Jeunes résistants de Strasbourg

La Main noire (France)
 
 
La Main Noire est un réseau de jeunes résistants créé en septembre 1940 à Strasbourg, en France, par Marcel Weinum. Il se compose de 25 jeunes de 14 à 16 ans, presque tous apprentis et fils d’ouvriers. Presque tous agissent à l’insu de leurs parents.

Constitué sans le soutien d’aucun adulte, structuré en cellules, doté d’armes et de locaux, ce réseau s'est spécialisé dans la contre-propagande, le sabotage et le renseignement.

Jugé avec dix de ses camarades par un tribunal spécial à Strasbourg en mars 1942, Marcel Weinum a été condamné à mort et décapité le 14 avril 1942 à Stuttgart, en Allemagne.

Dès octobre 1940, la Main Noire multiplie sur les murs de Strasbourg croix de Lorraine et inscriptions patriotiques.

À partir de novembre, l’organisation sabote installations de chemin de fer et postes de transmission de la Wehrmacht, pille les automobiles allemandes en stationnement, crève les pneus et récupère armes, papiers et bons d’essence.

En décembre 1940, la Main Noire commence à lancer des grenades contre les vitrines qui exposent le buste ou la photo de Hitler : plusieurs commerçants préfèrent dès lors prendre le risque de lourdes amendes plutôt que de voir voler en éclats leur devanture. Le groupe explore les fortins abandonnés de la ligne Maginot et y trouve toutes sortes de munitions – cartouches, grenades, dynamite – qui sont cachés près du domicile des parents.

Marcel Weinum loue en 1941 un appartement qu’il paie avec l’argent récolté lors des cambriolages de bureaux d’organisations nazies. Équipé d’une machine à écrire, il rédige des tracts, qui sont éparpillés dans la rue, distribués dans les boîtes à lettres, collés aux murs des immeubles ou même expédiés par la poste à certaines personnalités allemandes.

En avril 1941, Weinum, Entzmann et Nicolle récupèrent dans un fort des stocks de munitions. Le 8 mai 1941, Weinum et Uhlrich réalisent leur attentat contre le Gauleiter Wagner, le plus haut représentant de Hitler en Alsace.

Après l'arrestation de Weinum et de Sieradzki à la frontière suisse, l'ensemble du réseau est arrêté. Une partie de ses membres est interné au camp de Schirmeck. Le 12 décembre 1941 au matin, Ceslav Sieradzki est lui aussi transféré au camp de Schirmeck. Le même jour, les haut-parleurs annoncent que Ceslav Sieradzki a été fusillé « pour cause de résistance ». C’est la première fois qu’est utilisé en Alsace par les nazis le terme de « résistance ». Ceslav Sieradski, orphelin polonais, est ainsi le premier résistant d’Alsace mort pour la France.

Dix membres du réseau sont traduits devant un tribunal spécial à Strasbourg en mars 1942. Marcel Weinum est condamné à mort et décapité le 14 avril 1942 à Stuttgart, en Allemagne. Ses neuf camarades sont libérés et enrôlés de force dans le Reichsarbeitsdienst (RAD), le service paramilitaire de travail du Reich.

Les 14 jeunes de la Main Noire qui n’ont pas été jugés apprennent au camp de Schirmeck l’exécution de Weinum. Douze d’entre eux sont libérés et eux aussi incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst (RAD).

Après leur période de service paramilitaire, les jeunes résistants seront tous incorporés de force dans l’armée allemande.

Liste de quelques membres

* Marcel Weinum
* Ceslav Sieradzki
* Jean-Jacques Bastian
* René Kleinmann
* André Kleinmann
* Jean Voirol
* Lucien Entzman
* Jean Kuntz
* Aimé Martin
* Albert Uhlrich
* Charles Lebold
* André Mathis
* René Meyer
* Marcel Keller
* René Spengler
* Lucien Albrecht
* Robert Bildstein
* Mosser
* Constantin
* Adam
* Augustin
* Xavier Nicole

 

 
Biographie de Marcel Weinum

18 ans

Né à Brumath, au nord de Strasbourg, le 5 février 1924, Marcel Weinum est d’abord mis en nourrice dans la famille Lebold. Marcel Weinum est le fils de Robert Weinum, boucher, et de Mathilde Marie Schneider, qui s’établissent à Strasbourg-Neudorf en 1936.

Il suit les cours de l’école de la maîtrise de la Cathédrale. Après le certificat d’études, il devient apprenti-dessinateur. Lorsque Strasbourg est évacué à la veille de la guerre, la famille est dirigée vers la Dordogne. Elle revient en Alsace en août 1940.

Dès le mois de septembre, Marcel Weinum entreprend de créer un mouvement de résistance. À l’exception de Charles Lebold, son frère de lait, alors séminariste, les 25 membres du groupe sont tous âgés de 14 à 16 ans. Sur la proposition de Jean-Jacques Bastian, le réseau prend le nom de La Main Noire et se donne pour objet de combattre la mainmise allemande sur l’Alsace par des graffitis, des tracts, des écrits et des actes de sabotage.

Le groupe s’est procuré des grenades au Fort Hoche en vue de les lancer contre les vitrines des magasins arborant des emblèmes nazis. Le 8 mai 1941, Marcel Weinum et Albert Uhlrich sont sur el point de jeter leurs grenades contre des vitrines lorsqu’ils repèrent la voiture du Gauleiter Robert Wagner, en stationnement devant le restaurant de la Marne. Ils lancent deux grenades à main dans la voiture et prennent la fuite.

Le 20 mai 1941, Marcel Weinum et son camarade Ceslav Sieradzki, orphelin polonais membre de La Main Noire, quittent Strasbourg à bicyclette pour remettre à « Léo », agent de l’Intelligence Service travaillant au consulat britannique à Bâle, les plans des terrains d’aviation d’Entzheim et de Haguenau. Égarés par le brouillard, ils sont interpellés par des douaniers. Marcel Weinum blesse l’un d’eux. Tous deux parviennent à s’échapper, mais sont bientôt rattrapés près de la frontière et transférés à la prison de Mulhouse pour des interrogatoires. Ni l’un ni l’autre ne parle, mais ils sont trahis par un codétenu de Sieradzki. En juillet 1941, tous les membres du réseau sont arrêtés.

Dix de ses membres comparaissent du 27 au 31 mars 1942 devant le Tribunal spécial de Strasbourg. Weinum est défendu par Me Eber et Albert Uhlrich par Me Léon Rapp. Avec un extraordinaire sang-froid et un sens étonnant de la répartie, Weinum prend sur lui la responsabilité de toutes les activités de la Main Noire et, malgré l’ardent plaidoyer des deux avocats, se retrouve seul condamné à mort. « Je suis fier, déclare-t-il devant le Tribunal, de donner ma vie pour la France. » Le 13 avril 1942, en prison à Stuttgart, il apprend le rejet de son recours en grâce. Il est décapité le lendemain à l’aube.

Sa dépouille est enterrée au cimetière de Cannstatt. En 1949, elle a été transférée au cimetière du Polygone, à Strasbourg-Neuhof. Marcel Weinum a été nommé, à titre posthume, sous-lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), chevalier de la Légion d’honneur, médaille de la Résistance avec rosette et croix de guerre 1939-1945.

Biographie de Marcel Weinum
Ceslav Sieradzki, orphelin polonais et premier résistant d'Alsace mort pour la France
Ceslav Sieradzki est né à Barr le 16 juillet 1925 de parents immigrés de Pologne, qui se sont installés dans cette petite ville à Barr en 1924. À la mort de leur mère, en 1932, les quatre enfants sont placés à l’Hospice des orphelins de la ville de Strasbourg.

En 1939, le jeune Ceslav entre en apprentissage chez un boulanger de Strasbourg. Depuis l’invasion de la Pologne, il est passionnément anti-nazi. Il rencontre Weinum alors que la Main Noire vient tout juste d’être créée. Afin de se rendre plus disponible, il quitte son poste d’apprenti boulanger.

Ardent et intrépide, il sera toujours le premier de La Main Noire dans les entreprises les plus risquées. Dès l’automne 1940, à la demande de Weinum, il passe la frontière suisse pour établir le contact avec le consulat britannique à Bâle. Arrêté à la frontière à son retour et incarcéré à Mulhouse, puis à Strasbourg, il y restera de fin décembre 1940 à avril 1941 sans jamais parler de la Main Noire. 

En juillet 1941, lorsque les membres de la Main Noire sont tous arrêtés, le cas de Ceslav Sieradzki est traité par les nazis d’une manière très différente. À leurs yeux, il n’est qu’un « ex-ressortissant polonais », et donc un sous-homme. Le 12 décembre 1941 au matin, Ceslav Sieradzki est transféré de la Centrale de Kehl au camp de Schirmeck où ses camarades sont déjà prisonniers. Le même matin, au camp de Schirmeck, certains de ses amis le voient pourchassé par des kapos armés de gourdins : « Une loque humaine ensanglantée, la tête rasée, témoigne Jean-Jacques Bastian, est piétinée sur le gravier. Mais la frêle silhouette se relève, étend les bras et crie ‘’Vive la France’’. » Quelques heures plus tard, les haut-parleurs annoncent que Ceslav Sieradzki a été fusillé « pour cause de résistance ». C’est la première fois qu’est utilisé en Alsace par les nazis le terme de « résistance ». Ceslav Sieradski, orphelin polonais, est ainsi le premier résistant d’Alsace mort pour la France

En 2002, la mention « mort pour la France » a enfin été attribuée à Ceslav Sieradzki dont les restes, probablement incinérés au camp du Struthof, ne reposent dans aucune tombe. Le 8 mai 2004, une plaque « square Ceslav Sieradzki » a été apposée sur une place proche du lycée de Barr en présence du consul de Pologne.

Reportage video sur l'inauguration de la plaque à la mémoire de Marcel Weinum à l'entrée du collège Saint-Étienne, à Strasbourg

 
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