
Guy Môquet
Guy Môquet (17 ans) était lycéen au lycée Carnot et fervent
militant des jeunesses communistes. Pierre-Louis Basse le présente
comme un « titi », volontiers gouailleur tout en ne dédaignant pas
écrire des poèmes, plaisant aux filles et doué dans les disciplines
sportives. Au sprint, son seul rival est Charles Éboué, fils de
Félix Éboué.
L'URSS ayant signé un pacte de non-agression avec les nazis, les
communistes français s'opposent à la guerre (considérée comme une
guerre impérialiste contre les intérêts de la classe ouvrière). De
nombreux militants communistes, dont le père de Guy Môquet, sont
donc arrêtés par le gouvernement français sous l'accusation de
sabotage, démoralisation de l'armée, bref, pour avoir affaibli les
arrières. Après la défaite française, l'occupant laisse en détention
les communistes incarcérés par la IIIe République. Selon Denis
Peschanski, à l'automne 1940, le PCF subit une vague intense de
répression menée par la police française et facilitée par la
politique de légalisation qui a prévalu pendant l'été 1940. Jusqu'en
mars-avril 1941, la revendication nationale, anti-allemande, n'est
pas prioritaire pour le PCF par rapport à la revendication sociale
(pour plus de détails, voir Histoire du Parti communiste français,
Les premiers mois de l'occupation).
En ce qui concerne Guy Môquet, l'arrestation de son père en octobre
1939 est un événement marquant qui renforce son ardeur militante.
Réfugié avec sa mère et son frère dans la Manche, il revient alors
seul à Paris, où il milite clandestinement au sein des Jeunesses
communistes. Il écrit une lettre au président de l'assemblée Édouard
Herriot pour demander la libération de son père. Avec l'occupation
de Paris par les Allemands et l'instauration du gouvernement de
Vichy, Guy Môquet déploie une grande ardeur militante pour coller
des « papillons » et distribue des tracts qui reflètent la ligne
politique de son parti en été 1940.
Dans ces tracts, c'est surtout la misère qui est épinglée : « Des
magnats d'industrie (Schneider, De Wendel, Michelin, Mercier [...]),
tous, qu'ils soient juifs, catholiques, protestants ou
francs-maçons, par esprit de lucre, par haine de la classe ouvrière,
ont trahi notre pays et l'ont contraint à subir l'occupation
étrangère [...] De l'ouvrier de la zone, avenue de Saint-Ouen, à
l'employé du quartier de l'Étoile, en passant par le fonctionnaire
des Batignolles [...] les jeunes, les vieux, les veuves sont tous
d'accord pour lutter contre la misère… ». Ils réclament également la
libération des prisonniers communistes incarcérés depuis l'automne
1939.
Guy Môquet est arrêté à seize ans le 15 octobre 1940 au métro Gare
de l'Est par trois policiers français dans le cadre du décret-loi
Daladier du 26 septembre 1939 interdisant la propagande communiste.
Passé à tabac pour qu'il révèle les noms des amis de son père, et
emprisonné à Fresnes, puis à Clairvaux, il est ensuite transféré –
malgré son acquittement – au camp de Châteaubriant
(Loire-Atlantique), où étaient détenus d'autres militants
communistes généralement arrêtés entre septembre 1939 et octobre
1940. Il est à la baraque 10, la baraque des jeunes, où il se lie
d'amitié avec Roger Sémat et Rino Scolari. Ce dernier, un peu plus
âgé que lui, deviendra un des responsables FFI au moment de la
Libération de Paris.
Le 20 octobre 1941, Karl Hotz, commandant des troupes d'occupation
de la Loire-Inférieure, est exécuté à Nantes par trois jeunes
communistes. Le ministre de l'Intérieur du gouvernement de
collaboration de Pétain, Pierre Pucheu, sélectionne des otages
communistes « pour éviter de laisser fusiller cinquante bons
Français » : dix-huit emprisonnés à Nantes, vingt-sept à
Châteaubriant et cinq Nantais emprisonnés à Paris.
Deux jours plus tard, neuf poteaux sont dressés à la Sablière, vaste
carrière à la sortie de Châteaubriant. En trois groupes, les
vingt-sept otages s'y appuient, refusent qu'on leur bande les yeux
et donnent leur vie en s'écriant « vive la France ! ». Guy Môquet
est le plus jeune. Il a un évanouissement mais il est fusillé dans
cet état[9]. Il est abattu à 16 heures. Avant d'être fusillé, il
avait écrit une lettre à ses parents.
Pour les nazis, l'exécution d'otages communistes est préférable pour
convaincre les Français que seuls les juifs et les communistes sont
leurs ennemis. La sélection d'un otage si jeune est également
délibérée, pour montrer qu'ils seront impitoyables avec tous les
distributeurs de tracts, quel que soit leur âge. Mais l'exécution
d'un otage si jeune a surtout pour effet de choquer la population
française.
Article détaillé : Représailles après la mort de Karl Hotz.
Selon Pierre-Louis Basse, Serge, le jeune frère de Guy Môquet, meurt
quelques jours plus tard, de chagrin et de peur, déguisé en fille
par sa mère qui tente d'échapper à la Gestapo[11]. Mais selon la
pierre tombale du caveau où il repose au cimetière parisien du
Père-Lachaise, aux côtés de son frère et d'autres « héros et martyrs
de la Résistance fusillés par les nazis », Serge Môquet est décédé
le 19 avril 1944 à l'âge de 12 ans et demi, « victime de la Gestapo
». Selon la belle-fille de Prosper Môquet, Anne-Marie Saffray,
Serge, traumatisé par l’emprisonnement de son père et par
l’exécution de son frère, fragilisé par la disette et les rigueurs
de la vie clandestine, mourut d’une méningite. Leur mère, Juliette,
fit partie du Comité parisien de Libération et fut de 1945 à 1947
conseillère municipale communiste de Paris. Elle trouva la mort le
30 mai 1953 dans un accident de voiture, que conduisait son mari,
Prosper.
Lettre de Guy Môquet à sa mère
"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma
petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être
autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu
vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort
serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean.
J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je
ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront
renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier
de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à
ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois.
Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as
tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup.
Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans 1/2, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est
de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce
que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être
courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi
maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant.
Courage !
Votre Guy qui vous aime.
Guy
Dernières pensées : Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les
27 qui allons mourir !"
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