Chanson du marsouin


Là-bas dans la plaine déserte
Qu'éclaire la lune d'argent,
Le marsouin les lèvres entrouvertes
Revit son rêve le plus charmant
Enroulé dans sa couverture
Sous sa guitoune au toit mouvant.
Il rêve couché sur la dure
Bercé par la plainte du vent. 

Mais voici le courrier de France
Qui accoste le long du quai.
En son coeur fleurit l'espérance
D'avoir une lettre, un paquet.
Et voici la chère missive
Qu'il ouvre en tremblant de bonheur.
Et dans la belle nuit qu'arrive
Il s'endort, la joie dans le coeur. 

Dors mon petit Marsouin
Sous ton petit marabout
Au clair de lune
Bientôt finiront
Misères, privations
Toutes tes infortunes.
Rêve jusqu'au jour
Aux baisers d'amour,
Rêve à ta brune
Là-bas dans la nuit
Sous ton petit gourbi
Sous la lune. 

Mais voici l'été qui s'avance.
Le paludisme est sans pitié.
Le pauvre petit soldat de France
Devient sa proie sans plus tarder.
A l'hôpital où il délire,
Devant son portrait tout froissé,
Monsieur le Major vient de dire :
"Il ne passera pas la nuit." 

Il dort maintenant
Sous le sable mouvant
Loin de sa mère
Qui ne viendra pas
Sur la tombe de son gars
Dire une prière.
Une croix de bois
Seule indique l'endroit.
Au cimetière
Pour le petit Marsouin
C'est l'oubli, c'est la fin
De ses misères.

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