Le général Charles de Gaulle

Charles de Gaulle, né le 22 novembre 1890 à Lille et mort le 9 novembre 1970 à Colombey-les-Deux-Églises, est un général, résistant, écrivain et homme d'État français. Il est à la tête de la France du 3 juin 1944 au 20 janvier 1946 en tant que premier président du Gouvernement provisoire de la République française, puis du 8 janvier 1959 au 28 avril 1969 comme 18e président de la République française.

Chef de la France libre puis dirigeant du Comité français de Libération nationale pendant la Seconde Guerre mondiale, président du Gouvernement provisoire de la République française de 1944 à 1946, président du Conseil des ministres français de 1958 à 1959, instigateur de la Ve République fondée en 1958, il devient le 18e Président de la République française du 8 janvier 1959 au 28 avril 1969. Il est le premier à occuper la magistrature suprême sous la Cinquième République.

Élevé dans une culture de grandeur nationale, Charles de Gaulle choisit la carrière d'officier. Prisonnier lors de la Première Guerre mondiale, il sert et publie dans l'entourage de Philippe Pétain, prônant l'usage des divisions blindées dans la guerre moderne auprès de personnalités politiques. En mai 1940, colonel, il commande une des rares contre-attaques blindées de la bataille de France ; il est promu général de brigade à titre temporaire le 25 mai 1940. Il est nommé sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Reynaud, pendant l'exode de 1940.

Il rejette l'armistice demandé par Pétain à l'Allemagne nazie. De Londres, il lance, à la BBC, l'appel du 18 juin au peuple français pour résister et rejoindre les Forces françaises libres. Condamné à mort, et déclaré déchu de la nationalité Française par décret du 08 décembre 1940 par le régime de Vichy, il veut incarner la légitimité de la France et être reconnu en tant que puissance par les Alliés. Ne contrôlant que quelques colonies mais reconnu par la Résistance, il fusionne, en 1943, la France libre au sein du Comité français de Libération nationale, dont il finit par prendre la direction. Il dirige le pays à la Libération. Favorable à un exécutif fort, il s'oppose aux projets parlementaires des partis et démissionne en 1946. Il fonde le Rassemblement du peuple français (RPF), mais son refus de tout compromis avec le « régime des partis » l'isole dans une traversée du désert.

De Gaulle revient au pouvoir lors de la crise du 13 mai 1958, pendant la guerre d'Algérie. Investi président du Conseil, il fait approuver la Ve République. Élu président de la République, il veut une « politique de grandeur » de la France. Il affermit les institutions, la monnaie (nouveau franc) et donne un rôle de troisième voie économique à un État planificateur et modernisateur de l'industrie. Il renonce par étapes à l'Algérie française, malgré l'opposition des Pieds-Noirs et des militaires, qui avaient favorisé son retour. Il décolonise aussi l'Afrique noire, en y maintenant l'influence française. De Gaulle prône l'« indépendance nationale » en rupture avec le fédéralisme européen et le partage de Yalta : il préconise donc une « Europe des nations » qui irait « de l'Atlantique à l'Oural », réalise la force de dissuasion nucléaire française, retire la France du commandement militaire de l'OTAN, pose un veto à l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne, soutient le « Québec libre », condamne la guerre du Viêt Nam et reconnait la Chine communiste.

Sa vision du pouvoir, c'est-à-dire un chef directement approuvé par la Nation, l'oppose aux partis communiste, socialiste, centristes pro-européens et d'extrême-droite, qui critiquent un style de gouvernance trop personnel, voire un « coup d'état permanent », selon la formule de François Mitterrand. Il est réélu en 1965 au suffrage universel direct. Il surmonte la crise de mai 68 après avoir semblé se retirer, convoquant des élections législatives qui envoient une écrasante majorité gaulliste à l'Assemblée nationale. Mais en 1969, il engage son mandat sur un référendum (sur la réforme du Sénat et la régionalisation) et démissionne après la victoire du « non ». Il meurt un an plus tard à Colombey-les-Deux-Églises.

Charles de Gaulle, considéré comme l'un des dirigeants français les plus influents de son siècle, est aussi un écrivain de renom. Il a notamment écrit des Mémoires, dans lesquels il s'identifie à « une certaine idée de la France »

Première Guerre mondiale

Lieutenant depuis le 1er octobre 1913, il est nommé capitaine en janvier 1915. Dès son premier combat à Dinant le 15 août 1914, il est touché à la jambe (« fracture du péroné par balles avec éclats dans l'articulation »). Il rejoint ensuite le 33e RI sur le front de Champagne pour commander la 7e compagnie. Il est à nouveau blessé le 10 mars 1915, à la main gauche, à Mesnil-Les-Hurlus en Champagne. Décidé à en découdre, il désobéit à ses supérieurs en ordonnant de tirer sur les tranchées ennemies. Cet acte lui vaut d'être relevé huit jours de ses fonctions. Officier tatillon, volontiers cassant, son intelligence et son courage face au feu le distinguent au point que le commandant du 33e RI lui offre d'être son adjoint.

Le 2 mars 1916, son régiment est attaqué et décimé par l'ennemi en défendant le village de Douaumont, près de Verdun. Sa compagnie est anéantie au cours de ce combat et les survivants sont encerclés. Tentant alors une percée, la violence du combat l'oblige à sauter dans un trou d'obus pour se protéger, mais des Allemands le suivent et le blessent d'un coup de baïonnette à la cuisse gauche. Capturé par les troupes allemandes, il est soigné et interné.

Seconde Guerre mondiale

Lorsque la guerre éclate, Charles de Gaulle est toujours colonel, commandant le 507e régiment de chars de combat (RCC), à Metz. En janvier 1940, il envoie à quatre-vingts personnalités, dont Léon Blum et Paul Reynaud, ainsi qu'aux généraux Maurice Gamelin et Maxime Weygand, un mémorandum fondé sur les opérations de Pologne. Intitulé L'Avènement de la force mécanique, le texte insiste sur la nécessité d'allier le char et l'aviation.

Trois jours avant l'offensive allemande du 10 mai 1940, qui conduit à une percée rapide du front français, le colonel de Gaulle est averti de la décision du commandement de lui confier la 4e DCR, la plus puissante des grandes unités blindées de l'armée française (364 blindés) dont il prend effectivement le commandement le 11 mai.
De Gaulle parle après la Libération de Paris.

Le 15 mai, il reçoit la mission de retarder l'ennemi dans la région de Laon afin de gagner des délais nécessaires à la mise en place de la 6e armée chargée de barrer la route de Paris. Mais sa division blindée n'est encore qu'en cours de constitution, ses unités n'ayant jamais opéré ensemble. Il dirige pourtant avec cette unité une contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon. C'est l'une des seules qui parvient à repousser momentanément les troupes allemandes. Prévoyant la défaite rapide de l'armée française sous l'offensive allemande, les civils et les militaires désarmés sur les routes, il affirme que c'est durant la journée du 16 mai que « ce qu'il a pu faire, par la suite, c'est ce jour-là qu'il l'a résolu. ». N'ayant reçu qu'une partie des unités de la 4e DCR, le colonel de Gaulle lance une première attaque avec 80 chars pour tenter de couper les lignes de communication des divisions blindées allemandes le 17 mai. Après avoir atteint ses objectifs dont la ville de Montcornet, la 4e DCR, n'étant pas appuyée, est contrainte de se replier face à l'intervention de renforts ennemis. Les autres unités de la 4e DCR ayant rejoint, une nouvelle attaque peut être lancée avec 150 chars qui, après avoir permis d'atteindre les premiers objectifs, est arrêtée par l'intervention de l'aviation d'assaut et de l'artillerie allemandes.
Charles de Gaulle en compagnie du Premier ministre du Royaume-Uni, Winston Churchill, durant la Seconde Guerre mondiale.

Le 25 mai 1940, il est nommé général de brigade à titre temporaire. Cette nomination, dans une promotion de six colonels, correspond au fait que de Gaulle en tant que commandant d'une division blindée depuis le 7 mai 1940, fait déjà fonction de général, ses trois collègues commandants de division blindée (DCR) étant tous déjà généraux. Elle suscite la satisfaction de Charles Maurras dans l'Action française,

Trois jours plus tard, le 28 mai, il attaque à deux reprises pour détruire une poche que l'ennemi a conquise au sud de la Somme, à hauteur d'Abbeville. Malgré un déplacement préalable de 200 Km qui a lourdement éprouvé le matériel de la 4e DCR, l'opération est un succès[réf. Elle permet de faire plus de 400 prisonniers et de résorber toute la poche à l'exception d'Abbeville, en raison de la supériorité en nombre et en artillerie de l'adversaire. Celui-ci ne peut franchir la Somme que plus tard au nord d'Abbeville, mais une deuxième attaque ne permet pas à la 4e DCR de prendre la ville.

Commentant le comportement militaire de De Gaulle sur le terrain, l'historien Henri de Wailly avance que celui-ci, loin d'avoir été particulièrement brillant, a montré dans la bataille « les mêmes faiblesses et les mêmes incompétences » que les autres dirigeants militaires54. De son côté, le général Weygand, chef des armées, décerne, le 31 mai 1940, au général (à titre temporaire) de Gaulle une citation très élogieuse en tant que commandant d'une division blindée près d' Abbeville : « Chef admirable de cran et d'énergie. A attaqué avec sa division la tête de pont d'Abbeville très solidement tenue par l'ennemie. A rompu la résistance allemande et progressé de 14 kilomètres à travers les lignes ennemies, faisant des centaines de prisonniers et capturant un matériel considérable ».

Le 6 juin, le général de Gaulle est convoqué d'urgence à Paris par Paul Reynaud, président du Conseil, pour occuper un poste ministériel dans son gouvernement, celui de sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale. Charles de Gaulle sort alors de la hiérarchie militaire. Il a pour mission de coordonner l'action avec le Royaume-Uni pour la poursuite du combat. Le 9 juin, il rencontre Churchill qu'il tente en vain de convaincre d'engager davantage de forces, y compris aériennes, dans la bataille. Le 10 juin, de Gaulle quitte Paris qui est déclarée ville ouverte. Il rejoint alors Orléans, Briare et Tours56. C'est le moment des ultimes réunions du Comité suprême interallié où Churchill, lors de la conférence de Briare à laquelle de Gaulle participe, tente de convaincre le gouvernement français de continuer la guerre. Le 16 juin, il est en mission à Londres. Il y dicte au téléphone la note de Jean Monnet à Paul Reynaud, intitulée Anglo-French Unity, et qui évoque une possible union franco-britannique. De retour de mission, à Bordeaux, il apprend, le 17 juin 1940, la démission du président du Conseil, Paul Reynaud, son remplacement par le maréchal Pétain et la demande d'armistice. Le même jour, le général Weygand alors chef d'état-major de l'Armée est nommé ministre de la Défense nationale. Le transfert des pouvoirs au maréchal Pétain n'ayant lieu que le lendemain, de Gaulle est encore membre du gouvernement et court alors peu de risque. Après maintes hésitations selon l'officier de liaison le général britannique Edward Spears, il a l'intention de regagner Londres. Il rencontre Paul Reynaud pour lui faire part de son projet. Ce dernier lui fait remettre par son ex-directeur de cabinet Jean Laurent 100 000 francs prélevés sur les fonds secrets pour sa logistique à Londres. Le 17 juin, accompagnant Spears qui n'a pas réussi à convaincre Reynaud et Georges Mandel de rejoindre Londres, il s'envole à Londres avec son aide de camp Geoffroy Chodron de Courcel dans le de Havilland Flamingo , son avion de la veille que Churchill a laissé à sa disposition.


Appel du 18 juin 1940

Le , de Gaulle se prépare à parler au peuple français via Radio Londres de la BBC. Ce jour-là, il appelle les Français, et tout particulièrement les militaires, à la résistance depuis l'Angleterre où il s'est réfugié. En France, l'Appel du 18 juin peut être entendu à 19 heures. Depuis ce jour, ce texte demeure l'une des plus célèbres allocutions de l’Histoire de France, à l'origine du mythe faisant du général le « père de la Résistance » alors que ce dernier ne prend conscience de l'intérêt de la Résistance intérieure qu'à partir de 1941. Aucun enregistrement n'a été conservé, contrairement au discours du , que l'on confond parfois avec le véritable appel.

Le gouvernement britannique avait au préalable proposé au ministre français de l'Intérieur Georges Mandel de passer au Royaume-Uni et de lancer lui-même un appel. Par ses avertissements répétés contre les menaces du IIIe Reich (et en opposition à ce sujet avec son ami le président du Conseil Léon Blum), Mandel s'était signalé comme un homme d'État et de caractère. Tout au long de la journée du 18 juin, le Conseil des ministres britannique discute du texte de De Gaulle. Le cabinet britannique tente de s'y opposer, mais Winston Churchill le soutient. Les anciens Munichois, derrière le ministre des Affaires étrangères lord Halifax, veulent encore ménager le gouvernement Pétain et attendre de voir s'il va effectivement signer l'Armistice. Winston Churchill, vieux partisan de la fermeté contre Hitler et de la poursuite de la lutte, doit mettre son autorité dans la balance. De Gaulle peut finalement prononcer son texte, mais doit accepter d'en modifier les deux premières lignes dans un sens moins dur pour le gouvernement français. Cette modification longtemps occultée disparaît dans le texte transmis à la presse, puis dans les Mémoires de De Gaulle.

Le 19 juin, Weygand, supérieur hiérarchique de De Gaulle, lui ordonne de revenir de Londres, ignorant l'invitation à poursuivre le combat que ce dernier lui adresse. Peu a près de Gaulle est rétrogradé au rang de colonel par son ministre qui convoque successivement deux tribunaux militaires, le premier n'ayant prononcé qu'une peine symbolique. Le second condamne à mort le chef de la France libre, le .près, de Gaulle est rétrogradé au rang de colonel par son ministre qui convoque successivement deux tribunaux militaires, le premier n'ayant prononcé qu'une peine symbolique. Le second condamne à mort le chef de la France libre, le 2 août.

France libre

De Londres, de Gaulle crée puis dirige les Forces françaises libres. Il est reconnu par Winston Churchill chef des Français libres le 27 juin 1940. Le but n'est pas de mettre en place une légion de volontaires qui continuerait la lutte aux côtés de l'Empire britannique. Il s'agit pour de Gaulle de remettre la France en tant que telle dans la guerre contre Hitler, en formant une armée et un contre État doté de tous les attributs de souveraineté et légitimité, et qui se donne une base territoriale en ralliant les territoires français de l'Empire colonial, future plate-forme de la reconquête.

Dès le début de l'été 1940, à partir de presque rien et assisté de quelques volontaires, de Gaulle jette ainsi les bases d'une marine (FNFL), d'une aviation (FAFL), de forces terrestres (FFL), d'un service de renseignements (le BCRA) du colonel Passy, vite actif en métropole). La Croix de Lorraine proposée par l'amiral Muselier, devient son emblème. Les statuts juridiques de la France libre et ses rapports avec le gouvernement anglais sont fixés par le juriste René Cassin. La France libre a bientôt sa banque, son journal officiel, ses décorations — le Général fonde l'Ordre de la Libération à Brazzaville dès octobre 1940, pour honorer ses « compagnons ». Des comités français libres actifs dans le monde entier se constituent et tentent de rallier à de Gaulle les Français de l'étranger, les opinions et les gouvernements.

 

De Gaulle et le gouverneur général Félix Éboué au Tchad (Afrique Équatoriale française) vers la fin 1940.

En France, de Gaulle est condamné deux fois par contumace, d'abord à quatre ans de prison et la perte de la nationalité française, puis, le 2 août 1940, le Tribunal militaire de Clermont-Ferrand le condamne à « mort, dégradation militaire et confiscation de ses biens meubles et immeubles » pour « trahison, atteinte à la sûreté extérieure de l'État, désertion à l'étranger en temps de guerre sur un territoire en état de guerre et de siège ». En Grande-Bretagne, il trouve en revanche le soutien de Winston Churchill, mais aussi celui du Parlement, de la presse et de l'opinion publique, reconnaissantes au gallant French d'être resté aux côtés du pays au pire moment de la menace allemande. Cet appui, comme celui de l'opinion américaine, se révèle plus tard un atout très précieux lors des tensions avec Londres et Washington.

Obtenant le ralliement de plusieurs possessions coloniales françaises, notamment en Afrique grâce au ralliement rapide du gouverneur Félix Éboué (le 28 août le Tchad, le Congo et le Cameroun, le Gabon étant conquis dans le mois de novembre 1940), de Gaulle se place à la tête du Comité national français à partir du . Mais il fait surtout en sorte que la France reste présente dans le camp allié, par ses Forces françaises libres (FFL) qui continuent le combat sur les différents fronts. En outre, à partir de 1941-1942, il stimule et obtient le ralliement de la résistance intérieure, grâce au colonel Passy, à Pierre Brossolette et à Jean Moulin. Le , le Comité national français propose au gouvernement britannique, qui l'accepte, de changer l'appellation officielle du mouvement France libre en France combattante, afin d'intégrer la Résistance intérieure.

De nombreux facteurs s'opposaient à ce rapprochement de la résistance intérieure et des forces française libres. Dans La France de Vichy, Robert O. Paxton remarque qu'en 1940, bien des résistants de gauche refusent de voir un chef convenable dans ce militaire qu'ils croient à tort proche de l'Action française. Beaucoup de résistants de droite lui reprochent sa dissidence explicite avec Vichy - à moins qu'ils ne préfèrent, comme Marie-Madeleine Fourcade, n'avoir de relations qu'avec les services secrets britanniques. Selon Jean Pierre-Bloch, Christian Pineau, Henri d'Orléans (« comte de Paris ») et même le gaulliste Pierre Lefranc, le ralliement à la République n'aurait d'ailleurs été que tactique.

 

Dès 1940, de Gaulle n'a de cesse que soient protégés les intérêts de la France, dans la guerre et après le conflit. Le 7 août 1940, il obtient ainsi de Churchill la signature de l'accord des Chequers, par lequel le Royaume-Uni s'engage à sauvegarder l'intégrité de toutes les possessions françaises et à la « restauration intégrale de l'indépendance et de la grandeur de la France ». Le gouvernement britannique s'engage de plus à financer toutes les dépenses de la France libre, mais de Gaulle insiste pour que ces sommes soient des avances remboursables et pas des dons qui jetteraient une ombre, aussi ténue soit-elle, sur l'indépendance de son organisation.

Malgré les relations de confiance scellées par traités entre Churchill et de Gaulle, les deux hommes ont des relations parfois tendues, gênées par l'anglophobie que manifestait le Général dans les années 1920 et 1930. Et quand Churchill, à court d'arguments, lance à de Gaulle : « Mais vous n'êtes pas la France ! Vous êtes la France combattante, nous avons consigné tout cela par écrit », de Gaulle réplique immédiatement : « J'agis au nom de la France. Je combats aux côtés de l'Angleterre mais non pour le compte de l'Angleterre. Je parle au nom de la France et je suis responsable devant elle ». Churchill abdique alors en poussant un « J'avais espéré que nous pourrions combattre côte à côte. Mais mes espoirs ont été déçus parce que si vous êtes si combatif que non content de lutter contre l'Allemagne, l'Italie et le Japon, vous voulez aussi combattre l'Angleterre et l'Amérique… ». De Gaulle recadre alors le débat en précisant : « Je prends cela comme une plaisanterie, mais elle n'est pas du meilleur goût. S'il y a un homme dont les Anglais n'ont pas à se plaindre, c'est bien moi ».

Les relations avec Franklin Delano Roosevelt sont plus problématiques. Le président américain, personnellement francophile, a été déçu par l'effondrement de la France en 1940 et refroidi à l'égard de De Gaulle par l'échec de son entreprise devant Dakar (fin septembre 1940). Les antigaullistes français sont nombreux à Washington, par exemple l'ancien secrétaire général du Quai d'Orsay Alexis Léger (Saint-John Perse) qui lui décrit ce général comme un « apprenti dictateur ». Le président est aussi très mal informé sur la situation en France par l'ambassadeur américain à Vichy (jusqu'au mois de mai 1942), l'amiral Leahy, lui-même intoxiqué par les pétainistes. Il n'a donc aucune confiance en de Gaulle. Un mot de De Gaulle à Churchill explique en partie l'attitude française face à l'Amérique : « Je suis trop pauvre pour me courber. » De surcroît, au contraire du Général qui mise beaucoup sur l'Empire français, le président américain est profondément hostile au système colonial. Roosevelt projetait de faire de la France un État faible, et le projet d'Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) allait d'ailleurs très loin dans cette direction, en traitant la France comme un vaincu, plutôt que comme une des puissances victorieuses. La haine de Roosevelt était tellement flamboyante (il considérait de Gaulle au pire comme un futur tyran, au mieux comme un opportuniste) que même ses adjoints finirent par en prendre ombrage, y compris le Secrétaire d'État Cordell Hull qui, finalement, se rangea aux côtés de la France libre et de son chef.

Jusqu'en 1943, les gouvernements en exil en Angleterre s'étaient contentés de relations de bon voisinage avec les gaullistes. C'est que tous ces gouvernements, qui étaient légaux, s'estimaient installés dans une meilleure position que les gaullistes qui étaient, de fait, des dissidents par rapport au gouvernement Pétain que les Français avaient installé dans des conditions reconnues légales, au début, par les grandes puissances. Cette situation évolua lentement. Mais, en 1943, le gouvernement belge en exil de Hubert Pierlot et Paul-Henri Spaak précipita le mouvement et fut le premier à reconnaître officiellement les « Français Libres » et de Gaulle comme seuls représentants légitimes de la France. Le gouvernement anglais, en l'occurrence Anthony Eden, un proche de Churchill, avait tenté de dissuader les Belges, craignant que leur initiative serve de modèle aux autres gouvernements en exil. Les Américains eux-mêmes intervinrent, croyant pouvoir utiliser les relations commerciales belgo-américaines pour faire pression sur les Belges (notamment quant à leurs commandes d'uranium du Congo belge). Rien n'y fit. Malgré les pressions britanniques et américaines, Spaak fit savoir officiellement que la Belgique considérait dès lors le gouvernement Pétain comme dépourvu de légitimité et le Comité des Français libres, plus tard Gouvernement provisoire de la France, comme seuls habilités à représenter légalement la France.

Libération de la France et de ses colonies

Malgré son exclusion par Roosevelt du débarquement américano-britannique en Afrique du Nord (opération Torch), et surtout malgré le soutien apporté par les États-Unis à l'amiral François Darlan, puis au général Henri Giraud, de Gaulle réussit à prendre pied à Alger en mai 1943. Le Comité national français fusionne avec le Commandement en chef français civil et militaire dirigé par Giraud, pour donner naissance au Comité français de la Libération nationale (CFLN), dont Giraud et de Gaulle sont coprésidents. Mais en quelques mois, de Gaulle marginalise Giraud au sein du CFLN, avant de l'évincer en novembre à la faveur de la formation d'un nouveau gouvernement, et de s'affirmer comme le seul chef politique des forces françaises alliées. Les Forces françaises libres fusionnent quant à elle avec l'Armée d'Afrique placée sous le commandement de Giraud : l'Armée française de la Libération, composée de 1 300 000 soldats, participe aux combats aux côtés des Alliés. Le à Alger, le CFLN devient le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).

Après le débarquement en Normandie, le , le général de Gaulle fait son entrée en territoire français sur la plage de Courseulles-sur-Mer, en Normandie, le 14 juin, à bord du torpilleur La Combattante. Ce même jour, il prononce le premier discours de Bayeux et les Français découvrent alors son imposante silhouette (il mesure 1,93 m).

La fermeté et la rapidité avec lesquelles le général de Gaulle rétablit l'autorité d'un gouvernement national permettent d'éviter la mise en place de l'AMGOT, prévu par les Américains, qui aurait fait de la France libérée un État administré et occupé par les vainqueurs.

La 2e division blindée du général Leclerc libère Paris le 25 août et celui-ci reçoit la reddition de Von Choltitz. Ce même jour, le général de Gaulle se réinstalle au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique à Paris, dans le bureau qu'il occupait jusqu'au 10 juin 1940, signifiant ainsi que Vichy était une parenthèse et que la République n'avait jamais cessé d'exister. Puis il se rend à l'Hôtel de ville, où il prononce un discours dans lequel il insiste sur le rôle essentiel joué par les Français pour leur propre libération. Le lendemain, 26 août, il descend triomphalement les Champs-Élysées et fleurit la tombe du soldat inconnu. Le « peuple dans ses profondeurs » manifeste un enthousiasme indescriptible.

Le GPRF est transféré à Paris. Le , un gouvernement d'unité nationale est constitué, sous la présidence du général de Gaulle. L'Assemblée constituante est ensuite élue en octobre 1945, six mois après la fin de la guerre.

Distinctions et récompenses

  • Chevalier de la Légion d'honneur Chevalier de la Légion d'honneur 1919, militaire
  • Officier de la Légion d'honneur Officier de la Légion d'honneur 1934, militaire
  • Grand-croix de la Légion d'honneur Grand-croix de la Légion d'honneur 1945, Président du gouvernement provisoire
  • Ordre de la Libération Compagnon de la Libération1940
  • Grand-croix de l'ordre national du Mérite Grand-croix de l'ordre national du Mérite 1963, Président de la République
  • Croix de guerre 1914-1918 Croix de guerre 1914-1918 militaire
  • Croix de guerre 1939-1945 Croix de guerre 1939-1945 militaire
  • Médaille d'honneur des sapeurs-pompiers Médaille d'honneur des sapeurs-pompiers
  • Médaille Interalliée de la Victoire Médaille Interalliée de la Victoire

Distinctions de Grand Maître :

  • Grand Maître de la Légion d’Honneur 1945, président du gouvernement provisoire, 1959-1969, Président de la République
  • Grand Maître de l’Ordre de la Libération 1947, Libérateur de la France
  • Grand Maître de l’Ordre national du Mérite 1963, Président de la République

Distinctions étrangères :

  • Grand-Croix de l'ordre de Léopold 1er de Belgique (1945)
  • Chevalier de l'Ordre du Christ (1959)
  • Chevalier Grand-Croix décorée de Grand Cordon de l’ordre du Mérite de la République italienne ()
  • Chevalier de l’ordre de la Maison Royale de Chakri (Thaïlande)
  • Chevalier de l’ordre de l’Éléphant (Danemark)
  • Chevalier de l’ordre du Séraphin (Suède, 1963)
  • Chevalier grand-croix de l’ordre royal de Victoria (Royaume-Uni)
  • Chevalier grand-croix de l’Ordre de Saint-Olaf (Norvège)
  • Croix d'Argent de l’ordre militaire de Virtuti Militari en 1920
  • Chevalier grand-croix de l’ordre de la Rose blanche (Finlande)
  • Grand cordon de l’ordre du Dragon d’Annam
  • Chevalier grand-croix de l’ordre royal du Cambodge
  • Grand Croix de l'Ordre du Million d'Éléphants et du Parasol Blanc (Laos)
  • Ordre Polonia Restituta

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