MARCEL LAFITAN
Sur la plaque commémorative est inscrit :
" A la mémoire de Marcel Lafitan, instituteur, capitaine de l'Armée Secrète,
arrêté ici le 28 juin 1944, déporté à Buchenwald et assassiné par les Allemands
le 9 avril 1945 ".
Contexte historique
Né le 21 juin 1898 à Villandraut (Gironde), Marcel Lafitan exerce la profession
d'instituteur depuis 1937 à l'Ecole communale de Garçons de Versailles, au 58
boulevard de la Reine. Marié et père de cinq enfants, il est très bien noté par
son administration. En 1943, il devient chef du groupe Libération-Nord de
Versailles avec le pseudonyme de « Capitaine Maison ». Il prend ses consignes à
Paris pour les transmettre aux différents chefs de la région. Possédant un
matériel complet pour la réalisation de faux papiers, il vient en aide aux
réfractaires, résistants ou évadés. Il est également en liaison constante avec
le personnel de l'Inspection du Travail à Versailles.
Début juillet 1944, le groupe est décimé par de nombreuses arrestations à la
suite d'une réunion clandestine tenue à l'Auberge du Cheval Rouge à Versailles.
Lafitan est appréhendé sur son lieu de travail le 28 juin 1944 par la
Feldgendarmerie et déporté à Buchenwald le 17 août 1944. Il a disparu sans
laisser de traces le 9 avril 1945 pendant le déplacement des déportés valides
vers un autre camp.
Marcel Lafitan a été homologué au grade de capitaine FFI à titre posthume. (1)
Le groupe Libération-Nord de Versailles
Le noyau du groupe Libé-Nord de Versailles se trouvait aux Halles. Son chef
était Marcel Lafitan, un instituteur, qui était rentré dans la Résistance en
1941 sans aucun contact avec un groupe. Fin 1943, Marcel Lafitan devient chef du
groupe militaire de Libération-Nord pour la région de Versailles. Parmi les
membres de ce groupe figurent M. Bernos, directeur du service départemental de
la défense passive ; Jean Delorme, chef de bureau à la préfecture de
Seine-et-Oise et Louis Bascan de Viroflay, âgé de 74 ans en 1943 au moment où il
est entré à Libération-Nord. Le responsable départemental du mouvement est André
Kleinpeter. Le supérieur hiérarchique de Marcel Lafitan est Jean Pélissier,
responsable des secteurs Nord et Nord-Ouest de la Seine-et-Oise pour Libé-Nord
et qui deviendra par la suite commandant FFI de Seine-et-Oise Sud.
Ce groupe avait une activité qui s'étendait de Versailles à Rambouillet,
Chevreuse, Crespières, Saint-Nom-la-Bretèche et Houdan. Les consignes que Marcel
Lafitan allait lui-même prendre au PC à Paris étaient communiquées aux chefs de
groupe qui les exécutaient et rendaient compte ensuite du résultat à Lafitan en
personne. Ces activités étaient nombreuses et diverses : renseignements à
fournir rapidement (exemple : résultat d'un bombardement à transmettre pour que
ledit résultat fut connu à Alger quelques heures après). Dans d'autres cas, ces
renseignements demandaient plusieurs jours avant d'être recueillis (recensement
des lignes téléphoniques utilisées par les Allemands dans la région et que le
groupe, composé en majorité d'employés des PTT, avait effectué) et les sabotages
qui suivirent soit : coupures du câble Paris-Le Mans et de nombreuses lignes de
DCA à Rocquencourt, Buc, Toussus, Villacoublay, Jouy, Saint-Nom, Villepreux,
Saint-Cyr... ; coupures des lignes de la Kommandantur et de la Gestapo dès le 12
août ; coupure le 13 août du câble 63 desservant les aérodromes de Vélizy et les
cantonnements de Jouy et de Bièvre, et des 28 lignes allant de Paris à
Versailles utilisées spécialement par la Luftwaffe.
Avant cette période, en 1943, le groupe Lafitan, participa à des parachutages
d'armes vers Limours et Crespières. Dans cette région, il fournit les
renseignements concernant le poste d'écoute allemand des Alluets-le-Roi, fort
d'une garnison de 200 soldats environ ainsi que sur l'établissement du PC de la
Luftwaffe à Saint-Nom-la-Bretèche, au château et dans le village. Une carte
détaillée de ces installations fut dressée. Le groupe avait aussi fourni les
renseignements sur le centre téléphonique du fort de Bois-d'Arcy et d'une
guérite de coupures et d'amplification sur la route de Saint-Cyr à Trappes. Le
groupe avait mission d'empêcher le fonctionnement de la voie ferrée Palaiseau,
Jouy, Saint-Cyr, Saint-Germain, voie de la Ceinture, et des explosifs devaient
lui être fournis, mais il ne les obtint jamais. Le groupe de Versailles fournit
également tous les renseignements sur les effectifs et résultats des
bombardements des aérodromes de Villacoublay, Toussus, Voisins-le-Bretonneux et
Buc, Saint-Cyr, Trappes. Les effectifs et les emplacements de défense à Jouy,
Bièvres, et sur les routes ainsi qu'à Vaucresson et Garches, Rambouillet et
Houdan furent transmis. Il existait une équipe de distribution de tracts et
journaux clandestins qui étaient entreposés chez Marcel Lafitan lui-même et
distribués par ses fils et par d'autres camarades.
L'autre grande activité du groupe fut la confection de fausses cartes d'identité
et de contrats de travail, ceux-ci établis grâce à la complicité de camarades du
groupe travaillant au Service du travail obligatoire, au contrôle du Travail et
à la préfecture. Le matériel de fabrication était chez Lafitan le soir de son
arrestation et fut sauvé grâce au sang-froid de sa femme et de l'un de ses fils.
En juin 1944, tout le groupe Libé-Nord de Versailles fut décimé par une vague
d'arrestations. A ce propos, nous disposons du témoignage de René Heidet,
fondateur du Mouvement de Résistance des prisonniers de guerre et déportés de
Versailles en novembre 1943 (qui deviendra, par fusion avec d'autres mouvements,
le MNPGD), premier vice-président du Comité local de libération de Versailles et
membre du Comité départemental de libération de Seine-et-Oise :
"Le 26 juin 1944 dans la soirée, mon ami Roger Bilard m'informait qu'une réunion
importante de Libé-Nord se tiendrait le lendemain matin dimanche au Cheval Rouge
(café-hôtel des Halles de Versailles, rue A. Chénier). Se réunissaient là les
responsables d'un ensemble de communes de l'Ouest de Versailles : Trappes,
Elancourt, Maurepas, Crespières, Saint-Nom, Houdan, Rambouillet, ainsi qu'à
l'est, ceux de Viroflay, Chaville, Vélizy et Sèvres. Bilard m'invitait à venir
les saluer au nom de mon organisation. J'étais stupéfait par cette information
qui était également une invitation. Tant de responsables réunis en un même lieu,
à la même heure m'apparaissait comme une folle imprudence. Au MNPGD, nous ne
nous réunissions jamais à plus de trois. Comme je faisais part de mes craintes à
Bilard, il me répondit que les précautions avaient été bien prises et que ceux
qui seraient présents étaient des hommes sûrs. Le lendemain matin, dimanche 27
juin, vers 10 heures, je prenais la direction du Cheval Rouge. Mais je tenais,
avant d'entrer, à faire mon inspection personnelle des alentours. Après une
promenade autour des Halles, dans les passages et à l'intérieur des cours où je
ne remarquais rien de suspect ou d'insolite, quelque peu rassuré, j'entrais dans
le café-hôtel. Dans une salle en retrait, je retrouvais tous mes amis de
Libé-Nord de Versailles, ainsi que des inconnus venant d'autres communes de la
région. Il y avait environ une trentaine de personnes. Je serrais beaucoup de
mains, apportant à tous le salut de mon organisation. Un quart d'heure plus
tard, comprenant qu'ils se préparaient à débattre de leurs problèmes, je les
quittais, raccompagné par Bilard. Le lendemain 28 juin 1944, le filet de la
Gestapo s'abattait sur tous les présents à la réunion du Cheval Rouge. Sur des
renseignements précis, ils étaient arrêtés dans la journée à leur domicile ou
leur emploi. Tous sauf quatre. L'un d'eux, Moreau, ordonnateur aux Pompes
funèbres de Versailles, réussissait à s'échapper en passant par les toits et se
réfugiait dans la région de Corbeil. Roger Bilard et Maurice Marchand ne furent
jamais inquiétés. Pourquoi ? Nul n'a jamais pu le dire. Ils étaient pourtant les
organisateurs de la réunion. Peut-être les avait-on gardés en réserve pour
préparer ultérieurement un autre coup de filet ; qui devint impossible devant la
rapidité de l'avance alliée ! Quant à moi, je n'étais pas recherché. Il est vrai
que je n'appartenais pas à Libé-Nord et que je n'y étais connu que de
quelques-uns. De plus, je n'avais fait qu'une apparition au rassemblement du
Cheval Rouge."(2)
(1) Fabrice Bourrée, " Marcel Lafitan " in DVD-ROM La Résistance en
Ile-de-France, AERI, 2004.
(2) Fabrice Bourrée, " Le groupe Libération-Nord de Versailles " in DVD-ROM La
Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
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