C, sont
les principaux fournisseurs. Les arrivées vont crescendo. Environ 5000 Français
sont rapatriés chaque jour par avion mais beaucoup arrivent trop tard pour
participer aux élections municipales provisoires qui ont lieu dans toute la
France le dimanche 29 avril 1945. Pour la première fois les femmes votent. C'est
souvent en qualité de femme de prisonnier que certaines ont accepté de figurer
sur les listes des candidats à élire. Il était également possible de voter pour
un prisonnier en instance de rapatriement. Dans l'ensemble du pays, la majorité
revient aux partis de gauche ou aux listes présentées par la Résistance. La
population auscitaine a eu la joie d'accueillir le 30 avril, Georges DAUBEZE, un
des pionniers de la Résistance gersoise, arrêté par les Allemands dans la nuit
du 9 au 10 mars 1944 et heureusement libéré de Buchenwald. Il a été reçu à la
mairie d'Auch par l'ensemble des autorités départementales. Le maire A. NUX se
devait de le féliciter du magnifique succès qu'il avait rencontré la veille aux
élections. Une émouvante "Marseillaise" ponctuait cette réception. Durant le
mois de mai, ce sont 2100 prisonniers de guerre (1) (plus 49 déportés politiques
et 501 requis du S.T.O.) qui sont reçus par le service départemental des
P.G.D.R. Devant cet afflux de rapatriés, il a dû embaucher 33 auxiliaires et 5
contractuels. Des équipes de bénévoles ont été constituées par les associations
de rapatriés pour prêter main forte au personnel administratif. La générosité
publique n'est pas en reste, qui fournit le vin dont les captifs ont été
longtemps privés.
Les chiffres de juin n'apparaissent pas clairement. Le rapport du service
départemental concernant la deuxième quinzaine de juin fait état de 1600
rapatriés (plus 11 déportés politiques et 407 S.T.O.) . Juin toutefois, clôt
l'arrivée des prisonniers libérés par les armées américaines, anglaises et
françaises. Mais beaucoup de familles sont encore sans nouvelles des leurs. On
apprend qu'un certain nombre est en instance de rapatriement à Odessa. De fait,
arrivent en juillet des prisonniers d'origine gersoise ayant transité par la
zone russe. Ils sont peu nombreux à louer leurs libérateurs, se plaignant des
vols dont ils ont été l'objet sur leur personne. A l'arrière, cependant, les
autorités soviétiques semblent être préoccupées d'adoucir leur sort, dans toute
la mesure du possible. Les derniers jours de juillet, la presse donne la liste
de 90 habitants du Gers, prisonniers de guerre et requis du S.T.O. présents en
Russie et en instance de rapatriement. Aussi d'autres prisonniers arrivent-ils
encore mais irrégulièrement, en novembre. Il reste néanmoins un certain
contentieux avec l'U.R.S.S. Il oblige la Maison du Prisonnier qui continue
d'exister pour quelques mois de plus, 2, rue Dessoles à Auch, à faire paraître,
en mars 1946, une mise au point, du reste un peu confuse, du colonel MARQUIE,
chef de la mission française de rapatriement en U.R.S.S., selon laquelle il ne
subsiste plus dans ce pays que des Français malades ou blessés, soignés dans les
hôpitaux. En tout état de cause, le centre d'accueil de l'hôtel de Paris à Auch
est dissous le 1er octobre 1945 et la maison de repos d'Izaute l'est le 15 du
même mois.
(1) Il n'est pas possible de retrouver les 4202 prisonniers signalés supra, du
fait que les rapports concernant les rapatriements sont quelquefois incomplets
et qu'un certain nombre de prisonniers ne sont pas passés par Auch pour
accomplir les formalités du retour.
Le retour des captifs, qu'ils soient prisonniers de guerre, déportés politiques
ou de la Résistance, requis du S.T.O., a donné lieu à d'authentiques transports
de joie. A Samatan, un panneau de forte dimension leur souhaitait la bienvenue
au nom de la population. A Lombez, à l'arrivée du train de Toulouse, une
délégation de la municipalité et du comité de Libération, sans compter les
nombreux habitants, étaient présents pour les recevoir. Il en était de même à la
gare de Monferran-Savès. A Riscle, la société musicale accueillait avec ses
instruments l'un des siens, parmi les premiers libérés par l'avance américaine.
En certains endroits, comme à Solomiac, on a fait sonner les cloches pour saluer
le retour des exilés. A Condom, le sous-préfet Monsieur BELLION, le maire
Monsieur NAPLES, ont réuni pour un vin d'honneur les premiers rapatriés,
présentés par Monsieur MOIZAN, président du centre cantonal d'accueil. Le
représentant de l'Etat, dans son allocution, leur a demandé de conserver l'union
et la solidarité des camps au sein de la patrie retrouvée.
Jusque dans les plus humbles villages, un dimanche de l'été devait être consacré
à la fête du retour, comprenant invariablement une grand-messe, une cérémonie au
monument aux morts, l'allocution du maire ou d'un membre du comité de
libération, un banquet faisant fi exceptionnellement des restrictions et enfin
un bal dont la légalité a été rétablie.
Dans l'ensemble, le rapatriement jusque dans leur foyer de plusieurs milliers de
compatriotes s'est déroulé dans des conditions satisfaisantes, grâce au concours
des autorités administratives, des associations spécialisées, de la population.
Mais toute médaille a son revers. Les rapatriés ont ressenti vivement la pénurie
en effets vestimentaires. A leur arrivée, il leur était remis des points
textiles et des bons accompagnant la carte prioritaire. Mais ceux-ci sont
parfois contestés par les commerçants; ou alors ceux-ci rétorquent qu'ils sont
démunis de marchandises. On a vu, au moment des premiers retours, d'anciens
prisonniers de guerre regagner leur foyer sans pouvoir changer la tenue qu'ils
portaient dans les "kommandos" en Allemagne.
Quand, par la suite, les rapatriés obtiennent le costume gratuit auquel ils ont
droit, la qualité du tissu comme sa confection laissent beaucoup à désirer. D'où
un évident mécontentement chez les intéressés qui vont jusqu'à penser qu'on leur
réserve les lots invendables. En septembre 1945, il reste 4000 demandes non
encore satisfaites. Elle le seront toutefois avant la fin de l'année, les
distributions se faisant dans les chefs-lieux de canton.
La pénurie de chaussures est aussi patente. Tout le pays d'ailleurs en souffre.
Une autre grave lacune apparait: l'impossibilité au moins dans les débuts de
s'équiper en pneus de bicyclette. Les demandes sont pressantes en raison de la
pauvreté des moyens de communication dans le département. Pourtant, la quasi
totalité des enveloppes et chambres à air attribuées sur le plan départemental:
un peu plus de 2000 en juillet 1945, un millier en août, se trouve réservée aux
rapatriés. Il est encore plus difficile d'obtenir une bicyclette neuve: une pour
10 demandes. Les prisonniers qui ont quitté la France au moment où elle était
bien approvisionnée comprennent difficilement cet état de chose. A l'évidence,
ils s'attendaient à leur retour à trouver moins de difficultés. D'autre part,
les formalités qu'on leur demande d'accomplir les exaspèrent. Il sévit enfin le
marché noir, où l'on trouve de tout mais dont ils ne peuvent s'approcher étant
donné les coûts qui s'y pratiquent.
Les agriculteurs, c'est à dire la grande majorité des rapatriés, retrouvent
après cinq ans d'absence, une exploitation sur la voie de la décadence. Il leur
est impossible de se réapprovisionner en outillage ou en matériel. Les
attributions de produits indispensables à l'agriculture, comme les engrais, le
sulfate de cuivre, le soufre sont nettement insuffisantes ou arrivent trop tard.
La ficelle-lieuse reste cause de soucis. Les commerçants sont accusés de vendre
leurs stocks au marché noir, à des prix variant de 1000 à 2000 francs la pelote,
soit au minimum le montant de la prime de libération perçue par les anciens
prisonniers.
La joie du retour est souvent, hélas!, ternie par le mauvais état de santé du
rapatrié. Il est fréquent que les médecins décèlent des cas de tuberculose, des
diabètes, sans compter les troubles dus à la dénutrition, les pertes de poids
étant à peu près générales. Les soins dentaires sont de première nécessité
(caries généralisées). On trouve une forte proportion d'édentés.
Malheureusement, les prothèses dentaires, qui ne paraissent pas avoir été
prévues, vont tarder à venir. Ce n'est qu'en septembre 1945, que le service
médico-social de la Maison du Prisonnier pourra intervenir efficacement. Cet
organisme, affinant sa mission pour des opérations ponctuelles, recrute en
novembre 1945 une assistante sociale ayant en charge les rapatriés tuberculeux.
La découverte de la streptomycine ne peut toutefois avoir raison des
tuberculoses trop avancées.
Les rapatriés malades, en incapacité de travail, bénéficient de l'assistance
médicale temporaire avec une allocation journalière uniforme de 50 francs. Les
salariés, au moment de leur démobilisation ont été tout de suite rétablis dans
leurs droits d'assurés sociaux.
Enfin cinq ans d'absence sont la cause d'infidélités conjugales. Dans les cas
d'inconduite notoire de l'épouse, le service des P.G.D.R. avait été amené à
supprimer l'allocation qui lui était versée. Mais certaines situations étaient
restées cachées et c'est avec une immense douleur que le prisonnier découvre son
foyer détruit: un enfant né pendant la captivité, l'épouse ayant quitté le
domicile conjugal ou vivant en concubinage. Des interventions de parents et amis
ont pu dans certains cas raccomoder les ménages, quand le mari est disposé à
pardonner. Néanmoins, ce sont environ 300 demandes en divorce qui sont formulées
après le grand retour des prisonniers. La Maison du Prisonnier, étant donné la
complexité de la procédure a préféré s'assurer le concours d'un avocat-conseil,
en la personne de Maître RIO. Il s'agit, en effet, d'engager des instances à bon
escient et de faire respecter à tout le moins les droits des rapatriés dans un
domaine aussi délicat.
Les cas d'infortune mis à part, les prisonniers ont hâte de réintégrer la vie
civile et d'être des citoyens à part entière. Le reclassement professionnel des
rapatriés pose peu de questions dans un département agricole comme le Gers quand
la grande majorité d'entre eux viennent de la terre. Ils retrouvent
l'exploitation familiale, même si celle-ci a périclité faute de bras vigoureux.
On observe toutefois qu'un nombre relativement important d'agriculteurs
nouvellement libérés entendent moderniser, ou tout au moins améliorer l'habitat.
Les années passées en exil leur ont permis de découvrir dans les fermes
allemandes un confort qu'ils ne soupçonnaient pas. Malheureusement, l'état de
précarité dont souffre le pays tout entier ne permet pas d'entreprendre même de
petits chantiers. Des tuileries artisanales ont bien recommencé à produire mais
on manque toujours de ciment. Aussi voit-on de petits propriétaires, d'anciens
ouvriers agricoles, attirés par la vie plus confortable des villes, quitter la
terre et postuler un emploi dans le Commerce et l'Industrie, voire dans les
échelons les plus bas de l'Administration.
En fait, la France, épuisée par la guerre et l'occupation, a besoin de tous les
siens. Il lui faut retrouver son équilibre au point de vue démographique,
politique. L'économie est à redresser au plus vite. Rarement tâche a été plus
vaste que celle qui attend les Français.
Avec le retour des prisonniers et autres exilés, la natalité reprend, fortement
encouragée par les gouvernants. On assistera bientôt au "baby-boom". La
découverte de la streptomycine permet d'enrayer de nombreux cas de tuberculose,
maladie qui accablait, on l'a vu, beaucoup de rapatriés. Politiquement, le pays
a besoin de l'assentiment général pour établir des structures solides et non
plus provisoires. Il est appelé à voter le 21 octobre 1945 pour le choix du
régime à venir. Les électeurs se prononceront en faveur d'une nouvelle
constitution à définir par l'assemblée élue le même jour. Au plan économique,
tous les bras sont les bienvenus. La reconstruction doit commencer au plus tôt
mais elle est freinée, comme indiquée plus haut, par la pénurie des matières
premières. L'agriculture repart grâce au retour des prisonniers; elle n'a plus
le sentiment de travailler pour l'ennemi. Peu à peu, les Français remangent à
leur faim. Le relèvement économique est en marche. La terrible épreuve de la
guerre n'a pas interrompu la continuité française.
LA COLLABORATION SOUS L'UNIFORME ALLEMAND
Une minorité de quelques milliers de Français ont combattu aux côtés des
Allemands. Il s'est trouvé, bien entendu des Gersois qui ont endossé l'uniforme
"feldgrau". Leur nombre est faible mais il convenait d'en parler, conformément à
la vérité historique.
Il va sans dire que les sources auprès desquelles un historien peut se
documenter sont des plus minces. Les quelques volontaires qui ont réapparu après
guerre et sont passés devant les Cours de Justice ont fait des déclarations plus
ou moins fantaisistes, ne serait-ce que pour gagner des circonstances
atténuantes. D'autre part, la mémoire populaire n'est pas en mesure de préciser
à quelle organisation favorable à l'Allemagne, tel individu appartenait. On se
souvient seulement qu'il portait l'uniforme de l'occupant.
Le choix, en effet, existait entre la Waffen S.S. et la Légion des Volontaires
Français contre le Bolchévisme ou L.V.F., cette dernière ralliant la majorité
des gens désirant participer à la "croisade contre le communisme". Créée en
1941, après l'entrée en guerre de l'Allemagne contre l'U.R.S.S., elle agira
uniquement sur le front de l'Est.
La L.V.F. a un bureau à Auch, d'abord place aux Herbes, puis 3, rue de la
République. Les secrétaires, appointés, qui s'y sont succédés n'ont pas porté
l'uniforme allemand mais avaient des rapports étroits avec la Milice. Outre leur
travail de recrutement, ils animent l'association des "Amis de la Légion",
comprenant, prétendaient-ils, une soixantaine de membres, abonnés au journal "Le
Combattant européen", imprimé à Berlin. On compte une vingtaine de Gersois
engagés pendant l'année 1943 à la L.V.F. dont 3 officiers. Les motivations des
ces engagés sont diverses. Il y a des "sans travail", des anciens militaires,
des gens qu'attire l'aventure en pays lointain, des déçus de la vie mais aussi
des idéalistes, quand ce n'est pas la famille, franchement collaborationniste,
qui a poussé l'un des siens à s'engager. Nous n'avons trouvé qu'un seul repris
de justice, le nommé V..., qui commettra en outre quelques petits délits au
cours d'une permission à Auch.
Dans le but de susciter des engagements, des conférences sont organisées dans
les meilleures salles du département. La première a lieu le 2 avril 1943 à Auch.
Il y a plus de 400 personnes mais beaucoup de cartes forcées: lycéens,
fonctionnaires. Aucun engagement n'est signalé. Cependant des contacts sont pris
en juillet de la même année avec les militaires démobilisés de l'Armée
d'armistice, à l'instigation du capitaine BRIDOUX. Fils du secrétaire d'Etat à
la guerre du gouvernement de Vichy, le général BRIDOUX, favorable à la
collaboration, il est bien connu des anciens du 2ème Dragons d'Auch puisqu'il
accomplissait son temps de commandement dans ce corps de troupe juste au moment
où les Allemands envahissaient la zone libre, le 11 novembre 1942. Lui-même et
le délégué de la L.V.F. à Toulouse avaient projeté de rencontrer à Auch quelques
uns de ses anciens compagnons d'armes. Mais l'entrevue n'a jamais eu lieu,
BRIDOUX se contentant d'activer les secrétaires départementaux auprès des
militaires démobilisés.
De nouvelles manifestations de propagande, au cours desquelles l'accent est mis
sur le danger bolchévik, ont lieu le 27 janvier 1944 à Auch (cinéma Rex), le 6
mars à Condom, le lendemain à Mirande pour de piètres résultats. A noter le
refus d'un hôtelier de Rabastens (Hautes-Pyrénées) de loger les conférenciers,
de crainte d'un attentat. S'engage dans la L.V.F. en juillet-août1943, le jeune
Georges BERTHOUMIEUX d'Auch, membre du P.P.F. (Parti Populaire Français, fondé
par Jacques DORIOT, pratiquement l'initiateur de la L.V.F.). Mais pour une
raison mal définie, il retourne dans sa famille à Auch avant la fin de l'année
et devient, sous le nom de "Mann René", l'homme de confiance des Allemands qu'il
assiste dans leurs opérations de répression jusqu'à son exécution par la
Résistance en juin 1944.
Les visites d'incorporation qui ont lieu à la caserne Borgnis-Desbordes à
Versailles sont sévères. Aussi de nombreux volontaires sont-ils refoulés. L'âge
également intervient; pour cette raison la candidature d'un officier de
gendarmerie à la retraite dans le Lectourois, quinquagénaire, est refusée, ainsi
que celle d'un ancien officier de marine dans la région d'Eauze. Une fois
accepté, le volontaire reçoit l'uniforme du fantassin de la Wehrmacht et part au
camp de Dempa, situé en pleine forêt de pins à 200 kilomètres au sud de
Varsovie. L'instruction s'y fait à l'allemande, armement et fourniment sont
aussi allemands mais les commandements restent français, ce qui ne va pas sans
causer des difficultés de traduction. L'entrainement terminé, les légionnaires
prêtent serment à HITLER, en présence d'officiers généraux de la Wehrmacht.
Dans le corps de bataille de l'Armée allemande, la L.V.F. devient le régiment
d'infanterie n° 638. Les recrues de 1941 sont engagées par un froid insoutenable
(- 40°) dans le secteur de Djukovo, à 60 kilomètres de Moscou. La L.V.F. a pour
mission de s'emparer de cette localité mais son attaque est stoppée par les
troupes sibériennes qui lui infligent d'importantes pertes. Elle est alors
retirée du front et ses effectifs recomplétés jusqu'à former 3 bataillons.
Désormais, les volontaires français seront employés à l'arrière dans la lutte
contre les partisans soviétiques. Elle mène de durs combats contre les bandes
dans des zones parfois très éloignées les unes des autres: la Bérézina,
Smolensk, Briansk... où elle connaît quelques succès.
Fin 1941 a été tué quelque part en Russie, le capitaine B... officier de la
L.V.F., dont la famille réside à Condom. Deux ans après, le secrétaire
départemental de la L.V.F. s'avise de remettre à la mère du disparu un diplôme
d'honneur signé par le Führer en personne mais elle le refuse au grand regret de
l'état-major allemand d'Auch. Le capitaine BRIDOUX part le 25 octobre 1943 sur
le front de l'Est à la tête d'un contingent de légionnaires qui vont reformer le
1er bataillon du régiment 638. Alors qu'il était question de les renvoyer en
France où vient d'avoir lieu le débarquement du 6 juin 1944, les légionnaires,
d'ordre du commandement allemand, sont maintenus sur le front de l'Est. BRIDOUX
et ses hommes font des prodiges pour s'opposer à l'avance russe. Les pertes sont
sévères et de replis en replis, la L.V.F. se retrouve en août 1944 dans le
corridor de Dantzig où viennent se rassembler également les volontaires français
de la Waffen S.S. Avec des éléments de la Milice arrivés à Sigmaringen, ils
forment la Brigade de la Waffen S.S. "Charlemagne" qui monte au front en février
1945. Promue division, celle-ci tirera ses dernières cartouches dans Berlin
assiégé.
De fait, les engagés gersois de la Waffen S.S. sont principalement d'anciens
miliciens ou francs-gardes de la Milice repliés de France. On en compte 6 mais
il doit y en avoir davantage. Aucune situation d'effectifs ne nous est parvenue.
Il n'y a pas d'historiographes des unités. La moitié des volontaires qui sont
rentrés se sont faits repérer par la sécurité militaire et ont été mis à la
disposition de la justice. Ils seront condamnés à la peine de mort mais celle-ci
sera commuée en travaux forcés desquels ils seront finalement libérés grâce aux
lois d'amnistie. C'est surtout à cause de leur participation, en tant que
francs-gardes, à la lutte contre les maquis en France qu'ils ont encouru la
peine capitale.
Il est aussi difficile de préciser le nombre de Gersois qui furent tués dans les
rangs de la L.V.F. Nous avons cité le cas du capitaine B...; à vrai dire aucun
officier n'est revenu, pas plus que BRIDOUX, promu commandant. Sur la vingtaine
qui a été recensée, on n'est sûr que du retour de 8 volontaires. On sait que
nombre d'anciens membres de la L.V.F. ont souscrit un engagement à partir de
1945 pour l'Indochine, où ils constituaient une unité spéciale, le bataillon des
réprouvés. En effet, la France a encore besoin d'hommes, cette fois-ci pour
combattre dans ses lointaines possessions formant l'Union Française.
TEMOIGNAGES
TEMOIGNAGE DE MONSIEUR MOÏSE BERNADOT
DOMICILIE A SAINT-SAUVY (GERS)
"Le 2 avril 1945, la traversée du Rhin, les tripes nouées. Qu'allions nous
trouver de l'autre côté de la rive, si nous y parvenions? Pour notre unité, tout
se passa sans trop de casse. Puis ce fut la chevauchée, direction Eppingen. Nous
traversâmes une ville dont le nom me sembla bizarre puisque nous étions en
Allemagne: Saint-Léon où se trouvait une manufacture de tabac. Le bombardement
assez sévère de cette ville avait éventré les entrepôts de cigares. Il y en
avait de toutes sortes, du gros au petit format en passant par le moyen, du plus
long au plus court. Les quelques civils qui se hasardaient dans la rue, des
hommes âgés, en faisaient ample provision. Etaient-ils privés de cette denrée?
Leur attitude le laissait croire. Mais nous, les militaires, eurent la
prétention d'être servis les premiers, comme les Allemands le firent en France
quelques années auparavant. Déjà, l'esprit de revanche se faisait sentir.
Toutefois, il y eut assez de cigares pour tout le monde.
Puis nous voilà le 4 avril, je venais d'avoir 20 ans. Toutes les patrouilles
envoyées aux lisières de la ville d'Eppingen rapportaient que celle-ci était
solidement tenue. L'ordre d'attaque parvint au point du jour et dès dix heures,
le poste de secours installé dans une cave était déjà bien garni. La jeep de la
Croix Rouge avait déjà fait pas mal de navettes. Tout à coup, je la vis revenir
avec une femme à son bord, qui criait, se débattait et voulait se jeter à terre.
Les infirmiers la maintenaient. J'ai pensé qu'elle était devenue folle de peur
mais quelques instants après, je compris. Elle accoucha d'un beau bébé au milieu
de nos morts et de nos blessés. Je revois cette jeune maman allemande, fixant
sans mot dire, notre brave médecin ORTHOLAN. J'avais l'impression qu'elle était
malgré tout heureuse que des Français l'ait sauvée ainsi que son enfant.
A côté de celà, la bataille faisait rage. La conduite de certains civils à notre
égard n'était guère convenable, à l'image de ce pharmacien du quartier qui
indiquait à l'armée allemande, les positions françaises. Ceci coûta la vie à
l'équipage d'un char venu nous épauler et qui fut percé d'un coup de panzerfaust.
Stuttgart était encore loin; on nous avait dit que c'était notre objectif et il
le fut! Nous passâmes par Kleingartak, Laberfeld, Aurich, Vaihingen, camp de
déportés mais nous laissions bien des camarades. Dans tous ces villages non
évacués, la population civile ne semblait pas trop mauvaise et pour cause; il
n'y avait plus de jeunes, l'armée allemande reculait et tous étaient affamés.
Nos boules de pain blanc, parfois rassis, faisaient bien des envieux. En échange
de ce pain, les femmes réchauffaient nos boîtes de haricots ou de "singe". Il y
en avait pour tout le monde. Je constatai tout de même, la tristesse de ces gens
là, qui voyaient leur pays occupé et par des Français!... Cette impression me
fut encore plus apparente à Stuttgart. Je connus à cette époque, dans ce qui
restait d'une maison dans laquelle nous étions cantonnés, une jeune fille. Elle
me fit comprendre qu'elle militait dans un groupe de la jeunesse hitlérienne;
elle en était d'ailleurs très fière. Elle me raconta que son fiancé avait péri
en Russie; il était pilote de chasse. Comme je tentais de lui faire comprendre
qu'elle avait dû pleurer sa perte, elle me répondit d'un ton sec "nein", en
ajoutant je ne sais quoi. Je portais toujours mon étoile noire du Corps Franc
Pommies sur la manche et me la montrant du doigt, elle me demanda "Was ist das?"
(qu'est ce que c'est ?) J'en fus très surpris et me voyant un peu embarassé,
elle me dit "égal SS?" Décidément, c'était une pure nazie.
Pendant les moments de loisirs, je parcourais les ruines de Stuttgart; un jour,
j'arrivai devant ce qui ressemblait à un gouffre au milieu des décombres; un
immense escalier de pierre descendait dans une très grande cave où un stock de
gros foudres pleins de vermouth, avait été découvert. Ceux qui étaient arrivés
avant moi, avaient ouvert les robinets et j'assistai à un spectacle écoeurant.
Dans ce local, le liquide coulait à flots; il y en avait plus d'un mètre et les
pauvres civils, tous des vieux, tentaient de recueillir un peu de cette boisson,
tout heureux d'avoir à boire, faute de mieux. Je crois que la ville entière
défila à cet endroit avec des pichets, après nous avoir demandé s'il était
possible d'avoir de ce liquide. Je fus surpris par l'attitude du vaincu qui,
privé de tout, demandait s'il pouvait prendre quelque chose qui se trouvait chez
lui.
Le 13 mai, en tenue de parade, le régiment défila, musique en tête dans les rues
de Stuttgart, en présence du général de LATTRE de TASSIGNY et du général
américain DEVERS. Pas un seul civil. Le 19 mai, nouveau défilé et pas des
moindres, en présence des généraux de GAULLE, de LATTRE de TASSIGNY, de
MONSABERT et GUILLAUME.
Le 6 juin, fête du régiment. Le lendemain, j'appris que le régiment avait eu une
nouvelle citation et la fourragère jaune et verte. Puis, nous apprîmes que les
Américains allaient prendre Stuttgart dans leur zone d'occupation et qu'il nous
fallait déménager dans le Palatinat. Notre unité y occupa un village. La
population civile, moins affamée que dans les villes, acceptaient apparemment
notre présence, jusqu'au jour où un incident se produisit. En effet, notre
camarade BARBAT, équipé d'une moto, allait tous les jours prendre notre courrier
au P.C. du bataillon. Un soir, en rentrant, il fut pris par un filin d'acier
tendu en travers de la route. Il se blessa sérieusement. Le capitaine GOUZY,
ordonna un raid en représailles dans ce qui était un petit "bled" non occupé
mais à population très dense. Je fus surpris par le nombre important de jeunes.
A l'aide de l'un des nôtres, Alsacien-Lorrain, qui tint le rôle de l'interprête,
un rassemblement fut ordonné. Le capitaine signifia que si un tel incident se
renouvelait, il serait amené à prendre de sévères mesures de sécurité. Il y eut
aussi quelques gifles distribuées par quelques excités de notre régiment mais
rien de bien méchant. GOUZY, en fait, fit mine de n'avoir rien vu. Ainsi, le
calme fut rétabli.
Je fus tout de même impressionné par les plus jeunes, 10-12 ans, qui jouaient à
la petite guerre en confectionnant des abris de branchages avec des ouvertures
de guet et ne cessant de nous narguer avec leurs fusils de bois. On sentait un
mauvais esprit inculqué à ces gamins.
Un autre souvenir de cette vie d'occupation concerne une fille qui était venue
un jour, rendre visite à l'un des nôtres et ce n'était pas la première fois.
Surprise par sa mère, la fille n'osa pas lui avouer qu'elle était consentante.
Les deux femmes allèrent voir le capitaine pour se plaindre. Le capitaine
ordonna alors le rassemblement de la compagnie, nous sermonna et pour terminer
nous fit faire l'exercice avec le sac à dos au complet. Nous ne revîmes jamais
les deux plaignantes.
Fin août, après des préparatifs et contrôles de santé (vaccination contre le
typhus), nous prenons la direction de Berlin par la route. Que de lièvres
avons-nous vus dans les vastes plaines allemandes. Mais si nous étions contents
de partir dans la capitale, personnellement, j'allais vite déchanter. La ville
était entièrement démolie et une odeur de cadavre se dégageait de ces amas de
toutes sortes sur lesquels s'acharnaient des gens venus pour déblayer. Une
véritable horreur! Ici, on ne s'était pas fait de cadeaux. Enfin, nous arrivâmes
à destination, caserne NAPOLEON. Il faisait une chaleur à crever. Installation
rapide, car bientôt, nous devions, paraît-il, défiler. Je me demandais où nous
allions pouvoir défiler dans de telles ruines. Mais ce fut je pense, le 7
septembre, que le 49ème R.I. participa à la prise d'armes de la Victoire. Puis
le colonel POMMIES, affecté à un autre commandement, nous fit ses adieux.
Ensuite, nous nous installâmes dans notre zone d'occupation à Berlin. Je me
souviens qu'au début, il fallait traverser un triangle de zone russe, pour
accéder à divers postes. Tous les jours, il se produisait des incidents. C'était
devenu un calvaire et la peur s'était installée dans nos rangs. La troupe russe
était à la limite de la folie, constamment ivre, sans aucune retenue ni respect.
J'en ai eu vite assez, en pensant que je pouvais y laisser la peau alors que la
guerre était finie. Les agissements que j'ai pu voir sont difficiles à décrire,
tellement c'était presque honteux.
Puis l'hiver s'installa, le mercure descendit à - 30°, avec verglas et neige
dont la hauteur atteignit les appuis des fenêtres. Le ravitaillement en vivres
se mit en place avec quelques difficultés mais rien de bien grave. Bien plus
mauvais était le sort des civils, qui survécurent pour la plupart grâce à nous.
Je les ai vus manger des patates gelées. Ces pauvres vieux, des jeunes, il n'y
en avait plus, glanaient tout ce qui se présentait à eux et nous adressaient des
remerciements qui n'en finissaient plus, quand on leur donnait des boîtes de
corned-beef. L'hiver a été terrible pour les civils et il ne se passait pas de
jour sans que l'on assiste à un enterrement. Je suis resté dans cette capitale
maudite jusqu'au 1er janvier 1946 et lorsque ce jour-là, on m'annonça mon
départ, je serais parti par n'importe quel moyen, plutôt que de rester un jour
de plus.
Que de tristesses en une année sur le sol allemand, que de misères ici ou
d'arrogance là, suivant les régions. Comme partout ailleurs, le peuple allemand
était loin de voir la réalité de la même façon et jusqu'au dernier souffle, les
fanatiques ont tenu bon."
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EXTRAITS DU TEMOIGNAGE DE MONSIEUR EMILE DISON
DOMICILIE A L'ISLE-DE-NOE (GERS)
"En 1937, je souscris un engagement de quatre ans pour servir en Extrême-Orient
(Indochine). En octobre, j'embarque à bord du "Cap-Saint-Jacques". Après trente
cinq jours de voyage en mer et d'escales, je découvre les côtes de Cochinchine
et d'Annam avant de débarquer à Haïphong. Dirigé sur la citadelle de Hanoï, je
suis affecté à la 6ème compagnie du 9ème régiment d'Infanterie Coloniale (R.I.C.).
Après six mois d'instruction, je suis désigné pour servir au poste de Chapa
situé près de la frontière chinoise. Mon unité comprend de nombreux tirailleurs
autochtones; la mission principale de ma compagnie est le renforcement des
défenses fixes: patrouilles sur la frontière de Chine, liaisons avec les petits
postes et surtout poursuite des bandes de trafiquants et de pillards qui
infestent les confins. Après quinze mois passés dans ce magnifique poste, je
suis envoyé à Tong, vaste centre-école des garnisons, pour suivre le peloton de
caporal. Six mois après et un court passage à Hanoï, je rejoins Chapa. C'est là
que parviennent, à la poignée de Français que nous sommes, les désastreuses
nouvelles de la métropole.
En mai 1940, la déroute de nos armées est connue. Du fait de cette circonstance,
le général CATROUX est obligé de céder aux premières exigences de Tokyo et
d'accepter ses conditions, à savoir: la fermeture de la frontière
sino-indochinoise et son contrôle par une mission militaire japonaise. A la
suite de ces évènements, nous apprenons que le général CATROUX est remplacé par
l'amiral DECOUX. Mais il subit les mêmes pressions et le 2 août 1940, le Japon
lui demande le droit de faire passer ses troupes à travers le Tonkin et la mise
à leur disposition des aérodromes du nord du territoire indochinois. Après de
dures discussions, un accord est conclu le 30 août, qui prévoit qu'en échange de
l'acceptation de la demande japonaise, Tokyo reconnaisse et respecte les droits
de la France en Extrême-Orient. Mais je me rends vite compte de la valeur des
engagements du Japon, quand le 22 septembre 1940, malgré l'accord, l'armée
japonaise attaque nos garnisons de la province de Langson. Bien que moins
nombreuses que l'agresseur, nos troupes combattent durement mais ne peuvent
l'empêcher d'encercler Langson. La puissance française étant bafouée, le Siam
(aujourd'hui Thaïlande) fait connaître ses ambitions. Soutenu par le Japon, il
réclame une partie des rives laotiennes et cambodgiennes du Mékong puis nous
attaque le 7 janvier 1941. Mon bataillon de marche est dirigé sur la Cochinchine
et renforcé d'éléments du 11ème R.I.C. Au sein de mon unité, je participe à une
série d'escarmouches le long du fleuve sans que nous remportions de succès
décisifs. La victoire navale française du 17 janvier 1941, au cours de laquelle,
grâce notamment au croiseur "Lamotte-Picquet", la flotte française détruit la
flotte siamoise, met les Thaïs en difficulté. Cependant, la pression des
Japonais nous obligera à leur céder quelques provinces. Après la fin de ces
tragiques évènements, je retourne avec mon bataillon au Tonkin.
En juillet 1941, à la suite d'un accord précédé par leurs habituelles pressions,
les Japonais stationnent dans toute l'Indochine mais y reconnaissent l'autorité
de la France. Toutefois, on sent bien que de 1942 à 1945, nombreux sont les
Français qui organisent la résistance: renseignements aux Alliés, renforcement
des défenses, filières d'évasion. Comme tous mes compatriotes, j'observe que les
Japonais travaillent à détruire le prestige de l'homme blanc et permettent au
parti révolutionnaire indochinois de faire de la propagande auprès des
populations.
En 1944, je suis muté au groupement du 2ème T.M. à Cao-bang et affecté comme
sous-officier adjoint au lieutenant GOUPIL, commandant le poste de Dong-Khe
situé sur la R.C. 4. Mes principales occupations sont l'entretien du camp et les
patrouilles de maintien de l'ordre contre les pirates chinois.
Fin 1944 et début 1945, le Japon commence à subir des revers dans les régions
qu'il a conquises. Il décide alors de frapper un coup très dur sur nos troupes
en Indochine. C'est l'affaire du 9 mars 1945. Attaquées par traitrise, nos
garnisons résistent héroïquement et ne tombent qu'à bout de munitions. C'est
alors la ruée japonaise horrible et sauvage. Après le massacre de la garnison de
Langson, le commandant du 2ème territoire (Cao-bang) donne l'ordre à tous nos
postes de se regrouper et d'organiser la résistance contre l'ennemi. Mon
lieutenant me demande de me porter sur la frontière chinoise pour renforcer un
poste de partisans et échapper à l'encerclement. J'ai reçu l'ordre d'installer
deux mitrailleuses sur un piton surplombant le poste et de stopper la
progression ennemie. Un bataillon japonais s'est déployé en quelques minutes,
les clairons sonnent, les sections courent au rythme des ordres hurlés; les
premières vagues nippones cherchent à nous couper la retraite. Un avion de
chasse nous survole à basse altitude, apparemmment sans nous voir. Mon
détachement mobile se replie dans les rochers. Après seize heures de combats
retardateurs, le capitaine BEAUDENON décide que nous devrons nous regrouper sur
Phuc-Hoa à la tombée de la nuit. Ma section occupe au sud du village une colline
qui lui permet d'interdire la piste conduisant vers Cao-Bang. La journée du 12
mars se passe en accrochages de détail autour de Phuc-hoa tandis que le gros des
troupes nippones est surtout occupé à piller et à brûler les quatre villages qui
jalonnent la vallée entre Talung et Quang-Uyen. Le 13 mars au matin, nous
reprenons le combat retardateur sur les pentes boisées du col de San-Xuyen,
passage obligé; il faut dire que le terrain est sévère et particulièrement
favorable à notre défense. Le 14 mars notre compagnie s'organise afin de
pratiquer la guerrilla mais le commandement envisage les choses autrement et
donne l'ordre de repli immmédiat vers l'ouest. Dans un décor réputé comme étant
l'un des plus hostiles de la péninsule, les énergies s'épuisent. Le repli en
Chine devient inévitable d'autant que les tirailleurs et les partisans dont la
conduite fut irréprochable, commencent à se décourager. Les bandes de pirates
chinois et le Viet-Minh n'hésitent plus à attaquer nos colonnes égarées pour
prendre leurs armes. L'existence de bandes armées engagées directement au côté
des "Japs" est d'ailleurs connue depuis le 9 mars. Le 13 avril ma section est
attaquée par une bande armée. Le lieutenant GOUPIL et deux tirailleurs sont
grièvement blessés. Etant son adjoint, j'ai réagi vivement et donné les ordres
nécessaires pour dégager la section et ramener mon lieutenant et les tirailleurs
blessés. Malgré toutes les difficultés: nourriture, tenue, munitions, mon
groupement se maintiendra jusqu'au 30 mai sur le territoire indochinois. Ce jour
là seulement et sur ordre, mon groupement se résigne à gagner la Chine où nous
attendent les émissaires de la D.G.E.R.R. et de l'O.S.S. Une nouvelle aventure
m'est offerte et seul cent vingt "marsouins" et tirailleurs sont volontaires
pour suivre le capitaine BEAUDENON. En accord avec le commandement français, l'O.S.S.
propose de former des commandos pour des actions derrière les lignes japonaises.
Mes camarades et moi sommes regroupés à Tsin-Si, armés et habillés à
l'américaine. Nos instructeurs sont pour la plupart Américains ou Canadiens.
Après l'explosion de la bombe atomique début août 1945 et à compter du 18 août,
le commando BEAUDENON est rendu aux forces françaises et réclamé par la mission
française de Jean SAINTENY à Kun-Ming. Notre capitaine BEAUDENON est chargé de
mettre sur pied un commando action. Je fais partie des vingt cinq hommes qui
acceptent de suivre leur chef. C'est par les airs que mes camarades et moi
allons de Kun-Ming à Ceylan, en passant par Calcutta, Chandernagor et
Trincomallee. Mon Commando revient en Indochine et est rattaché au commando
PONCHARDIER. Au sein de ce commando, je sillonnerai le delta du Mékong en
Cochinchine, l'immense plaine des joncs et nous libérerons Mytho, Vinh-Long,
Cantho.
Ainsi, du 9 mars 1945 au 26 août 1946, date de mon rapatriement, j'ai participé
à toutes les opérations en Indochine, ce qui me valut trois citations et la
croix de guerre. Mais malgré la dureté des combats, je garde surtout au fond de
moi le souvenir de ce pays magnifique et de ses peuples si accueillants et
généreux."
EXTRAITS DU TEMOIGNAGE DE MONSIEUR HENRY DAIGNAN
DOMICILIE A AUCH (GERS)
"Je me suis engagé le 18 juin 1942 (une date mémorable mais à l'époque l'appel
célèbre du 18 juin m'était inconnu), à la gendarmerie d'Auch au 24ème régiment
d'Artillerie d'Afrique (R.A.A.) à Meknès (Maroc). Pourquoi hors de la Métropole
? La réponse, je la tenais du colonel SCHLESSER qui commandait le 2ème régiment
de Dragons à Auch. Je faisais partie en 1941-1942 de l'Escadron ESPAGNE où les
jeunes auscitains apprenaient à monter à cheval. Un jour, le colonel
s'entretenant familièrement avec nous, nous avait franchement dit que notre
place de jeunes Français était en Afrique du Nord. Ma voie était donc tracée :
je quittais mes parents laitiers à la Caillaouère pour le quartier COMPANS à
Toulouse. Mais là, comme d'autres engagés, je m'entendais dire qu'il n'y avait
plus de départs pour le 24ème R.A.A. Par contre, je pouvais opter pour la
Coloniale, à la condition d'en prendre pour un an de plus, ce que je fis.
Ensuite, on m'envoya dans un dépôt à Nîmes. Courant août, j'embarquais à
Marseille non sans avoir subi les contrôles de la commission d'armistice (2
engagés furent retenus et fusillés, parait-il, pour avoir commis des attentats
contre l'Armée allemande).
Traversée sans histoire, courte escale à Alger ; au passage de Gibraltar, on
nous fit descendre dans les cales car il ne devait y avoir personne sur le pont.
Débarquement à Casablanca, envoyé au camp de Médiouna où se trouvait le régiment
d'Artillerie Coloniale du Levant (R.A.C.L.), mon corps d'affectation. Survint le
débarquement anglo-américain le 8 novembre 1942. J'étais alors de garde aux
"Municipaux", la mairie de Casa, place Maréchal LYAUTEY ; je pus tout à loisir
assister au pilonnage du port par la marine américaine et c'est à mon poste que
je fus fait prisonnier par les G.I. J'ai surtout retenu d'eux le fou-rire qui
les prit à la vue de l'arme que j'avais dans les mains : un fusil Lebel qui
avait sans doute fait l'autre guerre, emmanché d'une énorme baïonnette capable
d'embrocher deux hommes à la fois. Ils me le confisquèrent à titre de souvenir
sans doute, puis ne s'occupèrent plus de moi.
Les choses sérieuses reprirent peu après. Avec d'autres recrues je me retrouvais
au camp de la Jonquière, toujours à Casablanca. D'une certaine façon, les
Américains nous avait pris en main. Bon nombre de copains furent employés à Anfa
aux ateliers de montage de véhicules américains : jeeps, doodges 4x4, arrivant
des USA dans de lourdes caisses.
Pour ma part, j'étais magasinier au garage du camp. J'assurais également, à la
demande, le transport des officiers et des personnalités, parmi lesquelles il y
eut Son Excellence l'ambassadeur PEYROUTON. J'avais obtenu mon permis de
conduire à 16 ans et cela me rendait service.
Les différents groupes du R.A.C.L. furent fondus dans le R.A.C.M. (régiment
d'Artillerie Coloniale du Maroc) qui devint une unité de premier ordre, équipée
de 105 longs américains. Les canons étaient tractés par des G.M.C. de 120
chevaux.
Le 28 octobre 1943, le R.A.C.M. gagnait l'Algérie, pour y subir l'entraînement
dans de grands camps. Déjà se constituait la 9ème Division d'Infanterie
Coloniale (D.I.C.). Sous le commandement du général MAGNAN elle participa à la
conquête de l'Ile d'Elbe du 17 au 19 juin 1944. Faisant partie de la deuxième
vague d'assaut et vu les succès de la première, je ne fus pas réellement engagé
dans cette affaire.
Nos forces revinrent en Corse, d'où elles étaient parties. Dans l'île de Beauté,
il n'y eut plus que des exercices d'entraînement en vue du débarquement en
Provence. C'est ainsi que le 21 août 1944, mon régiment débarquait à
Sainte-Maxime (Var) d'ailleurs déjà libérée. Sa mission consistait à contourner
Toulon par Sollies-Pont pour prendre à revers les forts qui défendaient la
ville. Un nouveau mouvement nous faisait revenir sur Toulon par Ollioules. C'est
de là que notre artillerie tirait notamment sur les batteries de Saint-Mandrier
qui subirent notre feu 4 jours durant.
Nos pertes étaient insignifiantes. Il n'en était pas de même chez nos pauvres
tirailleurs sénégalais, attaquant parfois au lance-flammes.
La population de Toulon nous fit un accueil délirant, comme il se doit à des
libérateurs. Mais le 3 août, nous reprenions la route des Alpes, la fameuse
route Napoléon, passant par Grenoble, où les combats avaient cessé, près
d'Annecy et des Glières dont nous ne connaissions pas les héroïques combats du
maquis au mois de mars 1944.
Plus rien ne semblait pouvoir arrêter les chauffeurs de G.M.C. dont j'étais
(transport de munitions)... sauf le manque d'essence qui nous stoppa net, après
avoir traversé les départements de l'Ain et du Jura, juste après Pontarlier. Un
camion G.M.C. consomme sur route entre 25 et 30 litres d'essence aux 100 km. En
opérations ou en terrain difficile comme la montagne -et nous n'avions fait que
ça- il faut compter sur une consommation de 80 litres environ. Les jerrycans que
nous transportions ne purent suffire. Mon G.M.C. dut attendre les ravitailleurs
en essence avant de pouvoir reprendre sa progression dans l'unité.
Nous allions, dès lors, participer à la bataille de Belfort. Je fus témoin, car
il passa à Maîche, de la visite de Winston CHURCHILL à la 1ère Armée Française
la veille de la grande offensive et dont le général de LATTRE de TASSIGNY ne lui
souffla mot. Nous nous trouvions dans le Haut-Doubs, sur les coteaux de Maîche.
Puis, nous avons avancé jusqu'aux abords de Pont-de-Roide, changeant fréquemment
de position, suivant la demande que nous en faisait la division pour appuyer son
action. Du reste, le front était loin d'être stabilisé. Les Allemands occupaient
les usines de Sochaux, mais non la totalité des établissements de fabrication,
disséminés autour de Montbéliard. Avec 4 hommes, je fus envoyé à l'antenne de
Peugeot de Valentigney pour y récupérer de l'acier de Norvège, de qualité
spéciale, que les Allemands n'avaient pas eu le temps d'emporter. Je revois
toujours l'endroit : nous avions la montagne en face, à 2 km de nous, dans
laquelle était dissimulée l'artillerie ennemie. Elle ne se fit pas faute de nous
tirer dessus quand le camion fut aperçu dans l'allée de l'usine. Alors, j'ai
fait louvoyer mon G.M.C. d'un bâtiment à l'autre et de cette façon nous avons pu
éviter les tirs et charger les quelques 7 tonnes de précieux acier.
Belfort tomba le 20 novembre. La division se porta aux environs de Mulhouse. Le
R.A.C.M. se trouvait au Nord, à Ruelisheim et y resta 8 ou 10 jours, toujours en
appui d'artillerie. Puis nous avons dû nous replier, comme d'ailleurs toute la
division, laissant du champ entre les Allemands et nous.
Je crois que c'est à ce moment-là que nous avons eu 4 tués dans un village où
les Allemands avaient pris le clocher pour cible, le considérant comme un
observatoire de choix. Dans l'église, à la sacristie était installée
l'infirmerie. Une bordée, lâchée par les Allemands, tua les occupants dont le
médecin.
Je me souviens aussi de la nuit de Noël qui fut très calme. Nous étions alors à
Ruelisheim. Les tirs adverses ne reprirent que le lendemain matin.
A propos de la bataille pour Mulhouse, il convient de signaler l'enjeu important
que représentaient les mines de potasse, lesquelles devaient être prises
intactes. Pour la première fois, nous avons utilisé des obus dont j'ai oublié le
nom et qui avaient la particularité d'éclater à 5 mètres du sol. Ils firent des
ravages considérables chez l'ennemi. Des Allemands s'étaient planqués dans des
gravières. Après avoir subi nos bombardements, le sol était jonché de cadavres.
L'hiver fut exceptionnellement dur cette année-là. Il avait fallu se défaire de
nos vaillants tirailleurs noirs. Il furent remplacés, pratiquement au pied levé
par des maquisards venus de Lomont ou des engagements individuels, des gens de
tout âge.
Lorsque la poche de Colmar fut liquidée, les premiers jours de février 1945, on
nous envoya à Erstein, au sud de Strasbourg. Nous y restâmes 3 semaines au
repos. Un nouveau mouvement nous conduisait à Haguenau. Nous avons relevé les
Américains qui tenaient entre autres l'usine hydraulique. J'ai toujours en
mémoire un épisode des plus tragiques de la guerre dont on a peu parlé. Une
cinquantaine environ de chars américains étaient parqués dans un petit espace à
côté du déversoir. La nuit, les Américains décidèrent d'aller faire la fête à
Haguenau. Mal leur en prit car dans la nuit un commando allemand se répandit
dans le dépôt, décrocha les mines pendues aux chars pour les placer sous les
chenilles. Quand le matin à 5 heures, ils furent mis en route tous sautèrent,
tuant beaucoup de monde. Nous arrivâmes peut-être une semaine après et notre
premier travail fut d'enfouir les cadavres déjà tout noirs.
Du reste, les Allemands se montraient très agressifs dans ce secteur. Leurs
patrouilles se traduisaient toujours par des pertes chez nous. Elles venaient de
l'autre côté du Rhin, par groupes d'une dizaine d'hommes. Elles prenaient
toujours soin d'opérer une diversion avant d'attaquer le point principal. Comme
nous n'étions pas très nombreux pour occuper le terrain, les infiltrations de
l'ennemi étaient difficiles à empêcher.
Il y a dans ma vie une autre date mémorable, c'est le 29 mars 1945. Ce jour-là
j'entrais dans ma 21ème année, jour aussi où nous sommes entrés en Allemagne.
Pour ma part, j'ai traversé le Rhin à Mannheim, beaucoup plus au nord de Spire,
où un autre pont de bateaux permettait de faire passer le matériel lourd comme
mon G.M.C. chargé de munitions pour l'infanterie.
La 9ème D.I.C., commandée alors par le général VALLUY, s'est battue à Karlsruhe,
a conquis le Pays de Bade, atteint Fribourg au pied de la Forêt-Noire. Puis
contournant le massif par le Sud, nous ne nous trouvions pas très loin de
Constance quand l'armistice du 8 mai 1945 mettait fin à la guerre. Mais nous ne
l'avons su que deux jours après... "
EXTRAITS DU TEMOIGNAGE DE MONSIEUR AURELIEN CARRERE
DOMICILIE A MONTREAL (GERS)
"Après avoir participé à la libération du Gers et de Toulouse, la demi-brigade
de l'Armagnac dont je fais partie est dirigée sur Bordeaux. Après être restés
trois semaines ou un mois à l'école de santé navale, nous sommes dirigés vers la
"poche" de Royan-Oléron où se sont réfugiés les derniers Allemands de la région.
Commandée par le capitaine VINCENT, notre compagnie arrive à Beurlay début
octobre, en troisième ligne. Loin de l'ennemi, nos officiers nous soumettent à
un entraînement défensif et offensif et mettent en place des postes avec
mitrailleurs et voltigeurs. Cela me rappela ce que j'avais entendu raconter par
mon père qui avait fait la guerre de 1914 -1918. Au mois de novembre, nous
sommes déplacés en 2ème ligne sur la route de Saujon-Marennes; nous nous
installons à la ferme de La Pré. L'endroit est plus dangereux et nous devons
construire des postes défensifs capables de nous protéger des tirs d'artillerie
que nous subissons assez souvent. Au village le plus proche, Les Touches, à 1
kilomètre, un obus fait un mort et un blessé dans notre compagnie. Vers la fin
novembre, des ordres sont donnés pour que chacun signe un engagement pour la
durée de la guerre ; nous avons la possibilité, si nous ne nous engageons pas,
de rentrer chez nous. Il en résultera des départs importants puisque d'une
compagnie, il ne restera plus qu'une section commandée par le lieutenant
BILLERES, ancien de 1914-1918, qui ne voulut pas nous abandonner. Il se
comportera d'ailleurs avec nous comme un père de famille. A partir de ce moment,
notre unité devient le 158ème régiment d'infanterie, formation qui avant la
guerre était cantonné à Strasbourg. Nous passons alors à la 4ème compagnie,
commandée par le capitaine MARCEAU. Après une période de repos à
Sainte-Radegonde, nous montons en première ligne à Nieulle-sur-Seudre. Là,
l'ennemi n'est plus très loin. Des patrouilles sont organisées dans les marais
sur les bords de la Seudre. Le moindre bruit dans l'eau nous fait sursauter bien
qu'il ne s'agisse souvent que d'un canard ou d'un héron. Je garde le souvenir
d'un hiver très froid et des difficultés que nous avons eues à nous réchauffer
lors d'une nuit de garde dans une cabane d'ostréiculteur.
Puis vient le mois d'avril; nous sommes à la veille du débarquement à La
Tremblade. On nous fait faire des manoeuvres d'embarquement sur des barques de
pêcheurs. Un jour, l'entraînement fut très perturbé par une salve d'artillerie
tirée de l'île d'Oléron qui nous obligea à quitter les lieux. Le 16 avril, nous
partons de très bonne heure prendre position sur le bord du canal de la Seudre
pour embarquer. Dans la nuit, alors que nous attendons, des tirs de l'artillerie
française sont tout à coup déclenchés sur la Tremblade et sur sa région. Les
obus passent au dessus de nous faisant un bruit infernal. Le jour que nous
attendons est enfin arrivé. Les corps francs ayant déjà débarqué, les
embarcations viennent nous chercher. Un des marins chargé de nous conduire à
destination nous dit:" Je ramène un mort". Nous avons un peu froid dans le dos
mais nous embarquons tout de même sur un ensemble de quatre barques avec au
centre, un petit remorqueur. Le plus dur reste à faire mais notre forte
motivation parvient à dominer la peur. Pour nous, la traversée se fait sans
dégât malgré les tirs de l'artillerie allemande venant de l'île d'Oléron. Les
obus tombent dans l'eau provoquant de gros bouillonnements. J'avoue franchement
qu'il me tarde de mettre pied à terre car je ne sais pas nager comme beaucoup de
mes camarades. Arrivés à terre au Mus-du-Loup, un véritable champ de mines nous
attend. Nous devons suivre les démineurs qui nous font progresser très
lentement. Les Allemands ayant rectifié le tir, la compagnie débarquant derrière
nous sur la plage, est touchée par les obus. J'en garde un souvenir horrible; on
entendait les hommes crier; ils sautaient sur des mines et je revois encore les
corps projetés en l'air. Il y a eu de nombreux morts dont le commandant CELERIER,
le lieutenant NICOLAS et plusieurs hommes. Par la suite, nous réaliserons la
jonction avec les chars de l'Armée américaine venant de Royan.
Le lendemain, nous devons "nettoyer" la forêt de La Coubre; dure journée dans
les dunes où nous nous déplaçons en évitant les mines. Après cette opération,
nous sommes envoyés au repos à La Tremblade. Logés au bord de la route, nous
sommes réveillés dans la nuit du 30 avril au 1er mai par le passage incessant
des camions; nous nous rendons bien compte qu'il va se passer quelque chose;
tout à coup, le bruit assourdissant des canons se fait entendre. Il n'y a plus
de doute, le débarquement sur l'île d'Oléron se prépare. Un gradé vient alors
nous chercher et nous dit: "Allez les gars, le 3ème bataillon a débarqué sur
l'île, il faut y aller!" Au petit matin, nous partons pour l'embarcadère de La
Tremblade où nous assistons au va-et-vient des camions amphibies transportant
les hommes et des embarcations chargées de chenillettes. Embarquée sur un bâteau
de pêche, notre compagnie arrive enfin à Saint-Trojan. Nous prenons alors la
direction du Château d'Oléron. Nous passons la nuit du 1er mai dehors alors
qu'il fait très froid; je me souviens avoir passé une partie de la nuit à
creuser dans le sable pour me mettre à l'abri du vent; le lendemain, tout était
gelé. Dans la journée, au cours des opérations, nous faisons 17 prisonniers. Le
soir notre mission est terminée.
Pour nous, la guerre est finie; nous repartons à Sainte-Radegonde et c'est là
que nous apprenons la signature de l'armistice. A cette occasion, un petit
conflit va nous opposer au carillonneur de la commune qui n'étant pas au courant
de la capitulation de l'Allemagne, refuse de nous donner les clés de l'église
pour faire retentir les cloches de la victoire. Nous décidons de prendre une
échelle et malgré un essaim d'abeilles, nous faisons sonner les cloches de
l'église en passant par le toit.
Plus tard, je partirai pour la Vendée où je serai démobilisé au mois d'octobre
avec certains de mes camarades, tandis que le reste du régiment partira en
occupation à Berlin.
Je sais que je n'oublierai jamais cette partie de ma vie."