La prise du Nid D' Aigle

Quid pro quo

Contrairement à une idée répandue, le Berghof ne doit pas être confondu avec le Kehlsteinhaus (le « nid d'aigle ») ou avec la maison de Thé. Ces trois bâtisses sont distinctes les unes des autres. Le Kehlsteinhaus fut construit par Bormann au sommet de la montagne nommée Kehlstein à 1834 mètres d'altitude et à plus de 1500 mètres à vol d'oiseau du Berghof pour servir de centre de conférences pour le Parti nazi. La maison de Thé est un bâtiment distant de quelques kilomètres de la résidence de Hitler, dans lequel il avait l'habitude d'aller prendre le thé tous les après-midi.

Qui est arrivé le premier?

Le problème de savoir qui a pris le premier le fameux nid d'Aigle est lié à ce que même les soldats qui y sont arrivés les premiers ne faisaient pas la différence entre Berchtesgaden, le Berghof et Kehlsteinhaus.
Pas surprenant parce qu'encore aujourd'hui, plusieurs s'emmêlent les pinceaux. On ne pourra jamais savoir avec certitude qui a pris le Berghof et le Nid d'Aigle en premier. Les Français et les Américains continueront de revendiquer la précieuse prise chacun de leur côté.

L' enigme ne sera sans doute jamais résolue, voiçi donc 2 textes , la version US et la version Française.

L' entrée du Berghof en 1933, avec en haut à droite la maison d' Hitler.

La destruction définitive de l'édifice n'eut lieu qu'en 1952, lorsque le gouvernement fédéral allemand le fit dynamiter afin d'éviter tout pèlerinage de nostalgiques du Troisième Reich.
Le site environnant a été reboisé et c'est aujourd'hui un centre de documentation sur l'histoire du national socialisme ainsi qu'un golf et un hôtel.

VERSION DE L' ARMEE AMERICAINE

Le 506e est dans les Alpes et fait route vers Berchtesgaden, le berceau du nazisme.

Les soldats sont pressés : comme le dit Speirs, ils voudraient arriver avant les Français au Berghof qu' il nomme affectueusement « la garçonnière dHitler ». La guerre est presque finie, et il sagit dun jeu.

Winters, comme à l'habitude, tempère les ardeurs des troupes. Mais à son arrivée, le Colonel Sink souhaite encore une fois se mettre en avant par lintermédiaire du 506e. Les ordres sont clairs : il ne faut pas que Leclerc le Mangeur de Grenouilles arrive le premier au Nid dAigle.
Tout ceci est finalement très bon enfant. Sauf quun détail chiffonne.
Lorsque la Easy Company arrive au Berghof, tout est calme et désert. Les portes sont closes. Seul gît le corps dun officier allemand, suicidé. Nimporte quel spectateur en conclura alors que le 506e est parvenu au sommet le premier et a coiffé tout le monde au poteau.
C' est qu' à la vue des images, rien ne nous dit que le 506e est le premier.

LA VERSION DE L' ARMEE FRANCAISE

CAMPAGNE d'Allemagne : MAI 1945
par Jean RAISON, Aspirant à la 3lme Bie
du XI/ 64 R.A.D.B.
BERCHTESGADEN

Affectée à une autre mission, la 12me DB.US s'arrête le 2 MAI. Le Général LECLERC reprend alors le commandement de ses unités avec BERCHTESGADEN comme objectif.

Si les Russes sont devenus maîtres de ce lieu symbolique qu'est BERLIN, le 2 MAI précisément, le Général LECLERC, grâce à sa ténacité, ses initiatives, son sens du terrain, grâce aussi au moral et aux compétences de tous ceux qu'il entraînait, réussira ce tour de force d'entrer, à son tour, 48h. après la prise de BERLIN, dans cet autre lieu symbolique qu'est BERCHTESGADEN, le 4 MAI 1945.
Le 3 MAI, la 2ème DB - le GTV- et la 3ème DI.US roulent en parallèle, toujours vers l'EST, sur les deux voies de l'autoroute MUNICH-SALZBOURG, rejointe après MIESBACH. Des milliers de prisonniers Allemands en sens inverse sur les bas cotés...


Dans la nuit du 3 au 4 MAI, le GTV appuie sur la droite, la 3me DI.US à sa gauche. Ses trois Sous Groupements se dirigent vers l'objectif BERCHTESGADEN par les trois itinéraires naturels possibles : à droite, au SUD le S/Gpmt. S - SARRAZAC - et l'Escadron DA passant par INZELL et l'ALPENSTRASSE, talonnés de près par la fameuse lOlème AIRBORNE Américaine, à gauche au NORD, le S/Gpmt D - DELPIERRE - rejoignant la route SALZBOURG - BERCHTESGADEN, au Centre le S/Gpmt B - BARBOTEU - traversant la SAALACH au NE de BAD REICHENHALL sur un passage aménagé par les Américains, puis cette ville et arrivant premier des Trois S/Gpmt, vers 16h. dans la ville même de BERCHTESGADEN, précédé de très peu par la 3ème DI.US.

BERCHTESGADEN comporte cependant 3 niveaux, séparés en altitude a environ 600m la ville elle-même, une agréable station de montagne, à environ 900m, 1'OBERSALZBERG, le sanctuaire nazi, le quartier résidentiel d'HITLER et des hauts dignitaires du régime avec aussi les casernes SS et d'extraordinaires installations souterraines très étendues et perfectionnées, HITLER s'y rendait régulièrement depuis 1928 et y a pris nombre de ses décisions, un dernier conseil s'y était tenu le 22 AVRIL... à plus de 1.800m, le KEHLSTEIN ou Nid d'Aigle ou Maison de thé du FUHRER.

Nous n'avions, en fait, la 3ème DI.US et le S/Gpmt BARBOTEL, atteint que le premier niveau. Les Américains s'y sont arrêtés, comme si la ligne d'arrivée avait été franchie, n'accédant que bien plus tard aux deux autres niveaux et après les Français grâce à l'initiative du Capitaine TOUYERAS.

Le Capitaine TOUYERAS avait en effet une idée de la disposition des lieux. Alors Aspirant, Officier Observateur de la 3lème Batterie du XI/64 RADB qu'il commandait, j'ai été mêlé de près à ses actions des 4 et 5 MAI 1945.
Dans la nuit du 3 au 4 MAI, alors que nous roulions avec les éléments de tête du S/Gpmt BARBOTEU auquel nous appartenions et que nous quittions 1'autoroute à STAUFENECK pour nous diriger vers notre objectif, mon Capitaine m'a raconté qu'il était déjà passé par BERCHTESGADEN.
Fait prisonnier le 7 JUILLET 1940 - bien après l'armistice de Juin 40 - dans un ouvrage de la ligne MAGINOT, il avait traversé BERCHTESGADEN le ll JUILLET 1940 dans un train de prisonniers se dirigeant vers un Oflag d'AUTRICHE. Pour dérider ses camarades, il leur avait dit: "Peut être reviendrons-nous ici un jour en vainqueurs ! !'. Réussissant, à sa seconde tentative, à s'évader en AOUT 1941 de cet Oflag, il était affecté à une unité d'Artillerie au MAROC, puis, deux ans plus tard à la 2ème DB dès sa formation. Eh bien, concluait-il, en reprenant la phrase lancée près de 5 ans auparavant, nous y voilà, c'est ce que nous sommes en train de faire..



Vers 16h30, notre batterie bloquée devant la SAALACH, ne nous ayant pas encore rejoints, le Capitaine TOUYERAS, avec ce souvenir en tête, demande au Lt.-Colonel de GUILLEBON, Commandant le GTV, l'autorisation de se rendre à l'OBERSALZBERG, lui disant qu'il était passé par là dans un train de prisonniers et que cela lui ferait plaisir - la voie de chemin de fer empruntée par le train de prisonniers du Cap. TOUYERAS en 1940 passe à environ 1.500m au NO de 1'OBERSALZBERG. En lui donnant son accord, le Lt-Colonel de GUILLEBON lui exprime cependant ses doutes quant à la possibilité de monter à l'OBERSALZBERG, les Américains devant être sur place.

La Batterie, sous la conduite du Lieutenant BOURELY et de son adjoint l'Aspirant NUBLAT, franchira la SAALACH et arrivera dans la soirée à la gare de BERCHTESGADEN, au complet, ce qui est à signaler tout spécialement, les pauses et vitesses n'ayant guère été respectées, le Général LECLERC bousculant ferme tout le monde, même pendant les pleins ainsi que l'a expérimenté le Lt. BOURELY. Deux surprises l'attendent : la première, celle de découvrir le train de GOERING parti des environs de BERLIN où se trouve sa propriété KARINHALL, et parvenu à destination malgré le chaos dans lequel se trouve le système ferroviaire allemand, merveille de la discipline, de 1'exécution des ordres donnés ! Ce train est chargé des trésors "récoltés" dans toute l'EUROPE, que la Police Militaire viendra garder très rapidement.
Ce train est aussi chargé de vivres, de vins fins et d'alcools qui rejoindront très rapidement ordinaires et popotes... la seconde surprise est celle d'une autre découverte, de matériel ferroviaire également mais d'une nature toute différente puisqu'il s'agit d'un ensemble tout à fait extraordinaire se développant sur quelque 150 m2 de trains électriques miniatures et d'infrastructures adaptées, avec postes de contrôle, ensemble trouvé dans le grenier de la gare, ensemble auquel se sont intéressés ceux qui l'ont découvert...

L'OBERSALZBERG.
LE CAPITAINE TOUYERAS ET LE BRIGADIER BORG Y ARRIVENT LES PREMIERS.


Sans perdre de temps, aussitôt l'autorisation donnée, le Capitaine TOUYERAS prend le volant de sa Jeep "FRANCE", son chauffeur François BORG, un Français de TUNISIE, engagé volontaire aux F.F.L. (FORCES FRANCAISES LIBRES) deux ans auparavant à moins de 17 ans, derrière la mitrailleuse, grimpe vers 1'OBERSALZBERG par une route très sinueuse. Aucune trace d'une quelconque présence Américaine.
Le Capitaine TOUYERAS et le Brigadier BORG qui lui fait totale confiance poursuivent leur montée. Ils finissent par rencontrer une colonne d'une trentaine d'HITLERJUGEND en descente vers BERCHTESGADEN. Ils leur font jeter leurs armes dans le ravin et, après avoir appris "qu'il n'y a personne la haut" leur font poursuivre leur marche vers BERCHTESGADEN où ils sont attendus.. Le Capitaine et François BORG n'hésitent pas, l'enjeu est trop important : pénétrer dans le coeur même du repaire d'HITLER à BERCHTESGADEM et atteindre ainsi pleinement l'objectif fixé. Ils reprennent leur montée.
Arrivés à la porte d'entrée, ils s'annoncent par deux rafales. Un soldat allemand apparaît brandissant un immense drapeau blanc et portant un brassard "NOTHILFE". Le Capitaine TOUYERAS le fait asseoir sur le capot de la Jeep et arrive ainsi au poste de garde. Il y fait faire l'appel par un Feldwebel, des 45 hommes qui s'y trouvent, rangés, comme au cordeau, remarquera t'il, sur deux rangs, des SS qui, craignant le pire, ont échangé leurs insignes contre des brassards "NOTHILFE"...

Le Capitaine TOUYERAS ne s'attarde pas. Après s'être fait montrer la maison d'HITLER, le BERGHOF, qui prend feu sous ses yeux, - nous apprendrons par la suite que les SS avant de s'enfuir avaient organisé un certain nombre de foyers d'incendie dans les ruines laissées par un bombardement allié quelques jours auparavant -, il appelle le Lt. Colonel de GUILLEBON indiquant qu'il était seul, s'ennuyait et demandait du renfort. Il reçoit en réponse, l'ordre de venir chercher la Section MESSIAH, ordre confirmé malgré la présence des "pensionnaires" qu'il évoque. Comptant sur l'autorité qu'il avait prise, il rend, avant de descendre chercher cette Section, le Feldwebel responsable sur sa vie de ses camarades. Autre merveille de la discipline, il n'en manquera pas un lorsqu'il reviendra 1h30 plus tard avec la section MESSIAH du 3me R.M.T. ( Régiment de Marche du TCHAD ).

J'avais retransmis cet appel au Lt Colonel TRANIE commandant notre Groupe d'Artillerie, le XI/64 RADB, dépendant du GTV. Le Lt. Colonel TRANIE est venu me prendre aussitôt et, à notre tour, nous montons à l'OBERSALZBERG. La nuit tombait, l'endroit était sinistre, en ruine à la suite du bombardement allié du 24 AVRIL, désert avec quelques lueurs d'incendie ici et là. Nous avions une vision apocalyptique, à l'image de toutes les horreurs et misères provoquées par ces nazis maintenant en fuite et dont leur maître HITLER, en déclenchant la 2ème Guerre mondiale avait voulu faire l'histoire pour mille ans...
Nous jetons un coup d'oeil dans ce qui reste du BERGHOF et d'une villa voisine et quittons 1'OBERSALZBERG. Un véhicule Américain de reconnaissance nous croise de trop près, sans s'arrêter, endommageant ainsi l'aile de notre propre véhicule.
A la seconde descente du Capitaine TOUYERAS, tous phares allumés, fort heureusement, un groupe Américain de chars et d'infanterie en montée arrêtera la Jeep "FRANCE" dont les deux occupants se retrouveront, sans avoir pu faire un seul geste, l'un avec le canon d'un PM sur le ventre, l'autre avec celui d'un Colt sur la tempe. Cela nécessitera quelques explications et provoquera stupeur et mécontentement de ceux qui les recevront.


LES COULEURS FRANCAISES HISSEES AU NID D'AIGLE.
KEHLSTEIN. LE 5 MAI 1945 à 17 H
Le lendemain matin 5 MAI, à BERCHTESGADEN, le Cap. TOUYERAS ainsi qu'il le formulera, a d'abord "droit aux compliments du Général LECLERC". Le Général lui demande de le conduire à 1'OBERSALZBERG dans sa Jeep "FRANCE", le Brigadier BORG au volant, puis une fois arrivé, après avoir jeté un regard sur ce qui restait du sanctuaire nazi, d'aller hisser nos couleurs au NID d'AIGLE, le faisant escorter par un groupe du III R.M.T.
J'étais, à ce moment, aux cotés de mon Capitaine et c'est le Lt Colonel BARBOTEU, commandant notre S/Gpmt, qui m'a remis le drapeau, provenant du CAIRE m'a-t-il précisé, que le Capitaine TOUYERAS a fixé avec mon aide à 17h, en travers d'une des baies du NID d'AIGLE.

Cette demande du Général LECLERC était ainsi un honneur rendu à celui qui s'est acquis le 4 MAI 1945, l'honneur justifié d'accéder le premier à la demeure d'Adolf HITLER de 1'OBERSALZBERG, y devançant d'une heure, avec sa seule jeep, nos premiers éléments, ainsi que l'indique sa dernière citation, à l'ordre de l'Armée, au titre de la 2ème DB.
C'était un honneur rendu "au Capitaine TOUYERAS, le gagnant de la Course " pour reprendre les termes de la dédicace portée le 30 JUILLET 1945 par le Général LECLERC sur le livre "La 2me Division Blindée " qui lui a été destiné.

Partis en fin de matinée à une quinzaine dont un groupe de la 12me Cie du III R.M.T. ainsi qu'un correspondant de guerre et trois opérateurs du Service Cinématographique de l'Armée, nous avons mis un peu plus de cinq heures de marche pour parvenir au Nid d'Aigle, dans une neige de plus en plus épaisse. Le Capitaine TOUYERAS avait pris les services du Chef de la sécurité de 1'OBERSALZBERG. En fonction de ce qui s'était passé la veille, nous ne nous attendions guère à quelque résistance au Nid d'Aigle. Nous avions cependant à assurer la sécurité, en particulier lors de la montée hors piste que nous avions à considérer. Le chemin d'accès s'arrêtait en effet à l'entrée d'un ascenseur se situant à un peu plus de 1.700m. alors que le Nid d'Aigle culminait à 1.834 mètres. Il n'était pas question de prendre cet ascenseur, cette entrée étant obstruée et pouvant, de plus, être piégée.

Nous sommes entrés par l'une des fenêtres de la Maison de thé du Führer, une construction faisant penser à un observatoire, comportant en particulier une grande salle à manger, des salons, une vaste salle de séjour pourvue de grandes baies donnant sur des paysages magnifiques, sur le KONIGSEE notamment, d'un glauque tranchant sur le blanc lumineux des sommets enneigés l'entourant, en contraste très symbolique avec le paysage que nous avions vu la veille au soir à l'OBERSALZBERG : la lumière et le vert de l'espérance succédant aux ténèbres et aux rougeoiements des incendies...
Pour le Capitaine TOUYERAS et moi-même, hisser nos couleurs au sommet du Nid d'Aigle a été un moment qui nous a marqués très profondément. En y pensant cinquante ans après, c'était un moment pendant lequel nous avons eu l'honneur de représenter l'ensemble des nôtres, morts ou vivants un moment rendu possible par celui qui nous avait rassemblés au service d'une même mission, le GENERAL LECLERC.

Jean RAISON 21 AVRIL 1995.

UN AVIS QUI FAIRE REFLECHIR

la route empruntée par la 101EME (INZEL) passe par le Berghof (le centre de conférences du parti nazi) et s'arrête au pied de la montagne WATZMANN (2700 mètres).
pensant être arrivé sur place, les américains perdent du temps à se rendre compte de leur erreur et mettent sur pied un plan pour gravir la fameuse montagne.

la route suivie par les Français (Salzburg) est un poil plus longue et passe de l'autre coté de la montagne mais même directement au nid d'aigle (sans passer par le berghof)
route plus longue mais elle avait été laissée propre pour permettre au reste du commandement SS de se replier (au brésil et en argentine surement)

donc je conclu que si les américains sont arrivés les premiers, ils se sont fait héliportés car pour monter 1800 de dénivelé en une journée, sur une route barrée par des éboulements et minée ça prend un peu de temps...

J.W

 

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