Opération Cobra pendant la bataille de
Normandie
L’opération Cobra est le nom de code de l'offensive américaine menée fin juillet
1944 dans le Cotentin pendant la bataille de Normandie afin de s'ouvrir la route
de la Bretagne, et d'enfoncer les lignes de défense allemandes. La concentration
de forces suivie d'une projection soudaine évoque l'image de la brusque détente
d'un serpent cobra. La réussite de cette opération, par la percée d'Avranches
puis le contournement des lignes allemandes, en fait le tournant majeur de
l'offensive alliée en Normandie.
Contexte
Près d’un mois et demi après le débarquement du 6 juin, les Américains ont peine
à avancer dans le bocage normand avec des pertes importantes pour un minimum de
gains. Des centaines de milliers d'hommes commencent à saturer l'espace de la
tête de pont. Il leur est impossible de lancer leurs chars à travers des champs
barrés par de hautes haies et les chemins creux qui masquent des canons
antichars allemands.
Le terrain est favorable aux actions défensives basées sur l'embuscade et le
coup de main, dont les Allemands savent habilement tirer parti. Ils utilisent de
façon judicieuse les haies, les chemins creux, les zones marécageuses : ils
disposent aussi d'un armement adapté au combat rapproché ; plusieurs lignes de
défense prennent appui sur les épaisses haies et brisent invariablement les
attaques successives des forces américaines. Quelques haies prises à l'ennemi
constituent une progression spectaculaire pour une journée de combat. Les pertes
du côté des Américains sont très lourdes.
La progression américaine, entre La Haye-du-Puits et Lessay, leur coûte 1 000
morts au km et la seule capture du mont Castre, 5 000 hommes. Sur la commune de
Montgardon, près de La Haye-du-Puits, trois mètres conquis coûtent un homme à la
79e division d'infanterie américaine. Les soldats sont épuisés, d'autant que
pendant cette fin du mois de juillet des pluies continuelles finissent par user
les troupes et retardent toute offensive.
Article détaillé : Bataille de La Haye-du-Puits.
Monter une attaque massive pour permettre à l'armée américaine de faire
irruption plus au sud s'impose. Dans une région découverte, elle prouverait sa
plus grande mobilité et sa supériorité numérique.
Les forces américaines
C'est au VIIe corps, commandé par le général Lawton Collins, qu'est dévolue la
mission de percer le front allemand. Six divisions dont deux blindées sont
massées sur un front de huit kilomètres.
La 9e division d'infanterie et la 30e division d'infanterie doivent passer la
brèche, suivies par la 1re division d'infanterie. Les divisions blindées doivent
s'engouffrer pour se ruer sur les arrières des Allemands.
George Patton est arrivé avec la IIIe armée américaine dans le Cotentin (pour
l'anecdote, il connaît la région d'Avranches car son voyage de noces l'a conduit
au Mont-Saint-Michel). Pour s'affranchir des obstacles formés par les haies, ses
chars sont désormais équipés du dispositif « hedgecutter » que vient de mettre
au point le sergent Curtis G. Culin : les blindés défoncent et traversent les
haies avec une facilité dérisoire. Les chars ainsi équipés étaient surnommés «
rhinocéros ».
Les unités allemandes
Ce sont des unités usées par des semaines de combat. Les renforts arrivent au
compte-goutte. Un total de 8 000 hommes et d'une cinquantaine de chars devront
s'opposer à la percée américaine. La Panzer Lehr, présente sur le front, a
beaucoup souffert des derniers combats. La 2e Panzerdivision SS (Das Reich), la
17e Panzergrenadier SS, la 5e Fallschirmjäger-Division, bien qu'amoindries
constituent encore une menace sérieuse.
La percée
Le général Omar Bradley, commandant de la 1re armée, la conçoit ainsi : un
bombardement aérien de saturation (tactique du « tapis de bombes ») sur un
périmètre restreint doit annihiler toute défense et créer la brèche dans
laquelle devraient s'engouffrer ses unités. Son choix s'est porté sur un
quadrilatère entre les villages de La Chapelle-Enjuger et Hébécrevon, à quelques
kilomètres au nord de la grande route joignant Saint-Lô à Périers.
Début juillet 1944, les Britanniques lancèrent l'opération Goodwood, une
opération blindée à l'est du front, visant à dégager la ville de Caen. Les
meilleures troupes allemandes restent devant les Anglo-Canadiens. La répartition
des forces allemandes sur le front est déséquilibrée : 600 chars devant les
Anglo-Canadiens contre 110 devant les Américains.
Décidé initialement pour le 20 juillet, le bombardement est repoussé de quelques
jours pour cause de mauvais temps. Une première tentative, le 24 juillet, tourne
au désastre à cause d'une gaffe dans les communications. De nombreux avions
alliés bombardent une partie des premières lignes américaines, tuant 25 soldats
américains et blessant 131 hommes. « Certaines unités américaines, folles de
rage, ouvrirent le feu sur leur propre aviation ».
Le lendemain, 25 juillet, à partir de 9 h 40 et durant une heure, 1 500 B-17 et
B-24 labourent leurs cibles, appuyés de 1 000 autres bombardiers moyens et
chasseurs-bombardiers : le plus grand bombardement en tapis de la Seconde Guerre
mondiale est en cours, 4 000 tonnes de bombes seront lâchées ce jour-là, 60 000
bombes pour 12 km2 de bocage, soit 5 000 bombes incendiaires au km2. Un
pilonnage de la zone sera suivi par 1 100 pièces d'artillerie, transformant le
bocage en paysage lunaire. La commune de La Chapelle-Enjuger est rayée de la
carte. Le front américain fut secrètement reculé de plusieurs kilomètres afin de
ne pas risquer de le voir pilonner une seconde fois. Malheureusement ce ne fut
pas assez. Il y eut 111 tués dans les rangs américains dont le Lieutenant
général Lesley McNair — le plus haut gradé américain mort au combat sur le
théâtre des opérations européen — et 490 blessés. Des hommes furent déchiquetés,
des chars projetés en l'air comme des jouets, des soldats perdirent la raison.
Après ce désastre le général Bradley se souvient, qu'Eisenhower, complètement
abattu, décida de ne plus appuyer les offensives au sol par des bombardements
lourds.
En revanche, la Panzer Lehr Division du lieutenant-général Fritz Bayerlein est
pulvérisée. Des chars Panther de 45 tonnes sont détruits par le souffle des
déflagrations, des fantassins sont enterrés vivants dans leurs abris. En
quelques heures, 1 500 hommes sont hors de combat, tués, blessés, et la plupart
des chars détruits. En tant qu'unité opérationnelle, la Panzer Lehr n'existe
plus. L'après-midi, les 9e et 30e
divisions américaines attaquent la zone et
se heurtent, malgré tout, à des petits îlots de résistance, des groupes de
combat, un canon et quelques fantassins, constituent les principaux noyaux
allemands de résistance. Mais dès le lendemain, les troupes américaines occupent
les objectifs désignés et le général Collins lance trois colonnes de blindés
dans un étroit goulot au travers du front allemand : première colonne vers
Coutances, deuxième et troisième colonnes dans une mission de flanc-garde ou
protection.
9e
division américaine
30e
division américaine
Entre Marigny et Saint-Gilles, les Américains s'engouffrent dans la brèche et
foncent vers le sud. Le 26 juillet, le VIIe corps américain du général Collins
progresse d'une dizaine de kilomètres, enlevant Saint-Gilles puis Canisy après
avoir franchi la route allant de Coutances à Saint-Lô. Devant la menace
d'encerclement qui se précise, les Allemands décrochent dans la nuit du 27 au 28
juillet 1944. Vingt mille hommes du 84e corps échappent à l'encerclement. Les
divisions blindées américaines déferlent irrémédiablement vers le sud et
l'ouest. Lessay et Périers sont enlevées dans la journée. Coutances est libérée
le 28 par la 4e division blindée américaine du général Wood. Cette avance
foudroyante a encerclé des éléments en retraite du 84e corps allemand autour de
la localité de Roncey. Des éléments de diverses unités, malgré une tentative de
percée des lignes américaines, sont capturés, désarmés et le plus souvent
laissés sur place, faute de temps pour les conduire vers un camp. Ces unités
laisseront derrière elle d'énormes quantités de matériels : pièces d'artillerie,
canons automoteurs, camions, etc. Choltitz, commandant du 84e corps allemand,
tente vainement de reconstituer de nouvelles lignes de défense, devenues
caduques avant même d'avoir pu être édifiées. Rien désormais ne peut plus
stopper les Américains.
Le 30 juillet, la 6e division blindée américaine du général Grow traverse Bréhal
et Granville sans s'arrêter. Le soir même, Wood, fonçant toujours en pointe,
s'empare d'Avranches. Dès le lendemain, il réussit à prendre intact le pont de
Pontaubault, sur la Sélune, voie de passage du plus haut intérêt stratégique
vers la Bretagne qu'envahit le VIIIe corps d'armée américain du général Troy
Middleton. L'offensive détruisit l'effectif de 8 divisions allemandes : 28 000
hommes furent faits prisonniers en juillet 1944 dont 20 000 au cours des six
premiers jours de l’opération Cobra, 12 000 hommes furent tués. Cependant, de 15
000 à 20 000 hommes réussiront à se replier au sud est de la Sienne. En moins
d'une semaine, les troupes de Bradley ont réalisé une percée de 60 kilomètres.
La bataille vient brutalement de changer de visage. La rupture est faite et la
guerre d'usure cède alors la place à une guerre de mouvement.
Paysage typique de bocage de la région Normande
Ruines
à Coutances
Char américain dans Coutances