J.M.O du
2e R.I.C 1914 -1918
HISTORIQUE du 2e Régiment d'Infanterie Coloniale
Toutes les forces organisées de la nation sont mises sur pied dès le 2 août
1914, pour arrêter l'envahisseur barbare qui se préparait à violer le sol de la
France.
Le 2e régiment d'infanterie coloniale est mobilisé à Brest, sous les ordres du
colonel GALLOIS, à l'effectif de 3.326 hommes (pour la plupart Bretons
d'origine) et 69 officiers.
Il quitte cette ville le 8 août 1914 et se rend en chemin de fer aux environs de
Bar-le-Duc, où il arrive le 10 août. Il se porte vers le nord, à
Chauvency-le-Château, par étapes, et y arrive le 17, après avoir cantonné à
Nubécourt, Souhesmes-la-Petite, Dombasle-en-Argonne et à Liny-devant-Dun.
Le 18 août, près de Liny, à Thonne-les-Prés, le régiment prend les avant-postes.
Le 22 août, venant de Gérouville, il parvient à Rossignol.
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LA BELGIQUE
Combat de Rossignol (22 Août 1914)
Le 1er régiment, avant-garde, est engagé dans le bois de Neufchâteau. Le
2eR.I.C.est immédiatement jeté dans la bataille.
A 7 h. 15, le commandant du régiment reçoit du chef d'état-major l'ordre de
laisser deux compagnies en soutien de l'artillerie. Les 9e et 10e, commandées
par les capitaines KERHUEL et DEBAYE, sont désignées.
A 8 heures, il est ordonné aux 11e compagnie (compagnie PARIS de BOLLARDIÈRE) et
12e compagnie (compagnie DARDENNE), de se placer en soutien de l'artillerie à
l'est et à l'ouest du village, face à la forêt de Neufchâteau.
Le contact est pris partout ; les blessés refluant de l'avant vont au château de
Rossignol.
A 9 heures, les 1er et 2e régiments coloniaux, moins la 9e compagnie du 2e, sont
complètement engagés. Il n'existe plus de réserve. Les 11e et 12e compagnies
restent les deux seules compagnies de repli. Elles font preuve d'une ténacité et
d'une endurance remarquables
empêchant durant 6 heures, par un feu continu, l'ennemi de déboucher de la forêt
de Neufchâteau.
A 9 h. 30, l'encerclement de la 1re brigade et de l'A.D. 3 est complet. Les
mitrailleuses allemandes font rage de tous côtés.
L'ennemi se montrant très actif à l'ouest du village, où se trouve le 1er groupe
de l'A.D. 3, le commandant du 2e colonial lance la 9e compagnie dans cette
direction.
Vers 14 heures, l'ennemi dessine un mouvement offensif de la forêt de Rossignol.
Les compagnies du 3e bataillon ne cèdent le terrain que pied à pied et occupent
les lisières nord et ouest du village jusqu'au moment où elles sont contraintes
de se replier sur le château, dans lequel le docteur BRESSON a établi son poste
de secours.
A 16 heures, un second mouvement offensif se dessine. Le cercle se resserre.
Rassemblant ce qui reste de son régiment, le colonel GALLOIS lance une
contre-attaque contre le mouvement offensif, mais après la sortie du bois, il
est assailli par un feu progressif d'artillerie. Dans un nouveau bond, il
recueille le groupe du 1er colonial qui cherche à percer vers le sudest,mais il
tombe, frappé au ventre par une balle.
A 18 h. 30, les Allemands envahissent le château et prennent pied dans le
village. Le combat se ralentit.
L'ennemi nous poursuivant en progressant de plus en plus au delà de Rossignol,
craignant que le drapeau ne tombât entre ses mains, le soldat LE GUIDEC
l'enfouit en terre à Villers-sur-Semoy pendant la traversée du village.
La journée avait été rude pour la première prise de contact avec l'ennemi.
Le régiment avait perdu environ 2.850 hommes, tris sections de mitrailleuses et
les convois des 1er et 2e bataillons. Il ne restait plus que quelques groupes
qui réussirent à franchir les lignes allemandes pendant la nuit.
Les restes du 2e R.I.C. se regroupent le 23 août à Gérouville et prennent part à
tous les replis successifs jusqu'à la Marne.
Reformé à Ville-sur-Tourbe, le 2e R.I.C. participe à la glorieuse bataille qui
détermina l'arrêt définitif des Allemands.
LA MARNE
Passage de la Tourbe, Ville-sur-Toube (du 27 Août au 16 Septembre 1914) Commandé
par le lieutenant-colonel DUDOUIS, composé de trois bataillons à l'effectif
d'environ 2.500 hommes, le régiment se dirige sur Cernay-en-Dormois. Le passage
de la Tourbe doit avoir lieu à Ville-sur-Tourbe.
Vers 10 heures du matin, la tête du régiment arrive à un kilomètre au sud de
Ville-sur-Tourbe sur la grand'route. Le village était déjà en proie aux
flammes.« J'eus l'impression très nette (écrit le commandant FLEURY dans son
rapport), que cet incendie très limité pouvait être un signal. En effet, une
vive canonnade accueillit la colonne. Une légère panique se produisit.
Une partie du bataillon continua sa route sur le village. D'autres hommes se
replièrent derrière le mamelon de Montremoy ; d'autres enfin, allèrent jusqu'à
Berzieux.
La canonnade se fit de plus en plus vive. L'ordre nous arriva de déboucher de
Ville-sur-Tourbe. Le mouvement ne put se faire convenablement avant la nuit, le
débouché du village étant couvert d'obus. Vers 19 heures, profitant de la nuit,
les bataillons purent franchir la Tourbe et en déboucher. Ils reçurent l'ordre
de continuer leur route par la lisière ouest du bois de Ville, la ferme de
Touanges et ultérieurement sur Cernay-en-Dormois. les trois bataillons se
perdirent dans l'obscurité. »
Le chef de bataillon FLEURY est chargé par le lieutenant-colonel DUDOUIS de se
mettre à leur recherche. Ayant pris un guide, il se fait accompagner par un
caporal et dix hommes du 1er régiment. Il passe une partie de la nuit à battre
le bois de Ville et le terrain à l'ouest ; vers 23 heures, il retrouve enfin les
bataillons, qui avaient pris le bivouac dans les environs
de la ferme de Touanges, et les ramena à Ville-sur-Tourbe.
Quelques coups de fusil partaient des étangs près de la cote 150, mais le
détachement n'est pas sérieusement reconnu par les quelques petits postes
allemands qui gardaient les lignes ennemies. Le lendemain au point du jour,
l'ordre est donné au régiment de reprendre sa
mission. La 7e compagnie avait reçu du colonel commandant la brigade une mission
spéciale au nord de Ville-sur-Tourbe. Bientôt le bataillon de tête est obligé de
suivre rigoureusement la lisière, car de la cote 148, où une batterie de
campagne allemande s'était établie,partait un feu très vif. Beaucoup d'hommes
tombaient.
Le moindre mouvement, même de groupes de peu d'importance cherchant à
progresser, était
immédiatement le signal d'une salve très précise.
Le village de Servon qui, le matin, était occupé par de faibles fractions du 2e
corps, est vers 15 heures, occupé par un détachement allemand de toutes armes.
L'artillerie allemande semble se diriger vers le sud du bois de Cernay.
L'infanterie dessine un mouvement en avant très net et la fusillade commence.
Nos hommes n'avaient pu faire de tranchées, n'ayant pas d'outils portatifs.
A ce moment, le lieutenant-colonel DUDOUIS tombe frappé d'une balle en pleine
poitrine.
L'ordre de maintenir la position coûte que coûte est donné et des compagnies
sont envoyées au sud-est du bois avec mission de répondre à une attaque qui
semble venir du côté de Servon et menacer Ville-sur-Tourbe (station).
En attendant que la brigade PUYPEROUX puisse entrer en ligne, les troupes
bivouaquèrent dans le bois et sous une pluie battante, sans vivres, au milieu
des cris des blessés.
L'artillerie du bois de Cernay augmenta la gravité de la situation vers 19
heures, en bombardant fortement la lisière est du bois de Ville, où des
patrouilles allemandes avaient été signalées.
Une légère panique se produisit ; des sections refluèrent vers le sud et vers la
station de Ville-sur-Tourbe.
Vers 3 heures du matin, les restes du régiment reçurent l'ordre de se diriger
vers Barzieux en évitant Ville-sur-Tourbe, où le bombardement allait
recommencer.
Les hommes étaient exténués et les pertes très sérieuses.
Le 17 septembre 1914, le régiment est reconstitué à deux bataillons. Il forme,
avec six compagnies du 1er régiment, un groupe spécial à la disposition du
général commandant le corps d'armée colonial, sous le commandement du colonel
GUÉRIN.
Le 18 septembre, les 1er et 2 régiments sont félicités par le général GOULLET,
commandant la D.I., pour leur belle attitude au cours des combats des 14 et 15
septembre au bois de Ville.
MINAUCOURT (26 Septembre 1914)
Le 25 septembre 1914, le 1er bataillon est placé en première ligne.
Le 2e bataillon avait été envoyé à Minaucourt pour exécuter des travaux de
tranchées. Il était à la disposition du général CAUDRELIER, commandant la 6e
brigade.
Des attaques générales s'étant produites sur ce point, il devint nécessaire
d'utiliser comme combattants, les hommes de ce bataillon. Les 5e, 6e et 7e
compagnies prirent part à ce glorieux épisode.
Le 26 septembre, à 5 h. 30, ordre est donné à la 5e compagnie de se porter au
sud de la crête située à 900 mètres au nord de Minaucourt et à 200 mètres à
l'ouest de la route de Minaucourt – Massiges.
Vers 8 heures, elle se trouve mélangée avec le 24e colonial et reçoit l'ordre de
se mettre à la disposition du lieutenant-colonel commandant le régiment.
A 9 heures, la compagnie était rattachée au 1er bataillon, qui devait se porter
sur Beauséjour.
A 9 h. 30, elle reçoit l'ordre d'attaquer par la croupe située à l'ouest de la
cote 180. Le mouvement commence à 9 h. 45.
Le capitaine BOLLET a l'ordre d'attaquer vers le versant sud.
Arrivé à la crête, le mouvement est arrêté par un feu violent. Il était 14 h.
30.
Vers 14 h. 45, le mouvement peut continuer. A 16 heures, le capitaine BOLLET se
porte lui-même courageusement vers le point le plus dangereux, battu par des
mitrailleuses. Il tombe grièvement blessé d'une balle au ventre. Il refuse
d'être soigné et montre du doigt la direction de l'ennemi (évacué à
Saint-Jeansur-
Tourbe, il expirait à 22 heures).
Cependant, la compagnie DOLFUS, du 22e colonial, progressait. L'ennemi quittait
ses tranchées et en gagnait d'autres, à hauteur du Calvaire.
Vers 17 h. 40, soixante soldats allemands venaient se constituer prisonniers.
Le 4 octobre, le régiment est en réserve d'armée.
Le 8 octobre, le chef de bataillon DUCARRE prend provisoirement le commandement
du 2e R.I.C.
Le 10 octobre, l'état-major du régiment se rend à Virginy-Massiges en vue de la
relève du 4e R.I.C., sur les positions qu'il occupe en face des Allemands.
Le 14 octobre, le régiment est en ligne et fait des travaux de renforcement.
De nombreux coups de feu sont tirés par l'ennemi sur nos tranchées pendant le
jour.
Une attaque allemande est annoncée pour cette nuit par le commandant de la
brigade.
Vers minuit, une violente fusillade de la part des Allemands ; plusieurs
centaines de fantassins ennemis paraissent prêts à exécuter un mouvement sur nos
positions. Ils sont soutenus par un feu violent d'artillerie.
Nos lignes sont éclairées par des projecteurs et aussi par des fusées.
Une fusillade nourrie de notre part et l'appui de notre artillerie de campagne,
arrêtent l'élan de l'ennemi qui, au bout d'une heure d'efforts, paraît renoncer
à son projet d'attaquer sur le secteur occupé par le 2e R.I.C.
Les pertes de l'ennemi doivent être assez sensibles, à en juger par les armes,
les outils et les effets retrouvés en avant de notre réseau de fil de fer et
aussi par quelques cadavres allemands abandonnés au même endroit.
Le lieutenant-colonel RUEFF prend le commandement du régiment.
Du 19 au 24 octobre, le régiment est en réserve d'armée à Cuperly.
Le 3 novembre, tout le régiment se trouve en ligne. Il hérite d'une situation
très difficile. Les tranchées sont insuffisantes et leur tracé est très
compliqué et battu d'enfilade.
Le lieutenant GUIRAUD, commandant la 11e compagnie, est tué en faisant sa
reconnaissance.
Après avoir perdu quelques éléments de tranchées, le régiment est relevé le 9
novembre. Les hommes sont complètement privés de sommeil et mal nourris, leur
fatigue est extrême.
Le régiment a organisé le secteur. Il a eu des pertes sensibles. Harcelés par le
tir ennemi, épuisés par la fatigue, les soldats ont fait tous leurs efforts pour
améliorer la situation en faisant de nombreux travaux d'aménagement.
A l'heure actuelle, il n'y a plus aucune solution de continuité dans la ligne du
secteur de liaison et les tranchées sont solides.
BOIS DE LA GRUERIE (Argonne) (Novembre et Décembre 1914)
Le 14 novembre 1914, le 1er bataillon, commandé par le chef de bataillon DUCARRE,
va occuper la partie est du secteur « Four de Paris ».
Le 17 novembre, le 1er bataillon rejoint le 2e bataillon, qui a perdu un élément
de tranchée et doit le reprendre.
L'opération réussit et des travaux de fortification en vue de prévenir un retour
offensif de l'ennemi sont commencés.
Le 21 novembre, le régiment est relevé et va cantonner à Chaudefontaine, où il
reste jusqu'au 27 novembre. Les officiers et les hommes tombent de fatigue.
Le 28 novembre, le régiment est à nouveau en tranchées.
Le 4 décembre, vers 11 heures, un groupe de 120 fusils est constitué sous les
ordres du capitaine LARBALÉTRIER, afin de s'opposer aux infiltrations d'éléments
ennemis (forces inconnues) qui ont enfoncé la ligne du 91e de ligne vers le
ravin occidental de la
Fontaine-aux-Charmes. Peu après avoir débouché des tranchées du 128e, le groupe
est accueilli par le feu de l'ennemi qui occupe la crête opposée au ravin à 400
mètres de distance ; nous subissons quelques pertes.
Le groupe LARBALÉTRIER occupe la crête nord face à l'ennemi et est bientôt
rejoint par des fractions du 147e, en compagnie desquelles il participe, vers 16
heures, à l'attaque des tranchées ennemies.
Le groupe LARBALÉTRIER se place à cet effet sous les ordres du chef de bataillon
PALLENET, du 91e de ligne, qui dirige l'attaque des deux compagnies du 147e de
ligne.
Il est placé en soutien. L'attaque échoue.
Le 5 décembre, à 3 heures, l'attaque est reprise ; Le roupe LARBALÉTRIER
prolonge la ligne du 147e.
A gauche, une section progresse jusqu'à 10 mètres es tranchées mais, non
secondée par le 87e qui na pas u s'avancer aussi près des tranchées, les
éléments coloniaux ne peuvent que s'accrocher au sol.
L'attaque reprend à 5 heures.
La première ligne renforcée n'est plus qu'à quelques mètres des tranchées. Elle
est arrêtée par un réseau de il de fer et définitivement brisée.
Le commandant PALLENET donne l'ordre au groupe ARBALÉTRIER de rompre et d'aller
s'établir sur la crête ccidentale du ravin.
Le commandant DUCARRE prolonge le groupe ARBALÉTRIER à l'aide d'une compagnie du
51e de igne, restée en réserve et prescrit à chacun d'eux de se ouvrir à l'aide
d'une série de petits postes qui vont 'enterrer peu à peu à 100 mètres en
arrière de la crête, de façon :
1° A empêcher toute infiltration et toute attaque ;
2° De créer le prolongement d'une ligne de tranchées qu’il partiendra à des
travailleurs spéciaux d'exécuter pendant la nuit, car la fatigue des coloniaux
est extrême.
Dans la nuit du 6 décembre, s'effectue la relève par le groupe LARBALÉTRIER, de
la 5e compagnie du 91e de ligne, coupée de son régiment et qui s'est rabattue
sur la droite du 3e bataillon du 87e.
Le groupe LARBALÉTRIER se fortifie sur la position qu’il occupe, en oblique,
entre les deuxième et troisième lignes, à quelques centaines de mètres de
'ennemi qui, de deux directions différentes, bat cette zone de feux de
mousqueterie et de mitrailleuses. Le génie n'a pu y commencer les travaux qu'en
sape. De 16 heures à 19 heures s'effectue la relève très
pénible, très périlleuse, des éléments du groupe LARBALÉTRIER.
Du 23 au 26 décembre, le 1er bataillon est détaché au près de la 3e D.I. et se
rend dans le secteur de la près de la 3e D.I. et se rend dans le secteur de la
Fontaine-aux-Charmes.
Le 23 décembre, à 8 heures, la 1re compagnie est engagée en renfort du bataillon
de droite, où elle est chargée de s'installer à la place d'une compagnie du 87e
de ligne qui s'est laissée refouler par les Allemands dans les tranchées.
La situation est difficile.
Des travaux de terrassement sont entrepris pendant la nuit pour barrer les
trouées faites par l'ennemi.
Le 24 décembre, le 87e cède encore du terrain. La 1re compagnie bouche une
partie des tranchées occupées et
s'installe en arrière. Elle y est contrainte par suite du mouvement de retraite
du 87e de ligne.
Le 25 décembre, l'ennemi est toujours très actif.
Les 1re et 2e compagnies se maintiennent sur leurs positions et font subir des
dommages sensibles à
l'ennemi à l'aide d'heureux lancements de bombes et du tir d'une mitrailleuse.
Le bataillon est relevé le 26 décembre et va cantonner à Vienne-le-Château. Il
cesse d'être détaché
auprès de la 3e D.I. et passe en réserve du 2e C.A. à Chaudefontaine.
Le 26 décembre 1914, le général CORDONNIER, commandant par intérim la 3e D.I.,
adresse ses félicitations aux bataillons coloniaux qui « ont apporté à la 3e
D.I., dans les bois de la Gruerie, l'aide la plus efficace, du 21 novembre au 26
décembre 1914 et ont servi d'exemple par leur tenue au feu, leur activité
intelligente, leur mépris des fatigues et leur mordant ».
ATTAQUE DU BOIS BAURAIN (Argonne)
(14 Juillet 1915)
Le lieutenant-colonel RUEFF passe le commandement du régiment au colonel MOREL,
le 18 novembre 1914.
Le régiment reste dans le secteur de Servon jusqu'au 8 juin.
Il reste cinq jours en première ligne et cinq jours au repos. C'est le 1er
R.I.C. qui le relève et qu'il va relever tous les cinq jours.
Il ne se passe pas d'évènements très importants, sauf le 29 janvier 1915, où le
3e bataillon est alerté et
engagé dans la partie sud-ouest du bois de la Gruerie pour coopérer avec la 40e
D.I. à une contre-attaque
dirigée contre les Allemands qui ont pris des tranchées. Du 8 juin au 6 juillet,
le régiment profite d'un repos bien mérité, à la Neuville-au-Bois.
Du 6 juillet au 13 juillet, le régiment se prépare à attaquer dans le secteur du
bois Baurain.
Le 13 juillet au soir, les troupes d'attaque occupent leurs positions de combat,
dans le but de les
reconnaitre. Le mouvement terminé vers 20 heures, les troupes reprennent leurs
positions de départ.
Le 14 juillet, à 4 heures du matin, les bataillons d'assaut sont à leurs postes.
A l'heure prescrite (8 heures), ils s'élancent à l'assaut des positions
ennemies.
Le lieutenant-colonel MOREL fait sur le combat du bois Baurain, le récit suivant
: « Le 2e R.I.C. reçoit l'ordre de participer, le 14 juillet 1915, à une attaque
sur les lignes allemandes situées entre le saillant de la route Servon –
Pavillon et le bois Baurain inclus. « Le 2e R.I.C. est à l'aile gauche de la 15e
D.I.C., son
flanc couvert seulement par l'artillerie du 15e C.A.« La direction générale de
l'attaque, le but à atteindre
par la brigade coloniale, le dispositif initial résultant des travaux de
terrassement effectués,sont prescrits par l'ordre particulier n° 85 en date du
13 juillet 1915, du colonel commandant la 1re B.I.C. »
En outre, le lieutenant-colonel commandant le 2e R.I.C. doit « prendre ses
dispositions, pour parer le cas
échéant, aux opérations que l'ennemi pourrait tenter du
côté extérieur (ouest) ».
Le lieutenant-colonel commandant le régiment précise la mission, l'objectif du
2e R.I.C., la zone d'action des bataillons ainsi qu'il suit :
« Il s'agit (l'attaque a lieu avec deux bataillons en première ligne et un
bataillon en soutien) pour les deux
bataillons de tête de prendre pied le plus rapidement possible dans la première
ligne allemande et, si
possible, dans la deuxième ligne, de s'y installer, de s'y organiser, de s'y
relier avec l'arrière, de se garantir contre toute contre-attaque ennemie, puis,
de procéder à un nouveau bond en avant, le bataillon LOZIVIT
(bataillon de tête de gauche) formant barrage vers l'ouest et le nord-ouest.
Cet officier supérieur ayant une attention toute particulière à couvrir son
flanc gauche, il disposera pour
former l'échelon en arrière et dans des conditions nettement déterminées, d'une
compagnie et d'une section de
mitrailleuses du bataillon d'occupation des tranchées
(1er bataillon du 1er R.I.C.).
En ce qui concerne le bataillon de soutien, le chef de corps réserve une
compagnie pour renforcer sa gauche,
car celle-ci forme pivot du mouvement et le saillant allemand à attaquer est un
point important, car il est
construit sur un mamelon, de faible relief il est vrai, mais commandant tout le
terrain aux alentours.
La compagnie de droite est également réservée pour couvrir la droite de
l'attaque, l'élément encadrant se
trouvant en face d'une position sur laquelle la progression est une opération
des plus délicates et difficiles.
Le régiment attaque dans la direction sud-nord. Le bataillon LOZIVIT prend comme
objectif, le saillant ; le
bataillon STIEGLITZ, le bois Baurain jusqu'à l'organe de flanquement inclus à
l'ouest de ce bois.
Dispositif. - Les deux bataillons de tête sont accolés,chacun d'eux est sur deux
lignes. Le bataillon de queue
est sur une seule ligne. Chaque compagnie est en ligne
déployée. La première vague comprend les grenadiers,cisailleurs, troupes
d'assaut, fractions de la garnison de
la ligne ennemie à conquérir, grenadiers de nettoyage de ces tranchées. La
deuxième vague constitue une
ligne de renfort ; derrière elle, marchent quatre groupes de travailleurs
(génie, pionniers d'infanterie). La
troisième vague constitue une ligne de renfort ou de
manœuvre. Mais il y a lieu de remarquer que deux de ces compagnies sont
réservées pour la protection des
ailes.
Mesures préparatoires. - L'artillerie doit exécuter dans les réseaux de fil de
fer treize passages : sept
devant le bataillon de gauche et six devant le bataillon de droite.
Dans la nuit qui précède l'attaque, le chef de corps fait pousser un boyau vers
un petit mouvement de
terrain marqué par une touffe d'arbres et une haie au
nord-nord-est du bois 16, mouvement de terrain sur lequel il prescrit de diriger
à la suite de la première
vague, deux sections de mitrailleuses pour appuyer de ce point la progression de
la gauche du bataillon
LOZIVIT, en prenant d'écharpe et d'enfilade les tranchées allemandes.
A droite, une section de mitrailleuses est placée au milieu de la nuit dans le
secteur du 173e de ligne, pour
effectuer un septième passage à travers les réseaux de fils de fer, pour le
bataillon de droite.
L'attention des chefs de bataillon est appelée sur la forme de la ligne
d'attaque, sur celle de la ligne
allemande, sur la nécessité d'orienter convenablement les renforts.
Heure de l'attaque. - A 8 h. 30, sans autre avis, les troupes doivent déboucher
en même temps en colonnes
par deux pour pouvoir cheminer à travers les coupures du réseau français.
Exécution de l'attaque. - Les troupes de la première vague, suivies à courte
distance par celles de la
deuxième, débouchent à l'heure prescrite sans hésitation, dans un ordre, un
calme parfaits et avec un
entrain admirable.
A peine ont-elles dépassé les crêtes, qu'elles sont accueillies par des tirs de
barrage, puis par des feux de
mitrailleuses agissant de flanc ou d'écharpe. Elles franchissent sans arrêt les
défenses accessoires de la
première ligne complètement bouleversée et la deuxième ligne fortement
endommagée ; certaines portions plus ou moins intactes permettent aux défenseurs
d'offrir en ces points une certaine résistance.
Entrainées par leur élan, elles franchissent la troisième ligne ; la gauche s'y
établit, le centre continue
à progresser dans la direction de Binarville, atteint le fond du ravin de la
Noue-Dieusson ; la droite enlève les deux premières lignes de tranchées, pénètre
dans le bois Baurain. Le capitaine PETITJEAN, de la compagnie de droite, fait
mettre en état de défense les première et deuxième lignes de tranchées
allemandes.
A 8 h. 35, le chef de corps donne l'ordre aux deux compagnies du centre de la
troisième ligne de s'engager
dans le centre du dispositif, pour établir la liaison entre la gauche et la
droite, les unités du centre ayant disparu dans le ravin. A 9 h. 5, il signale
au général de brigade la nécessité et l'urgence de nourrir l'attaque. Pendant ce
temps, les Allemands massés d'une part, derrière un petit bois situé à
l'ouest-nord-ouest de la Noue-Dieusson, se portent en avant à la contre-attaque
contre nos éléments de gauche qui retournent la
troisième ligne allemande.
Ce groupe, débordé par sa droite et par sa gauche, bousculé et ramené en
arrière, est obligé d'évacuer le
saillant, mais grâce à l'appui d'une partie de la compagnie disponible du
bataillon d'occupation des
tranchées, ces divers éléments se cramponnent au mouvement de terrain en arrière
du bois 16, d'autre part par le feu des fractions de première ligne (tranchées
20-21) arrêtent les Allemands qui se sont avancés jusque sur la route de Servon,
entre notre tranchée 21 et le saillant. Cet incident a lieu à 9 h. 15. A droite
de notre secteur, le 173e de ligne n'a pu déboucher. Il est nécessaire de
couvrir la droite de la
compagnie PETITJEAN qui se trouve en l'air. A cet effet, la compagnie TARQUINY,
du bataillon de
soutien, est engagée dans les traces de la compagnie PETITJEAN avec ordre
d'appuyer sa droite. Au prix de nombreuses pertes, la compagnie TARQUINY atteint
la première ligne allemande et s'y jette.
Vers 10 h. 15, le lieutenant-colonel commandant le 2e R.I.C. reçoit comme
renfort, deux compagnies du
bataillon SCHIFFER.
Il prescrit à l'une de ces compagnies (la compagnie BARRAUD) de se placer dans
le boyau 19-20 et dans la
tranchée 20 ; à la compagnie BERDUREAU de se placer dans les boqueteaux à la
clairière 18-19. Il fait remettre
de l'ordre dans les unités ramenées et prescrit à toute cette ligne, sous les
ordres des chefs de bataillon
CHAMPEL et LOZIVIT, de progresser jusqu'à la crête militaire, c'est-à-dire à
proximité de la route de Servon,
de s'y enterrer et de se tenir prête à pousser une nouvelle attaque sur la
première ligne allemande, de
façon à établir la liaison avec les unités qui occupent la lisière du bois
Baurain, comptant que des renforts sérieux seraient placés en arrière et qu'une
nouvelle attaque serait montée. On n'a plus de nouvelles des unités du centre
qui se sont engagées à gauche des compagnies PETITJEAN et
CHAUVEUR.
Le mouvement en avant, auquel participe la compagnie ANGELI, compagnie de gauche
du bataillon de soutien, commence à 11 h. 15 et est terminé vers midi.
A ce moment, tout le 2e R.I.C. et deux compagnies de renfort du 1er R.I.C.,
moins un peloton ont été
engagés. Les unités ainsi placées sont soumises pendant tout le cours de la
journée à un violent feu d'artillerie, de front et d'enfilade.
Les Allemands ont accumulé des mitrailleuses dans les mouvements de terrain
avoisinant le « Chêne » et
rendent infranchissable le terrain qui sépare la lisière sud du bois Baurain de
nos lignes. Après plusieurs
tentatives infructueuses, une liaison peut être établie par un soldat entre le
groupe PETITJEAN – CHAUVEUR –
TARQUINY et notre première ligne.Deux boyaux d'accès sont commencés de notre
côté et poussés au devant de deux boyaux d'accès commencés par les troupes qui
occupent la lisière sud du bois Baurain. Ce travail qui doit être fait en sape,
est gêné par les Allemands qui accumulent dans cette région, des feux
d'artillerie, de minenwerfer et de mitrailleuses.
Vers 17 h. 30, le bataillon SOUBIRAN est engagé à droite dans la direction du
saillant du « Chêne ». Il est
repoussé avec de lourdes pertes.
A la nuit, le commandant STIEGLITZ peut se rendre en rampant jusqu'à la tranchée
occupée par la compagnie PETITJEAN pour examiner la situation. Il peut même
faire procéder à un ravitaillement partiel en pétards, cartouches et eau, mais
les Allemands, à la faveur de la nuit, font tous leurs efforts pour chasser ce
groupement de leurs positions, attaquant de front et sur le flanc gauche
(ouest).
Ils parviennent à séparer la compagnie TARQUINY de la compagnie PETITJEAN. Leurs
progrès deviennent
tellement sérieux que le chef de corps, sur demande ducapitaine PETITJEAN, fait
déclencher un tir d'artillerie
sur les tranchées occupées par nos éléments du bois Baurain.
Vers 0 h. 30 arrive en renfort une compagnie du 155e de ligne.
Après en avoir conféré avec le commandant STIEGLITZ, le chef de corps décide
qu'une section fera barrage à droite dans le boyau d'extrême droite, transformé
en tranchée et que les deux autres sections
en échelons, la droite en avant, portées en avant de la tranchée, empêcheront le
capitaine PETITJEAN d'être
tourné par l'ouest. Mais ce mouvement ne peut avoir lieu, car la compagnie
nouvellement arrivée n'a pas d'outils, elle ne connait pas le terrain et la nuit
est très noire.
Enfin, vers 3 heures du matin, les Allemands se lancent en masse sur le groupe
PETITJEAN qui, avec
une soixantaine d'hommes, parvient à se faire jour jusqu'à nos lignes.
Quant à la compagnie TARQUINY, l'ennemi a pu occuper le boyau que celui-ci
poussait au devant du notre et désormais cette fraction, réduite à une trentaine
d'hommes, est complètement cernée. Vers 7 heures du
matin, toute résistance du groupe TARQUINY semble avoir complètement cessé.
Dans ces combats du bois Baurain, le régiment a eu 28 officiers et 1.322 hommes
tués, blessés ou disparus.
Le régiment a fait une trentaine de prisonniers appartenant à cinq régiments
différents.
Le 15 juillet, les débris du régiment tiennent toujours le secteur Y, renforcés
par deux compagnies du 155e
de ligne à droite et deux compagnies du même régiment à gauche.
Le régiment est relevé le 16 et va au repos à la Neuville-au-Pont, où il reste
jusqu'au 26 juillet pour se
réorganiser.
Le bataillon STIEGLITZ se rend dans le secteur 188 le 27 juillet, relever un
bataillon du 5e R.I.C. dans le
centre de résistance A.
ARGONNE
(Juillet et Août 1915)
Journée du 11 août. - Le 1er bataillon de 2e R.I.C., composé des compagnies
LARBALÉTRIER (1re), PETITJEAN (2e), CHAUVEUR (3e), DAYRE (4e), à l'effectif
moyen de 160 fusils, venait de passer six jours en première ligne dans le centre
de résistance A, où il avait eu à repousser une petite attaque allemande, et
avait été relevé dans la nuit du 10 au 11 août. Il occupait les abris
Territoriaux et Houyettes, lorsque commença l'attaque ennemie du 11 août sur les
centres B et C.
La canonnade devenant intense, le chef de bataillon alerta son bataillon ; il
était donc prêt à partir, lorsque
parvint, vers 8 heures, l'ordre suivant du colonel BERTIN, commandant le secteur
de la 15e D.I.C. :« Portez-vous le plus rapidement possible vers le haut du
ravin des Houyettes, les Allemands ont forcé la
tranchée du Pavillon en C et tentent de tourner Rondinage ».
Le colonel BERTIN m'ayant fait téléphoner (écrit le chef de bataillon STIEGLITZ)
que le général commandant la D.I. l'autorisait à user directement des
troupes en réserve de D.I. (mon bataillon en était), j'exécutai aussitôt l'ordre
reçu et arrivai de ma personne
vers 8 h. 30 au P.C.C. (chef de bataillon SAILLENS, du6e R.I.C.).
Le commandant du centre C me pria de lui donner sans retard deux de mes
compagnies. La compagnie LARBALÉTRIER fut immédiatement portée en première ligne
pour renforcer la compagnie MANGIN (4e du 6e R.I.C.) en C2 ; la compagnie
PETITJEAN en soutien pour renforcer la compagnie LE BELLOUR (3e compagnie du 6e
R.I.C.) dans la tranchée dite de réserve. Les deux autres compagnies en position
d'attente sur le chemin de rondins du ravin des
Houyettes, la tête au poste de secours avec le commandant du 1er bataillon. Ces
dispositions initiales prises, le chef de bataillon reçut du colonel BERTIN
l'ordre suivant : « Vous serez sous les ordres du colonel DUHALDE, du 6e
colonial, pour établir la communication avec le commandant SAILLENS et pour
permettre à ce dernier de procéder à une contre-attaque en avant de B. Les
Allemands occupent un élément de la tranchée du Pavillon, à la
droite du fuseau A ».
D'autre part, le colonel GUÉRIN, commandant la 1re B.I.C., confirmait ces
ordres. Enfin, le lieutenantcolonel
DUHALDE me faisait connaître que mon bataillon était à la disposition du
commandant SAILLENS. Ce dernier officier supérieur me demanda, vers 9 heures,
d'envoyer le capitaine DAYRE à la disposition du lieutenant-colonel DUHALDE pour
coopérer aux contre-attaques dans B et pour établir la liaison avec le fuseau B2
tenu encore à ce moment par le capitaine MARION, du 6e R.I.C.
La compagnie CHAUVEUR devait être placée dans le boyau qui relie le poste de
secours du chemin des Rondins au P.C.C., sa tête devant le P.C. ; enfin, la
compagnie PETITJEAN devait renforcer par un peloton la compagnie BOLAU (2e du 6e
R.I.C.) en C3, ne conservant plus qu'un peloton dans la tranchée dite de
réserve.Ces ordres furent exécutés aussitôt.
Vers 9 h. 30, le capitaine LARBALÉTRIER qui renforçait en C2, fut chargé par le
commandant SAILLENS de contre-attaquer à la baïonnette des Allemands qui
s'avançaient par un boyau vers nos tranchées en se couvrant par une pluie de
pétards La section du sous-lieutenant LAGARDE s'élança hardiment en avant, mais
seuls, cet officier et trois hommes atteignirent l'ennemi dans son boyau, le
reste de la fraction ayant été arrêté après des pertes
relativement fortes, par des feux d'une mitrailleuse allemande. Ils furent
aussitôt blessés et pris, à
l'exception d'un homme, qui put rentrer dans nos lignes.La section de l'adjudant
ROGUET, envoyée pour soutenir la section LAGARDE subit aussi des pertes
sensibles et dut rentrer dans la tranchée. Le mouvement offensif de l'ennemi
était d'ailleurs suspendu.
Pendant ce temps, le capitaine DAYRE renforçait B3 par un peloton (Sections du
sous-lieutenant ADANI et
du sergent de JONQUIÈRES) et se ravitaillait en munitions, tandis que l'autre
peloton (sections du lieutenant DEMILLY et du sergent BERCEGEAY) prenait
position à l'extrémité est de la tranchée Pavillon, à la gauche des vestiges de
la compagnie CLERC, du 6e colonial.
Dans la matinée du 11 août, la section de l'adjudant LANUGUE, de la compagnie
PETITJEAN, fut appelée de la tranchée dite de « Réserve » au fuseau C1 pour
renforcer la compagnie ALBRECHT, du 6e colonial, et maintenir ainsi la liaison
avec B3.
Dans l'après-midi, la section du sous-lieutenant LE BRIS, de la compagnie
LARBALÉTRIER, s'installait dans
les trous d'obus et rétablissait ainsi la liaison entre C1 et C2. Dès ce moment,
une ligne continue reliait B3 à C3 et la fin de la journée se marquait par le
gain en C3 de quelques éléments de boyaux conquis à coups de
pétards et l'organisation dans ce même fuseau de quelques barrages défensifs.
Journée du 12 août. - Dans la nuit du 11 au 12 août, le commandant SAILLENS
communiqua au commandant STIEGLITZ des messages téléphoniques du général
commandant la IIIe armée et du colonel commandant le secteur prescrivant de
chasser un petit groupe ennemi qui se serait terré dans le boyau faisant
communiquer les tranchées est-ouest et Pavillon d'une part et le P.C.C. d'autre
part. Il le pria d'organiser l'attaque de front du dit boyau et
mit à sa disposition un groupement composé d'un peloton de la compagnie DAYRE
(lieutenant DEMILLY et sergent BERCEGEAY), de la compagnie LEBARBENCHON (150
fusils du 1er R.I.C.), de la fraction du sous-lieutenant HUCHET (15 fusils du 6e
R.I.C.), enfin deux sections de la compagnie CHAUVEUR (sous-lieutenants CLOAREC
et LÉVÊQUE).
Les ordres provenant de la IIIe armée se basaient sur les renseignements donnés
par le commandant SAILLENS aux termes desquels le groupe ennemi à expulser était
peu nombreux et plutôt disposé à se rendre qu'à se défendre.
Ces ordres d'attaque vigoureuse et surtout rapide, donnés pour que cet ennemi
fatigué n'ait pas le temps de se ressaisir et de s'organiser défensivement,
furent du reste confirmés au commandant STIEGLITZ par un capitaine de
l'état-major de la IIIe armée.
Le commandant STIEGLITZ combina une attaque à coups de pétards sur chacune des
extrémités du boyau et une attaque de front venant de l'est sur le boyau. Elles
furent exécutées le 12 août, vers 2 h. 45. Une demi-section du lieutenant
CHAUVEUR attaqua le barrage qui avait été reconnu au nord du boyau, une
demi-section du capitaine DAYRE celui du sud ; chacun disposait d'une
demi-section destinée à renforcer ou à
occuper la portion du boyau conquise ; le reste de la b force mise à la
disposition du commandant STIEGLITZ attaqua de front. La première tentative
exécutée pourtant avec bénergie, échoue : l'attaque du barrage nord, qui était
la plus facile, manquait de bons grenadiers (le 2e R.I.C. a perdu ses meilleurs
éléments de l'espèce le 14 juillet dernier). L'attaque du barrage sud se heurta
à une organisation défensive sérieuse(blockhaus, mitrailleuse, lance-bombes) ;
l'attaque de front progressa jusqu'au layon Servon-Bagatelle, fit , en subissant
des pertes, un deuxième bond, jusqu'à une ligne jalonnée par des trous d'obus,
mais ne put dépasser effectivement cette ligne au delà de laquelle se trouve une
zone d'arbres abattus et hachés par les obus ;
zone où la marche est difficile et où les assaillants
recevaient du boyau ennemi, une avalanche de grenades, pétards, bombes et
rafales de mitrailleuses. Une deuxième attaque sur ce boyau fut faite vers 14
heures, le 12 août, après que l'action sur le barrage nord eut progressé, grâce
à l'énergie déployée personnellement par le lieutenant CHAUVEUR qui, lançant
lui-même des grenades et pétards et employant des mortiers de 70 et 90, démolit
ce barrage, refoule l'ennemi sur une longueur d'environ 60 mètres de boyau
et le força à reculer d'autant son organisation défensive.
En même temps, les fractions du capitaine DAYRE qui, dans la matinée avaient
fait un barrage en face de celui organisé au sud par l'ennemi, ne parvenaient
qu'à rapprocher un peu plus ce barrage du blockhaus allemand.
Voulant profiter du succès du lieutenant CHAUVEUR et de la ténacité du capitaine
DAYRE, le commandant
STIEGLITZ, en conformité des ordres de l'armée et des autorités intermédiaires,
lança une deuxième fois de
front, le reste de son groupement qui, malgré l'expérience précédente, se lança
avec la plus grande vigueur, mais échoua pour les mêmes raisons que le matin.
Le groupe d'attaque se replia dans sa tranchée de départ, tout en se couvrant
par des postes installés au
layon Servon -Bagatelle. Elle avait subi de fortes pertes ; l'effectif de la
compagnie LEBARBENCHON était alors réduit de moitié.
Les vestiges de la compagnie ANGELI (7e du 2e R.I.C.), installée dans la
tranchée Pavillon, à l'ouest du
boyau, pour prendre à revers, le cas échéant, les Allemands chassés du boyau,
n'eurent pas à intervenir.
Journée du 13 août 1915. - Dans la nuit du 12 au 13, profitant de ce qu'une
attaque lancée par le commandant SAILLENS avait pu franchir le boyau dans sa
partie nord et de ce que la compagnie PLAT (9e du 2e R.I.C.) était disponible,
une troisième attaque fut conduite sur la partie centrale et la partie sud du
boyau ;elle subit le même sort que les deux premières. Ces trois attaques
avaient du moins permis de
constater que la portion du boyau où les Allemands avaient été refoulés par
l'action du lieutenant CHAUVEUR sur le barrage nord, était occupée par une force
ennemie que, vu le front d'où partaient les feux et vu la densité de ces feux,
le commandant STIEGLITZ évalue à environ 200 hommes décidés, bien armés, bien
retranchés, bien approvisionnés et réapprovisionnés, ce qui implique que le
boyau attaqué était réuni à la zone
occupée solidement par les Allemands dans la région nord du centre B, ou plus au
nord encore.Ces constatations permirent au commandant STIEGLITZ de fixer de
façon certaine le lieutenantcolonel DUHALDE et le commandant SAILLENS sur les
moyens à donner aux troupes chargées de réduire le groupe ennemi dont il s'agit.
Le lieutenant-colonel DUHALDE prescrivit alors de renoncer à toute attaque de
front, de n'attaquer que par les barrages et de
commencer contre le barrage sud une galerie de mine.
La force d'attaque confiée au commandant STIEGLITZ eut à supporter dans ses
tranchées, dans la journée du 12, un violent bombardement (cal. 150 et 210) qui
causa des pertes et atteignit les nouvelles tranchées commencées pour relier la
tranchée Pavillon au P.C.C., selon un tracé parallèle au boyau ennemi (travail
achevé au moment de la relève).
Le commandant STIEGLITZ ayant quitté le commandement des 1re et 2e compagnies et
de la plus grande partie des 3e et 4e compagnies de son bataillon, ne peut
indiquer en détail les faits accomplis par ces
unités ou fractions, que le commandant SAILLENS avait sous ses ordres. Il lui
paraît cependant opportun de signaler les évènements suivants :
Le 11 août, vers 10 heures, à l'attaque contre le barrage nord, conduite par le
lieutenant CHAUVEUR,correspondit une attaque allemande sur C2 ; l'ennemi fonça
sur la section LE BRIS (compagnie LARBALÉTRIER) installée dans des trous d'obus
entre C1 et C2 et la força à se replier en arrière de la tranchée de soutien,
dite « du commandant DUSSAUX », ce qui entraina le mouvement de repli des
éléments de C2 installés en première ligne plus à droite ; la tranchée du
commandant DUSSAUX n'était plus tenue que par le capitaine LARBALÉTRIER
disposant d'une section et demie de sa compagnie.
Le commandant SAILLENS prescrivit alors au capitaine PETITJEAN d'aller faire
ouvrir le feu à deux mitrailleuses qui se trouvaient en C3 et de résister coûte
que coûte avec deux sections (sous-lieutenant DESLANDRE, sous-lieutenant TIROT)
sur l'emplacement occupé par ces sections entre la compagnie BOLOU (C3) et la
compagnie LARBALÉTRIER (C2), emplacement sur lequel était dirigée l'attaque
ennemie ; le capitaine PETITJEAN rencontra alors des hommes de C2 qui
fléchissaient et se repliaient, les arrêta grâce à son énergie et le capitaine
LARBALÉTRIER réoccupa la portion du front qui venait d'être abandonnée. La
situation était ainsi rétablie, ainsi que la liaison des fuseaux et les renforts
venus de l'arrière (3e bataillon du 2e colonial) permettaient de résister
victorieusement à une nouvelle attaque.
Le commandant STIEGLITZ apprit par le sergent de JONQUIÈRES que le peloton de la
compagnie DAYRE, détaché en B3 pour renforcer la compagnie MARION, fut, ainsi
que cette dernière unité, coupé de C1, entouré presque entièrement par l'ennemi
et contraint à se replier. Dans ce mouvement de repli, une demi-section du
sous-lieutenant ADANI et la demi-section du sergent de JONQUIÈRES auraient été
détruites ; les deux autres demi-sections sont rentrées aux abris Territoriaux
avant la relève.
A la deuxième attaque de front, lancée le 12 août, vers 14 heures, contre le
boyau tranchée du Pavillon –
P.C.C., correspondit une attaque allemande analogue à celle du même jour, 10
heures.
Les troupes de première ligne manquant de pétards, se replièrent dans la
direction du P.C.C. Le souslieutenant
TOBIE (compagnie PETITJEAN) prit alors sous ses ordres un groupe d'environ 150
hommes de toutes compagnies, fit sonner la charge et les porta en avant au nord
de P.C.C. Après quelques mouvements en avant suivis de reculs, il parvint à
installer définitivement son groupe au nord de P.C.C. et
rétablit la situation en ce point. Le 3e bataillon, sous les ordres du chef de
bataillon LOZIVIT, accomplissait pendant ce temps une lourde tâche.
Le 12 août 1915, dans la matinée, le 3e bataillon était cantonné dans les abris
Territoriaux (nord-est de Vienne-le-Château). Vers 11 h. 30, le chef de
bataillon recevait l'ordre suivant : « Mettre d'urgence une compagnie à la
disposition du chef de bataillon SAILLENS, commandant le centre de résistance C.
« Disposer les trois autres compagnies dans la tranchée est-ouest du ravin de la
Houyette au Rondinage. Tenir coûte que coûte la tranchée qui barre le chemin des
Rondins et le ravin de la Houyette. »
La 11e compagnie (capitaine TOURNIER) se rend immédiatement au poste de
commandement C et relève en première ligne la compagnie LARBALÉTRIER.
Les 9e, 10e et 12e compagnies s'établissent dans la tranchée est-ouest.
En se rendant au poste de commandement C, le chef de bataillon rencontre le chef
de bataillon STIEGLITZ qui lui communique l'ordre suivant, du chef de bataillon
SAILLENS :
« Venir vite avec deux compagnies pour dégager deux compagnies cernées dans le
Doigt de Gant ;« Mettre une compagnie à la disposition du chef de bataillon
STIEGLITZ pour contre-attaquer. »
En conséquence, les 12e compagnie (capitaine OLLIVON) et 10e compagnie
(capitaine BUVELOT), commencent leur mouvement vers le poste decommandement C.
La 9e compagnie (lieutenant PLUT) est mise à la disposition du chef de bataillon
STIEGLITZ et restera sous ses ordres jusqu'à la relève, le 14 août, dans la
matinée.
Le peloton du sous-lieutenant THIÉBAULT occupe le boyau d'accès A, vers le Doigt
de Gant et l'organise.
Il est prêt à contre-attaquer par le nord-ouest pendant que les compagnies
MARION et ALBRECHT, cernées dans le Doigt de Gant, font leur mouvement de
replpar petits paquets en rampant, car il n'y a pas de communication entre le
Doigt de Gant et le boyau tenu par le peloton THIÉBAULT.
Après le repli des compagnies MARION et ALBRECHT, les Allemands prononcent une
violente attaque, appuyée par un bombardement intense. La ligne cède, les
compagnies du 6e R.I.C., le peloton de la 12e compagnie se replient en arrière
de D.
Le chef de bataillon SAILLENS et le centre C
demandent du renfort.
Dès l'arrivée des renfort, les clairons sonnent la charge, les troupes remontent
au delà de D, mais une
contre-attaque ennemie les refoule à nouveau.
Jusqu'à la nuit, plusieurs charges sont exécutées, mais les troupes ne peuvent
avancer au delà de D.
A la nuit, les troupes d'assaut couchent sur la
position. Le chef de bataillon SAILLENS réunit les commandants de compagnie vers
0 h. L'attaque sera
reprise à 3 heures. Le concours de l'artillerie ne peut être obtenu. L'attaque
ne peut déboucher. Pendant toute la journée du 13 et la nuit du 14, les troupes
restent sur les mêmes positions. L'ennemi bombarde violemment nos lignes. Le
concours de notre artillerie fait défaut. La relève a lieu dans la nuit du 13 au
14. Suivant ordre reçu, les unités relevées du bataillon à la disposition du
centre C, restent en position d'attente près du poste de secours jusqu'à la fin
de la relève.
Elles sont ensuite dirigées vers les abris Territoriaux et les abris nord-ouest
de Vienne-le-Château.
Le 14 août, le régiment est relevé et vient se reposer à la Neuville-au-Pont. Le
colonel et le capitaine major reconstituent et remettent un peu d'organisation
dans les compagnies, dont quelques unes ont perdu tous leurs officiers et ont
été fortement éprouvées. Le régiment a eu en effet 15 officiers blessés et un
tué dans les journées de combat des 11, 12 et 13 août. Il a perdu aussi 10
sous-officiers tués, 24 blessés et 47 soldats tués, 171 disparus, et 341
blessés.
Le 15 août, tout le régiment est transporté au repos à Cheppy en camions
automobiles. Il quitte Cheppy le
27 et se rend à La Cheppe. Il est employé jusqu'au 16 septembre à faire quelques
travaux d'aménagement aux tranchées de première ligne et aux boyaux de
communication.
Le 17, le régiment part aux tranchées.
Dans la nuit du 24 septembre, tout est prêt pour une grande attaque. Le
bataillon STIEGLITZ se porte en première ligne et le 3e va occuper les boyaux
Alsace- Gascogne aux positions de réserve de D.I., sur la route de Suippes à
Souain.
CHAMPAGNE (Moulin de Souain)
25 septembre 1915. - Au petit jour, le régiment s'est formé pour l'attaque, 1er
et 2e bataillons en ligne
formant vagues d'assaut, 3e bataillon formant réserve de D.I., est dans les
boyaux Alsace-Gascogne, à 600
mètres au sud de Souain.A 9 h. 15, les vagues sortent des tranchées,
franchissent les ouvrages du Palatinat et de l'entonnoir de Souain, les groupes
de nettoyeurs de tranchées dégagent les ouvrages. Une lutte homérique s'engage :
le sergent BLOCH, après un dur combat, se trouve complètement entouré d'ennemis.
Un officier allemand lui commande de se rendre en lui promettant qu'il ne lui
sera fait aucun mal. « Jamais ! » répondit BLOCH en épuisant les grenades qui
restaient dans ses musettes. Au même moment, une balle vint le frapper en pleine
tête et le tua net. Un de ses hommes grièvement blessé à ses côtés et abandonné
par les Allemands, a fait le récit de cette héroïque aventure.
Les vagues franchissent les tranchées Von Klück- Odalisques, montent au delà du
bois Guillaume II, atteignent les bois 17, 18 et 38.
Dès le déclenchement de l'attaque au nord de l'Ain, arrive l'ordre d'attaquer la
tranchée d'Altons, le bois
des Bouleaux, encore occupés par des tirailleurs ennemis qui tirent sur les
éléments de nos troupes qui les ont dépassés, puis de continuer la marche en
avant. Aux 1er et 2e bataillons, les unités mélangées
tiennent sur leurs positions. Le lieutenant-colonel blessé et évacué est
remplacé par le chef de bataillon LOVIZIT, qui prend le commandement du régiment
et s'installe au bois Guillaume II, où le 3e bataillon s'établit également en
bivouacs.
Le 67e de ligne occupe le terrain entre le bois Guillaume II et la tranchée des
Odalisques.
26 septembre. - Deux secteurs sont formés :
A droite, 2e brigade ;
A gauche, 1re brigade.
La limite entre les deux secteurs est continuée par une ligne allant de 606 à la
cote 179, près du bois 50.
La mission est d'organiser la position conquise et de tenir coûte que coûte.
27 septembre. - Les 10e et 12e compagnies appuient
dans la soirée l'attaque du 35e de ligne sur la tranchée des Tantes.
28 septembre. - Les éléments sont ramenés un peu en arrière pour mettre de
l'ordre dans les unités.
Le régiment occupe :
1er bataillon, boyau des Fathmas ;
2e bataillon, bois Guillaume II ;
3e bataillon, boyaux de Brême et sud du bois 38.
A 15 h. 30, le 6e C.A. attaque la tranchée de Lubeck ; quatre bataillons de
chasseurs sortent de la lisière nord du bois 28, attaquant les bois J11, J10,
J3, en passant par la tranchée des Tantes tenue par le 35e de ligne.
Le 1er R.I.C. suit et attaquera la tranchée de Lubeck
par le nord.
Le 2e R.I.C. attaquera la cote 193 et marchera sur un kilomètre ouest de
Somme-Py et poussera au nord.
Les 9e et 11e compagnies appuieront la gauche de l'attaque du 6e C.A. sur la
tranchée de Lubeck.
Pertes pendant les journées des 25, 26, 27 et 28
septembre :
Officiers : 7 tués, 15 blessés, 4 disparus ;
Troupe : 46 tués, 345 blessés, 538 disparus.
OISE ET SOMME
(Décembre 1915 à Décembre 1916)
Le 1er octobre 1915, le régiment séjourne aux abris Piémont, et part le
lendemain au camp de la Noblette.
Le 4 octobre, il se rend à Estrées-Saint-Denis en camions automobiles. Il y
reste jusqu'au 15 pour se
reconstituer.
Le 15, la D.I. se porte à 10 kilomètres au nord et s'établit dans la région de
Moyenneville. Le régiment
va à Bailleul-le-Soc le 25 octobre, où, le lendemain, le roi d'Angleterre, le
président de la République et le
Généralissime passent une revue.
Le lieutenant-colonel MONHOVEN prend le commandement du régiment en remplacement
du lieutenant-colonel MOREL, qui a été blessé le 25 septembre.
Le régiment reste dans la même région jusqu'au 27
décembre, où il se porte vers le nord-ouest, par Villers- Tournelle, Le Plessier,
Grivesnes.
Le 28 décembre, il va dans la région de Plachy et le 30, il embarque à Salleux
pour aller à Saint-Riquier en
passant par Amiens et Doullens. Pendant les deux années 1914 et 1915, le
régiment a reçu un renfort de 11.994 soldats, 636 caporaux, 378 sergents, 28
sergents-fourriers, 44 sergents-majors, 53
adjudants et 20 adjudants-chefs, soit un total de 13.841 hommes.
Le régiment reste au camp de Saint-Riquier du 1er au 16 janvier 1916, date à
laquelle il embarque à Abbeville, à destination de Poix. Il se rend ensuite à
Bailleul-le-Soc pour y stationner jusqu'au 12 février.
Il se porte alors dans la région de Ravenel, Varmont, Moutiers et le 19 février,
il relève en lignes le 70e territorial, dans le sous-secteur de Mareuil
(Oise).
Le lieutenant-colonel MONHOVEN porte à la connaissance du régiment l'ordre 477
de la IVe armée,
en date du 28 janvier 1916.
Le général commandant la IVe armée, cite à l'Ordre de l'armée, le 2e régiment
d'infanterie coloniale :
S'est signalé depuis le début de la campagne par sa solidité et son endurance.
Le 25 septembre 1915,
brillamment enlevé par son chef, le lieutenant-colonel MOREL qui a été
grièvement blessé, s'est emparé de cinq
lignes de tranchées fortement organisées, se portant d'un seul élan jusqu'à des
positions d'artillerie ennemie, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant
d'un matériel important. A tenu ensuite solidement le terrain conquis, sous un
bombardement intense et a donné une nouvelle preuve de son allant et de son
énergie, dans l'attaque du 29 septembre. Le lieutenant-colonel commandant le 2e
R.I.C. prend le commandement du sous-secteur le 19 février.
Le régiment reste dans ce sous-secteur jusqu'au 29 juillet. Les pertes ne sont
pas considérables.
Le 29 juillet 1916, le régiment est relevé par le 4e tirailleurs de la D.I.M.,
et va cantonner à Vaudelicourt.
Il y reste jusqu'au 14 août et le 15, il va en lignes au nord-ouest de Dompierre,
où il occupera le secteur
jusqu'au 20 septembre 1916. C'est pendant cette période qu'ont lieu les fameuses
affaires de la Somme.
Le séjour en lignes est pénible et les relèves difficiles ; les hommes sont
presque enlisés. L'artillerie
bombarde souvent et violemment les tranchées. Nos pertes sont sensibles, mais
elles sont plus fortes chez
l'ennemi.
Le 9 septembre, en vue de préparer une attaque de la 15e D.I.C., le 2e R.I.C.
exécute à 17 heures une attaque
partielle dans le but de s'emparer du front 550-551. L'attaque, préparée par
l'artillerie de tranchée, est
exécutée par une équipe de grenadiers de la compagnie LE BRIS, un peloton de la
compagnie PIERRE, une section de la compagnie BALADES, appuyés par les
mitrailleuses des C.M. 1 et C.M. 4.L'attaque se déclenche à l'heure dite avec un
entrain remarquable, qui met le régiment en complète possession des objectifs
assignés. L'ennemi réagit
fortement, tant au moyen de grenades que de contreattaques et d'artillerie de
tous calibres qui, à plusieurs
reprises, exécute des tirs de barrage sévères sur la première ligne et la ligne
de soutien.
Deux contre-attaques, l'une immédiate, l'autre à 17h. 40, sont repoussées et
nous restons maitres du terrain
conquis, en capturant 35 prisonniers et quatre mitrailleuses en bon état.
Jusque-là les pertes s'élèvent à 130 blessés ou disparus. La nuit est employée à
organiser la position conquise. Le lendemain, 10 septembre, à 4 heures, l'ennemi
déclenche un très violent tir de barrage et de contrebatterie, mais sans attaque
d'infanterie. Nous avons quelques pertes, mais nous conservons entièrement le
terrain enlevé d'assaut la veille. Cependant, au moyen d'une attaque brusquée
par liquides enflammés sur la section de la compagnie LE BRIS occupant la
tranchée
du Poivre, l'ennemi parvient à nous ramener sur nos positions du 8. La section
qui a courageusement résisté et prononcé même une contre-attaque est presque
anéantie. Les première et deuxième lignes sont violemment bombardées. Les hommes
qui combattent depuis cinq jours, toujours en éveil, sont très fatigués.Les
communications téléphoniques sont difficiles, les lignes fréquemment coupées, ce
qui oblige d'assurer la liaison des divers échelons par coureurs.
La 1re brigade doit participer à l'attaque faite par le 2e C.A.C. le 17
septembre.
L'attaque dans la zone de la brigade est dirigée par le colonel MONHOVEN.
A 4 h. 45, les éléments du secteur de gauche appuyés par le tir du 58,
commencent leur progression vers le point 87.36, qu'ils atteignent vers midi.
Pendant ce temps, l'artillerie de tranchée exécute une préparation intense sur
la tranchée du Poivre, depuis 86.35 jusqu'à 547. Le 75 tire en même temps aux
environs du point 87.33.
Vers 14 heures, le capitaine SPECEL, commandant la 5e compagnie, qui devait
commander l'attaque sur le point 87.35, voyant la préparation suffisante et
s'apercevant que des Allemands paraissent vouloir se rendre, déclenche son
attaque avant l'heure fixée. Il la dirige avec sa bravoure habituelle, mais
malheureusement ses éléments de tête tombent sous le feu d'une mitrailleuse qui
a réussi à se maintenir dans un boyau. Le capitaine SPECEL est tué ainsi que le
sous-lieutenant qui commande la section d'attaque. Les premiers éléments de
cette section, après un moment d'hésitation, s'emparent de 87.35 et commencent à
progresser vers le point 87.36 où la liaison est établie vers 18 heures. En même
temps que la section de la 5e compagnie s'élançait à l'attaque, les éléments de
la 2e compagnie sénégalaise partaient des points 550 et 551, pour se jeter par
519 sur la tranchée du Poivre ; ils se reliaient bientôt vers 87.35 à la 5e
compagnie et gagnaient du terrain vers 87.33, d'où après avoir anéanti une assez
vive résistance d'un groupe ennemi, ils se reliaient aux éléments d'attaque de
la 7e compagnie qui arrivaient par le boyau 85.31 et par la tranchée du Poivre.
Au cours de cette attaque, nous avons pris dans la tranchée du Poivre 2
officiers, 70 soldats ennemis, dont 15 à 20 ont été tués par l'artillerie
ennemie au cours de leur voyage à l'arrière et deux mitrailleuses.
Nos pertes sont très peu élevées, la 5e compagnie a eu une quinzaine de tués,
une vingtaine de blessés. Les
deux autres compagnies ont eu un tué et chacune sis à huit blessés dans
l'attaque même. Par contre, les pertes
ennemies sont considérables à en juger par le grand nombre de cadavres trouvés
sur le terrain.
Au cours de l'avance, quand nous avons pris la portion de tranchée 85.35 – 449,
nous y avons trouvé une centaine de cadavres. Le 58 faisait sauter en l'air
corps et armes. Dès la prise des objectifs, commence l'organisation de la
nouvelle tranchée, organisation à laquelle viennent participer pendant la nuit,
deux sections du génie. L'ennemi réagit peu. Les marsouins sont couverts de
boue. Ils sont sales,leur barbe et leurs cheveux sont en broussailles, ils sont
dans un état lamentable.
Du 20 septembre au 26 octobre, ils vont se reposer au camp de Marly, d'où ils
font mouvement pour aller
relever le 42e à Belloy-en-Santerre. La relève s'opère dans de bonnes
conditions. Le secteur était calme. Les marsouins y firent preuve d'endurance et
souvent d'un beau courage. « Un soir, rapporte un combattant, cinq grenadiers
d'élite sous les ordres du chef d'équipe DUVAL (Jules), étaient volontaires pour
aller reconnaitre un poste avancé. Avant d'atteindre son but, l'équipe fut
soumise à un violent tir de barrage de grenades. Obligée de revenir en arrière à
cause du manque de munitions, elle fut chargée une heure après, de s'emparer du
même
poste. « Les six grenadiers remontèrent et furent reçus cette fois encore par de
terribles tirs de grenades et de jets de liquide enflammé. « En plus de
l'effectif du poste avancé, ils avaient devant eux, deux sections ennemies
arrivées en renfort dès la première alerte. Les Boches en opposant une forte
résistance n'attendaient que le fléchissement de l'équipe pour se porter en
avant, mais nos braves poilus tenant vaillamment, donnèrent le temps à
l'artillerie de tranchée d'appuyer leur action. Après quelques instants d'un tir
très nourri, ils s'élancèrent en chantant la « Marseillaise », à l'assaut de la
position qui tomba entre leurs mains. »
Le 29 octobre, l'artillerie ennemie se montre très active et nous cause quelques
pertes et des dégâts assez
importants. Le colonel MAYER est nommé au commandement du régiment le 30
octobre, en remplacement du colonel
MOHOVEN, désigné comme adjoint tactique du général commandant l'artillerie
d'assaut.
Le 1er novembre, la journée est calme, les boyaux et les tranchées sont dans un
état lamentable. A cause de
la pluie des jours précédents, dans tout le secteur, la boue monte jusqu'à
mi-cuisse. Le bataillon en ligne se prépare à être relevé. Le 5e R.I.C. vient
relever le régiment qui cantonne à Chuignes le 10 novembre, où doit se faire
l'embarquement en autos-camions. Le même jour, le régiment arrive à son nouveau
cantonnement, Bayonvillers.
Le 1er décembre 1916, il revient à Chuignes et occupe jusqu'au 6 décembre, le
secteur Chuignes –
Fontaine-lès-Cappy. Il fait alors mouvement en camions automobiles et va
cantonner à Essertaux-Rossignol.
AISNE
Attaque du Chemin des Dames (16 Avril 1917)
Le 22 décembre 1916, le régiment se rend dans la zone de Cempuis où il cantonne
jusqu'au 6 janvier 1917, date à laquelle il se porte dans la région de Juvignies
pour gagner par étapes le secteur de Moulin Rouge, où il arrive le 16 janvier.
Il est relevé le 8 février par le 33e R.I.C. et cantonne à Cohons jusqu'au 8
mars. Le dit jour, il va cantonner à Fismes et relève le lendemain le 33e R.I.C.
dans le secteur de Vassognes. Le régiment reste dans ce secteur assez calme
jusqu'au 20 mars. Le 21, il va cantonner à Baslieux-lès-Fismes et le 23 à
Dravegny. La marche exécutée par le 3e bataillon dans la nuit du 7 au 8 février,
mérite une mention particulière. Le bataillon, dont les derniers éléments
avaient été relevés le 7, vers 21 heures, se trouva rassemblé le 8, vers 1
heure, à 200 mètres au nord-ouest de Blanzy-lès-Fismes, ayant déjà fait une
étape d'environ 15 kilomètres. De là il devait être transporté en camions à ses
cantonnements de Vollome, ferme Party, distants d'environ 19 kilomètres. Les
hommes qui avaient fourni en ligne un travail d'organisation sérieux, étaient
fatigués ; d'autre part, il faisait un froid très vif qu'une forte bise rendait
encore plus sensible. Quand les hommes eurent pris le café, le chef de bataillon
BASTARD, commandant le bataillon, fitappeler les commandants de compagnie et
leur dit en
substance : « les autos qui doivent nous emmener n'arriveront qu'à six heures du
matin ; si les hommes se
couchent par un froid pareil, ils risquent de ne pas se relever. Nous allons
donc partir immédiatement ;
expliquez aux hommes la nécessité de cet effort. Les équipages resteront à
Blanzy-lès-Fismes et rejoindront
demain matin. » Le bataillon prit la route de Coulonges par Perles, Bazoches,
Chéry-Chartreuve. Cette route prise par la glace brillait sous la lune comme un
miroir. Des hommes à tout instant glissaient et s'étendaient de tout leur long.
On essaya de marcher à travers champs, mais la terre inégale, dure comme de la
pierre, rendait la marche très pénible. Le chef de bataillon ordonna des haltes
fréquentes, mais très courtes en fin desquelles nul n'était laissé en arrière.
La fatigue était telle que malgré le froid, les hommes s'endormaient à peine
assis. Sur les plateaux au nord de Chéry-Chartreuve, un vent debout glacial
causa aux hommes une réelle
souffrance : le contenu des bidons, le pain étaient gelés. A partir de la cote
210 (1 kilomètre nord-ouest de
Dravegny), le bataillon ayant à sa tête le souslieutenant DUCHET comme officier
guide, quitta la grand'route et marcha directement à la boussole sur ses
cantonnements à travers les champs couverts de neige durcie. Enfin, vers 7 h.
30, une patrouille lancée en avant pendant le dernière halte, découvrit dans un
repli de terrain, la ferme Party. Vers 9 heures, le bataillon était installé
dans ses cantonnements, heureux de l'effort accompli ; une trentaine d'hommes à
peine avaient été laissés en arrière dans différents cantonnements, au cours
d'une marche de nuit d'environ 34 kilomètres en terrain accidenté, par un froid
de -21° qu'une forte bise rendait plus aigu. Le 26 mars 1917, le
lieutenant-colonel PHILIPPE vient prendre les fonctions d'adjoint au colonel
MAYER.
Le régiment relève le 5e R.I.C. le 31 mars 1917.
L'état-major est à Paissy. Il est relevé par le 4e mixte de la 38e D.I. le 4
avril, et va cantonner aux Creutes
Marocaines, aux Creutes de l'Yser et à Paissy.
Jusqu'au 15 avril, les pertes sont peu élevées.
Le 15, les unités vont occuper leur emplacement pour une attaque. Le 1er
bataillon en première ligne et réduits ; le bataillon CORNELOUP au ravin du
Moulin, le 2e bataillon aux Creutes du Stand et le 3e bataillon rattaché au 57e
R.I.C. Le régiment doit prendre part à une offensive d'ensemble contre les
organisations allemandes au nord
de l'Aisne. Il a comme mission :
1° De s'emparer des trois lignes de tranchées allemandes du plateau des Dames et
de prendre position sur la rive nord de l'Ailette.
2° De poursuivre son avance jusqu'à la Bièvre et ultérieurement jusqu'au
mouvement de terrain de Moulin-Fermé.
Encadré à droite par le 53e R.I.C., à gauche par le 57e R.I.C., le régiment a,
avant le déclenchement de
l'attaque, ses trois bataillons échelonnés en profondeur ;chaque bataillon étant
chargé de conquérir l'objectif
qui lui est assigné avec ses propres moyens.
Le 16 avril, à 6 heures du matin, l'attaque se déclenche. Le 1er bataillon
(bataillon A) ayant deux compagnies en première ligne, deux compagnies,
deuxsections de mitrailleuses avec un canon de 37 en réserve, deux sections de
mitrailleuses avec chacune une escouade de voltigeurs, destinés à fournir des
détachements de liaison, sort des tranchées à 6 heures et marche sur son
objectif. Les marsouins sont impatients de bondir sur l'ennemi. Un jeune
officier, nommé de la veille, monte sur le parapet pour observer l'ennemi et le
chemin à parcourir. Son sergent lui fait remarquer qu'il s'expose un peu trop. «
Le devoir avant tout ! » répond l'officier.
L'heure de l'assaut approche. Encore quelques minutes..., une minute... et
l'officier franchit le parapet
d'un seul bond en s'écriant « En avant ! ».
Cet appel est écouté de tous ses hommes dont il était le camarade et le chef.
Tous s'élancent bravement à
l'attaque du blockhaus. A peine le sous-lieutenant a-t-il fait une vingtaine de
mètres, qu'il tombe frappé
mortellement devant toute sa section. Ses hommes bs'arrêtent quelques instants,
mais bientôt s'élancent avec
une ardeur plus vive en entendant les cris répétés du chef : « En avant ! En
avant ! ».
L'officier se tût et bientôt on l'entendit prononcer ces nquelques mots d'une
voix étouffée : « Ecrivez à ma
mère..., dites au commandant de compagnie... », il ne put achever, et expira.
Accueilli par des rafales nourries de mitrailleuses, le bataillon, en dépit des
pertes éprouvées et du terrain
bouleversé, enlève dans un bel élan les tranchées de Franconie et de la
Courtine. Les défenseurs peu nombreux, dont la plupart sont vêtus d'une tenue
bleu horizon, se replient en courant.
La tranchée de Battemberg occupée par de petits détachements et des
mitrailleuses, est également enlevée et ses défenseurs bousculés, malgré un
barrage de pétards qui nous fait éprouver de nombreuses pertes.
Tandis que la compagnie de gauche (2e compagnie) progresse par petits groupes,
utilisant les trous d'obus
jusqu'à la tranchée de Sadowa qu'elle occupe entre le boyau Nix et le boyau Kub,
la compagnie de droite (1e
compagnie) continuant son mouvement dans la formation primitive, franchit la
tranchée Sadowa et ne s'arrête qu'à la tranchée qui court le long de cette
crête,entre le boyau Nix et le chemin, à 100 mètres à l'ouest de la route du
Poteau d'Ailles.
La 1re compagnie veut poursuivre le mouvement par le chemin à 100 mètres à
l'ouest de la route d'Ailles, mais après une centaine de mètres faits sur ce
chemin,le mouvement est arrêté par des feux puissants de mitrailleuses établies
tout le long de la crête de la ferme de la Bovelle et dans cette ferme, sous des
blockhaus qui les rendent invisibles et invulnérables.
Les pertes qu'elle nous font subir sont énormes. La 2e compagnie, de son côté,
ne peut progresser pour la
même raison. A 7 heures, le mouvement en avant est complètement arrêté. Quelques
nettoyeurs de tranchée
descendent par le tournant du chemin 90.18 dans les abris à contre-pente entre
le chemin et le boyau Nix. Ils
font encore une trentaine de prisonniers, mais ne peuvent avancer vers la partie
ouest du ravin, à cause
des feux de mitrailleuses. Voyant le mouvement des compagnies de première ligne
suspendu, le chef de bataillon fait avancer les compagnies de réserve qui
viennent renforcer les occupants de la tranchée de Sadowa ; la 3e compagnie
sénégalaise entre le boyau Kub et le boyau Nix, et la 3e compagnie du 1er
bataillon entre le boyau Nix et la route d'Ailles.
D'autre part, une section de mitrailleuses avec une escouade de voltigeurs,
s'installe vers 7 h. 30 près de la
route d'Ailles, au point 81.18, et assure la liaison avec le 53e R.I.C. Une
deuxième section s'établit à 100
mètres plus au sud, sur la route d'Ailles. Enfin, deux sections de mitrailleuses
se mettent en batterie vers 7 h. 15, à l'intersection du boyau Nix et de la
tranchée Camberg et ouvrent le feu sur les mitrailleuses de la
Bovelle, que contrebat également le canon de 37, mais sans efficacité, les
mitrailleuses ennemies étant sous
blockhaus. A partir de ce moment, la progression est enrayée. Les
contre-attaques tentées par l'ennemi partant de la Bovelle sont toutes
repoussées à la grenade. Le chef de bataillon CASSANDRE, commandant le 1er
bataillon, est tué au cours d'une de ces contre-attaques. Les compagnies de tête
du bataillon B (67e bataillon sénégalais), ne voyant plus les éléments du
bataillon A, abrités dans la tranchée de Sadowa et les trous d'obus
environnants, viennent se confondre avec lui et, au bout
de quelques instants, il se produit un mélange complet de toutes les unités.
Dans l'après-midi, le mouvement en avant de l'ennemi s'accentue. De nombreux
groupes sont aperçus se faufilant vers le sud, par les boyaux, entre la Bovelle
et la tranchée Deimling. A 17 heures, cette attaque d'infanterie appuyée par un
bombardement d'artillerie de gros calibre sur notre droite, vers la route
d'Ailles, oblige la 2e compagnie, dépourvue de grenades et de cartouches, à se
replier sur la tranchée de Camberg.
L'artillerie ne répond pas aux demandes de tirs de barrage faites à maintes
reprises par le bataillon.
Vers 19 heures, un mouvement général de repli se produit à l'est de la route
d'Ailles, dans le secteur du
régiment voisin ; l'ennemi poursuit à la grenade et lance de nombreuses fusées
éclairantes. Notre droite, appuyée à la route d'Ailles, est découverte. Les
munitions sont épuisées, en particulier les grenades et les cartouches de
mitrailleuses. Les corvées de ravitaillement envoyées au dépôt de la tranchée
Martin, se perdent et ne reviennent pas. Le capitaine BERNARD, commandant le
bataillon,
devant la pression ennemie, donne l'ordre aux quelques éléments qui restent
autour de lui, de se replier sur la
tranchée Battemberg, à la droite des éléments du bataillon BOENNEC qui viennent
de prendre position,mais la majorité des hommes impressionnés par le recul des
fractions voisines dépassent la ligne fixée et se portent à l'ancienne première
ligne française ; quelques hommes seulement s'arrêtent sur la tranchée
Battemberg.
Le 67e bataillon sénégalais rassemblé depuis 3
heures dans la tranchée des Réduits, se met en mouvement à 6 heures et vient
remplacer dans la parallèle de départ et la tranchée de doublement le 1er
bataillon. Il franchit la tranchée de première ligne à 6 h.20 et suit à environ
500 mètres le bataillon de tête, en formation d'approche. Il traverse la
tranchée de Franconie malgré un tir de barrage peu meurtrier du reste, et
dépasse la tranchée de Battemberg.
A ce moment, environ 6 h. 45, le bataillon est soudainement pris d'écharpe et
d'enfilade par des mitrailleuses ennemies situées aux alentours de la
ferme de la Bovelle. En quelques instants, la colonne de droite perd la moitié
de son effectif ; celle de gauche est arrêtée net dans sa progression.
La compagnie de droite (compagnie POMMIER) se jette dans la tranchée de Sadowa,
tandis que l'autre, avec son capitaine, poursuit son mouvement sur les pentes
descendant vers l'Ailette, où elle fait 17
prisonniers, qui sont envoyés à l'arrière. Elle est arrêtée et doit se
retrancher sur place. La compagnie de queue de la colonne de droite fait face à
l'ouest et à la Bovelle, le long du boyau Kub.
Les deux unités ont perdu une grande partie de leurs cadres et sont complètement
mélangées avec celles du
bataillon A (1er bataillon du 2e R.I.C.) et du 53e R.I.C.
(régiment de droite). Les débris des compagnies de gauche (DUMAIN et ARNAUD)
s'étendent le long de la tranchée Camberg, face au nord, mélangées à quelques
éléments du 1er bataillon du 2e R.I.C.
Toute la journée, le bataillon reste fixé par les tirs de mitrailleuses et
d'artillerie ennemies,qui occasionnent des pertes sévères et rendent la
transmission des ordres très difficile. Le bataillon ne possède plus ni
grenades, ni cartouches. Vers la fin de la journée, les Allemands profitant de
notre manque de munitions, essayent de nous refouler de front à la grenade. Les
débris des compagnies POMMIER, POULIGNAN et DAUMAIN reculent peu à peu,
repassant par la tranchée de Camberg vers la droite du bataillon BOENNEC.
Le mouvement de repli de la droite (53e R.I.C.) s'accentuant, un grand nombre de
tirailleurs suivent ce
mouvement et, à la faveur de l'obscurité, refluent versl'arrière.
Le chef de bataillon commandant le 67e B.T.S. se trouve bientôt seul avec une
poignée d'hommes, sans cartouches ni grenades, en arrière des éléments du
bataillon BOENNEC, qui ont pris position dans la tranchée de Battemberg. Il se
porte vers les lignes françaises pour essayer de rallier les débris de son
bataillon et reconstituer une troupe de quelque effectif. Le bataillon C (2e
bataillon du 2e R.I.C.) sort à 6 heures de la grotte du Stand de Paissy et vient
prendre place derrière le bataillon B. Le passage de la vallée s'effectue sans
pertes, malgré le tir de barrage. Le mouvement ayant lieu par les boyaux d'Arras
et d'Anvers, il résulte un certain retard pour le
franchissement de la parallèle de départ : une dizaine de minutes environ. Dès
l'arrivée sur le terrain ennemi, la marche est ralentie par les mitrailleuses en
position sur l'éperon de la Bovelle. Voyant le mouvement des bataillons de tête
suspendu, le chef de bataillon arrête son bataillon et se porte en avant avec sa
liaison.
Vers 9 heures, un trou causé surtout par les pertes,
s'étant produit au centre du régiment, le chef de bataillon BOENNEC envoie en
avant la compagnie FAIVRET (5e) suivie de la compagnie GAUTHIER (7e) en soutien.
La 5e compagnie arrive ainsi à environ 60 mètres de la tranchée de Sadowa et
organise rapidement quelques éléments de tranchée.La compagnie GAUTHIER
s'organise également en
échelon à droite, en arrière de la 5e compagnie.
Les deux autres compagnies du bataillon (RICHER de FORGES et LUCAS) restent dans
la tranchée deFranconie.
Le caporal CLÉMENT, de la 6e compagnie, isolé avec une équipe de grenadiers,
repousse une contreattaque boche forte de 50 hommes, en criant aux poilusqui
sont auprès de lui : « Voici les Boches, allez-y les gars ! ». L'ennemi est
maintenu.Une contre-attaque ennemie, déclenchée vers 11 h.30 sur la 5e compagnie
est vigoureusement repoussée. Vers la droite, sur la tranchée de Battemberg, la
liaison avec le 53e R.I.C. est assurée par des fractions de la 7e compagnie à 11
h. 40.
A 13 h. 30, l'ordre est donné de regrouper le bataillon en arrière. Le chef de
bataillon BOENNEC reporte dans la tranchée de Franconie la compagnie GAUTHIER,
mais par suite de tirs violents de mitrailleuses et d'artillerie, qui rendent
très difficile unmouvement de la 5e compagnie, il laisse cette unité en place,
se réservant de faire exécuter le mouvement de nuit.
Vers 19 heures, s'étant aperçu d'un mouvement de repli du régiment voisin,
mouvement qui se transmettait aux éléments de droite du régiment et en
particulier aux sénégalais, le commandant BOENEC donne l'ordre à la
compagnie GAUTHIER et à la C.M. de venir occuper la tranchée Battemberg. Le
sous-lieutenant GRÉGOIRE, commandant la C.M.2, voyant la menace dessinée par la
contre-attaque boche, sa compagnie étant déjà à demi-encerclée,
s'écria : « Il faut conserver tout le terrain conquis », puis s'attaquant à un
soldat allemand qui s'avançait à
quelques pas de lui, l'abattit d'un coup de révolver, mais fut à son tour frappé
mortellement au moment où il se
retournait pour s'attaquer à un autre Boche. Les éléments épars de la 5e
compagnie et du 1er bataillon entrainés dans le mouvement de repli, ont pu être
recueillis, grâce à l'héroïque intervention de la C.M. 2 et de la compagnie
GAUTHIER. La liaison avec le 53e R.I.C. est assurée pendant la nuit par
patrouilles.
La journée du 17 avril est consacrée à l'organisation de la position conquise.
Le régiment est relevé le 18 avril par le 64e de ligneet va cantonner au château
de Bellevue et aux Creutes de l'Yser. Dans cette attaque, le régiment a eu des
pertes sérieuses : 6 officiers tués, 20 officiers blessés ou disparus, plus de
100 soldats tués et plus de 700 blessés ou disparus, y compris les Sénégalais.
LORRAINE
Secteur de Vého (Avril à Août 1917)
Le 20 avril, le régiment cantonne à Bazoches.
Le lieutenant-colonel PHILIPPE prend le commandement du 2e R.I.C. en
remplacement du
colonel MAYER.
Le 21 avril, le régiment est enlevé en camions automobiles et va cantonner à
Villevenard jusqu'au 26.
Il y reçoit un gros renfort (7 officiers et 315 soldats),
puis se porte dans la zone Trouan-le-Grand et Trouan-le-Petit dans la journée du
27 et y reste deux jours.
Le 29, il va dans la zone Aubigny-sur-Aube et le 30, vers Dampierre-sur-Aube.
Le 10 mai, le régiment embarque à Arcis-sur-Aube pour gagner Bayon.
Le 24 mai, le 2e R.I.C. cantonne à Marainviller et entre en secteur le 25 mai,
pour occuper le sous-secteur
de Domjevin jusqu'au 21 août. Pendant cette période, l'ennemi effectue, le 4
août, un coup de main sur le front du régiment. Depuis plusieurs jours,
l'activité de l'artillerie ennemie avait augmenté. On se demandait si ses tirs
n'étaient pas des représailles sur nos défenses accessoires ou nos batteries qui
avaient tiré plus que de
coutume, ou des réglages préliminaires en vue d'un coup de main. Cette dernière
opinion était celle du chef
de bataillon BOENNEC.
Le 4 août, à 1 heure précise, après une nuit très calme, l'ennemi déclenche
soudain un violent bombardement par minen et obus de tous calibres (77,88, 105
et 150) sur tout le front compris entre Emberménil jusqu'au P.R. Unal (quartier
Zeppelin). Peu après, entre 1 h. 15 et 1 h. 30, une attaque d'infanterie ennemie
déclenchée à 1 heure, frappe surtout les P.R. Gimel, Cuisiniers, Poiriers,
Sapinières-Station, les P.C. des Quatre-Chemins et
des Deux-Noyers, les principaux boyaux d'accès(Cuisiniers, Poiriers), la route
Vého – Quatre-Chemins.Dès le commencement du bombardement, toutes les garnisons
du Quartier sont alertées, les emplacements de combat pris. Le chef de bataillon
BOENNEC, contusionné au début de l'action, le commandement du quartier
Sapinières – Vého est pris par le capitaine BENEZET. Sur le front du quartier
Sapinières, il n'y a aucune action d'infanterie. Les patrouilles qui se trouvent
à l'extérieur de nos réseaux, surprises par le bombardement peuvent rentrer dans
nos lignes sans rencontrer d'ennemis et sans pertes. Entre 1 h. 15 et 1 h. 30,
une violente attaque se produit sur le front du C.R. des Deux-Noyers,
principalement à sa droite sur le P.R. Gimel. La garnison de ce P.R. est
constitué par un peloton de la 6e compagnie du 2e R.I.C. (sous-lieutenant LE
CARS). Ce peloton détache deux groupes de quatre hommes et un caporal aux petits
postes 1 et 2, pour assurer la surveillance rapprochée.
Dès le commencement du bombardement, la garnison est immédiatement alertée et
occupe ses emplacements de combat. Une fraction disponible de 11 hommes reste
dans son abri près du P.C. du commandant du P.R., prête à parer à toute
éventualité. Le tir de barrage est demandé par fusées, la communication
téléphonique ayant été coupée et le poste optique détruit par les obus.
Vers 1 h. 20, un violent combat s'engage. Les Allemands pénétrant par trois
brèches créées dans nos réseaux par des charges allongées, attaquent nos petits
postes 1 et 2. Le petit poste 1, renforcé par la section del'adjudant BRELIVET,
résiste énergiquement, mais il est attaqué de face par le groupe ennemi qui a
pénétré par la brèche faite devant le petit poste et en arrière par une fraction
qui s'était infiltrée dans la tranchée nord de l'ouvrage, est venue l'attaquer à
revers par le boyau Gimel. Il n'est pas possible de ravitailler BRELIVET en
grenades. Ce dernier, après avoir épuisé toutes ses munitions, se replie avec
les survivants de son groupe par la plaine et vient rejoindre le sous-lieutenant
LE CARS à l'extrémité sud de l'ouvrage.
Le petit poste 2, violemment assailli, ne peut résister; tous ses occupants sont
tués, blessés ou pris.
La fraction ennemie qui a attaqué le P.R. rentre dans le boyau Gimel, le suit
tout d'abord vers l'ouest et se
heurte à la chicane qui ferme l'entrée du P.R. Cuisiniers. Arrêtée dans sa
marche, elle revient sur ses pas et contourne le P.R. Gimel par le sud, où elle
est arrêtée par le groupe du sous-lieutenant LE CARS.
Ce dernier, voyant l'irruption de l'ennemi dans son P.R. a groupé le faible
effectif dont il dispose au sud de
l'ouvrage à proximité de l'abri à munitions. Il reçoit
énergiquement l'ennemi qui avance par l'ouest et par l'est et arrête net sa
progression. Sur ces entrefaites
arrive par la plaine, une section de renfort commandée par l'adjudant-chef
LAMBACHE, envoyée par le capitaine RICHER de FORGES, commandant le C.R.
L'ennemi se retire rapidement sans attendre le nouveau choc et un bombardement
terrible d'obus de tous calibres et de minen s'abat sur le P.R. L'adjudant-chef
LAMBACHE reçoit l'ordre de pousser en avant pour s'assurer que l'ouvrage a été
complètement évacué par les Allemands. Il se porte immédiatement à la tranchée
nord du P.R. qu'il dépasse sans rencontrer personne. Le sous-lieutenant LE CARS
rend compte à 3 h. 30 que l'ennemi a évacué Gimel. Les pertes s'élèvent à un
caporal et quatre hommes tués, un sergent, deux caporaux, deux hommes blessés,un
caporal et un homme disparus. les Allemandslaissent six morts et six blessés sur
le terrain.
Le P.R. Cuisiniers était défendu le 3 août, par un peloton de la 11e compagnie
du 39e R.I.T., commandé par le sous-lieutenant FRENANT.Au premier obus, tous les
emplacements de combat sont occupés et le tir de barrage est aussitôt demandé
par fusées. A 1 h. 10, la sentinelle du boyau de Lille est attaquée à la
grenade. Elle riposte par un tir de F.M. et le jet de quelques grenades.
L'ennemi n'insiste pas. A 1 h. 30, un groupe ennemi venant par le boyau Gimel,
tente de forcer la chicane du P.R. Il est repoussé par nos grenadiers. Une
petite fraction
allemande longe le réseau d'encerclement et tente une irruption par la face sud
de la position. Cette manœuvre
est éventée par nos sentinelles qui se trouvent à proximité de la chicane. Le
groupe est dispersé à coups
de fusil. Voyant que l'éveil est donné et qu'ils ont perdu le bénéfice de la
surprise, les Allemands n'insistent pas dans leur attaque sur le P.R. Cuisiniers
et se replient. Au début du bombardement, le capitaine RICHER de
FORGES, commandant le P.R. des Deux-Noyers, avait été privé de toutes liaisons
téléphoniques avec le P.R.
Gimel et peu après avec le P.R. Cuisiniers. Il avait pu confirmer néanmoins à la
batterie A.C.O. les demandes de barrage faites à l'aide de fusées rouges par ses
P.R. Ses observateurs lui avaient signalé vers 1 h. 10 un
combat à la grenade vers Gimel et Cuisiniers. C'est le seul renseignement qu'il
put obtenir jusqu'à 2 h. 10 où
un agent de liaison du P.R. Gimel vint lui apporter une demande de renfort
verbale. Cet agent de liaison donna
quelques détails, l'ennemi avait pénétré dans le P.R. dont la garnison tenait la
partie sud. Le capitaine RICHER de FORGES envoya aussitôt à Gimel une section de
renfort sous les ordres de l'adjudant-chef LAMBACHE.
Peu après, cette demande fut confirmée par un message optique envoyé par le P.R.
Cuisiniers et reçu par l'intermédiaire du poste des Quatre-Chemins. Le
commandant du C.R. Vého ouest était relié à son commandant de quartier par
coureurs et optique. Le téléphone avait été coupé dès le début de l'action avec
les Quatre-Chemins, néanmoins, il conserva toujours la liaison téléphonique
directe avec le P.C. du soussecteur
de Domjevin, par lequel il reçut tous les renseignements sur la situation à sa
droite. Ces
renseignements furent aussitôt communiqués au commandant du quartier. Prévenu à
2 h. 55 que le P.R. Belgique était occupé par l'ennemi, que l'on était sans
nouvelles de Remabois, et que les Boches auraient été vus dans le
boyau de Remabois, le capitaine RICHER de FORGES se couvrit à sa droite par une
demi-section qu'il envoya
occuper la vieille tranchée des Deux-Noyers, à l'est de l'emplacement de
mitrailleuses N.D. 6.A 4 h. 30, les deux artilleries cessèrent leur tir et tout
était terminé.
Dans le C.R. Vého-est, le bombardement affectait surtout les P.R. Poncheville,
Belgique et Remabois, et était accompagné d'un violent barrage sur les boyaux de
Belgique, Remabois, route de Vého – Lintrey et ligne de soutien. Ce tir
comprenait des obus de tous calibres (percutants et fusants) et des minen de
gros calibre.
Peu après, une très forte attaque d'infanterie avait lieu sur le front du C.R.
Elle rencontra une résistance
particulièrement acharnée des nôtres et s'y brisa. Le grand nombre de cadavres
allemands sur le terrain ainsi
que le chiffre de nos pertes donnent une idée de la violence de l'attaque.
Le P.R. Belgique surpris par l'ennemi compte 5 tués, 10 blessés et 37 disparus.
Le P.R. Remabois était défendu par un peloton de la 9e compagnie du 39e R.I.T.
et une demi-section de la
10e compagnie du même régiment, sous les ordres
immédiats du commandant de la 9e compagnie.
L'entrée du P.C., où se trouve le commandant du P.R. (capitaine FAUVELLE) ainsi
qu'un officier de ronde
du 7e d'artillerie à pied (lieutenant ANGELIS) fut
obstruée par l'écroulement du boyau d'accès, tout au début du bombardement. Un
obus acheva la destruction
de l'abri et mit le feu aux fusées-signaux rassemblées près du P.C. L'incendie
gagna les boiseries disloquées
par l'effet des projectiles. Quelques instants après, l'ennemi abordait le P.R.
par la tranchée Lechère, la
tranchée Marmaz, le boyau Remabois et par la face sud.
La garnison alertée aux premiers coups de canon,occupait ses emplacements de
combat. Le souslieutenant
BOURREAU défend les faces est et nord ; le
sous-lieutenant JOUETTE, la face sud dans laquelle se trouve la fraction réserve
de P.R. Le sous-lieutenant BOURREAU refoule à la grenade les assaillants qui
avaient pénétré dans la tranchée Lechère et la face est de l'ouvrage et réoccupe
les chicanes d'entrée dont les défenseurs ont été enlevés dès le début.
Le sous-lieutenant JOUETTE repousse une fraction qui avait abordé le P.R. par la
face sud et qui tentait
d'incendier l'abri à l'aide de lance-flammes. Trois des agresseurs sont tués, le
reste recule et vigoureusement
poursuivi à la grenade, finit par abandonner le combat et bat en retraite.
Le chef de bataillon commandant le C.R. Vého-est,est dès le début du
bombardement privé de communications téléphoniques avec ses P.R. de première
ligne et ne peut se mettre en liaison avec le P.C. des Sources que par coureurs.
Sans aucun renseignement sur ce qui se passe en première ligne, cet officier
supérieur alerte sa réserve de Vého – Vergers (10e compagnie du 39e R.I.T.) et
lui fait prendre position dans les tranchées de la ligne de soutien au nord de
Vého – Vergers. Vers 2 heures, le sergent DAUMAS (du 2e R.I.C.) qui est allé
accompagner le lieutenant ANGELIS pendant sa ronde, arrive à Vého – Vergers et
rend compte que le P.R. Remabois est fortement bombardé, entouré par les
Allemands dont il a vu un des groupes dans Ravaudouest. Le commandant du C.R.
Vého-est pousse immédiatement une des sections de la compagnie de réserve qui
avait pris position au nord de Vého – Vergers, vers l'ancienne tranchée de la
Lucarne, avec mission de battre et reconnaître le terrain en avant, de façon à
arrêter toute infiltration.
A 2 h. 30, un coureur envoyé vers Belgique revient au P.C. du C.R. annonçant que
le P.R. Belgique venait
d'être pris et la garnison était prisonnière. Une patrouille est aussitôt
envoyée sur Belgique pour confirmation.
A 3 h. 15, un message du commandant du peloton des Sources confirme que le P.R.
Poncheville a été attaqué et qu'il y a beaucoup de tués et de blessés par suite
du bombardement. Le commandant du peloton sénégalais a envoyé une section de
renfort au P.R.Poncheville. Le commandant du C.R. demande alors téléphoniquement
au lieutenant-colonel commandant le sous-secteur, l'autorisation d'employer la
compagnie réserve du sous-secteur Vého – Village. Cette autorisation est
accordée et trois sections se portent rapidement aux Sources pour renforcer la
réserve. La 4e section est conservée provisoirement à Vého – Vergers pour parer
à toute éventualité. Sur ces entrefaites, la patrouille qui avait été envoyée
vers Belgique pour rapporter des renseignements rentre, accompagnant le
lieutenant DESLANDE, commandant le P.R. Belgique, blessé sérieusement au cours
de l'attaque. Cet officier confirme la prise du P.R. Belgique. En même temps,
trois prisonniers capturés par la section qui a pris
position à Lucarne, arrivent au P.C. Ces divers renseignements sont
immédiatement communiqués au P.C. du sous-secteur qui prévient le commandant du
C.R. Vého-est que deux compagnies du bataillon réserve de D.I. sont mises en
mouvement sur Vého, pour organiser, le cas échéant, une contreattaque sur les
positions perdues.
A 4 h. 30, arrive un nouveau message du commandant du peloton des Sources
annonçant que l'ennemi a abandonné le combat à Poncheville, mais qu'il y a eu de
nombreuses pertes, en particulier le souslieutenant
JOUHAUD, commandant le P.R., tué. D'autre part, deux nouveaux prisonniers sont
capturés dans le boyau Remabois et dirigés sur le P.C. du C.R.
L'ordre est donné à la compagnie coloniale dirigée sur les Sources, de pousser
des patrouilles sur Remabois et Belgique, afin de s'assurer si l'ennemi s'en est
emparé et s'y maintient. Les deux compagnies de réserve de D.I. avec le chef de
bataillon CHIBASLASSALLE arrivent à Vého – Vergers à 5 h. 30. Cet officier
supérieur prend le commandement du C.R. Ces deux compagnies ne sont pas
employées car, peu après, arrive le renseignement que Remabois a tenu et que
l'ennemi a évacué Belgique, qui vient d'être réoccupé par la 7e compagnie du 2e
colonial.
Tous les renseignements recueillis sur l'attaque du 4 août établissent qu'elle
avait été montée par l'ennemi
avec un soin tout spécial et des effectifs très forts, environ 800 hommes de
Stosstrupps. Le matériel de toute nature abandonné sur le terrain montre que les
Allemands n'avaient rien négligé pour la réussite de cette opération, dont les
résultats n'ont certainement pasrépondu à leur attente.Grâce en effet à la
vaillance déployée par nos troupes, l'attaque ennemie s'est heurtée à une
résistance acharnée ; partout elle a échoué, sauf à Belgique.
L'ennemi a dû se retirer abandonnant 13 prisonniers et une trentaine de cadavres
sur le terrain et ramenant de
nombreux blessés.
Après cette affaire, le régiment va au repos. Le 22 août, il se rend à
Marainviller, le 27 à Xermaménil et
le 28 à Hattonville, où il reste jusqu'au 19 septembre, date à laquelle il
s'embarque à Einvaux et se rend dans
la zone d'Echenay, dans la Haute-Marne.
VERDUN
(Septembre à Novembre 1917)
Les 24 et 25 septembre, le régiment est transporté en camions automobiles à
Verdun. Sauf les permissionnaires, le régiment est presque au complet et chaque
bataillon est renforcé d'une compagnie sénégalaise.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre, le 2e bataillon (chef de bataillon BOENNEC)
monte en première ligne
dans la zone du Chaume, quartier des Deux-Bois.
Le 1er bataillon (chef de bataillon CHIBAS-LASSALLE) dans la même nuit, remplace
le bataillon de réserve, dans la région du ravin de l'Hermitage.
Le 3e bataillon (chef de bataillon GROSSARD) se porte en première ligne dans le
quartier des Quatre-Chemins, dans la nuit du 27 au 28.
Nous relevons des éléments du 53e R.I.C. à droite et du 320e de ligne à gauche.
Ces deux régiments ont été fortement éprouvés par l'attaque allemande du 24
septembre. A droite, nous sommes en liaison avec le 415e de ligne et à gauche
avec le 6e R.I.C. Le lieutenant-colonel PHILIPPE rejoint le P.C. Louise le 27 et
prend le commandement de la zone le 28. La situation était délicate, car
tranchées et boyaux
en première ligne étaient à peine ébauchés et continuellement démolis par le
bombardement adverse.
Les défenses accessoires n'existaient pas ; les quelques réseaux bruns ou
ribards posés étaient immédiatement
détruits par le bombardement allemand. Notre aviation était notoirement
insuffisante, et les avions ennemis
régnaient en maitre dans les airs, explorant nos positions de l'avant et de
l'arrière, descendant très près
du sol et ne s'éloignant un peu que par suite du tir des mitrailleuses. Les
Allemands faisaient un grand usage
des obus à gaz toxiques (lacrymogènes et ypérite), nous causant ainsi des pertes
assez lourdes.
Le terrain est formé de vallonnements et de collines sur lesquels autrefois
s'étalaient verdoyants les bois
touffus du Chaume, de l'Herdebois, de la Caillette, de Bezonvaux, d'Hardaumont.
Aujourd'hui c'est un paysage lunaire qui s'offre à nos yeux. Le terrain est
bouleversé, ravagé, retourné par les obus. Il semble un véritable échiquier de
trous d'obus ; quelques rares troncs d'arbres calcinés rappellent par ci et par
là l'ancienne végétation. L'humus a disparu. Terrain de désolation. On sent la
mort à chaque pas.Les milliers de morts eux-mêmes tombés là depuis février 1916
ne dorment pas en paix ; leurs tombes sont retournées par la mitraille. Qui ne
se rappelle ces noms à jamais célèbres : les carrières d'Haudremont, le ravin du
Helly, d'Eurias, de la Neuville, etc...
Le Boche criminel y lance à tout instant les gaz les plus nocifs qui circulent
au fond des ravins, font de
nombreuses victimes et se dissipent lentement. Le ravitaillement est pénible. Il
faut aller loin, monter et descendre sans cesse, franchir rapidement sous les
barrages journaliers le fond des ravins, suivre d'interminables boyaux souvent
bombardés. C'est là que pendant deux mois, les vaillants soldats du 2e R.I.C.
vont faire preuve d'une endurance héroïque. Dans la nuit du 24 au 25 septembre,
le bataillon GROSSARD qui se portait au P.C. de l'Hermitage est arrêté par un
violent tir de barrage ; les gaz toxiques s'accumulant dans les fonds, la 9e
compagnie et la 3e compagnie sénégalaise sont très sérieusement éprouvées.
L'artillerie allemande pendant tout ce séjour été d'une activité inaccoutumée.
Chaque jour un tir de barrage était déclenché au petit
jour et le soir à la tombée de la nuit. Notre 75 y répondait généralement avec
beaucoup de célérité et de
précision.
Dans la nuit du 28 au 29 septembre, à la suite d'un violent tir de barrage
allemand, quatre groupes ennemis
tentent d'approcher du front du bataillon GROSSARD, tandis qu'un autre était
signalé devant le front du
bataillon BOENNEC. Notre première ligne ne fut pas endommagée. Les Allemands
exécutèrent en même temps un tir
violent vers l'arrière avec obus toxiques et causèrent des pertes parmi les
troupes de réserve (1er bataillon,
CHIBAS-LASSALLE), les corvées de ravitaillement et les travailleurs.
L'accumulation des gaz toxiques était telle que le médecin-chef, avec la plus
grande partie de son personnel, fut intoxiqué dans son poste de secours du
ravin de la Vauche, malgré toutes les précautions prises. Le poste de secours
dut être évacué et transporté
au ravin de l'Hermitage. Le colonel fit adresser à tous ses vaillants soldats le
bel Ordre suivant, pour leur dire sa confiance :
Le régiment occupe une position dite des Chaumes, reconquise récemment par les
troupes françaises et dont la
possession a son importance capitale aussi bien pour l'ennemi que pour nous.
Le 25 septembre, l'ennemi a lancé une forte attaque pour reprendre cette
position. Il a subi un échec complet, grâce à la résistance héroïque des troupes
que nous avons relevées.
Le général VON SADERN, haranguant sa division en vue de cette attaque, s'est
exprimé dans ces termes : « l'ancienne position allemande doit être enlevée
coûte que coûte et il faudra s'y maintenir ».
Il faut donc nous attendre, au cours de notre séjour dans la région, à de
nouvelles attaques de l'ennemi. Serons-nous soldats coloniaux, inférieurs à nos
camarades de l'armée métropolitaine ?
Je vous dis à vous mes amis : Notre mission est bien simple. Il faut tenir coûte
que coûte sur la position dont nous avons la défense. L'ennemi ne s'en emparera
qu'en marchant sur nos cadavres.
Le chef de corps compte que tous sont prêts aux plus grands sacrifices pour
mener à bien la tâche qui leur
incombe.
Haut les cœurs ! Que Dieu nous garde et seconde nos efforts !
Le commandant de la 6e compagnie (gauche) qui avait demandé au colonel que
l'artillerie de barrage soit
vigilante, car ses hommes étaient figés dans la boue, qu'on ne pouvait réussir à
écouler et don il signalait
l'état de fatigue, leur donna lecture des chaudes paroles du colonel.
Les vaillants guerriers du 2e R.I.C. réconfortés par leur chef tiennent
stoïquement en dépit du froid et de la
pluie persistante.
En descendant des tranchées, un officier et cinquante hommes furent évacués pour
gelure des pieds, mais ils
avaient conservé la position.
Le 1er octobre, à 5 h. 45, violent tir de barrage de tous calibres donnant
l'impression d'une attaque ; elle se
produit sur le 415e de ligne et notre compagnie de droite, du bataillon BOENNEC,
prend part à la lutte. Ses trois lieutenants y furent blessés. Le 415e subit des
pertes importantes.
Le 2 octobre, à 21 heures, le bombardement redoubla d'intensité devant le
bataillon GROSSARD, mais l'infanterie allemande ne put déboucher, arrêtée net
par nos tirs de barrage. Dans la nuit du 3 au 4 octobre, le 1er bataillon relevé
va cantonner aux ravins du Helly et de la Couleuvre.
Le 2e bataillon, dans la nuit du 4 au 5, s'établit aux abris Fleury, le 3e
bataillon au champ de tir. Cette période fut très dure, surtout pour le 3e
bataillon. Nos pertes sont considérables et dues presque uniquement aux gaz et
bombardements :
Officiers : tués, 2 ; blessés ou intoxiqués, 10 ;
disparus, 2 ; total : 14.
Troupe, 2e R.I.C. : tués, 47 ; blessés ou intoxiqués,
338 ; disparus, 7 ; total : 392.
67e B.T.S. (Européens) : tué, 1 ; blessés ou
intoxiqués, 26 ; disparus, 2 ; total : 29
67e B.T.S. (Indigènes) : tué, 18 ; blessés ouintoxiqués, 189 ; disparus, 7 ;
total : 243.
Les 4 et 5 octobre, le 2e R.I.C. est relevé dans la zone Chaume par le 5e R.I.C.,
et placé en réserve aux ravins du Helly et de la Couleuvre, aux abris Fleury et
à ceux du champ de tir. Dans cette situation, les hommes n'ont joui que d'un
repos relatif, car tous les abris sont insuffisamment aménagés et il leur est
impossible de procéder à des soins de propreté corporelle ou de laver leur
linge. Les bombardements y sont des plus fréquents.
Le 8 octobre, le régiment remonte en ligne pour relever le 6e R.I.C. dans la
zone Herdebois, avec des
effectifs très réduits par les pertes subies, également du départ des
permissionnaires et du renvoi, le 6 octobre,des compagnies sénégalaises. Les
compagnies du 1er bataillon (CHIBAS-LASSALLE) qui est en première ligne
et celles du 3e bataillon (GROSSARD) ne comptent guère à leur effectif qu'une
moyenne de 60 hommes.
Les nuits sont noires, le temps sombre et pluvieux,les relèves et les corvées de
ravitaillement deviennent de plus en plus difficiles. Il est inutile de songer
aux boyaux pour la circulation, il faut utiliser les pistes,
c'est-à-dire marcher à découvert.
Dès le 6, le bombardement allemand était tellement intense sur le front de la
15e D.I.C. qu'on pouvait s'attendre à une attaque ; des prisonniers déclarèrent
qu'elle aurait lieu le 7 si le mauvais temps ne s'y était
opposé.
Le 1er bataillon s'établit en première ligne dans le quartier Azanne, dans la
nuit du 8 au 9. Dans la nuit
du 9 au 10, le 2e bataillon vient se placer à la gauche,dans le quartier Hadime.
Le 3e bataillon est porté en
réserve dans les ravins du Helly et de la Couleuvre.
Le lieutenant-colonel PHILIPPE arrive au P.C.
Maistre dans la matinée du 10 octobre.
Le 10 octobre, à 4 h. 45, se déclenche un tir de bombardement allemand d'une
violence extrême sur nos premières lignes avec des obus incendiaires. Vers 5
heures, l'infanterie allemande attaque les tranchées de Lohengrin et du Delta,
occupées par les 1re et 2e compagnies. La défense est vigoureuse, mais l'ennemi
fait usage de minenwerfer. La supériorité numérique des Allemands est énorme et
les sections de soutien se fondent rapidement dans la lutte. La 1re compagnie
est anéantie avec tous ses officiers. Les survivants d'une section privée de
chef ne savaient quelle conduite tenir. A ce moment critique, on entend
quelqu'un crier : « Et moi ! qu'est-ce que je fais là ? Eh bien, les gars, c'est
moi qui commande la section ! ».C'était le caporal LESSARD (Ernest), à peine
revenu à ses sens d'un ensevelissement par obus, blessé à la tête, saignant de
la bouche et des oreilles, oubliant de se faire soigner, toujours prêt à
riposter aux assauts opiniâtres de l'ennemi. Les hommes hypnotisés par le
courage du caporal opposent la plus héroïque résistance à l'ennemi, dont
l'attaque se brisa sur ce noyau de braves.
Les débris de la 2e compagnie se rallient autour du lieutenant SEBELIN qui se
replie vers la gauche, le long
de la route d'Ornes.
A 9 heures, une première contre-attaque (3e compagnie, capitaine KERVELLA) est
lancée, mais échoue devant la supériorité de l'ennemi. Le bataillon RYCKLINCK,
du 6e colonial, quoique éprouvé, vient au secours du 2e colonial. A 14 heures,
il tente une deuxième contre-attaque, une troisième sera tentée à 17h.30.
Ces contre-attaques bien que vigoureusement menées ne nous permettent pas de
reprendre notre première ligne, mais elles arrêtent la progression de
l'adversaire et l'empêchent de s'emparer de la position qu'il convoitait.
Nous nous établissons dans la tranchée des Renards.
La liaison avec le bataillon BOENNEC a été constamment conservée, celle avec le
5e R.I.C. a été rétablie dans la journée.
Le bataillon BOENNEC avait une section anéantie par les lance-flammes.
Notre ligne se reconstituait malgré un bombardement intense qui n'a pas arrêté
de la journée.
Dans la nuit du 11 au 12, le bataillon GROSSARD relève les bataillons RYCKELINCK
et CHIBASLASSALLE fort éprouvés. Le 23e de ligne arrive en renfort de D.I. Le
bombardement allemand diminue d'intensité à partir du 11 ; aucune action
d'infanterie. La relève des 2e et 3e bataillons du 2e R.I.C. s'effectue dans les
nuits du 13 au 14 octobre, sans incident notable ; ils viennent cantonner dans
la région de Verdun, d'où ils seront enlevés par camions-autos pour être
transportés dans la zone de Joinville-sur-Marne, le 16 octobre.
Nos pertes pour cette période sont de :
Officiers : blessés ou évacués, 6 ; disparus, 8 ; total :14.
Troupe : tués, 34 ; blessés, 155 ; disparus, 179 ; total: 368.
Les derniers jours furent pénibles par suite de la température glaciale. Le 2e
colonial a subi des pertes cruelles et dans des circonstances particulièrement
pénibles, perdant plus de la moitié de ses officiers engagés et de ses soldats.
Sans abris, dans un terrain bouleversé, à l'aspect chaotique et devant un ennemi
supérieur en nombre e toujours agressif, sous les bombardements les plus
violents et malgré pluie, boue, froid et privations de toutes sortes, le 2e
R.I.C. a tenu jusqu'au bout le secteur qui lui était confié, avec un moral
imperturbable. « Je tiens à signaler, écrit dans son rapport le chef de
bataillon BOENNEC, d'une façon toute spéciale, la tenue, le moral de la troupe
qui, sous le bombardement incessant, sous une pluiepresque continuelle, dans la
boue au-dessus du genou, a continué à tenir et à souffrir physiquement,
conservant le terrain qu'elle avait la mission de garder. »
Le 13 octobre 1917, le régiment descendit des lignes et le 17, le colonel
PHILIPPE faisait l'éloge suivant de sa
résistance et de son courage :
AUX OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS, CAPORAUX ET SOLDATS DU 2e COLONIAL :
Je suis heureux de vous adresser à tous mes félicitations pour la brillante
conduite que vous avez tenue au cours de votre séjour dans la région de Verdun
et de vous témoigner mon entière satisfaction.
Pendant cette dure période de 20 jours, vous avez fait preuve, dans les
circonstances les plus difficiles, de plus belles qualités militaires. Je ne
fais pas seulement allusion à votre bravoure, qui est l'apanage de tous, mais
j'admire votre abnégation, votre ténacité, votre endurance à supporter sans le
moindre murmure les pires fatigues, en un mot votre esprit de sacrifice. Vous
avez parfaitement répondu à l'appel que je vous ai fait le 30 septembre.
L'ennemi, grâce à une supériorité numérique considérable et à des moyens
matériels également supérieurs a pu, il est vrai le 10, s'emparer d'une faible
partie de notre première ligne, mais par des contre-attaques qu'il qualifie
lui-même de furieuses dans son communiqué, rendant ainsi hommage à votre
vaillance, vous l'avez empêché de reprendre coûte que coûte, comme il se l'était
proposé, son ancienne position.
Cette position vous l'avez tenue, vous, coûte que coûte comme je vous le
demandais, c'est-à-dire en vous sacrifiant.
Honneur à vous les survivants! Honneur à vos camarades, officiers et soldats,
morts glorieusement pour la Patrie!
Je le proclame hautement, avec des soldats tels que vous,mes bons amis, la
Victoire est certaine.
Un renfort de 262 hommes arrive le 20 octobre.
Le lendemain, le régiment reçoit les félicitations du général GUÉRIN et du
général COLONNA d'ISTRIA, en ces termes :
Ordre général N° 262 de la 15e D.I.C.
Appelés à remplir une mission toute de sacrifice, Marsouins et Bigors de la D.I.
l'ont accomplie dans des
circonstances particulièrement pénibles, avec une fermeté digne de leurs
anciens.Malgré ses attaques incessantes, l'ennemi, très supérieur en moyens, n'
a pu leur arracher l'importante position qui leur était confiée.
Le général commandant la D.I. adresse à tous ses plus vives félicitations et ses
remerciements.
Signé : GUÉRIN
Ordre général N° 18/B de l'I.D. 15 C.
Aux 2e, 5e, et 6e R.I.C., appuyés par une belle artillerie,était échu le grand
honneur de conserver les importantes positions conquises dans le secteur des
Chambrettes pendant la bataille commencée le 20 août 1917.
Exaspéré par ses échecs des 9 et 24 septembre, l'ennemi avait mis en action sur
ce front de notre éternelle forteresse, les moyens de destruction et d'attaque
les plus puissants comme les plus perfectionnés. Pendant quinze jours, il avait
bouleversé nos lignes, empoisonné notre atmosphère. Ses troupes d'élite,
longuement préparées, devaient le 10 octobre envahir aisément les positions
âprement convoitées.
L'énergie indomptable de nos officiers et soldats, leur souffle patriotique,
leurs aptitudes guerrières ont dominé toute la puissance de destruction de
l'ennemi, en lui infligeant un nouvel et sanglant échec.
Avec notre grande armée, les marsouins connaitront dans la suite des journées
plus radieuses, ils n'en subiront pas de plus dures.
Je salue avec émotion tous les braves tombés au champ d'honneur et aussi les
vaillants qui, forts de leur glorieux passé, confiants dans l'avenir, vont sous
les plis de leurs drapeaux, continuer à assurer leur noble et grande tâche.
Signé : COLONNA.
MEUSE
TROYON – ROUVROIS – SAINT-MIHIEL
(Novembre 1917 à Avril 1918)
Le 2 novembre 1917, le régiment est réorganisé. Il fait mouvement en camions et
va cantonner à Troyon.
Le 3, le régiment monte dans le secteur de Rouvrois et la relève est faite le 5.
Le 10 novembre, le 5e R.I.C. relève le 2e colonial qui va cantonner à Ambly.
Le 16 novembre, le régiment retourne aux tranchées où il restera jusqu'au 3
décembre.
Le 5 décembre 1917, l'état-major et le 3e bataillon cantonnent à Ambly, le 2e
bataillon à Thillombois et le
1er au camp Rigaud.
Le régiment réoccupe le sous-secteur Rouvrois le 15 décembre et y reste jusqu'au
3 janvier 1918.
Le 21 décembre, le régiment reçoit sa deuxième citation pour les affaires
mémorables de la Somme, de l'Aisne et de Verdun.
Le général BLONDLAT, commandant le 2e C.A.C.,
cite à l'Ordre du C.A. le 2e régiment d'infanterie
coloniale :
Ordre général N° 172/R du 2e C.A.C. du 21-12-17
Régiment d'élite qui a successivement prouvé ses brillantes qualités offensives
et défensives sur la Somme,
sur l'Aisne et à Verdun.
Sur la Somme, en septembre 1916, a brillamment enlevé tous les objectifs qui lui
avaient été assignés et a su les conserver en dépit des violentes réactions de
l'ennemi.
Sur l'Aisne, en avril 1917, s'est emparé d'un seul élan de plusieurs lignes de
tranchées allemandes et a montré une ténacité remarquable dans sa résistance aux
violentes contreattaques ennemies.
En dernier lieu, le 10 octobre 1917, après un bombardement de plusieurs jours,
d'une violence inusitée, a réussi à enrayer par sa résistance acharnée et ses
contreattaques,une vigoureuse offensive ennemie, donnant ainsi de nouvelles
preuves de son indomptable ténacité et de l'esprit de sacrifice dont il est
animé.
Les trois bataillons sont relevés par le 348e de ligne un par un, et le 7
janvier l'opération est terminée.
Le 12 janvier 1918, le régiment retourne en lignes et le colonel PHILIPPE prend
le commandement de la zone
Chauvoncourt – Paroches, que le 2e R.I.C. ne quittera que le 1er avril.
Au cours de ce séjour, le sous-lieutenant LAMBACHE est grièvement blessé.
Pendant cette longue période, il n'y a pas d'incidents notables, sauf le 11
mars, où l'ennemi déclenche un
coup de main sur le C.R. Saint-Georges, coup de main qui échoue complètement et
qui nous cause quelques
pertes seulement par le bombardement. le souslieutenant BERRY est tué et le
sous-lieutenan CHAMBON blessé. Il y a un sergent, un caporal et cinq soldats
blessés.
A la suite de cette opération, le régiment est l'objet de l'ordre de
félicitations n° 333 de la 15e D.I.C., en
date du 12 mars 1918 :
Le 11 mars, à 4 h. 50, l'ennemi déclenchait subitement, sans aucune
manifestation préalable, sur le C.R. Saint-
Georges et sur les batteries qui l'appuient, un violent bombardement de minen et
d'obus de tous calibres, suivi
presque aussitôt par une forte attaque d'infanterie.
Grâce à la discipline des troupes, à la stricte exécution des consignes et aux
dispositions prises : évacuation en temps opportun des postes de surveillance,
vigilance des guetteurs et des patrouilles, déclenchement instantané de tirs
concentrés d'artillerie et de mitrailleuses, dévouement des agents de liaison,
grâce surtout à la bravoure, au sang-froid, à la ténacité et à la solidarité de
tous, officiers et soldats, fantassins et artilleurs, la tentative des Allemands
s'est terminée en un lamentable échec. Leur assaut a été arrêté net
devant nos lignes ; ils se sont enfuis sans emporter le moindre butin et nous
ont abandonné au contraire huit des leurs, six morts et deux prisonniers, dont
un non blessé.
Ce brillant succès est tout à la gloire des braves des 1re, 2e, 6e compagnies et
C.M.1 du 2e colonial, qui ont tenu sans broncher les tranchées du C.R.
Saint-Georges, et des vaillants canonniers du 22e R.A.C. qui ont maintenu sans
arrêt l'intensité et la précision de leur feu et n'ont pas cessé un instant
d'appuyer leurs camarades de l'infanterie, sans s'émouvoir des pertes que leur
faisait subir un violent tir de contre-batterie. Tous ont rivalisé de courage et
de dévouement.
Honneur à eux, honneur à ceux qui sont tombés en braves pour la défense de la
Patrie ; leur mort est vengée par
le sanglant échec infligé à l'ennemi et par l'atteinte portée à son moral.
Le général commandant la 15e D.I.C. est heureux de porter ce beau fait d'armes à
la connaissance des braves qu'il a l'honneur de commander. Il sait que chacun
est prêt à faire de même et tient ce succès pour un heureux présage en vue des
attaques dont l'ennemi nous menace. « Le Boche peut attaquer. Il ne passera pas.
SOMME
Mailly-Raineval (Avril à Juillet 1918)
Le régiment relevé va cantonner à Sorcy jusqu'au 10 avril.
Il est alors enlevé en camions automobiles et transporté dans la zone d'Arches.
Le 15 avril, le régiment fait mouvement et se porte dans la zone de Bruyères
(Vosges).
Le 69e B.T.S. arrive le 16 avril. Il n'y a pas de changement jusqu'au 26 avril,
date à laquelle le régiment se rend en chemin de fer dans la région de Beauvais.
Le 30 avril, le régiment est transporté en camions automobiles dans la zone de
Breteuil (Somme).
Dans la nuit du 15 au 16 mai, le 2e bataillon monte en ligne dans le
sous-secteur Merville. Le 1er bataillon
le rejoint le lendemain et le 3e bataillon reste en réserve de corps d'armée.
Les bataillons se relèvent entre eux jusqu'au 6 juin, où le régiment passe en
réserve de D.I. Il n'y a pas de changement jusqu'au 15 juin, où le régiment
retourne en lignes relever le 5e R.I.C..
Pendant le dernier séjour en tranchées, il y a eu chaque jour quelques blessés
et quelques tués. Le souslieutenantTACHOIRES est blessé le 24 juin.
Le régiment reste dans ce secteur jusqu'au 9 juillet,date à laquelle il est
relevé par le 6e R.I.C. et se porte
dans les nuits des 9, 10 et 11 juillet dans le soussecteur de Louvrechy.
Le 10 juillet, le mouvement de relève est annulé et le bataillon PETITJEAN reste
dans le C.R. Arrière-Cour.
Seul, le bataillon PETITJEAN prend part à l'attaque exécutée par la 66e D.I. le
12 juillet.
L'attaque ayant comme limite sud la porte de Louvrechy – Mailly.La préparation
d'artillerie commence à 5 h. 30. Le départ est à 7 h. 30.
L'attaque réussit parfaitement.
Nos pertes s'élèvent à un officier tué (le souslieutenant SION), 12 soldats tués
et 27 blessés.
Le soir, à 16 heures, après une préparationd'artillerie, des patrouilles de
reconnaissance sontpoussées vers Mailly et Billot. Elles sont rejetées.
Le bataillon BONNARD relève le bataillon PETITJEAN le 13 juillet dans le C.R. d'Arrière-Cour.Il
n'y a pas de changement jusqu'au 21 juillet.
Le 21 juillet, en vue d'une attaque, les bataillons de soutien fournissent de
nombreuses corvées de transport
de bombes, de matériel et de munitions.
Le 22 juillet au soir, le colonel PHILIPPE adresse à ses troupes l'ordre du jour
suivant :
Demain, à une heure qui n'est pas encore connue, vous
attaquerez le Boche.
La haine que vous avez pour cet immonde adversaire vous incitera à lui faire le
plus de mal possible. Fortement
appuyés par nos camarades artilleurs, vous atteindrez les objectifs qui vous
sont fixés et vous vous y maintiendrez.
Songez à vos frères d'armes qui sont actuellement dans la grande mêlée et qui se
couvrent de gloire en infligeant un sanglant échec aux armées du Kayser.
Puisque les circonstances n'ont pas voulu que vous fassiez partie de cette
phalange de héros, et que vous
contribuiez avec eux à endiguer et à refouler le flot de l'envahisseur, profitez
de l'occasion qui vous est donnée pour vfaire voir que vous êtes leurs dignes
émules, en déployant dans la journée de demain toutes vos belles qualités de
sangfroid, de bravoure et de ténacité.
OFFICIERS ET SOLDATs:
Je compte sur vous ! Vous aurez à cœur de maintenir haut et ferme les belles
traditions d'honneur du 2e régiment
colonial !
Que Dieu soit avec nous et seconde nos efforts !
Dans la nuit du 22, le régiment vient se masser dans le bois de la Gaune, en vue
d'une attaque qui doit être
déclenchée le 23 juillet.
Le 23 juillet, à 5 h. 30, le régiment, après une préparation d'artillerie très
courte mais très violente,
part à l'attaque de la cote 103.
L'attaque soigneusement préparée réussit parfaitement.
Le régiment prenant part à une opération offensive exécutée par la 15e D.I.C.,
les 3e et 152e D.I., avait pour
mission :
1° De s'emparer de la cote 103 afin de déborder par le sud la région de
Mailly-Raineval et de coopérer
ensuite à la réduction de la poche Mailly-Raineval.
2° D'établir une liaison intime avec la 3e D.I. pour permettre à celle-ci (51e
R.I.) l'enlèvement des Trois-
Boqueteaux et progresser ensuite jusqu'à l'objectif final
indiqué.
En liaison à droite avec le 51e R.I., à gauche avec le 5e R.I.C., le régiment
avait deux bataillons accolés en
première ligne : bataillon BENEZET (69e B.T.S.) et bataillon GILLER (I/2e R.I.C.)
; un bataillon (bataillon
BONNARD, III/2e R.I.C.), à la disposition du colonel.
Le dispositif de marche adopté était celui préconisé par l'Instruction sur le
combat offensif des petites
unités, en date du 2 janvier 1918. A l'heure H (5 h. 30) après une préparation
d'artillerie d'une heure, l'attaque fut déclenchée. Bataillon A (bataillon
BENEZET) Massé dans le bois de la Gaune, le 69e B.T.S. a
franchi avec sa fougue habituelle la lisière du bois, marchant à l'assaut de la
tranchée de Prague qui a été
vivement enlevée ; quelques prisonniers y ont été faits et quatre mitrailleuses
ou mitraillettes ont été prises.
La marche en avant s'est continuée sans arrêt et l'ouvrage 94.94, les Boqueteaux
organisés 95.94 vivement dépassés ainsi que la ligne d'abris située sur la route
Mailly-Raineval - Thory, où dix prisonniers, deux mitrailleuses et deux
mitraillettes furent capturés.Collant toujours au barrage et malgré les tirs de
mitrailleuses enfilant le ravin sud de Mailly, la progression se continua dans
un ordre parfait jusqu'au
fond du ravin ; là, elle devint plus difficile en raison duterrain en pente très
raide et fortement bouleversé par le bombardement.
Accueilli au haut de ces pentes par de violentes rafales de mitrailleuses
provenant de la cote 103, le B.T.S. a brillamment poursuivi sa progression et
atteint sans trop de pertes son premier objectif, la tranchée de
Bohême où il capturait des mitrailleuses et un canon de77. Un char d'assaut qui
était venu se placer devant le
bataillon a facilité cette progression.La marche sur le deuxième objectif fut
reprise un peu en retard pour se maintenir en liaison avec le 51e R.I. dont la
progression était gênée par notre barrage trop court.
Le deuxième objectif fut atteint malgré de violents feux de mitrailleuses
provenant des points 12.04 et
11.05.Les chars d'assaut de la 3e D.I. ont puissamment coopéré à la progression
par la réduction de ces
mitrailleuses. Ils enthousiasmèrent les hommes par leur audace.
Ayant reçu l'ordre de continuer le mouvement en avant, le 69e B.T.S. en liaison
avec le 51e R.I., atteignait le troisième objectif, route de Mailly-Raineval à
Saint-Ribert, malgré des feux nourris de mitrailleuses tirant d'ailleurs d'assez
loin.
La 4e compagnie, qui se trouvait à la naissance du ravin allant vers 15.13, a
profité du ralentissement de
l'intensité du barrage pour se porter en avant vers les abris de ce ravin
qu'elle a fouillés et où elle s'est
emparée de 60 prisonniers dont 2 officiers, 7 mitrailleuses et 2
mitraillettes.L'ennemi a alors commencé un bombardement excessivement intense
sur la position conquise. Les pertes de la 4e compagnie ont été très lourdes ;
elle dut être renforcée par une section de la compagnie de soutien et au cours
de la nuit, par un peloton prélevé sur le bataillon BONNARD disponible.
Une contre-attaque ennemie a essayé de déboucher plusieurs fois de 00.12, mais
prise sous le feu de nos
mitrailleuses, elle n'a pu réussir malgré ses tentatives.
Bataillon B (bataillon GILLET) Soumis pendant la fin de la préparation
d'artillerie à un bombardement assez intense, le bataillon GILLET
débouchait à 5 h. 30 du bois de la Gaune, avec un élan admirable ; les hommes
joyeux partaient à l'assaut
comme à une fête.
Les compagnies se portèrent en avant avec ardeur,progressant dans la direction
de l'est. La tranchée de
Prague fut franchie sans difficulté ; un peloton de la 2e compagnie désigné pour
aller occuper la tuilerie ( route de Mailly-Raineval à Thory), ayant été placé
en échelon débordant à gauche, se trouva en face d'un
poste tenu par une quinzaine de Boches qui furent vivement entourés et faits
prisonniers. La direction est fut conservée jusqu'au ravin de Mailly inclus, où
les 1re et 3e compagnies arrivèrent sans autre incident que la capture de
quelques Boches qui, devant le magnifique élan de nos troupes, se rendaient sans
opposer une violente résistance.A partir du ravin, pour atteindre la cote 103,
la direction nord-est fut prise.
La deuxième compagnie avait été placée en couverture du flanc gauche avec
mission postérieure de s'emparer
du bois Cornu, de coopérer à la réduction de la poche de Mailly-Raineval et au
nettoyage du village.
Les 1re et 3e compagnies escaladèrent les pentes ouest de la cote 103. Leur
progression fut un peu entravée
par un nid de mitrailleuses en 02.07 ; un canon de 37 rapidement mis en position
en 03.00, par son tir efficace,
fit taire ces mitrailleuses et permit aux compagnies de continuer leur
progression sans trop de pertes.
A 6 h. 5, la 1re compagnie atteignait le plateau cote 103, surprenant un nid de
mitraillettes (trou organisé)
qui n'eurent le temps de tirer que quelques coups de feu, la section PAPON ayant
foncé dessus avec une
crânerie et un élan remarquables. Après avoir pris la tranchée de Bohême, la 1re
compagnie tenait totalement son premier objectif.
La 3e compagnie, en liaison à droite avec la 1re compagnie, arrivait à hauteur
de celle-ci sur le plateau 103 et là, par un face à gauche, se redressant dans
la direction du nord, elle atteignait son premier objectif après avoir réduit
quelques G.C., dont les occupants ne vrésistèrent que fort peu à l'entrain et à
la bravoure de
nos hommes.
La 2e compagnie s'emparait du bois Cornu et la bliaison à gauche avec le 5e
R.I.C. était établie.
Cette compagnie pénétrait dans le village de Mailly, coopérait à son nettoyage
et en occupait fortement les
lisières est et nord-est.Pendant le temps d'arrêt avant l'enlèvement de la
deuxième position, l'ennemi lança sur la cote 103, un tir à obus fumigènes qui
fit supposer une contre-attaque par le ravin 15.13 – 06.04. Nos mitrailleuses et
notre artillerie (tir fusant) déclenchèrent de violentes rafales sur ce ravin et
les pentes nord de la cote 103.
Aucune réaction d'infanterie ne se produisit.
A H + 2, la progression pour l'enlèvement de la deuxième position fut reprise ;
elle fut aidée par deux des
tanks britanniques qui avaient été adjoints à la 3e D.I.Ces chars d'assaut
réduisirent deux nids de
mitrailleuses postés dans le ravin 15.13 – 06.04 et la deuxième position fut
atteinte en liaison à droite avec le bataillon BENEZET. Bataillon C (bataillon
BONNARD)
Le bataillon BONNARD constituait en arrière des troupes de première ligne, une
troupe disponible aux ordres directs du chef de corps. Pendant le bombardement
fumigène, une compagnie fut poussée vers 06.04, au cas où la contre-attaque que
laissait présager ce bombardement, aurait lieu. A 9 heures, ce bataillon fournit
une reconnaissance vers 15.13 avec mission de détruire les abris existant dans
le ravin et de s'installer vers 15.13 si l'ennemi n'offrait pas de résistance.
Cette reconnaissance arrêtée par des barrages intenses de mitrailleuses, dur
rentrer dans nos lignes.
Les pertes, dans la journée du 23 juillet, ont été
relativement faibles :
2e R.I.C. - Officiers : blessés, 2. Troupe : tués, 20 ;blessés, 80 ; disparus,
2.69e B.T.S. - Officiers : blessés, 2. Troupe : Européens: tués, 2 ; blessés, 20
; disparus, 2. Indigènes :tués, 5 ; blessés, 48.
Le régiment a montré que, malgré un séjour assez long en secteur calme, il
n'avait rien perdu des
brillantes qualités qui lui ont déjà valu une citation àl'Ordre de l'armée
(1915) et une au corps d'armée
(1917).
Le colonel remercie en ces termes le régiment :
Vous avez en tous points répondu à l'appel que je vous adressais le 22 juillet
au soir, veille de l'attaque. Vous avez même dépassé l'espoir que je plaçais en
vous. Je vous témoigne toute ma satisfaction.
J'adresse un pieux et suprême hommage à ceux de vos camarades qui sont tombés si
glorieusement au champ
d'honneur dans cette journée du 23.
Le chef de corps tient à signaler tout spécialement la brillante attitude du 69e
BT.S., une des plus anciennes
formations de nos troupes noires sur le sol français et demande que ce bataillon
soit cité à l'Ordre de l'armée
pour le motif suivant :
S'est maintes fois signalé depuis le début de la campagne par son audace
farouche et sa bravoure. En 1915, aux
Dardanelles, où il prend part avec le 58e mixte colonial aux attaques des 8, 12
et 22 mai, 4 et 30 juin, 13, 14 et 15 juillet.
En 1916, dans la Somme, où il enlève la ferme Bussus,Dampierre et Assevilliers.
En 1917, dans l'Aisne, où ayant enlevé la tranchée d'Essen, il y repousse trois
contre-attaques, perdant les 16,
17 et 18 avril, 688 Européens ou Indigènes.
A Verdun, en octobre 1917, où avec le 52e R.I.C., la 3e compagnie du 69e B.T.S.
est citée à l'Ordre de l'armée en même temps que le bataillon FROMENTY, auquel
elle était rattachée.
Au cours de la dernière attaque, brillamment enlevé par son chef, le commandant
BENEZET, s'est emparé des trois
objectifs qui lui avaient été assignés, faisant plus de 100 prisonniers,
s'emparant de 17 mitrailleuses, 9 mitraillettes et un canon de campagne. A tenu
ensuite solidement le terrain conquis, sous un bombardement intense. A donné
ainsi, dans cette dernière affaire, une nouvelle preuve de son allant et de
son énergie.
Le 24 juillet, le régiment maintient sa position et reçoit l'ordre de progresser
par infiltration jusqu'à la
position de batterie boche 15.13.
L'opération réussit.
Dans la nuit du 24 au 25 juillet, le régiment élargit son front et laisse un
seul bataillon en première ligne.
Le 25 juillet, le 2e R.I.C. prend le sous-secteur de la 3e D.I., le bois de
Sauviller.
Dans la nuit du 3 au 4 août 1918, le caporal DUCHAMP, de la 8e compagnie, se
trouvant avec quatre hommes en petit poste avancé, répondit à son chef de
section, l'adjudant BUQUIN, qui lui recommandait d'être
vigilant : « Ne vous en faites pas, je tiendrai bon. » Malgré qu'il eût le genou
ouvert par un éclat d'obus
et qu'il fût à moitié enseveli, il tint tête à une forte attaque ennemie et ses
grenades épuisées, se battit
encore à coups de poing en insultant l'ennemi, jusqu'au moment où il fut abattu
à bout portant par un officier
boche.
Le 4 août, on apprend que l'ennemi se replie au delà de l'Avre, que les
passerelles ont sauté et que l'on
entend des explosions dans le lignes boches.Une opération ayant pour but
l'occupation du bois de Saint-Ribert, est montée.Cette opération n'a pas lieu.
Le 5 août, le bataillon BONNARD reçoit l'ordre d'enlever la position précitée en
opérant par infiltration.
Le 6 août, a lieu la reconnaissance du bois de la Neuville et des passages de l'Avre
pour les rétablir en
vue d'une opération visant le passage de l'Avre et la prise de La
Neuville-Sire-Bernard.
Le lendemain, le régiment fait les derniers préparatifs pour l'attaque qui doit
avoir lieu le 8 août. Il
complète les dépôts de munitions, de vivres, d'eau, etc..
Dans la nuit du 7 au 8 août, les pionniers du régiment et le génie vont jeter
deux passerelles sur l'Avre.
Le travail est rendu difficile par le tir de nombreuse mitrailleuses ennemies
laissées sur la rive droite.
Le régiment prend ses positions pour l'attaque.
Le 8 août, à 4 h. 20, la préparation d'artillerie se déclenche.
L'attaque menée par le 9e C.A. auquel est affectée la 15e D.I.C. est subordonnée
à deux attaques menées au
nord par le 31e C.A., au sud par le 10e C.A.. H pour le 9e C.A. (15e D.I.C.)
sera H' = H + 4 , soit
8 h. 20.
L'artillerie ennemie, violemment contrebattue, ne réagit que très faiblement, en
outre, l'attaque déclenchée au nord, se déroulant normalement, l'ennemi doit
enlever le plus d'artillerie qu'il peut espérer sauver.A 8 h. 20, le 2e
bataillon se porte à l'attaque.
La traversée de l'Avre est devenue très difficile, une seule passerelle ayant
échappé aux tirs de l'artillerie
ennemie.
Au moment de franchir l'Avre, les passerelles ayant été détruites, un soldat
s'écrie : « Ceux qui ont des
caleçons sont autorisés à les mettre ! » Un camarade continua : « Ceux qui ne
savent pas nager s'accrocheront à mon bouc ! ». L'ennemi tient très fortement la
village de La Neuville et ses abords. Des feux de mitrailleuses
partent de tous côtés. Cependant le village est tourné et une compagnie
sénégalaise y pénètre pour en opérer le
nettoyage.
Le 2e bataillon qui a eu des pertes sévères est dépassé par le 69e B.T.S. à 9 h.
30.
Arrivées à la carrière 48.01 (300 mètres à l'est du village), les troupes sont
arrêtées par les feux de
mitrailleuses venant du cimetière du bois de Genonville et des bois Circulaire
et du Frêne.La situation reste sans changement jusqu'à 18 h. Les troupes
accrochées à la cote 102 ne peuvent déboucher.A cette heure, le chef de corps
apprenant que le village de Plessier-Rozainvillers est occupé par des
éléments du 31e C.A., donne l'ordre de rechercher la
liaison avec ces unités et se porte de sa personne au P.C. du chef de bataillon
de première ligne et dirige
l'attaque. A 19 heures, le bois Circulaire est entièrement occupé par les
éléments du 1er bataillon (bataillon
disponible passé en première ligne).La progression continue normalement vers
Plessier-Rozainvillers.
Le chef de bataillon BOENNEC, qui rempli les fonctions de chef de corps en
l'absence du colonel, veut
s'assurer personnellement de la progression du 69e B.T.S. qui est à droite et à
qui il a donné l'ordre d'enlever le bois du Frêne. 19 h. 30. Le commandant
BOENNEC, qui vient de quitter le P.C. du commandant de la compagnie de
droite, est tué d'une balle tirée très probablement à bout portant, par quelque
isolé ennemi qui a échappé aux
nettoyeurs. 20 heures. Le chef de bataillon BONNARD prend le commandement du
régiment et donne l'ordre d'enlever
le bois du Frêne. Cette opération, menée avec l'aide du 87e R.I.,
réussit. A 21 heures, la liaison avec le 31e C.A. est établie au village du
Plessier.Le régiment reste sur ses positions jusqu'au lendemain, 12 heures.En
résumé, l'opération qui fut marquée par une résistance très vive de l'ennemi
fortement retranché et doté de nombreuses mitrailleuses, réussit parfaitement.
Pertes : chef de bataillon BOENNEC tué ; officiers blessés, 4.
Troupe : tués, 23 ; blessé, 92 ; Disparus, 3.
Dans la nuit du 9 août, le régiment est relevé et se porte dans la zone
Louvrechy.
Le 11, il fait mouvement et se rend sur la rive gauche de la Noye, pour
cantonner dans la région de Lawarde.
Les 15 et 16, le régiment se rend à Cempuis en passant par Beaudéduit.
Le 27 août, embarquement par voie ferrée pour se rendre dans la région de
Joinville-sur-Marne.
LES ÉPARGES
(12 Septembre 1918)
Le 5 septembre, le régiment est enlevé en camions automobiles et transporté dans
la zone de Sommedieue.
Le 1er bataillon occupe le C.R. des Éparges.
Le 6, le colonel prend le commandement du soussecteur Terrasse.
Jusqu'au 12 septembre ont lieu les reconnaissances et les préparatifs en vue
d'une attaque dont le but est de
s'emparer des Hauts-de-Meuse. Les unités viennent, dans la nuit du 11 au 12
septembre, prendre leurs positions d'attaque. Dans l'ensemble du plan
d'engagement de la D.I., la mission du régiment était la suivante : Enlever le
village de Saint-Rémy et la crête ouest de la côte Amaranthe (tranchée de
Brême), puis faire face à l'est, s'emparer des Hauts-de-Meuse et pousser des
avant-postes au delà de la route Combres –
Herbeuville.
L'heure H était 8 h. 30.
La 26e D.I. U.S. qui opérait à la droite du régiment devait se lancer à
l'attaque trente minutes plus tôt, à 8
heures. Après une préparation d'artillerie d'une durée de 7 h.30, le bataillon
LAVALLÉE (3e bataillon) se porte à l'attaque, ses trois compagnies en
profondeur. A 8 h. 45, la compagnie de tête a atteint le réseau de fils de fer
en avant de la tranchée de Jenonsevaux ; ce réseau est intact, néanmoins,
progressant à la cisaille
sous les rafales de mitrailleuses, la compagnie DENIS pénètre à 9 heures dans la
tranchée de Jenonsevaux.
Sa progression devient alors très difficile ; la vallée de Longeau est battue de
toutes parts et à très bonne
distance par de nombreuses mitrailleuses situées en particulier au saillant
nord-ouest de la tranchée de Brême, en avant des lisières nord de Saint-Rémy et
surla croupe de l'ouvrage de la Pieuvre.
Le bataillon continue sa progression par infiltration mais de nouvelles
mitrailleuses situées au saillant de la
tranchée de Breslau (vers 47.23), entrent à nouveau en jeu.
Le capitaine LAVALLÉE, commandant le bataillon,est tué glorieusement d'une balle
au cœur.
Le capitaine NATTE prend le commandement du bataillon.
A 13 h. 30, les deux compagnies de tête, malgré les tirs de mitrailleuses,
malgré l'état marécageux du terrain, ont pu parvenir jusqu'à la route ravin des
Feuilles – ravin de la Gentille-Femme. Favorisée par l'avance de la D.I.
américaine, dontl'élan irrésistible a fait l'admiration de tous,la compagnie de
droite manœuvrant par l'ouest, peut s'emparer, à 13 h. 35, de l'ouvrage de la
Pieuvre et pénètre à 14 heures dans le village de Saint-Rémy, où elle fait 30
prisonniers dont 1 officier.Les mitrailleuses de la tranchée de Brême et de la
tranchée de Breslau sont toujours en action et interdisent les débouchés de
Saint-Rémy ; d'autre part, les pentes ouest de la côte Amaranthe sont abruptes
et sans défilement. Dans ces conditions, le colonel estime nécessaire de
demander une nouvelle préparation d'artillerie sur ces points, avant de
reprendre la progression.La préparation demandée est exécutée à 16 heures.
Jusqu'à 16 h. 15 un tir précis balaye les objectifs à atteindre et bouleverse
les organisations ennemies.
Le 3e bataillon (bataillon NATTE) dès la préparation terminée, se lance
hardiment sur le saillant nord de la
tranchée de Brême et y prend pied. A sa gauche, le 69e B.T.S. (commandant
BENEZET) progresse vers le
saillant de la tranchée de Breslau.
Sa compagnie de tête est arrêtée dans le fond du ravin de la Gentille-Femme par
des rafales de mitrailleuses garnissant en assez grand nombre, sous blockhaus en
ciment armé, la tranchée de Breslau.
Le chef de bataillon donne ordre de pousser par infiltration.La compagnie
LENFANT progresse vers l'est et peut
prendre à revers la tranchée de Breslau et s'emparer de la partie ouest de cette
tranchée.
Pendant ce temps, opérant en liaison avec undétachement du 5e R.I.C., le
bataillon NATTE manœuvre par le sud le saillant de la tranchée de Brême, s'en
empare et prend pied dans le boyau de la Sardine.
A la tombée de la nuit, la situation est la suivante :
Le bataillon NATTE tient les pentes ouest de la côte Amaranthe, au delà de la
tranchée de Brême ;
Le bataillon BENEZET tient la partie ouest de la tranchée de Breslau et le ravin
de la Gentille-Femme.
L'ennemi occupe encore la tête de ce ravin.
Au cours de la nuit, le colonel fait exécuter des reconnaissances sur la côte
Amaranthe et vers la tête du ravin de la Gentille-Femme.
Le 13, au petit jour, la marche en avant est reprise,l'ennemi a évacué le
plateau de la côte Amaranthe, ne
laissant pour couvrir son repli que quelques mitrailleuses.
Le bataillon BENEZET s'empare sans difficultés de la côte Biolie et pousse
immédiatement des avant-postes
au delà de la route Combres – Herbeuville.
Le bataillon NATTE, en liaison avec le B.T.S. à gauche, avec le 5e R.I.C. à
droite, continue l'attaque dans la progression de la Chapelle-Sainte-Vanne et d'Herbeuville.
Mais, en raison des pertes subies la veille par le 3e bataillon, le colonel a
donné ordre au 2e bataillon (bataillon PETITJEAN) de dépasser le 3e et de
bprendre à son compte l'attaque de l'ouvrage du Scorpion, de la cote 373 et des
pentes est des Hauts-de-Meuse.
Cet ordre reçoit exécution à 6 h. 30.
A 8 heures, le bataillon PETITJEAN tient la cote 373 et progresse vers les
pentes dominant la plaine de la
Woëvre. Une mitrailleuse au col de la Chapelle-Sainte-Vanne gêne encore la
marche sur Herbeuville.
Cette mitrailleuse est habilement manœuvrée ; ses servants sont tués et le
village est atteint.Les avant-postes du régiment sont poussés à la voie du
Décauville.La mission du régiment est remplie.Au cours de la journée du 13, un
détachement poussé jusqu'à Wadonville, trouve ce village vide d'ennemis. Il s'y
organise, envoie une reconnaissance d'une dizaine d'hommes fouiller le village
de Saint-Hilaire. Cette reconnaissance pénètre dans le village en ramenant une
mitrailleuse et dix prisonniers, dont deux sous-officiers.
Au cours de la nuit, l'ennemi abandonne ce village que le chef de corps fait
occuper dès le 14, au matin,
avec ordre de garder le contact avec l'arrière-garde ennemie tenant encore
Butgnéville.
Les pertes sont de 23 tués, dont 1 officier ; 133 blessés, dont 4 officiers.
Ces pertes sont extrêmement légères surtout si on les compare à l'opiniâtreté de
la résistance ennemie, à
l'importance de l'objectif atteint, à la quantité considérable de matériel
capturé, dont : 6 obusiers de
150, 2 canons de 65, 1 canon de 77, 9 mitrailleuses, de nombreuses munitions,
etc ...
La résistance de l'ennemi a été particulièrement marquée dans la journée du 12.
Les mitrailleuses nombreuses, solidement abritées, soigneusement camouflées,
interdisaient par des feux croisés la valléede Longeau ; la progression a été
rendue plus pénible encore par l'état et la nature du terrain : marécages ou
pentes abruptes. Malgré ces difficultés, grâce à l'exemple personnel des
officiers et des cadres, grâce à l'énergie et à la bravoure dont les hommes du
régiment sont coutumiers, le 2e R.I.C. a rempli sa mission.
Le 16 septembre, le colonel PHILIPPE, commandant
le régiment, porte à la connaissance de la troupe,
l'Ordre général N° 106 de la 1re armée, en date du 8
septembre 1918.
Le général commandant la 1re armée, cite à l'Ordre
de l'armée le 2e régiment d'infanterie coloniale :
Régiment d'élite qui a successivement prouvé ses brillantes qualités offensives
et défensives sur la Somme, sur
l'Aisne, à Verdun et en Picardie.
Sur la Somme, en septembre 1916, a brillamment enlevé tous les objectifs qui lui
avaient été assignés et a su les conserver en dépits des violentes réactions de
l'ennemi.
Sur l'Aisne, en avril 1917, s'est emparé d'un seul élan de plusieurs lignes de
tranchées allemandes et a montré une ténacité remarquable dans sa résistance aux
violentes contreattaques
ennemies.
Le 10 octobre 1917, après un bombardement de plusieurs jours, d'une violence
inusitée, a réussi à enrayer par sa
résistance acharnée et ses contre-attaques, une vigoureuse offensive ennemie,
donnant ainsi de nouvelles preuves de son indomptable ténacité et de l'esprit de
sacrifice dont il est animé.
En dernier lieu, le 23 juillet 1918, sous les ordres de son chef, le colonel
PHILIPPE, a enlevé dans un magnifique élan et par une manœuvre audacieuse, de
solides positions ennemies. A atteint tous ses objectifs, a fait à l'ennemi plus
de 300 prisonniers dont 9 officiers et lui a enlevé 4 canons, 6 minenwerfer, 38
mitrailleuses et un très abondant matériel de guerre.
La Fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre est accordée au
régiment, par Ordre général N°122 « F » du général commandant en chef.
Le bataillon sénégalais fait mouvement, et va cantonner à Rupt-en-Woëvre, le 17
septembre.
Le 18 septembre, le colonel porte à la connaissance du régiment, l'ordre général
suivant de la 15e D.I.C.
Ordre général N° 416 de la 15e D.I.C.
Le général GUÉRIN, commandant la 15e division d'infanterie coloniale, porte à la
connaissance des troupes,
l'Ordre suivant du général CAMERON, commandant le 5e
C.A. U.S. :
Le 13 septembre 1918.
Depuis qu'en 1914, au cours des journées mémorables qui suivirent la première
bataille de la Marne, les Bavarois
s'étaient emparés par une attaque brusque des Hauts-de-Meuse, le saillant de
Saint-Mihiel avait acquis une
renommée mondiale.
Menace constante contre de très importantes lignes de communications françaises,
observatoire de premier ordre
pour les Allemands et obstacle à la liberté des mouvements de nos troupes, il
devait être nécessairement pendant quatre longues années, l'objectif tout
désigné de nombreuses tentatives pour le ravir à l'ennemi.
On ne saurait évaluer les sacrifices qu'a coûté la crête des Éparges. Son nom
était devenu fameux et synonyme de
position imprenable.
Il appartenait à la vaillante 15e division coloniale de l'armée française de
mettre un terme à cette légende et de prouver qu'avec de l'énergie et de la
ténacité, il n'est pas de position d'où nous ne puissions chasser notre ennemi.
Après une préparation d'artillerie qui n'avait pu être que d'une très courte
durée, mais précédée par un barrage très habilement réglé, cette vaillante
troupe engagée le 12 septembre dans la première opération faite sous la
direction du haut commandement américain, a escaladé les pentes formidables et
précipité ses adversaires dans les marécages intenables de la Woëvre.
Une violente contre-attaque a prouvé quel prix l'ennemi attribuait à cette
fameuse position. Elle arrêta nos brillants alliés pendant un moment, mais ils
ne purent être refoulés et, dès la nuit, ce nouveau Gibraltar rentrait
définitivement entre les mains de ses véritables possesseurs.
Honneur aux vainqueurs des Éparges !
Le 5e corps américain les salue.
Général Major CAMERON.
En communiquant à la 15e D.I.C. l'ordre si élogieux du général CAMERON, le
général GUÉRIN adresse ses
félicitations personnelles aux vaillantes troupes qu'il a l'honneur et l'extrême
satisfaction de commander.
En deux mois, vous avez pris part à quatre grandes attaques et quatre fois vous
avez bousculé l'ennemi en
brisant toutes les résistances.
En dernier lieu aux Éparges, formant l'extrême gauche de la 1re armée
américaine, vous avez enlevé une véritable
forteresse formidablement organisée et défendue par de l'artillerie, des
mortiers de tranchée et de nombreuses
mitrailleuses ; vous y avez pris 10 canons, dont 6 de 150.
Vos détachements, éclairés par les hardis cavaliers de l'escadron divisionnaire
se sont élancés rapidement à travers la plaine de la Woëvre et ont délivré de
nombreux villages occupés par l'ennemi depuis 1914.
Vous avez pris le contact de la ligne de défense derrière laquelle se sont
réfugiés nos ennemis ; vous êtes prêts à l'assaillir et, comme les précédentes,
vous l'enlèverez lorsque le moment sera venu.
Vous aurez eu la bonne fortune de combattre côte à côte avec les brillants
soldats de la jeune mais splendide armée américaine qui, pour son coup d'essai,
a fait un coup de maitre en enlevant d'un seul élan le saillant de Saint-Mihiel
et en remportant ainsi une des plus belles victoires de la
guerre.
Tous, vous avez pu apprécier au cours de la préparation de l'attaque et pendant
la lutte même, avec quelle énergie, quel entrain et quelle superbe bravoure, nos
vaillants amis se jetaient dans la bataille et en poussaient l'exploitation à
fond.
Avec de tels alliés, il n'est rien que vous ne puissiez entreprendre et réussir.
Le président du Conseil, ministre de la Guerre, M.CLÉMENCEAU, est venu hier à
Saint-Mihiel pour saluer et
réconforter au nom de la Patrie, les populations libérées et pour apporter aux
vaillantes troupe qui les ont délivrées, l'expression des sentiments de
reconnaissance et d'admiration de la France.
Je suis heureux de vous les transmettre.
En vous rappelant ces évènements auxquels vous avez pris part, vous aurez le
droit de dire avec une légitime fierté
: Moi aussi j'en étais !
Le général commandant la 15e D.I.C.
Signé : GUÉRIN.
Les 21 et 22 septembre, le régiment relève le 5e R.I.C. dans le sous-secteur
Deramé. Deux bataillons sont en lignes et un au camp des Savoyards, en réserve
de D.I.
Dans la nuit du 4 au 5 octobre, un bataillon du 2e R.I.C. relève dans le C.R.
Damloup des unités du 52e R.I.C. Le régiment est relevé dans la nuit du 14 au 15
octobre par un régiment américain et va cantonner à
Haudainville.
Le régiment, alerté le 18 octobre au soir, à 20 heures, fait mouvement pour se
porter dans la zone des bois Bourrus (fort du Bourrus) au nord de Verdun.
Arrivé à 12 heures, il reçoit l'ordre de se porter le soir même au bois des
Forges.
Le mouvement est très pénible en raison de la pluie persistante, du mauvais état
des routes et de la distance
considérable à parcourir (40 kilomètres environ).
Le 20 octobre, le 2e R.I.C. relève le 130e R.I. U.S.
Le 22, la 26e D.I. U.S. attaque à notre droite et le sous-secteur est violemment
bombardé à obus toxiques.
Bombardement qui dure plusieurs jours.
Le 30 octobre, le colonel porte à la connaissance du régiment, l'Ordre N° 61 du
Groupe des armées de l'Est,
en date du 24 octobre 1918.
Le général de division de CASTELNAU, commandant le Groupe d'armées de l'Est,
cite à l'Ordre de l'armée le
2e régiment d'infanterie coloniale :
Superbe régiment (formé de ses bataillons organiques et du 69e B.T.S., commandé
par le chef de bataillon BENEZET) qui a affirmé une fois de plus ses
remarquables qualités manœuvrières au cours des opérations du 8 août 1918, sur
l'Avre et du 12 septembre aux Éparges.
Le 8 août, sous les ordres du commandant BOENNEC, a réussi à forcer le passage
d'une rivière marécageuse et
profonde, désespérément défendue par l'ennemi qui la considérait comme
infranchissable, et s'est emparé de tous
ses objectifs.
Le 12 septembre, sous les ordres de son chef, le colonel PHILIPPE, a donné de
nouvelles preuves de son abnégation et de son courage en même temps que de son
habileté en enlevant brillamment une forte position ennemie justement réputée.
Au cours de ces deux actions, a infligé de lourdes pertes à l'ennemi, et lui a
enlevé 6 canons de 105, 3 canons de 77,1 canon de 65, un grand nombre de
mitrailleuses lourdes et
légères et un très abondant matériel.
HAUTS DE MEUSE
(2 novembre au 11 novembre 1918)
Le 2 novembre 1918, le régiment qui occupe le sous-secteur Plat-Chêne depuis le
20 octobre, reçoit l'ordre d'exécuter le lendemain des reconnaissances
offensives sur les organisations ennemies de la Chapelle Saint-Pantaléon - Ferme
Magenta, avec mission de faire des prisonniers et d'occuper le terrain conquis.
Cette opération doit s'exécuter en même temps que d'autres opérations analogues
à effectuer à droite par la 158e B.I. U.S., à gauche par le 6e R.I.C. En
exécution de cet ordre, le 3 novembre, à 5 h. 30,le 1er bataillon (GILLET)
pousse une compagnie sur la Chapelle Saint-Pantaléon et s'en empare, couvrant
ainsi à gauche l'attaque de la ferme Magenta, qui aura lieu à 7 heures, en
liaison avec une attaque américaine sur la cote 378. La ferme Magenta est
enlevée ; le bataillon continue son effort vers la ferme Villeneuve
et le Haut-Chêne pour essayer de déborder par l'ouest la cote 378. Mais à
gauche, l'ennemi résiste au bois Nachet et ses nombreuses mitrailleuses
refoulent nos éléments sur Magenta. Au cours de la journée du 3 novembre,
parviennent au chef de corps, les ordres 618/st de l'I.D. et 1627 de la D.I. «
au sujet du démarrage ». Ces ordres fixent au régiment des objectifs successifs
plus lointains : Sillon-Fontaine, ferme Solférino, cote 398.
Le 4 novembre, à 5 h. 30, conformément aux prescriptions des ordres ci-dessus,
l'attaque est reprise en liaison avec le 6e R.I.C. et les Américains.
Nous enlevons d'un bond le Haut-Chêne et la cote 378, mais notre assaut sur la
ferme Villeneuve est encore une fois repoussé par les mitrailleuses de
Villeneuve et de la Vaux de Curroy. Le bois Nachet tient toujours.
Le bataillon s'accroche au terrain face à l'ouest et au nord, et occupant le
Haut-Chêne, il tient Villeneuve et Sillon-Fontaine sous ses feux. Une
contre-attaque lancée l'après-midi de Sillon-Fontaine est repoussée
victorieusement.
Le 1er bataillon, qui s'est battu pendant 36 heures sans répit, est relevé à 17
heures sur ses positions, par
le 2e bataillon (BOUTET).Pendant la nuit, l'ennemi se renforce.
Le 5 novembre, à 9 heures, après une violente préparation d'artillerie, le 2e
bataillon se porte à l'attaque de Villeneuve et de Sillon-Fontaine. L'attaque
progresse en liaison avec les Américains ; ceux-ci contre-attaqués par des
troupes nombreuses débouchant de la tranchée de la Couriette et du Fond de la
Queue, ne peuvent se maintenir sur la cote 378. Nos éléments qui s'étaient
avancés jusqu'au signal de la Borne de Cornouiller, sont pris sur la droite par
des feux de mitrailleuses qui les obligent encore une fois à
se replier au sud du Haut-Chêne.
Toute la journée, des troupes du 35e régiment prussien descendent de la ferme
Solférino et viennent se masser dans Sillon-Fontaine et ferme Villeneuve.Deux
fois, elles contre-attaquent violemment ; deux fois, elles sont repoussées en
subissant de lourdes pertes. L'ennemi exécute alors un tir d'anéantissement avec
obus explosifs et toxiques qui dure toute la nuit etcontraint le 2e bataillon à
s'abriter dans les tranchées
organisées le 3 novembre par le 1er bataillon.
Durant la nuit, les Américains, avec un bataillon de renfort, s'emparent de la
cote 378, mais le matin, au
moment de la préparation d'artillerie, les Allemands les Réunies de
Nancy,rejettent sur les pentes sud. Ce fait empêche encore unefois nos troupes
de progresser à 8 h. 30.Pendant toute la journée, les combatslocaux continuent
sans relâche, mais le bois Nachet tient toujours et nous ne pouvons enlever la
ferme Villeneuve.
Cependant à gauche, l'attaque d'un corps américain a réussi en direction
d'Haraumont et l'ennemi, contraint
de retirer une partie de ses troupes de notre front pour enrayer ce mouvement,
ne peut résister à une nouvelle
attaque exécutée le 7 novembre, à 8 h. 10.
Toutefois, la lutte reste ardente ; brisant la résistance acharnée de l'ennemi
prussien ((35e régiment), qui doit tenir coûte que coûte et qui tient,
manœuvrant et enlevant les nombreuses mitrailleuses ennemies disséminées sur le
terrain, l'élan de nos troupes ne peut
plus être enrayé.A 9 heures, la ferme Villeneuve est enlevée ; à 10 heures,
Sillon-Fontaine ; à 15 heures, nous abordons laFerme et les ouvrages Solérino
qui sont pris à 16heures, malgré les tirs de mitrailleuses dont les servantsse
font tuer sur place.
Au cours de ces journées, nous avons capturé 25
prisonniers dont un officier, 4 canons et 1 minenwerfer,de nombreuses
mitrailleuses et mitraillettes, un matériel important.
Les pertes infligées à l'ennemi paraissent lourdes, de nombreux cadavres
jonchent le terrain conquis par le 2e
R.I.C.
Après dix-huit jours de séjour dans un secteur, au cours desquels il fut soumis
à d'incessants bombardements toxiques qui diminuèrent son effectif et
amoindrirent notablement les forces physiques de chacun, le régiment a eu à
combattre sur un terrain très
difficile. L'ennemi a résisté jusqu'au sacrifice, nous opposant ses meilleures
troupes et celles-ci en nombre
supérieur, au moins tant que la manœuvre du C.A. américain sur Haraumont ne
compromettait pas encore sa situation. La configuration même de ce terrain, ses
vastes glacis offrant aux nids de mitrailleuses de profonds
champs de tir, favorisèrent la résistance opiniâtre de l'ennemi ; ses ravins
encaissés lui permirent maintes
fois de masser ses troupes de contre-attaques dont le jeu souvent répété put
enrayer momentanément notre
progression, mais qui furent toutes brillamment repoussées. Malgré tout,
surmontant les difficultés et la fatigue, manœuvrant avec audace et habileté les
nids de mitrailleuses, résistant avec énergie et sang-froid aux
contre-attaques comme aux bombardements, le régiment sut conquérir ses
objectifs, ses pertes lourdes
témoignent de l'opiniâtreté de la lutte ; elles s'élèvent à 45 tués, dont un
officier ; 137 blessés, dont 6 officiers ; 147 intoxiqués. Pertes d'autant plus
sensibles qu'elle portent sur un effectif déjà amoindri par 234
évacuations pour intoxication par gaz à la suite de bombardements subis pendant
la période de secteur.
Au cours de ces six journées de durs combats, succédant à une période pénible
d'occupation de secteur,le régiment a une fois de plus affirmé ses brillantes
qualités offensives, son allant, son abnégation, son esprit de sacrifice et fait
preuve d'une endurance à la fatigue qu'il a poussée jusqu'aux limites de
l'effort.Tous, officiers, médecins, gradés et soldats ont brillamment accompli
leur devoir et coopéré dans une large mesure au succès définitif de nos armes.
Le 11 novembre, le régiment qui a reçu dans la nuit l'ordre d'attaquer à 9
heures, est avisé à 6 h. 30, par
message, que l'armistice étant signé avec l'Allemagne,seule la préparation
d'artillerie aura lieu.
Le régiment reste sur place jusqu'au 13 novembre,date à laquelle il va cantonner
au camp du Moulin-Brûlé.
Le 2e R.I.C. entreprend en décembre sa marche conquérante de Verdun à Bingen,
par Nancy, Boulay, Sarrelouis, Sarrebruck, Kreuznach. Il traverse les villes de
l'ancienne Lorraine délivrée, au milieu de l'enthousiasme des populations
demeurées loyales à la France.Drapeau déployé, clairons résonnants, il traverse
les villes allemandes en vainqueur cette fois et participe àl'honneur de monter
la garde au Rhin.L'emblème sacré du régiment n'a pas eu la honte de tomber entre
les mains de l'ennemi.Là, où le brave LE GUIDEC l'avait enfoui en août 1914, il
fut retrouvé.
Dès le départ des derniers Boches du village de Villers-sur-Semoy, les habitants
firent des recherches
dirigées par M. le général AUBE, commandant la 5e B.I.C. Le drapeau fut trouvé
dans le jardin d'un
courageuse femme, Mme WARNIMONT. Une compagnie du 264e de ligne aida aux
recherches. Le général AUBÉ, délégué du ministre, en présence de M. BRAFFORD,
député de la Chambre belge, fit rendre les honneurs règlementaires.
La glorieuse relique fut ensuite rendue au régiment.
Le 5 mai 1919, à Schifferstadt (Palatinat bavarois), le colonel PHILIPPE
présenta le drapeau aux vaillants
guerriers du régiment et prononça l'allocution suivante :
OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS, CAPORAUX ET SOLDATS ,
Grande est mon émotion et vive est ma joie d'avoir à vous présenter ce drapeau
dont presque tous, anciens et
jeunes, vous connaissez déjà l'odyssée.
Le 22 août 1914, à Rossignol, après un dur et sanglant
combat, où le régiment luttant à un contre dix fut presque anéanti, cet emblème,
grâce à l'héroïsme de quelques braves, échappe à la honte de tomber entre les
mains de l'ennemi. Le 2e colonial était vaincu par le nombre, mais l'honneur
était sauf. Au cours de la nuit qui mit fin à la bataille, notre drapeau put
être enterré près de Villers-sur-Semoy, et c'est là que plus de quatre années
après, il était retrouvé par notre général de brigade, le général AUBÉ, qui
avait mission de le rechercher pour qu'il fit retour à ses héroïques défenseurs.
Ce drapeau est tout un symbole. Il nous représente la
Patrie angoissée, brusquement et cyniquement envahie par
des hordes barbares qui vont souiller son sol pendant plus de quatre années en y
perpétrant les crimes les plus
abominables ; il rappelle les luttes épiques que vous avez soutenues, les
souffrances physiques et morales que vous avez endurées ; il évoque la mémoire
des milliers de braves de ce beau régiment qui sont glorieusement tombés pour
lui.
Il est enfin un témoin vivant du triomphe de nos armes.
Quelle satisfaction pour moi de vous le présenter sur ce sol ennemi ! Quelle ne
doit pas être la vôtre de pouvoir à nouveau le contempler ! Voyez le ! Il est
presque en lambeaux, il n'est plus guère qu'une loque, mais combien chère et
combien glorieuse ! Ses couleurs sont ternies, mais
elles n'en brillent que d'un éclat plus incomparable, elles n'en flottent que
plus fièrement au-dessus de ces plaines arrosées par un fleuve, le Rhin, dont
nous, Français, nous avons
maintenant la garde.
SOLDATS,
Nous allons rendre les honneurs à cette relique sacrée, devant elle vous allez
défiler. En passant à sa hauteur, portez franchement vos regards vers lui, et
criez lui tout votre amour. C'est la façon de saluer du soldat. En lui, c'est la
France que vous saluerez, c'est son glorieux passé, c'est son avenir plein
d'espérance.
Vous, les anciens, qui prîtes part à la grande épopée et fûtes, grâce à votre
esprit de sacrifice, à votre bravoure, à votre indomptable énergie, à votre
ténacité, les artisans de la
Victoire, soyez fiers de votre œuvre.
A vous, les jeunes, incombe un devoir sacré, celui de maintenir intacts les
fruits d'une victoire achetée au prix de si grands sacrifices, de tant de sang
si généreusement versé.
L'occasion vous est donnée d'en faire aujourd'hui le serment en jurant de mourir
s'il le faut, pour la défense de notre drapeau.
Au Drapeau ! ! !
Pendant ces 52 mois de luttes journalières, de combats géants comme l'Histoire
du monde n'en avait encore pas enregistrés, le 2e R.I.C. A participé à toutes
les grandes batailles.
Reconstitué plus de dix fois, il a payé un large tribut évalué à environ 20.000
tués et blessés, dont 825
officiers.
Tous ont fait allègrement le sacrifice de leur vie,pour que leur chère Patrie,
la belle France, continue à
vivre dans une auréole toute de « Liberté » et de« Grandeur ».
Ils avaient tous la volonté de vaincre.
Morts ! Ils nous l'ont communiquée.
De l'Yser à Verdun, leurs mânes ont tressailli le jour de la Victoire.
La France est victorieuse.
Que les futurs marsouins du 2e soient fiers de leur
Drapeau ! Qu'ils pensent à ceux qui l'ont vaillamment défendu et qu'ils soient
toujours prêts à se montrer
dignes d'eux.
CITATIONS
obtenues par le
2e Régiment d'Infanterie Coloniale
au cours de la Campagne
Citation à l'Ordre de la IVe armée en date du 28 janvier 1919. S'est signalé
depuis le début de la campagne par sa solidité et son endurance.
Le 25 septembre 1915,brillamment enlevé par son chef, le lieutenant-colonel
MOREL qui a été grièvement blessé, s'est emparé de cinq lignes de tranchées
fortement organisées, se portant d'un seul élan jusqu'à des positions
d'artillerie ennemie, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant d'un
matériel important.
A tenu ensuite solidement le terrain conquis, sous un bombardement intense et a
donné une nouvelle preuve de
son allant et de son énergie, dans l'attaque du 29 septembre.
Citation à l'Ordre de la Ire armée
en date du 8 septembre 1918
Régiment d'élite qui a successivement prouvé ses brillantes qualités offensives
et défensives sur la Somme, sur
l'Aisne, à Verdun et en Picardie. Sur la Somme, en septembre 1916, a brillamment
enlevé tous les objectifs qui
lui avaient été assignés et a su les conserver en dépits des violentes réactions
de l'ennemi. Sur l'Aisne, en avril 1917, s'est emparé d'un seul élan de
plusieurs lignes de tranchées allemandes et a montré une ténacité remarquable
dans sa résistance aux violentes contre-attaques ennemies. Le 10 octobre 1917,
après un bombardement de plusieurs jours,d'une violence inusitée, a réussi à
enrayer par sa résistance acharnée et ses contre-attaques, une vigoureuse
offensive ennemie, donnant ainsi de nouvelles preuves de son indomptable
ténacité et de l'esprit de sacrifice dont il est animé. En dernier lieu, le 23
juillet 1918, sous les ordres de son chef, le colonel PHILIPPE, a enlevé dans un
magnifique élan et par une manœuvre audacieuse, de solides positions
ennemies. A atteint tous ses objectifs, a fait à l'ennemi plus de 300
prisonniers dont 9 officiers et lui a enlevé 4 canons, 6 minenwerfer, 38
mitrailleuses et un très abondant matériel de guerre.
Citation à l'Ordre du G.A.E.
Superbe régiment (formé de ses bataillons organiques et du
en date du 24 octobre 1918
69e B.T.S., commandé par le chef de bataillon BENEZET) qui a affirmé une fois de
plus ses remarquables qualités
manœuvrières au cours des opérations du 8 août 1918, sur l'Avre et du 12
septembre aux Éparges. Le 8 août, sous les ordres du commandant BOENNEC, a
réussi à forcer le passage d'une rivière marécageuse et profonde, désespérément
défendue par l'ennemi qui la considérait comme infranchissable, et s'est emparé
de tous ses objectifs. Le 12 septembre, sous les ordres de son chef, le colonel
PHILIPPE, a donné de nouvelles preuves de son abnégation et de son courage en
même temps que de son habileté en enlevant brillamment une forte position
ennemie justement réputée. Au cours de ces deux actions, a infligé de lourdes
pertes à l'ennemi, et lui a enlevé 6 canons de 105, 3 canons de 77, 1 canon de
65, un grand nombre de mitrailleuses lourdes et légères et un très abondant
matériel.
Citation à l'Ordre de la IIe armée
Magnifique régiment qui vient d'affirmer à nouveau ses
Superbes qualités militaires, d'esprit de sacrifice, d'endurance et d'habileté
manœuvrière. Pendant la période du 3 au 9 novembre 1918, dans le secteur de
Verdun-Nord, sous le Commandement d'un chef énergique, le commandant
BONNARD, s'est porté dans des conditions extrêmement dures, à l'attaque des
positions allemandes. A refoulé sans
arrêt un adversaire supérieur en nombre, le chassant de positions puissamment
organisées, en dépit de contreattaques acharnées et de bombardements toxiques
des plus violents. Fortement éprouvé lui-même, a brisé la résistance opiniâtre
de l'ennemi et l'a rejeté définitivement des Hautsde-Meuse, en lui infligeant de
lourdes pertes et en lui capturant des prisonniers, 4 canons, un grand nombre de
mitrailleuses et un matériel considérable.
IMPRIMERIES RÉUNIES DE NANCY
Historique du 2e R.I.C. (Anonyme, Imprimeries Réunies de Nancy,
s.d.)