STRASBOURG 1943

"L'horreur de la médecine nazie"

 

Le Hauptsturmführer SS August HIRT

Professeur de médecine, directeur de l'institut d'anatomie de la August HIRT Reichsuniversität de Strasbourg.

Pour les nazis il fallait sélectionner, stériliser, écarter, tuer les êtres inférieurs. Dans cette perspective, les anthropologues s'occupaient de la détection et de la sélection des non-Allemands " inférieurs " (Juifs, Roms, Slaves et Noirs). Les médecins psychiatres travaillaient à la détection et à la sélection des Allemands "inférieurs" (schizophrènes, épileptiques, psychopathes, sourds).
Aujourd'hui, alors que certains mettent en doute la réalité de l'extermination des Juifs et des Roms par les nazis, il est indispensable de rappeler les horribles forfaits qui se sont déroulés à Strasbourg.
En 1943, le Hauptsturmfuhrer SS August HIRT, professeur de médecine, directeur de l'institut d'anatomie de la Reichsuniversitat de Strasbourg, s'occupait de recherches sur la race

Le porc Auguste Hirt
Comme il était convaincu que " la race juive " était sur le point d'être anéantie, il voulut réunir, tant qu'il était encore temps, " une collection de crânes".
Le commandant du camp du Struthof, le Hauptsturmführer SS Josef KRAMER se rendit à Strasbourg auprès de HIRT et celui ci le chargea d'exécuter les personnes envoyées d'Auschwitz avec des sels cyanhydriques qu'il lui remit. KRAMER s'acquitta de sa " tâche " et fit transférer les cadavres a Strasbourg.
Des 86 victimes, 29 femmes et 57 hommes sont toutes des juifs originaires de 8 pays de la Communauté Européenne., une seule avait été identifiée " grâce " au matricule 107969 retrouvé sur son avant-bras gauche. Il s'agit de Menachem TAFFEL, né en Pologne le 28 juillet 1900. Déporté le 12 mars 1943 de Berlin vers Auschwitz, il est transféré au Struthof le 30 juillet où il est gazé, entre le 11 et 16 août. Sa dépouille repose aujourd'hui au cimetière juif de Strasbourg-Cronenbourg.

Hirt a été capturé à Strasbourg par les troupes françaises

Hirt s'est tué dans Schonenbach, dans le district de Neustadt, le 2 juin , le 1945.


von Haagen et Wimmser

Les médecins susnommés pratiquaient, avec la complicité des SS, des injections de lèpre, de peste et d’autres maladies sur les détenus de manière à observer les effets de ces contaminations; plusieurs traitements étaient essayés pour une même maladie. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas morts, ils étaient exterminés et incinérés. Ainsi, en 1944, 200 personnes sont mises à la disposition du docteur von Haagen et 150 sont alors immunisées contre le typhus exanthématique, 50 étant réservées comme témoins. À l’ensemble des 200, il est alors inoculé du virus typhique (déposition de Melle Schmidt, assistante du professeur von Haagen).

Site sur le sujet:http://ourworld.compuserve.com/homepages/mbilik/strut2.htm


Une seule victime encore intacte a pu être identifiée (Menachem Taffel), les autres ayant été découpées et rendues ainsi anonymes

Max Menachem Taffel: Né le 28. Juillet 1900 à Sedriczow en Pologne. seule victime qui avait été identifiée " grâce " au matricule 107969 retrouvé sur son avant-bras gauche. Déporté le 12 mars 1943 de Berlin vers Auschwitz, il est transféré au Struthof le 30 juillet où il est gazé, entre le 11 et 16 août. Sa dépouille repose aujourd'hui au cimetière juif de Strasbourg -Cronenbourg.


UN AUTRE PORC !

Le docteur Karl Brandt

1er septembre 1939 

Par décret d'Adolf Hitler, l'euthanasie devient ce jour-là règle d'Etat en Allemagne. Et le Mulhousien Karl Brandt, médecin et ministre de la Santé du Reich, est chargé de son application.

L'ALSACE en ce temps-là était annexée à l'Empire allemand depuis la défaite de 1871. Le père de Karl Brandt était commissaire de police. Nommé à Mulhouse, il habitait avec son épouse Katarina Emilia Elisabeth née Schnebach au 2 bis, rue de Strasbourg, en lisière des fameuses cités ouvrières érigées par le patronat mulhousien au XIXe siècle. Karl Frantz Friedrich Brandt était né le 8 janvier 1904 à 10 h 15 précisait son acte de naissance qui, au passage, soulignait l'appartenance religieuse de la famille : évangélique. Karl fit des études brillantes d'abord à Dresde puis dans diverses universités. Il voulait se consacrer à la médecine, se spécialisa dans le traitement des accidents de mines dans une clinique de Bochum dirigée par le docteur Magnus. Celui-ci s'établissant à Berlin, Brandt suivit son maître à penser. La vie de Karl Frantz Friedrich bascula le jour où il rencontra Hitler à la faveur d'un accident de la route. Hitler était en pleine campagne électorale dans la Ruhr. Le temps était loin où il se retrouvait en prison pour tentative insurrectionnelle à Munich (novembre 1923). Relâché dès novembre 1924 et ayant décidé de conquérir le pouvoir par les voies légales, il avait créé tour à tour la SS, une sorte de police intérieure puis la Jeunesse hitlérienne. En 1928, son parti national-socialiste avait obtenu douze sièges au Reichstag ; deux ans plus tard, il en avait près d'une centaine de plus. Lors de cette tournée dans la Ruhr, Hitler était accompagné de sa demi-soeur, Angela Hitler, de la fille de celle-ci, Geli, pour laquelle Hitler nourrissait une véritable passion, d'un aide de camp Brückener. Au volant, Emil Maurice pilotait à vive allure la longue Mercédès noire, cadeau de la célèbre firme. Il pleuvait, la chaussée était glissante. Soudain, la voiture tourna sur elle-même et heurta un arbre. Hitler était indemne, Maurice et Brückner blessés plus ou moins gravement de même qu'Angela Hitler. Geli avait été projetée hors du véhicule. Emotion du Führer. Karl Brandt, au volant de sa petite Opel, passe par là et porte les premiers soins. C'est de ce jour que date la faveur du médecin auprès de Hitler qui, le 30 janvier 1933, est appelé à la Chancellerie du Reich par le vieux maréchal Hindenburg. D'ailleurs Brandt est fasciné par la personnalité du Führer et il le sera jusqu'à la fin. En 1934, il s'enrôle d'ailleurs dans les SS. L'année précédente, il avait épousé une splendide championne de natation Anna Rebhorn. « Pendant leur voyage de noces, Adolf Hitler les invita à déjeuner dans un hôtel de Berchtesgaden. C'était aussi l'été de son triomphe. Le Führer ne cessait de les couver d'un oeil admiratif. C'était le couple idéal, un médecin et une nageuse, un couple de vainqueurs, chacun en lutte dans chaque jour de leur vie pour une performance. Ils incarnaient la noblesse physique et morale, la pureté de la race allemande » (Silvain Reiner in « La Terre sera pure »). Hitler à Brandt : « J'aimerais vous revoir. J'aimerais vous confier une responsabilité dans l'Allemagne nouvelle qui me confie sa jeunesse pour la rendre pure et dure, pour que je lui forge enfin l'avenir qu'elle mérite. Vous, médecins, vous participerez au sauvetage de notre pays... » L'année suivante, devenu SS, Brandt avait été également promu médecin personnel de Hitler qu'il suivait partout, en cas d'accident. De plus, avec le ministre Speer, il était chargé de doter l'Allemagne d'un système hospitalier moderne et performant. Dans l'entourage de Hitler, Brandt tranchait. Description par l'historien Nerin E. Gun : « Grand, beau, très élégant dans son uniforme de SS, il était considéré comme le don Juan du Berghof, bien qu'il se montrât très prudent quand il s'agissait de mettre à profit cette réputation (...). Sa conversation était gaie, sa présence assurait la bonne humeur. Il était un excellent danseur, aimable avec tout le monde, et les femmes s'étaient toutes un peu amourachées de lui (...). Il parlait un français impeccable ». 27 septembre 1939 : la campagne de Pologne est terminée aux moindres frais pour l'armée allemande. Hitler confie à Brandt qui le suit partout : « C'est une destruction rapide et impitoyable, n'est-ce pas Brandt ? Elle ne nous a vraiment rien coûté. » Un peu plus tard : « Brandt, le grand jour est arrivé pour vous aussi. Je vais vous nommer ministre de la Santé du Reich (...). Vous rendez-vous compte ? Quelques centaines de morts... Et nous avons gagné tout cela... Quelle différence avec l'autre guerre ! Chaque kilomètre acquis devait se payer en hectolitres de sang (...). Grâce à nos pertes infimes, vous serez enfin disponible pour l'important travail que je médite depuis longtemps. » En réalité, « l'important travail » a germé au mois d'août précédent. Un bon citoyen allemand domicilié à Leipzig avait en désespoir de cause écrit au Führer. Son fils a seize ans. Par un accident génétique, il lui manque la jambe droite et le bras gauche. Depuis seize ans il n'a jamais bougé, jamais souri, jamais remué la tête. Hitler qui, le 1er mai dernier, au stade de Berlin, a martelé que « tout l'enseignement doit tendre non pas à entasser des connaissances mais à bâtir des corps sains », fait appeler Brandt. Il lui tend la lettre du père désespéré de Leipzig : « Vous allez vous rendre aujourd'hui même à Leipzig et me résoudre sans tarder ce triste problème. » Le docteur Karl Brandt se rend donc à la clinique d'enfants de l'université de Leipzig. Catel, le médecin qui s'occupe de l'enfant « irrécupérable », accompagne le médecin le plus en vue du régime nazi jusqu'au lit de l'enfant : « Il n'a aucune réaction, vous savez. » Brandt : «Souffre-t-il ? ». Catel : « Il ne sait pas ce qu'est la souffrance ». Brandt : « Il dort. Où sont les parents ?... Bon, je vais leur annoncer la nouvelle, la décision du Führer. » Le couple de parents est là, plein d'espoir. « Ils ont espéré dans tous les médecins, tous les traitements, toutes les dépenses. Alors, il ne restait plus que le Führer, et le Führer a répondu, et le Führer a envoyé son médecin de confiance » (Silvain Reiner). L'auteur du terrible ouvrage « Et la Terre sera pure » raconte la scène : « L'envoyé du Führer se dresse devant eux, maigre, grand, noir, la voix musicale. Il leur serre longuement la main, les fait asseoir, s'assied près d'eux, avec quelle simplicité, se penche à leur toucher les genoux, et dit : "Nous allons tenter quelque chose." "Quand pourrons-nous connaître le résultat ?" Ils ne cessent pas, eux, les parents, de chevaucher le miracle. "Faites un tour en ville et revenez en fin d'après-midi" dit le professeur Brandt. Dehors un soleil éblouissant. Brandt précise : "Le résultat sera immédiat, bon ou mauvais". » Les parents, endimanchés, se promènent dans la ville, visitent la bibliothèque de Leipzig, découvrent Lessing, Luther, Schumann, Haendel, Leibniz, Kant, Brahms... Le père : « Tu vois, cela me donne confiance en cette piqûre. Tous ces hommes ont fait des miracles et le Führer vient à leur suite. » Et ils s'en vont rechercher leur petit. Le miracle n'a pas eu lieu. Il n'a pas été tenté. Une piqûre a endormi pour toujours l'enfant « irrécupérable ». « L'important travail » dont va être chargé, par un décret antidaté au 1er septembre, le Dr Brandt, s'inspire de cette solution individuelle si radicale. Le Reichsleiter Bouhler est coresponsable de l'opération « Libérez les lits » que l'on appellera plus communément « Aktion Brandt ». L'annonce en est faite à la Chancellerie à Berlin. Toutes les sommités médicales allemandes sont là. L'on commence par passer à table. Bouhler est là, Victor Brack, ministre de l'Intérieur aussi, de même que le docteur Grawitz, chef de la Croix-Rouge allemande et médecin général SS, le Dr Conti, président de la Chambre des médecins du Reich. Tous obséquieux face au maître d'oeuvre de l'entreprise qui commence, le Dr Karl Brandt, ministre de la Santé, lequel d'ailleurs quitte la table avant la fin du repas. Brack, le ministre de l'Intérieur se lève alors : « Je vous ai convoqués ici, messieurs, pour une action. » Et il fait circuler d'innombrables et poignantes photos de mongoliens, d'handicapés mentaux... Bouhler rompt le silence : « Le Führer a pris, il y a un mois, la décision de libérer un brave couple de Leipzig d'un enfant qui n'était jamais devenu un homme (...). C'était une loque déposée en permanence dans un lit. Nous n'avons plus le droit aujourd'hui de paralyser inutilement tant de lits d'hôpitaux, tant de capacités médicales, sans but, sans raison, sans profit pour notre peuple ! » Bouhler est relayé par Brack : « Nous ne supprimerons pas des êtres mais nous anéantirons un cauchemar. Le Führer bâtit notre grand bonheur allemand pour mille ans au moins. Il l'a proclamé très clairement. Il a signé le décret qui nous permettra, à nous tous, ici réunis, d'accorder enfin sans vains tourments une issue de pitié, un acte de grâce. Le décret a été pris aujourd'hui même. Il est pourtant antidaté comme vous pouvez le constater. Le 1er septembre 1939 ! C'est une date essentielle et c'est pourquoi le Führer l'a choisie en tête de son décret. Afin que cette nouvelle conquête commence avec ce premier jour de notre victoire. » L'enthousiasme est général. Un médecin pourtant tente d'intervenir : « A quoi bon ? Nous avons déjà gagné la guerre ! » Brack balaie l'argument : « Messieurs, nous entrons dans une longue guerre contre la barbarie de la nature. Les malades dont nous nous occuperons cherchent souvent à se supprimer eux-mêmes. Ils paralysent des lits, des médecins, des infirmières, des forces vives. D'ailleurs, je ne suis pas ici pour discuter mais pour vous exposer une opération qu'il vous incombera de mener à bien. Notre mission consistera à supprimer la souffrance. » Les autobus jaunes aux vitres barbouillées de blanc vont déferler sur l'Allemagne, pays qui a fait de l'euthanasie une règle d'Etat. L'Aktion Brandt va assassiner quelque 275 000 handicapés mentaux ou physiques en utilisant des méthodes qui serviront plus tard. « Ce fut une sorte de répétition générale du fonctionnement des chambres à gaz. Mais la population resta indifférente » (Nerin E. Gun). Sauf, bien entendu, les familles directement concernées. Karl Brandt, toujours élégant, toujours soucieux de « solution humaine », dirige tout cela avec efficacité, couvre tout, ordonne tout. Un jour, la libération des lits par la suppression des handicapés mentaux et physiques ; le lendemain, les expériences médicales dans les camps de la mort sur les prisonniers juifs, polonais, gitans, homosexuels : froids intenses, submersion, asphyxie, gangrène, produits chimiques... Brandt couvre Mengele qui recule les limites de l'horreur à Auschwitz. Mais l'époque où Hitler avait pour lui une si grande amitié, est révolue. Morell, médecin et charlatan qui fait prendre de la strychnine à Hitler pour le soigner (!) a supplanté Brandt auprès du Führer. Brandt a été « exilé » à Berlin ; il n'a plus le droit de paraître au Berghof. En mars 1945, Brandt se rend compte que la guerre est perdue pour l'Allemagne. Speer, ministre de l'Armement, qui est son ami, le lui a confié. Le ministre de la Santé écrit à Hitler, lui suggère d'entreprendre immédiatement des tractations de paix avec les Anglo-Américains. Le Führer ordonne de l'exécuter. Le 1er avril, Karl Brandt apprend qu'il est condamné à mort. Mais Speer arrive à retarder l'exécution et Brandt est transféré de prison en prison pour finalement être libéré par les Américains. Il regagne son domicile, reprend la vie de famille comme si rien ne s'était passé : « Je vais enfin prendre le temps de lire. Je vais m'occuper uniquement de poursuivre mes études. » Un beau jour, les Américains viennent frapper à sa porte : « Vous êtes bien le docteur Karl Brandt de l'Aktion Brandt ? » Brandt, surpris, hoche la tête. Bien sûr et alors ? Dans sa nouvelle prison, Brandt ne se fait pas prier lorsque les autorités américaines lui demandent, à lui, familier de Hitler pendant de si belles années, de tracer un portrait du Führer : « Je prétends que Hitler était un génie (... )» Le procès des médecins commença le 15 novembre 1946 et s'acheva le 21 août 1947. Ils se déclarèrent tous « non coupables ». Brandt eut ce mot : « Vous n'avez pas de leçons à nous donner, vous autres Américains ; vous êtes vainqueurs, et puis vous avez jeté la bombe atomique sur Hiroshima. » Il reconnut tout de même l'extermination euthanasique de 150 000 personnes. Il était loin du compte. Il fut condamné à mort et pendu à Landsberg le 2 juin 1948. Là où Hitler avait écrit « Mein Kampf ». 

Texte : Edouard BOEGLIN

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