Il est l'image même du héros de la 2e DB, celui qui accrocha l'étendard tricolore, marqué de la croix de Lorraine, au sommet de la cathédrale de Strasbourg. C'était le 23 novembre 1944. A 14 h 30, l'engagement pris à Koufra était respecté.
Voir le serment de Koufra ICI
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« Il y avait beaucoup de vent, ce qui n'arrangeait pas les choses. » Maurice Lebrun, 83 ans, n'a pourtant pas hésité, ce 23 novembre 1944, à se hisser sur la flèche de la cathédrale, pour y accrocher le drapeau tricolore. Conducteur de char au 1er régiment de spahis marocains (RMSM), le jeune homme était intrépide. Soixante ans plus tard, Maurice Lebrun confesse même être toujours « un peu casse-cou ».
Casse-cou, il fallait l'être en effet, pour demander à son lieutenant l'autorisation de réaliser le serment de Koufra. De planter le drapeau français tout là-haut, comme le général Leclerc en avait un jour fait le rêve. Car Leclerc était pour ses hommes un vrai « patron », admiré : « Il était sympa, pas commode, mais impeccable, se souvient Maurice Lebrun. On garde de lui une mémoire fidèle ».
Le lieutenant refuse d'abord sa permission au fougueux conducteur de char. Puis il cède... A bord d'une Jeep, quatre hommes se précipitent donc à l'entrée de la cathédrale. « ! On s'est arrêté en bas, on est rentré par une porte latérale. »
« Je m'attendais à me faire flinguer »
Il y avait foule dans les rues -place Brant, notamment - mais aussi nombre de soldats allemands prompts à faire parler les armes.
Échaudés par quelques accrochages le long de leur parcours - une passe d'armes à la Petite-Pierre, au nord de l'Alsace - les soldats de la 2e DB n'en sont pas moins téméraires, conscients qu'ils sont de rentrer dans l'Histoire. Autour de la cathédrale, les balles sifflent donc encore. Arrivés à la plate-forme, le détachement autour de Maurice Lebrun entend « parler l'alsacien ».
Croyant avoir affaire à des Allemands, ils rudoient quelque peu ceux qui gardaient la cathédrale. Puis ils grimpent « dans la tour », à deux personnes. Plus haut encore, « il faut sortir sur le dos pour trouver l'échelle » : Maurice Lebrun s'y risque, seul. A 142 mètres du sol, il plante l'étendard auquel Emilienne Lorentz, la
charcutière de la place Saint-Etienne, a apporté la dernière main. Dans le vent du début de l'après-midi, la croix de Lorraine et le numéro de régiment (1er
RMSM*, 1er peloton, 5e escadron, 2e DB) flottent enfin sur Strasbourg. « Je m'attendais à me faire flinguer, sourit encore l'intrépide soldat. Mais tirer à 200 mètres avec du vent, ça n'était pas facile pour eux ! »
*Régiment
de Marche de Spahis Marocains
Croche-pied à l'officier allemand
Les anecdotes sur cette journée particulière fourmillent. Maurice Lebrun se souvient de cet officier allemand, « complètement surpris » de l'irruption de ces soldats, qu'il n'imagine pas un seul instant être les troupes libératrices. L'officier furieux ravalera son arrogance en trébuchant sur un croc-en-jambe d'un militaire de la 2e DB...
Tout aussi « surpris » sont les automobilistes mécontents qui doublent en klaxonnant les Jeeps du général Leclerc entravant leur passage. Quant aux soldats allemands débarqués le jour-même en gare de Strasbourg, ! ils sont estomaqués d'être accueillis par « l'armée française » : « Ils écarquillaient les yeux ! »
La guerre ne s'arrêtera pas à Strasbourg. Elle continuera le long du Rhin, à Erstein, où Maurice Lebrun montera la garde, la nuit de Noël. Soixante ans après, en plus des souvenirs de liesse, il reste la mémoire cuisante « des copains qui ne sont pas arrivés jusque-là, des bons amis restés en rade ». « Les guerres sont insupportables, Comment faire pour éviter ça ? On est encore en plein dedans en ce moment, c'est un peu une maladie », assène Maurice Lebrun dans une référence à peine voilée à la guerre en Irak ou aux morts de Côte d'Ivoire.
La présence de Maurice Lebrun, qui vit dans la région de Montpellier, ce week-end à Strasbourg, n'est pas certaine. Mais tous les anciens se souviendront évidemment de son geste historique.
Denis Tricard
© Dernières Nouvelles d'Alsace - 19.11.2004
Jurons de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs flotterons sur la cathédrale de Strasbourg ! Le général Leclerc a proclamé le serment de Koufra, dans le désert libyen, devant ses hommes, le 2 mars 1941.
Ce serment, qui fixe l'Alsace comme objectif ultime de la reconquête de la France libre, est prononcé alors que les troupes du général, embryon de la future 2e DB, viennent d'enlever aux Italiens l'oasis de Koufra avec seulement 350 combattants et un canon.
Ordre du Jour n° 73
Officiers, sous-officiers et soldats de la 2me Division Blindée
En cinq jours vous avez traversé les Vosges malgré les défenses ennemies et
libéré Strasbourg.
Le serment de Koufra est tenu !
Vous avez infligé à l’ennemi des pertes très sévères, fait plus de neuf
mille prisonniers, détruit un matériel innombrable et désorganisé le
dispositif allemand.
Enfin et surtout, vous avez chassé l’envahisseur de la Capitale de notre
Alsace, rendant ainsi à la France et à son Armée son prestige d’hier.
Au nom du Général de Gaulle et de la France, je vous en remercie.
Nos camarades tombés sont morts en héros,
Honorons leur mémoire !
Strasbourg, le 24 novembre 1944
Le Général LECLERC
Commandant la 2me Division Blindée
Le lendemain, Leclerc adresse une proclamation à la population : Pendant la lutte gigantesque de quatre années menée derrière le général de Gaulle, la flèche de votre cathédrale est demeurée notre obsession. Nous avions juré d'y arborer de nouveau les couleurs nationales. C'est chose faite.