Opération Adlertag
L'Adlertag (« Jour de l'Aigle ») désigne le premier jour de l'Unternehmen
Adlerangriff (« Opération Attaque de l'Aigle »), qui était le nom de code de
l'opération aérienne allemande engagée par la Luftwaffe (Force aérienne
allemande) pour détruire la Royal Air Force (RAF) britannique. En juin 1940, les
alliés avaient été battus en Europe occidentale et en Scandinavie. Malgré tout,
la Grande-Bretagne avait repoussé toutes les offres pour une paix négociée.
Hitler avait donné à la Wehrmacht une directive (Directive No. 16) qui ordonnait
la préparation d'une attaque aérienne du Royaume-Uni6. L'invasion du Royaume-Uni
portait le nom de code Unternehmen Seelöwe (Opération Seelöwe = opération Lion
de Mer). Précédant cette invasion, la maîtrise de l'air était nécessaire avant
le déclenchement des opérations par mer et sur terre. La Luftwaffe devait
détruire la RAF en vue de l'empêcher d'attaquer la flotte de débarquement ou de
fournir une protection à la flotte de la Royal Navy qui pouvait s'opposer au
débarquement. Hitler avait ordonné au commandant en chef de la Luftwaffe, le
Reichsmarschall Hermann Göring et à l'état-major de la Luftwaffe de préparer cet
assaut.
La cible principale était le RAF Fighter Command, c'est-à-dire la chasse
britannique. Au cours du mois de juillet et du début d'août, les allemands se
sont préparés pour le Adlertag. La date de l'assaut a été repoussée plusieurs
fois à cause du mauvais temps. Finalement, elle a été fixée au 13 août 1940. Les
attaques allemandes du 13 août ont provoqué des dégâts importants et des
victimes au sol mais, elles n'ont pas entamé la capacité du Fighter Command à
défendre l'espace aérien britannique7.
Göring avait promis à Hitler que le Adlertag (jour de l'Aigle) et le
Adlerangriff (attaque de l'Aigle) obtiendraient les résultats recherchés en
quelques jours, tout au plus quelques semaines8. Ils devaient marquer le début
du déclin du RAF Fighter Command mais l'Adlertag, et les opérations qui ont
suivi, ont échoué à détruire la RAF7. Les combats engagés au cours de l'Adlertag
et des jours suivants portent le nom de Bataille d'Angleterre. Au fur et à
mesure de cette campagne, la Luftwaffe a dû renoncer à obtenir la supériorité
aérienne et à fortiori la suprématie de l'air sur la RAF. Finalement,
l'Opération Seelöwe a été annulée.
Préparatifs de la Luftwaffe
Renseignement
La faiblesse des renseignements a souvent été invoquée pour expliquer l'échec de
l'Adlertag. Alors que le rapport des forces entre Allemands et Britanniques
était sensiblement égal, les Britanniques ont obtenu un avantage décisif dans le
domaine du renseignement. La cryptanalyse de la machine Enigma et la faible
discipline dans les transmissions de la Luftwaffe ont permis aux Britanniques
d'accéder aisément aux communications allemandes. L'impact de ULTRA dans la
Bataille d'Angleterre est un sujet de controverses. Certains historiens
affirment que cela n'a pas eu d'impact direct. Cependant, ULTRA et le Y service
en particulier, ont donné aux Britanniques une image de plus en plus précise des
plans de bataille allemands.
Joseph « Beppo » Schmidt était l'officier de renseignement de la Luftwaffe.
Durant tout le temps de l'opération, Schmidt a commis une série d'erreurs. En
juillet 1940, Schmidt a grossièrement surestimé les forces de la Luftwaffe et
sous-estimé celles de la RAF. Les erreurs les plus importantes concernent
l'identification des bases aériennes et celle des sites de production. Schmidt
avait affirmé que le nombre de bases opérationnelles dans le sud de l'Angleterre
était très réduit; il avait estimé que les Britanniques ne pouvaient produire
que 180 à 330 chasseurs par mois (alors que le chiffre exact était 496) et que
ce nombre ne pouvait que décroître. Tout cela indiquait que la RAF ne pouvait
soutenir une longue bataille d'usure. Schmidt soutenait que le commandement à
tous les niveaux était rigide et inflexible, que les chasseurs étaient
strictement affectés à leurs bases. De plus, Schmidt a oublié de mentionner que
les services de maintenance de la RAF pouvaient rapidement réparer un avion
endommagé. Il a prévu une bataille brève. Enfin et tout particulièrement,
Schmidt a négligé de mentionner le radar.
L'absence d'attaques soutenues et concentrées sur les radars a permis à ces
derniers de déclencher le déploiement rapide des unités de la RAF aux moments
opportuns. Les alertes répétées sur l'intrusion des raids ont été cruciales pour
le Fighter Command. La Luftwaffe avait également de mauvaises informations sur
les missions des différentes bases de la RAF. Elle s'est fréquemment trompée, en
identifiant certains aéroports comme bases du Fighter Command, alors qu'ils
appartenaient au RAF Coastal Command ou au RAF Bomber Command. Le Jour de
l'Aigle, bien des cibles visées par la Luftwaffe, et qui ont été détruites,
n'appartenaient pas au Fighter Command.
Objectifs et ordre de bataille
Les objectifs suivants étaient visés par l'attaque du 13 août 1940 :
Escadrons allemands de bombardement
Objectifs
Kampfgeschwader (escadron de bombardiers n°1) ou (KG 1) RAF Biggin Hill
Kampfgeschwader 76 (KG 76) RAF Kenley15RAF Debden/RAF Biggin Hill/ autre objectifs inconnus
Kampfgeschwader 2 (KG 2) RAF Hornchurch/RAF Eastchurch/RAF Manston
Kampfgeschwader 3 (KG 3) RAF Eastchurch
Kampfgeschwader 53 (KG 53) RAF North Weald
Erprobungsgruppe 210 Stations de Radar; Rye, Pevensey, Dover.
Hawkinge/ RAF Manston/RAF Kenley
Kampfgeschwader 4 (KG 4)
Objectifs inconnus/opérations de minage dans la Manche
Kampfgeschwader 40 (KG 40) RAF Dishforth
Kampfgeschwader 26 (KG 26) RAF Dishforth/Linton-on-Ouse
Kampfgeschwader 30 (KG 30) RAF Driffield
Kampfgeschwader 27 (KG 27) Ports de Bristol/Birkenhead/Liverpool
Lehrgeschwader 1 (escadron d'instruction n°1) ou (LG 1) RAF Worthy Down/Ports de Southampton, Portsmouth et aéroports voisins/RAF
Detling/Autres opérations non spécifiées.
Sturzkampfgeschwader 3 (StG 3) StG 3 devait participer. Pour des raisons
inconnues, il n'a pas été engagé le 13 août.D'autres sources affirment que la
mission de l'unité a été annulée à cause du mauvais temps.
Kampfgeschwader 51 (KG 51) RAF Bibury34/port de Spithead/station radar Ventnor.
Kampfgeschwader 54 (KG 54) Base aérienne Gosport/RAF Croydon RAF Farnborough RAF Odiham
Kampfgeschwader 55 (KG 55) Plymouth/Feltham/ RAF Middle Wallop
Sturzkampfgeschwader 1 (StG 1) RAF Warmwell/RAF Detling
I., and II./Sturzkampfgeschwader 2 (StG 2) Port de Portland et aéroports voisins/RAF Middle Wallop/RAF Warmwell/Yeovil
Sturzkampfgeschwader 77 (StG 77) RAF Warmwell/Portland
Préparatifs de la RAF
Détection
La clé de voûte de la défense Britannique était le système complexe de
détection, commandement, et contrôle qui était mis en action au cours des
combats. On l'a appelé le « Dowding System », car son concepteur principal était
l'Air Chief Marshal Sir H.C.T. « Stuffy » Dowding, commandant en chef du RAF
Fighter Command. Dowding avait modernisé un système créé en 1917 par le Major
General E B Ashmore. Le cœur du Dowding's system avait été organisé par
Dowding
lui-même: la mise-en-œuvre du Radio Direction Finding (RDF, plus tard appelé
radar, pour radio direction finding and ranging) permettait d'observer
l'approche des avions ennemis qui se dirigeaient vers les côtes britanniques.
Une fois que les avions avaient franchi la ligne des radars, l'observation
visuelle de leur trajectoire était confiée au Royal Observer Corps (ROC) (Royal
Corps des Observateurs) réparti à l'intérieur du territoire. Les informations du
RDF et du Observer Corps étaient transmises à la salle principale des opérations
du Quartier Général du Fighter Command située au RAF Bentley Priory. Ce système
a permis de manière cruciale à la RAF d'intercepter efficacement les avions
ennemis qui pénétraient dans le ciel britannique.
Hugh Dowding
Les premières indications des raids aériens hostiles étaient détectées par les
infrastructures radar du Chain Home Radio Direction Finding (RDF) réparties tout
au long des côtes de la Grande-Bretagne. Dans de nombreux cas, le RDF pouvait
observer les formations d'avions de la Luftwaffe lors de leur rassemblement
au-dessus de leurs bases situées au nord de la France et en Belgique et pouvait
suivre la trajectoire de ces raids. Les signaux radar étaient évalués pour
déterminer s'ils correspondaient à des avions « hostiles » ou « amis ». Lorsque
les signaux étaient hostiles, l'information parvenait à la « salle principale
des opérations ». Des renseignements supplémentaires étaient fournis par les
postes radio du Y Service, qui étaient à l'écoute des communications radio
ennemies, et par le centre de décodage de ULTRA, basé à Bletchley Park. Ces deux
services informaient la RAF sur l'ordre de bataille allemand.
Visualisation des raids
Dans la « salle principale des opérations », les trajectoires de chaque raid
étaient matérialisées par des Women's Auxiliary Air Force (WAAF) qui recevaient
les informations par téléphone48. Des marques avec des codes de couleur
représentaient chaque raid sur une très grande table, recouverte par une carte
du Royaume-Uni et quadrillée par le British Modified Grid. Au fur et à mesure
que les signaux radar des avions se déplaçaient, les marques étaient poussées
sur la carte grâce à un « râteau » magnétique. Ce système permettait au Fighter
Controller et à Dowding de voir où chaque formation se dirigeait, à quelle
hauteur, et à quelle vitesse. Cela permettait d'envisager quelles étaient les
cibles possibles. L'ancienneté du renseignement pour chaque raid était codée par
la couleur de la marque correspondante. La simplicité de ce système faisait que
les décisions pouvaient être prises rapidement.
Transmission et interception
Les informations étaient transmises en temps réel aux quartiers généraux de
chaque groupe où ils étaient d'abord contrôlés avant d'arriver dans une autre
salle des opérations. Comme chaque groupe avait le contrôle tactique du combat,
ces salle d'opérations étaient différentes de celle du Quartier Général de
Bentley Priory. Les cartes utilisées représentaient la zone d'action du groupe
et les bases associées. Un équipement très complet radio et téléphone
transmettait et recevait un flux constant d'informations des différents secteurs
des bases ainsi que du Observer Corps, du AA Command et de la marine. Si le
système téléphonique tombait en panne, des ingénieurs intervenaient rapidement
pour réparer les communications interrompues. Le « Duty fighter controller »
était la personne qui était chargée de décider comment et quand chaque raid
pouvait être intercepté.