Jean MOULIN
Jean Moulin, né à Béziers le 20 juin
1899 et mort dans un train aux environs de Metz le 8 juillet 1943, est un préfet
et résistant français. Il dirigea le Conseil national de la Résistance durant la
Seconde Guerre mondiale. Souvent considéré comme un des principaux héros de la
Résistance, un Cénotaphe se trouve au Panthéon des grands hommes de la
République française (son corps n'a jamais été identifié avec certitude, et
l'urne transférée au Panthéon ne contient que des "cendres présumées de Jean
Moulin").
Biographie
Avant la guerre
Bachelier en 1917, il s'inscrit à la faculté de droit de Montpellier et comme
attaché au cabinet du préfet de l'Hérault, sous la présidence de Raymond
Poincaré.
Mobilisé le 17 avril 1918, il est affecté au régiment de 2e génie basé à
Montpellier. Après une formation accélérée, il arrive dans les Vosges à Charmes
le 25 septembre et s'apprête à monter en ligne quand l'armistice est proclamé.
Il est envoyé successivement en Seine-et-Oise, à Verdun, puis à
Chalon-sur-Saône; il sera tour à tour menuisier, terrassier, téléphoniste,
affecté au dépôt démobilisateur, etc. Il est démobilisé début novembre 1919 et
se présente tout de suite à la préfecture de Montpellier, où il reprend ses
fonctions le 4 novembre.
La qualité de son travail le fait nommer chef-adjoint de cabinet fin 1920. Il
obtient sa licence de droit en 1921. Parallèlement, il devient vice-président de
l'Union générale des étudiants de Montpellier et membre des Jeunesses laïques et
républicaines.
En 1922, il entre dans l'administration préfectorale, comme chef de cabinet du
préfet de la Savoie, poste très important pour son âge, sous la présidence
d'Alexandre Millerand.
De 1925 à 1930, il est sous-préfet d'Albertville. Il est à l'époque le plus
jeune sous-préfet de France, sous la présidence de Gaston Doumergue.
En septembre 1926, il se marie avec Marguerite Cerruti, dont il divorcera deux
ans plus tard, en 1928.
En 1930, il est sous-préfet de Châteaulin dans le Finistère. Il y fréquentera
des poètes locaux comme Saint-Pol-Roux à Camaret et Max Jacob à Quimper.
Il fut également illustrateur du morlaisien Tristan Corbière. Parallèlement, il
publie des caricatures et des dessins humoristiques dans la revue Le Rire sous
le pseudonyme de Romanin.
En 1932, Pierre Cot homme politique radical-socialiste, le nomme chef adjoint de
son cabinet aux Affaires étrangères en décembre 1932 sous la présidence de Paul
Doumer.
En 1933, il est sous-préfet de Thonon-les-Bains et occupe parallèlement la
fonction de chef de cabinet de Pierre Cot au ministère de l'Air sous la
présidence d’Albert Lebrun.
En 1934, il est sous-préfet de Montargis et secrétaire général de la préfecture
de la Somme à Amiens.
En 1936, il est à nouveau nommé chef de cabinet au ministère de l'Air du Front
populaire d'où il aide les résistants républicains espagnols antifranquistes en
leur envoyant des avions et des pilotes. Il participe à cette époque à
l'organisation de nombreux raids aériens civils comme la traversée de
l'Atlantique Sud par Maryse Bastié, la course Istre - Damas - Le Bourget. À
cette occasion, il dut remettre le chèque aux vainqueurs (équipage italien) dans
lequel se trouvait le propre fils de Benito Mussolini.
En janvier 1937, il devient le plus jeune préfet de France d'Aveyron, à Rodez à
l'âge de 38 ans. Ses actions en faveur de l'aviation lui permirent de passer
cette même année du Génie à la réserve de l'Armée de l'Air. Il fut affecté à
partir de février 1937 à la base de Marignane avec le grade de caporal-chef
(mars 1937).
Il est affecté au Bataillon de l'Air 117 basé à Issy les moulineaux en août
1938. Il passe sergent de réserve le 10 décembre 1938.
La Résistance
En 1939, il est nommé préfet d'Eure-et-Loir à Chartres. Après la déclaration de
guerre, il se porte candidat à l'école des mitrailleurs allant à l'encontre de
la décision du Ministère de l'Intérieur. Il passe sa visite médicale
d'incorporation à l'école le 9 décembre 1939 sur la Base 117 d'Issy les
Moulineaux. Il est déclaré inapte le lendemain pour un problème de vue. Il force
alors le destin en exigeant une contre-visite à Tours, qui cette fois le déclare
apte. Mais le Ministère de l'Intérieur le rattrape et l'oblige à conserver son
poste de préfet d'où il s'emploie à assurer la sécurité de la population.
Il est arrêté en juin 1940 par les Allemands parce qu'il refuse d'accuser une
troupe de tirailleurs sénégalais de l'Armée française d'avoir commis des
atrocités envers des civils à La Taye, un hameau près de Saint-Georges-sur-Eure,
en réalité victimes de bombardements allemands. Maltraité et enfermé pour refus
de complicité avec les Allemands, il tente de se suicider en se tranchant la
gorge avec un débris de verre. Il évite la mort de peu et en gardera une
cicatrice qu'il cachera sous une écharpe.
En raison de ses idées républicaines marquées à gauche comme radical-socialiste,
il est révoqué par le Régime de Vichy du maréchal Philippe Pétain le 2 novembre
1940 et placé en disponibilité. Il se met alors à la rédaction de son journal
"Premier combat" où il relate sa résistance héroïque contre les nazis à Chartres
de manière sobre et extrêmement détaillée (ce journal sera publié à la
Libération et préfacé par le général de Gaulle).
Il s'installe dans sa maison familiale de Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône) d'où,
pressé par le besoin de "faire quelque chose" il s'impose deux buts : tout
d’abord il veut se rendre compte de l’ampleur de la Résistance française et
ensuite aller à Londres afin d’engager les pourparlers avec la France libre[1].
En septembre 1941, il rejoint Londres en passant par l'Espagne et le Portugal,
par ses propres moyens, sous le nom de Joseph Jean Mercier. Il est reçu par le
général de Gaulle à qui il fait un compte rendu controversé de l'état de la
Résistance en France et de ses besoins, notamment financiers et en armement. Son
compte-rendu donnera lieu à de nombreuses contestations de la part des
mouvements de résistance comme portant atteinte aux actions de renseignements au
profit de l'armée britannique, au financement et à la fourniture d'armes au
profit de chacun d'entre eux[2].
Misant sur l'intelligence et les capacités de Jean Moulin, le général de Gaulle
le charge d'unifier les mouvements de résistance et tous leurs différents
services (propagande, renseignements, sabotage, entraide) sur le territoire
français et notamment le plus important mouvement Combat dirigé par Henri
Frenay, afin d'en faire une armée secrète des forces françaises libres
complètement placée sous ses ordres. Avec des ordres de mission, des moyens
financiers et de communication radio directe avec le général de Gaulle à
Londres, il est parachuté dans les Alpilles dans la nuit du 1er janvier 1942 à
15 km de Saint-Andiol qu'il rejoint à pied. Il prend le pseudonyme évocateur de
Rex dans la Résistance. Le 27 novembre 1942 est créé le Comité de coordination
de Zone Sud à Collonges-au-Mont-d'Or dans le but de coordonner avec la mouvance
communiste les trois mouvements principaux de résistance de la zone libre. Jean
Moulin et ses alliés communistes cherchent - non sans mal - à y être
prépondérant sur les trois chefs Henri Frenay (Combat), Emmanuel d'Astier de La
Vigerie (Libération-Sud) et Jean-Pierre Lévy (Franc-Tireur).
Il utilise ensuite ses dons artistiques pour sa couverture de marchand d'art et
ouvre la galerie d'art « Romanin » - pseudonyme d'artiste de Jean Moulin - au 22
rue de France à Nice. En février 1943, il retourne rendre compte de sa mission à
Londres avec le général Delestraint, le chef de l'Armée Secrète communément
choisi par les mouvements de résistance et par le général de Gaulle pour
uniquement diriger leurs actions militaires sous l'ordre direct de ce dernier.
Ceux-ci considèrent alors la reconnaissance du général de Gaulle et de son
délégué unique Jean Moulin en tant que chefs politiques de la Résistance comme
étant uniquement politique et donc prématurée.
En février 1943, Jean Moulin retourne à Londres rendre compte de sa mission au
général de Gaulle qui le décore de la Croix de la Libération et le nomme
secrètement comme ministre membre du Comité national français et seul
représentant de ce Comité en métropole.
Il retourne en France le 21 mars 1943, sous le pseudonyme de Rex, chargé de
créer le CNR (Conseil national de la Résistance), tâche complexe, car il reste
toujours mal reconnu par les mouvements de résistance. La première réunion en
séance plénière du CNR se tient à Paris, 47 rue du Four, le 27 mai 1943.
Il parvient non sans mal à se faire admettre en tant que chef du CNR qui réunit
les chefs de tous les groupes de résistance française. Le CNR représente alors
l'unité des forces militaires secrètes françaises reconstituées aux yeux des
alliés et la légitimité de la France et du général de Gaulle comme seul chef de
cette armée et chef politique de la France.
Il favorise avec les mouvements communistes la création du grand maquis du
Vercors également controversé par les mouvements de résistance[3] comme étant
trop important et trop vulnérable pour entreprendre efficacement des actions de
guérilla. Ce maquis sera effectivement détruit par les forces nazies dans des
conditions sanglantes début 1944.
Maison dont le locataire était le docteur Dugoujon à Caluire (69).
Il est arrêté à la suite d'une dénonciation supposée, ou d'une négligence de la
part du résistant René Hardy, le 21 juin 1943 à Caluire-et-Cuire (Rhône), dans
un pavillon de la banlieue de Lyon loué par le docteur Dugoujon, où se tenait
une réunion avec les principaux chefs de la Résistance. Après avoir été
identifié et interrogé par le chef de la Gestapo Klaus Barbie au Fort Montluc de
Lyon, il est transféré à la Gestapo de Paris où il est torturé. Il meurt le 8
juillet 1943 aux environs de Metz, dans le train Paris-Berlin qui le conduisait
en Allemagne pour être de nouveau interrogé.
Maison dont
le locataire était le docteur Dugoujon à Caluire (69).
La légende
Il a d'abord été inhumé le 11 février 1944 au cimetière parisien du
Père-Lachaise, puis ses "cendres présumées" ont été transférées au Panthéon,
vingt ans plus tard pour commémorer le vingtième anniversaire de la Libération,
le 19 décembre 1964 sous la présidence du général de Gaulle. En réalité il
s’agit d’un cénotaphe, car son corps n'a jamais été identifié avec certitude.
Le discours d’André Malraux
Un discours solennel et émouvant fut prononcé lors de la grande cérémonie
officielle où le ministre de la Culture, grand homme de lettres, intellectuel et
philosophe de la République française, héros de la Résistance et compagnon de
Résistance de Jean Moulin, André Malraux fait entrer Jean Moulin au Panthéon des
grands Hommes de la République française. Il fait de lui à cette occasion « le
symbole » de l'héroïsme français, de toute la Résistance à lui seul en
l'associant à tous les Résistants français, héros de l'ombre, connus et
inconnus, qui ont permis de libérer la France au prix de leur souffrance, de
leur vie, et de leur idéologie de Liberté. Ce discours composé et dit par André
Malraux fait partie des plus grands discours de la République française et de
l'Humanisme : (Le discours prononcé par André Malraux lors du transfert des
cendres de Jean Moulin au Panthéon)[4].
« Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le
soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux
qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est
peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus
des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files
de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille
Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à
Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né
de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit… »
« C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec
les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles
de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège
d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme
tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses
lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la
France... »
Ce discours légendaire fut suivi de façon magistrale et grandiose par le chant
des Partisans interprété par une grande chorale devant le Panthéon.
Il fut prononcé dans des conditions rendant difficile la prise de son et fut
notamment retransmis en direct dans de nombreux lycées. Des enregistrements ont
été réalisés, on peut notamment l'écouter à l'audiothèque du centre
Georges-Pompidou ainsi que sur le site de l'INA.
Le manuscrit original de ce discours et conservé, et présenté au public, au
musée de l’ordre de la Libération situé dans l'Hôtel des Invalides à Paris aux
côtés de la tenue de préfet de Jean Moulin, de son chapeau, sa gabardine et son
écharpe.
Source: Wikipédia