Emmanuel d'Astier de La Vigerie
Emmanuel d'Astier de La Vigerie, né le 6 janvier 1900 et mort le 12 juin 1969 à
Paris, est un écrivain, journaliste et homme politique français.
Grand résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il fonde le mouvement de
résistance Libération-Sud et le journal Libération, puis devient, en novembre
1943 et jusqu'en septembre 1944, Commissaire à l'Intérieur de la France libre.
Il est l'auteur de la chanson la Complainte du partisan écrite à Londres en
1943.
Après-guerre, il sera l'un des « compagnons de route » du PCF, puis un gaulliste
de gauche.
Il est Compagnon de la Libération.
Origine et formation
D'Astier est né le 6 janvier 1900, à Paris, au sein d'une famille originaire du
Vivarais anoblie en 1829 sous la Restauration. Son père, le baron Raoul d'Astier
de La Vigerie, ancien élève de l'École polytechnique, était officier
d'artillerie. Sa mère, Jeanne, née Masson-Bachasson de Montalivet, était la
petite-fille de Camille, comte de Montalivet, qui avait été ministre de
l'Intérieur et ministre de l'Instruction Publique de Louis-Philippe et
arrière-petite-fille de Jean-Pierre de Montalivet, ami et ministre de
l'Intérieur de Napoléon. Il est le dernier d'une fratrie de huit enfants et a
deux frères ainés : François, né en 1886, et Henri, né en 1897, qui seront
eux-aussi compagnons de la Libération. Il fait ses études au lycée Condorcet,
puis à Saint-Jean-de-Béthune et au lycée privé Sainte-Geneviève à Versailles.
Ses années de lycée seront marquées par son adhésion à l'Action française. Il
entre à l'École navale en 1919. En 1931, il démissionne de la Marine de guerre
et débute une carrière de journaliste. D'Astier entre à l'hebdomadaire Marianne.
Il effectue divers reportages en Allemagne et en Espagne pour les magazines Vu
et LU, ce qui l'amène à prendre ses distances avec son milieu familial. Il
épouse en premières noces Grace Roosevelt Temple (née en 1894 à Ashland,
États-Unis, morte en 1977).
Seconde guerre mondiale
Le 27 août 1939, quelques jours avant la déclaration de guerre, il est mobilisé
au Centre maritime de renseignements de Lorient. En juin 1940, il rejoint le
5ème Bureau replié à Port-Vendres. Il est démobilisé à Marseille le 11 juillet.
Premiers actes de Résistance
Il choisit d'emblée de lutter contre Vichy et l'occupant et se met aussitôt à la
recherche d'hommes et de femmes qui pensent comme lui. Dès septembre, il fonde à
Cannes le mouvement La Dernière Colonne, qui se destine au sabotage. La première
personne qui se joint à lui est le commandant d'aviation Édouard
Corniglion-Molinier. Mais, en décembre, Corniglion-Molinier est arrêté. D'Astier
gagne Clermont-Ferrand où règne une atmosphère favorable à la Résistance,
notamment au sein de l'équipe de rédaction de La Montagne.
Édouard Corniglion-Molinier
En janvier 1941, La Dernière Colonne étant décimée par les arrestations, il
entre dans la clandestinité sous le pseudonyme de « Bernard ».
Création de Libération
En juin 1941, il crée le mouvement Libération avec Jean Cavaillès. Ce réseau
deviendra, avec Combat et Franc-Tireur, l'un des trois plus importants
mouvements de résistance de la zone sud. Libération recrute le plus souvent ses
membres dans les milieux syndicaux (CGT) et socialistes. À la tête du mouvement,
il fait paraître affiches, tracts. En juillet, paraît le premier numéro du
journal Libération.
Jean Cavaillès
En janvier 1942, une liaison est établie avec Londres par Yvon Morandat,
représentant du général de Gaulle, puis par Jean Moulin qu'Emmanuel d'Astier
rencontre pour la première fois. En mars, a lieu à Avignon la première réunion
des responsables des journaux Libération, Combat et Franc-Tireur, sous la
présidence de Jean Moulin.
Yvon Morandat
Missions à Londres et aux Etats-Unis
Dans la nuit du 19 au 20 avril, il profite de la mission de Peter Churchill pour
embarquer sur le sous-marin P 42 Unbroken et aller à Londres. Il rencontre le
général de Gaulle, début mai. Il l'appellera plus tard « le Symbole ». Celui-ci
l'envoie en juin en mission à Washington. Il est chargé de négocier auprès de
Roosevelt la reconnaissance de la France libre.
Dans le courant du mois de juillet, il rentre en France à bord d'un chalutier,
avec le titre de chargé de mission de 1re classe, équivalent au grade de
lieutenant-colonel.
Organisation des mouvements de Résistance
Il se rend pour un deuxième voyage à Londres avec Henri Frenay, en novembre
1942, puis regagne la France. Il est désigné pour siéger au Comité de
Coordination des Mouvements de Résistance.
Henri Frenay
En janvier 1943, le CCMR devient le Directoire des Mouvements unis de la
Résistance (MUR), dont il devient le Commissaire aux affaires politiques. En
avril, il repart pour Londres mais rentre en France en juillet, après
l'arrestation de Jean Moulin.
En octobre, il repart à Londres.
Commissaire à l'Intérieur de la France Libre
Il gagne Alger, en novembre 1943, et devient membre de l'Assemblée consultative
provisoire. Le 9 novembre, il est nommé par le général de Gaulle Commissaire à
l'Intérieur du Comité français de la Libération nationale (CFLN). Emmanuel d'Astier
est membre du COMIDAC, Comité d'Action en France, institué en septembre 1943. Il
occupe ce poste jusqu'au 9 septembre 1944.
Il est chargé de définir la stratégie et les crédits affectés à l'action de la
résistance métropolitaine. En janvier 1944, il rencontre Churchill à Marrakech
pour lui demander des armes pour la Résistance.
Un Gouvernement provisoire de la République française est créé, en juin 1944. Il
en devient ministre de l'intérieur en août, après son retour en France. À la
suite d'un désaccord avec le général de Gaulle, il quitte ses fonctions le 10
septembre après avoir refusé le poste d'ambassadeur à Washington.
À partir du 20 août, il transforme le journal Libération en quotidien.
Après la guerre
Compagnon de route du PCF
Compagnon de la Libération, engagé à gauche et même proche des communistes, à la
différence de ses frères François et Henri, il est élu député progressiste de
l'Ille-et-Vilaine en 1945, et le restera jusqu'en 1958.
En 1947, il épouse en secondes noces Lioubov Krassine2, née en 1908 à
Saint-Pétersbourg et décédée en 1991, fille de Leonid Krassine, révolutionnaire
bolchévique. Deux fils sont issus de son mariage avec Lioubov Krassine,
Christophe, né le 23 août 1947, et Jérôme, né le 23 avril 1952.
Il fait partie de la présidence du Mouvement de la Paix et du Conseil mondial de
la paix dans les années 1950 et à ce titre reçoit le Prix Lénine pour la paix en
1958.
En 1952, il s'oppose à la ratification de la CED et, en 1957, il s'oppose au
traité de Rome.
Toutefois, en 1956, se différenciant des communistes par son neutralisme, il
condamne l'intervention soviétique en Hongrie. Il condamne également
l'expédition franco-britannique de Suez. Il n'en demeure pas moins un conseiller
prisé par De Gaulle pour les Affaires soviétiques à la fin des années 1950 et
début des années 1960.
Gaulliste de gauche
Dans la tourmente de la fin de la IVe République, il vote la confiance au
gouvernement Pflimlin, le 13 mai 1958, puis l'état d'urgence en Algérie, le 16
mai, et la révision constitutionnelle proposée par Pflimlin. Le 1er juin, il
refuse de voter la confiance au général de Gaulle, Président du Conseil désigné.
Il se rapproche ensuite progressivement du général de Gaulle dont il apprécie la
politique étrangère et de décolonisation.
Il apparaît tous les mois à la télévision pendant un Quart d'heure, ce qui en
fait une vedette. Il s'y exprime en toute liberté tout en maintenant une
attitude de respect à l'égard du général de Gaulle.
En novembre 1964, le quotidien Libération, qu'il avait fondé en 1941, disparaît
quand le PCF lui retire son soutien. Il crée ensuite le mensuel L’Événement, qui
paraîtra de février 1966 à juin 1969.
Compagnon de route des gaullistes de gauche, son dernier acte politique fut
d'écrire dans L’Événement en 1969 : « Je vote pour Pompidou-la scarlatine ».
Il meurt à Paris XVe le 12 juin 1969. Il est inhumé au cimetière d'Arronville
(Val-d'Oise). Pierre Viansson-Ponté écrit dans Le Monde : " C'était un homme qui
ne ressemblait à personne. Il ne se considérait ni comme homme d'État, ni comme
homme de gouvernement, ni comme idéologue."
Il a écrit à Londres, en 1943, la chanson La Complainte du partisan mise en
musique par Anna Marly5. Elle devient une chanson populaire dans les années
19506. Cette chanson acquiert une renommée internationale quand elle est reprise
dans une version anglaise sous le titre The Partisan, en 1969 par Leonard Cohen.
Il ne faut pas la confondre avec le Chant des Partisans, également composé par
Anna Marly mais écrit par Joseph Kessel et Maurice Druon, devenu l'hymne
officiel de la Résistance française.
Décorations
Chevalier de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération, décret du 24 mars 1943
Croix de guerre 1939-1945
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