Quand le Parti Communiste Français négociait avec les nazis...
Insigne du Parti Communiste Français de 1939
Avant d'être le "parti des fusillés" de la mythologie stalino-thorézienne
d'après guerre, le Parti communiste fût bien ... le premier parti
collaborationniste de France.
N'oublions pas qu'en juin 40, le Pacte Germano-Soviétique était encore en
vigueur et que Maurice Thorez était, depuis septembre 1939 en exil à Moscou. La
hiérarchie communiste française soutenait donc la politique de Staline et
d'Hitler. Heureusement de simples militants du PC sauvèrent l'honneur de leur
parti en 1940.
Un article de Michel Lefebvre publié dans Le Monde d'aujourd'hui vient nous
rafraîchir la mémoire sur cet épisode historique oublié :
Comment le Parti communiste français, qui se voulait le fer de lance du combat
contre le fascisme et le nazisme, a-t-il pu solliciter des autorités allemandes,
aussitôt après la défaite de juin 1940, l'autorisation de publier L'Humanité et
plusieurs autres de ses journaux ? A près de soixante-dix ans de distance, cet
épisode des premiers temps de l'Occupation, qui fit couler beaucoup d'encre chez
les adversaires du PCF et un peu moins chez les communistes dans l'après-guerre,
revient nourrir la chronique des années noires et des compromissions qui se sont
parfois nouées entre ennemis déclarés.
Au lendemain de la Libération, auréolé du prestige qui s'attachait à son
engagement dans la Résistance et au sacrifice d'un grand nombre de ses membres,
le PCF a nié avoir jamais engagé les moindres pourparlers avec l'occupant. Puis
il a reconnu qu'une telle démarche avait bien eu lieu, mais il a prétendu
qu'elle avait été le fait de simples militants, privés de directives dans la
débâcle. C'est seulement dans les années 1980 que l'historiographie communiste
officielle a admis que des négociations avaient été menées, sur consigne de la
direction du parti, par des responsables de haut niveau.
Les hasards de la recherche documentaire ont fait découvrir à des historiens,
aux archives départementales de Paris, des notes établissant l'argumentaire
employé par les représentants du PCF auprès des autorités d'occupation. Claude
Pennetier et Jean-Pierre Besse publient leurs trouvailles sous le titre Juin 40,
la négociation secrète (Les éditions de l'Atelier).
Le document central est une liasse de notes saisie par la police française sur
une militante communiste, Denise Ginollin, arrêtée, le 20 juin 1940, près de la
station de métro Saint-Martin à Paris. Depuis l'interdiction de la presse
communiste, en août 1939, puis la dissolution du parti lui-même, en septembre,
la police traque les dirigeants et les militants soupçonnés de reconstituer leur
organisation dans la clandestinité. La défaite et l'Occupation n'ont pas
interrompu le travail des policiers.
Ce texte mérite d'être cité assez longuement, avec sa syntaxe approximative.
" 1°) Vous avez laissé paraître journaux communistes dans autres pays Danemark,
Norvège, Belgique
Sommes venus normalement demander autorisation
2°) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Daladier, Reynaud, juif
Mandel
Juif Mandel après Daladier nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui
sabotaient défense nationale.
Sommes PC français pas eu peur
3°) Pas cédé face dictature juif Mandel et du défenseur des intérêts
capitalistes anglais Reynaud
courage ouvriers français ouvriers parisiens et quand ce sont des ouvriers
français ou parisiens c'est le PCF
4°) Sommes une force, (...) nous représentons une force qui dépasse les
frontières françaises, vous comprenez, derrière nous l'URSS/c'est une force
l'URSS/vous en avez tenu compte/pacte germano-soviétique le prouve. On ne fait
pas un pacte avec des faibles mais avec des hommes forts (...)
Notre défense du pacte
Cela vous a avantagé
Pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous
5°) (...) En interdisant L'Huma vous montrez que vous voulez combattre les
masses ouvrières et petites-bourgeoises de France, que vous voulez combattre
l'URSS à Paris (...)
6°) (...) Nous voulons tout pour que les masses ne subissent pas événements
douloureux, voulons les aider avec votre collaboration si vous voulez :
réfugiés, enfants
nous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous (...) "
La date de rédaction n'est pas connue, ni les circonstances de la prise de
notes. Par trois fois, il est fait mention du " juif Mandel " : Georges Mandel,
ministre de l'intérieur du gouvernement Paul Reynaud de mars à juin 1940, sera
assassiné par la milice, force de collaboration pétainiste, en juillet 1944. Le
texte attribue à Mandel la responsabilité d'avoir " fusillé des ouvriers qui
sabotaient défense nationale ", rare exemple de reconnaissance des consignes de
sabotage données par le parti, en 1939-1940, aux militants communistes
travaillant dans les usines d'armement.
Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier estiment que le rédacteur de ces notes est
Maurice Tréand, arrêté le même jour que Denise Ginollin. Trois jours plus tard,
le 23 juin, les Allemands les font libérer. Les pourparlers vont durer plus de
deux mois. Ils n'aboutiront jamais.
En juin 1940, l'appareil du Parti communiste, contraint à la clandestinité, est
sérieusement affaibli par les défections de ceux qui refusaient le pacte
germano-soviétique, par les arrestations et par la mobilisation de nombreux
militants sous les drapeaux. La direction est dispersée. André Marty, un des
secrétaires de l'Internationale communiste (IC), et Maurice Thorez, le
secrétaire général du PCF, sont à Moscou. Jacques Duclos, qui va prendre la
direction du parti en France, et Maurice Tréand, le responsable des cadres, sont
à Bruxelles avec Eugen Fried, dit Clément, représentant de l'IC. Le 15 juin, le
lendemain de l'arrivée des Allemands, tous trois rejoignent Paris en voiture et
s'installent dans les locaux de la représentation commerciale soviétique, avant
de rejoindre des planques en région parisienne. Puis Fried rentre à Bruxelles.
En Belgique, les communistes ont entamé des pourparlers pour faire reparaître
leur presse ; ils vont faire de même à Paris.
Toujours le 15 juin, Otto Abetz arrive dans la capitale comme représentant de
Joachim von Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères allemand.
Connaisseur de la France, où il a vécu pendant une dizaine d'années, et grand
manipulateur, Abetz a un objectif : " mener la désunion intérieure ". Il va être
à l'origine des négociations. Les représentants du PCF et ceux d'Abetz vont
entrer en contact, à partir du 17 juin, par l'intermédiaire d'un avocat
communiste qui travaille pour l'ambassade soviétique, Robert Foissin. Le
processus commence, clairement validé par Duclos. Il va être conforté par un
télégramme clandestin du 22 juin, en provenance de Moscou, signé de Georgi
Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et de Maurice Thorez, ce que ce dernier
niera. Le texte en est le suivant : " Utilisez moindre possibilité favorable
pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement L'Humanité, en
veillant - à ce - que ces journaux... ne donnent aucune impression de solidarité
avec envahisseurs ou leur approbation. "
A Moscou, manifestement, on se méfie. Mais il faudra un mois, et un nouveau
télégramme de Dimitrov et Thorez, le 20 juillet, pour que le processus soit
enrayé. " Considérons juste ligne générale. Indispensable redoubler vigilance
contre manoeuvre des occupants. Etait juste entreprendre démarches pour obtenir
presse légale, mais entrevue Abetz est une faute, car danger compromettre parti
et militant ", décrètent les deux dirigeants. Les liaisons suivantes confirment
que Moscou se méfie des " manoeuvres des autorités d'occupation " et de l'avocat
Foissin, désigné comme " agent des occupants ".
Pourtant les contacts avec Abetz continuent. Un dernier rendez-vous, prévu le 27
août, sera annulé. Le 31, Robert Foissin est exclu du parti. Il rencontre une
dernière fois Abetz le 2 septembre. Un rapport signé par un proche de Duclos,
Arthur Dallidet, en octobre, met en cause Tréand. Celui-ci va payer cher d'avoir
été en première ligne dans cette négociation. Marginalisé, il mourra en 1949.
Pour l'historiographie officielle du PCF, il sera longtemps le seul responsable
de ce qu'elle présentera comme une initiative locale.
Michel Lefebvre
Le " parti " et la Résistance
LE RÔLE du PCF dans la Résistance a longtemps été un enjeu politique. Après
guerre, des polémiques sont nées, dans le contexte de la guerre froide, en
particulier avec les gaullistes. Il s'agit d'une époque où le PC représente un
bon quart de l'électorat. Les critiques à l'égard du parti de Maurice Thorez
portent sur plusieurs points : la demande de reparution de L'Humanité en juin
1940 ; l'" appel du 10 juillet ", présenté par les dirigeants communistes comme
la preuve de leur choix de la Résistance dès l'été 1940 ; la date d'entrée des
communistes dans l'action armée, avant ou après l'attaque allemande contre
l'URSS en juin 1941.
Les travaux des historiens ont apporté des rectifications. Sur la demande de
reparution de L'Humanité, le discours du PCF a d'abord consisté à nier ou à
rejeter cette initiative sur des militants égarés. En décembre 1947, face aux
interrogations de Pierre de Chevigné, député centriste et compagnon de la
Libération, Jacques Duclos répond que " tout cela est une affaire de police et
de flics ". Pourtant, l'attaque subie devant l'Assemblée nationale va porter. En
1949, une enquête interne au PCF, gardée secrète, conclut que, de " la fin juin
1940 à octobre 1940, une orientation politique comportant de graves erreurs a
été impulsée ".
Parmi les boucs émissaires, Maurice Tréand se tait. Jean Catelas, qui a aussi
participé aux négociations, a été tué par les Allemands. Cette politique, comme
l'a montré Roger Bourderon (La Négociation. Eté 1940, éd. Syllepse, 2001), était
celle de l'Internationale communiste et de Staline. Les communistes, malgré des
nuances, suivaient la ligne. A l'exception du journaliste Gabriel Péri, qui
refusa de se commettre dans ces négociations. Sur l'" appel du 10 juillet ", les
historiens Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier présentent un document
accablant. Il s'agit de la photographie d'un numéro de L'Humanité clandestine
daté du 10 juillet 1940 et comportant le fameux appel, signé Jacques Duclos et
Maurice Thorez. Or il s'agit d'un faux, fabriqué dans les années 1950, selon les
auteurs, pour accréditer une orientation politique qui, en fait, ne fut adoptée
qu'au printemps 1941 : l'union des communistes avec les autres mouvements de
résistance.
Quant à l'entrée massive des communistes dans l'action armée, la majorité des
historiens estime qu'elle intervint à l'été 1941. Le PCF s'est présenté, après
la guerre, comme " le parti des 75 000 fusillés ". Jean-Pierre Besse et Thomas
Pouty, dans Les Fusillés, répression et exécutions pendant l'Occupation
1940-1944 (éd. l'Atelier), estiment que 4 520 personnes ont été fusillées, en
France, pendant la guerre, dont 80 % à 90 % de communistes.
Michel Lefebvre