Le boucher de Lyon: Nikolaus "Klaus" Barbie
Nikolaus "Klaus" Barbie (25 octobre 1913 – 25 septembre 1991)
Nikolaus Barbie (né à Bad Godesberg, Empire
allemand, le 25 octobre 1913 - mort à Lyon, France, le 25 septembre 1991), dit
Klaus Barbie, a été le chef de la section IV (SIPO-SD) dans les services de la
police de sûreté allemande basée à Lyon. Surnommé « le boucher de Lyon », il a
été condamné pour crime contre l’humanité à Lyon en 1987.
Biographie
Origines et débuts SS en Allemagne
Klaus Barbie obtient son Abitur (baccalauréat) en 1933 et adhère aux Jeunesses
hitlériennes (Hitlerjugend).
En 1935, il est admis à la SS. La même année, il commence à travailler, à
Berlin, au service central du Sicherheitsdienst (SD), le service de sécurité du
parti nazi qui deviendra service de renseignements du Reich par un décret du 11
novembre 1938. Il reçoit ensuite une formation d’enquêteur au quartier général
de la police de l’Alexanderplatz. Après quelques semaines à la brigade
criminelle, il est affecté à la brigade des mœurs. En 1936, il est muté à
Düsseldorf. L’année suivante, il passe par l'école du SD à Bernau avant d’être
envoyé suivre un cours d’officier à Berlin-Charlottenburg. Les listes du NSDAP
ayant été fermées en avril 1933, ce n’est qu’à leur réouverture en 1937 que
Barbie devient membre du parti.
Fin 1938, durant trois mois, il effectue son service militaire au 39e régiment
d’infanterie, puis poursuit sa formation d’officier. Le 20 avril 1940, il est
nommé SS-Untersturmführer (sous-lieutenant SS). Quelques jours plus tard, il
épouse Regine Willms qui a adhéré au parti nazi en 1937 et travaille dans une
crèche de l’association des femmes nazies.
Pays-Bas (1940-1941)
En 1940, après l'invasion des Pays-Bas, Klaus Barbie y est envoyé au sein d'un
détachement de la Sipo-SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst, police de
sécurité - État - et service de sécurité - parti nazi) à la section VI (Amt VI,
Ausland-SD, renseignements à l'étranger) chargée de la préparation du
débarquement en Grande-Bretagne. Avant même que celui-ci ne soit annulé, Klaus
Barbie est muté à la section IV (Amt IV, improprement appelée Gestapo, en fait
formée des sections [Abteilungen] II et III de la Gestapo et de la section
centrale Zentralabteilung III2 du SD Hauptamt). Dans ce cadre, d'abord à La Haye,
puis à Amsterdam, il participe activement à la poursuite et à la rafle des
juifs, des francs-maçons et des émigrés allemands. Il « travaille » avec tant de
zèle qu'en octobre 1940, il est promu SS-Obersturmführer (lieutenant SS). Pour
avoir été l'un des officiers les plus énergiques dans l'assaut du ghetto juif
d'Amsterdam et pour avoir commandé des pelotons d'exécution, il est décoré de la
croix de fer de seconde classe (Eisernes Kreuz II.Klasse) le 20 avril 1941.
Front russe (1941-1942)
Bien que cela ne soit pas mentionné sur ses états de service, Klaus Barbie
aurait été envoyé en URSS, de l'été 1941 au printemps 1942, dans un commando
spécial de la Sipo-SD, chargé de la lutte contre les partisans sur les arrières
de l'armée allemande (J'avais suivi un stage de parachutisme [en Russie en
1941]).
France (1942-1944)
Au printemps 1942, comme il est bien noté et qu'il parle français, Klaus Barbie
est nommé chef de la sécurité à Gex, sous-préfecture de l'Ain en France, à
proximité de la frontière suisse. En fait, une mission délicate l'attend : il
doit enlever Alexander Foote, un agent secret travaillant pour l'URSS à Genève.
Barbie réussit à soudoyer le chef d'un poste de la garde-frontière suisse et
s'introduit en Suisse par le poste de Prévessin-Moëns, douane proche de sa
résidence privée, avant de constater qu'Alexander Foote avait disparu.
En juin 1942, Klaus Barbie est affecté au Kommando der Sipo-SD (KDS) de Dijon où
il est chargé de la surveillance des douaniers allemands, et à partir de juillet
1942 il est au casino de Charbonnières-les-Bains dans les faubourgs de Lyon où,
avec une partie du commando DONAR, il est chargé de détecter les radios
clandestines ; puis, après l'invasion de la zone libre en France par les
Allemands en novembre 1942, au KDS de Lyon (commandé par Rolf Müller, début
1943, par Fritz Hollert et, à partir de l'été 43, par Werner Knab), où il prend
le commandement de la section IV (lutte contre les résistants, les communistes,
les juifs…).
En février 1943, Klaus Barbie devient le chef de la Gestapo de la région
lyonnaise (troisième officier, par ordre d'importance, au sein du KDS de Lyon).
Sous ses ordres, sont torturés et exécutés de nombreux résistants, dont Jean
Moulin. Il arrête aussi personnellement, à la demande de Joachim von Ribbentrop,
en août 1943, Albert Lebrun et André François-Poncet en Isère. Surnommé « le
boucher de Lyon », il donne l'ordre
d'exécuter de nombreux otages et de déporter des milliers de Juifs à Drancy —
étape intermédiaire avant Auschwitz. Parmi ses victimes, se trouvent les 86
personnes arrêtées le 9 février 1943 au siège de l'UGIF, situé 12, rue
Sainte-Catherine à Lyon, mais aussi les 44 enfants d'Izieu raflés le 6 avril
1944. Le 11 août de la même année, Barbie réussit à faire partir directement de
Lyon pour Auschwitz le dernier convoi de déportés avec 650 personnes dont 342
non-juifs et 308 juifs.
Lors de son procès, il est accusé d'avoir fait
fusiller 22 otages, dont des femmes et des enfants, en représailles d'un
attentat sur deux policiers allemands en 1943, d'avoir torturé ou fait torturer
au moins une vingtaine de personnes en 1943 et d'en avoir fait fusiller au moins
une quarantaine la même année, d'avoir fait fusiller 70 Juifs à Bron et beaucoup
d'autres parmi les 120 prisonniers de la prison Montluc exécutés à
Saint-Genis-Laval durant l'été 1944, où il est vrai que, selon Max Payot, un
agent français de la Gestapo, Fritz Hollert, deuxième officier du KDS de Lyon,
donc supérieur à Klaus Barbie, est présent.
Durant le premier semestre de l'année 1944, Barbie dirige également le commando
de la Sipo-SD qui accompagne les troupes de répression des maquis, notamment
dans l'Ain et le Jura : il torture, tue ou fait tuer de nombreux villageois
censés soutenir les maquisards.
Il est également très actif du côté
savoyard de la frontière franco-suisse, lieu de passage de clandestins vers la
Suisse. Accompagné de son interprète Gottlieb Fuchs, il conduit des
interrogatoires accompagnés d'actes de torture à l'hôtel Pax d'Annemasse en
Haute-Savoie.
En septembre 1944, Klaus Barbie se trouve dans les Vosges. Le 5 septembre, sa
présence est attestée à Bruyères avec de nombreux membres de la Sipo-SD de Lyon
: le SS-Obersturmbannführer (lieutenant-colonel SS) Werner Knab, les
sous-officiers Harry Stengritt et Krüll, des collaborateurs du PPF avec à leur
tête Marcel Bergier et Charles Marandin, ainsi qu'une centaine d'auxiliaires
français. Le 8 septembre, Barbie se rend à Rehaupal avec l'objectif de localiser
un maquis.
Le 14 septembre 1944, le SS-Sturmbannführer (commandant SS) Wanninger recommande
Klaus Barbie - déjà jugé dans un rapport de 1940 comme « discipliné,
travailleur, honnête, amical, bon camarade, officier irréprochable » - pour une
promotion au grade de SS-Hauptsturmführer (capitaine SS) en ces termes : « Klaus
Barbie est connu au Quartier général comme un chef SS enthousiaste, qui sait ce
qu’il veut. Il a un talent certain pour le travail de renseignement et pour la
recherche des criminels. Sa plus grande réussite réside dans la destruction de
nombreuses organisations ennemies. Le Reichsführer-SS Heinrich Himmler a exprimé
sa gratitude à Barbie dans une lettre personnelle qui le félicitait pour la
qualité de son travail dans la recherche des criminels et la lutte contre la
Résistance. Barbie est [un officier] sur lequel on peut compter aussi bien sur
le plan psychologique que sur le plan idéologique. Depuis sa formation et son
emploi au sein du SD, Barbie a mené une carrière assidue en tant que directeur
d’un service supérieur et, s’il n’y a pas d’objection, il est recommandé qu’il
soit promu SS-Hauptsturmführer. »
Après la Libération de la France, Barbie parvient, blessé, à gagner la ville de
Baden-Baden en Allemagne. Le 9 novembre 1944, il est promu SS-Hauptsturmführer.
En poste à Halle, puis à Düsseldorf et à Essen, il termine la guerre à
Wuppertal.
Il est promu SS-Hauptsturmführer (Equivalant capitaine)
Après guerre (1945-1947)
Recherché par les Alliés comme criminel de guerre, Klaus Barbie figure sur deux
listes : à Londres, celle de la Commission des crimes de guerre des Nations
unies (UNWCC : United Nations War Crimes Commission), sous le no 48 et le nom de
Barbier, alias Kreitz, et, à Paris, celle du Registre central des criminels de
guerre et des suspects pour raisons de sécurité (CROWCASS : Central Registry of
Wanted War Criminals and Security Suspects), sous le no 57 et le nom de
Barbie/Barbier/Barby/von Barbier/Klein/Kleitz/Mayer. L'ancien patron de la
Gestapo de Lyon se fait discret, mais n'hésite pas à organiser, fin 1945, avec
d'anciens SS, un réseau de résistance nazie. Cependant, en butte à
l'indifférence de la population et à la répression des Alliés, ce réseau est
vite infiltré et la plupart de ses membres arrêtés début 1947 (Operation
Selection Board). Plusieurs fois arrêté, il réussit à cacher sa véritable
identité et à s'évader.
États-Unis (Avril 1947 à mars 1951)
En avril 1947 il rencontre Kurt Merk,
ancien officier de l'Abwehr en poste à Dijon pendant la guerre, avec qui il
avait travaillé lorsqu'il était en poste à Lyon, qui lui propose d'entrer au
réseau Peterson qu'il commande, et qui est entièrement financé par le CIC (Counter
Intelligence Corps, US Army)). Par deux
fois, des agents français, demandent à parler avec Klaus Barbie au sujet de
l'affaire René Hardy, mais le CIC pense que c'est en fait pour l'arrêter, et
cache sa présence. Dabringhaus ne prend conscience que Barbie est un criminel
qu'après plusieurs mois, informé par Kurt Merk. Début 1948, il en informe sa
hiérarchie qui préfère continuer à utiliser Barbie. À partir de ce moment là, la
France commence à réclamer l'extradition de Klaus Barbie. Le Counter
Intelligence Corps donne trois raisons pour expliquer la protection qui lui est
accordée : d'abord que son aide est vraiment précieuse au moment de la guerre
froide, ensuite, que ses « prétendus crimes » contre la Résistance étaient des
actes de guerre et que les Français recherchent davantage la vengeance que la
justice, enfin, qu'on ne peut plus faire confiance à une France submergée par
les communistes qui veulent en fait interroger Barbie sur la pénétration
américaine du parti communiste allemand et des services secrets français11. Le
CIC, est vivement intéressé par l'expérience que Barbie a acquise en France
contre la résistance communiste, surtout afin d'obtenir des informations sur la
pénétration communiste des services secrets français, sur les activités du Parti
communiste français en France, dans l'armée française et la zone française en
Allemagne ainsi que sur celles des services secrets français dans la zone
américaine13. Poursuivi notamment dans le cadre des deux procès intentés à René
Hardy, suspecté d'avoir trahi Jean Moulin, Klaus Barbie sera condamné par la
justice française, en 1952 et 1954, à la peine capitale par contumace.
Amérique du Sud (1951-1983)
En 1951, Barbie, accusé de vol par la police allemande, est exfiltré vers
l'Argentine avec le concours des services secrets américains (CIA) et de
Krunoslav Draganović. Dans sa fuite, il passe notamment par Vienne, où il est
aidé par Kurt Waldheim, Milan, Rome et Gênes14. Sous l'identité de « Klaus
Altmann », il s'installe en Bolivie, obtient la nationalité bolivienne et dirige
une entreprise d'exploitation du bois, puis, de 1966 à 1971, une compagnie
maritime qui s'adonne au trafic d'armes et de drogues au profit des dictatures
militaires d'Amérique du Sud. À partir de 1964, il collabore activement avec
l'armée bolivienne et donne des conseils pour la recherche et la torture des
opposants. De 1965 à 1967, jusqu'à la mort de Che Guevara dans la jungle
bolivienne, il semble qu'il soit de nouveau au service de la CIA. En 1971, il
soutient le coup d'État du colonel Hugo Banzer et pour conforter son régime,
Barbie crée une organisation paramilitaire d'extrême-droite les fiancés de la
mort14. Sa compagnie ayant fait faillite, il s'installe au Pérou. Cependant,
l'arrivée de Beate Klarsfeld, militante allemande anti-nazi majeure de
l'après-guerre, l'oblige à regagner la Bolivie.
En effet, dès 1961, une enquête de la police allemande détermine que Barbie
s'est réfugié en Bolivie. En 1969, lorsque sa fille Ute (1941-), mariée à
Heinrich Messner15, demande un visa pour l'Allemagne, les autorités découvrent
finalement que « Klaus Altmann » est Klaus Barbie. Toutefois, face aux
difficultés administratives, l'affaire est sur le point d'être classée quand les
protestations de Beate Klarsfeld viennent la relancer. D'après l'historien Peter
Hammerschmidt, Klaus Barbie aurait même travaillé pour le Service fédéral de
renseignement de la République fédérale d'Allemagne entre 1966 et 1967 sous le
nom de code Adler14.
Klaus Barbie, personnage important en Bolivie, est protégé par le régime Banzer
jusqu'à sa chute en 1978, puis, après le coup d'État de 1980, par le nouveau
régime dans lequel Barbie est nommé colonel honoraire des services de
renseignements. Cependant, le gouvernement américain contraint le président
bolivien à démissionner l'année suivante.
Expulsion et condamnation (1983-1991)
Après bien des péripéties et des atermoiements, après que le gouvernement
français eut accordé à la Bolivie une importante aide au développement, Klaus
Barbie est expulsé vers la France en février 198316. Son procès débute le 11 mai
1987, devant la cour d'assises du Rhône. L'accusation est menée par Pierre
Truche, assisté de Jean-Olivier Viout. Sa défense est assurée par l'avocat
Jacques Vergès ainsi que par Jean-Martin Mbemba (avocat congolais) et par Nabil
Bouaita (avocat algérien). À l'issue d'un procès de sept semaines, Barbie est
condamné le 4 juillet 1987 à la prison à perpétuité « pour la déportation de
centaines de Juifs de France et notamment l'arrestation, le 6 avril 1944, de 44
enfants juifs et de 7 adultes à la maison d'enfants d'Izieu et leur déportation
à Auschwitz17. » Son procès a fait l'objet d'un enregistrement vidéo mené entre
autres par le journaliste Ladislas de Hoyos qui l'avait interviewé en 1972, soit
quinze ans auparavant en Bolivie et a été diffusé par la suite à la télévision.
Le 25 septembre 1991, Klaus Barbie meurt à la prison Saint-Joseph à Lyon, à près
de 78 ans, des suites d'un cancer du sang et de la prostate.
Barbie lors de son procès
Vie privée
Sa femme, Régine Barbie, est décédée d'un cancer en Bolivie peu avant son
extradition. Son fils, Klaus-Georg Altmann, est décédé dans un accident de
deltaplane près de Cochabamba en 1981 et sa fille, Ute Messner, vit en Autriche.
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