10 novembre 1914 : Fin de la bataille
de Dixmude
Publié le 8 novembre 2013 par Eudes Turanel
En octobre 1914, après avoir échoué sur la Marne, l’Armée du Kaiser déplace ses
objectifs vers le nord du front franco-belge. Erich von Falkenhayn (1861-1922),
qui dirige le Grand Quartier Général en remplacement de Helmut von Moltke le
Jeune, décide alors de changer d’axe offensif afin d’achever la résistance de la
petite Armée Belge du Roi Albert Ier, afin de s’emparer des ports français de la
Mer du Nord et de la Manche. L’état-major allemand envisage même d’atteindre la
Normandie avant de se rabattre sur Paris. Cette opération sera appelée plus tard
« la Course à la mer ».
Helmut von Moltke
Mais pour cela, il faut forcer le cours de l’Yser, petit fleuve côtier des
Flandres derrière lequel se sont repliés les Belges, Français et Britanniques,
conformément aux décisions prises à la Conférence d’Ostende entre le Général
Henry Rawlinson, le Général Pau et Albert Ier Roi de Belgique (1875-1934). Le
Généralissime Joseph Joffre souhaitait que l’Armée Belge (six petites divisions,
soit 49 000 hommes) s’établisse derrière la Lys pour participer à une
contre-attaque. Mais Albert qui commande l’Armée Belge refuse et décide qu’elle
donnera le coût d’arrêt à la Kaisersheer sur l’Yser.
Le général Henry Rawlinson le Général Pau Albert Ier Roi de Belgique
DÉPLOIEMENT ALLIE
Ferdinand Foch qui commande le Groupe d’Armée Nord, décide d’arrêter les
Allemands dans cette région en menant une bataille de positions. On s’achemine
vers la fin de la guerre de mouvement.
Grâce à une rotation des transports quasi-impeccable organisée par les généraux
français Emile Belin (1853-1937) et Henri Berthelot (1861-1931), les Français
font parvenir des renforts sur l’Yser et à la Xe Armée de Louis Ernest Maud’huy
(1857-1921). Cette Grande Unité s’articule entre Givenchy et Arras. Le Corps de
Cavalerie d’Antoine de Mitry vient se placer sur Passchendaele et la forêt de
Houthulst.
L’Armée Britannique de John French (1852-1925) et le Corps de Cavalerie de
Conneau s’intercale sur la ligne Zonnebeke-Givenchy. Pendant ce temps, aidée par
les Britanniques, l’Armée Belge réussit à se positionner entre Ostende, Nieuport
et Dixmude et reçoit le renfort de la toute récente Brigade des Fusiliers Marins
commandée par le Contre-Amiral Pierre Alexis Ronarc’h (1865-1940), quimperois de
naissance qui est placée à la tête de 6 000 marins bretons transformés en
fantassins. L’unité, d’abord composée en grande majorité de bretons reçoit des
renforts de Toulon, Cherbourg et Rochefort. On note aussi la présence de 700
jeunes apprentis (seize ans). La Brigade des Fusiliers Marins est organisée sur
le même modèle qu’une brigade d’infanterie avec deux régiments. Mais les
compagnies de mitrailleurs sont directement reliées aux régiments. En septembre
1914, la Brigade a été déployée pour protéger Paris et sa banlieue ainsi que d’y
maintenir l’ordre. La présence des jeunes apprentis au sein de l’unité a suscité
l’amusement des parisiens qui les ont surnommé « les Demoiselles au pompon rouge
» ou « demoiselles de la Marine ». Quand les Bretons sont envoyés à Dixmude, ils
découvrent avec surprise l’état d’épuisement des soldats belges. Enfin, Belges
et Français seront soulagés par la flotte de l’Admiral britannique Hood qui
bombarde les forces allemandes qui parviennent sur le littoral
L’ENGAGEMENT
Le 19 octobre 1914, les Allemands lancent une nouvelle offensive et prennent aux
Belges les villages de Leke, Keyem et Beerst. Le commandement belge ordonne
alors un repli général derrière l’Yser car il estime que la ligne de chemin de
fer Ostende – Ypres est trop étirée pour pouvoir être défendue. La nouvelle
ligne de défense se situe alors entre Shoorbake et Taervate. C’est elle que les
Allemands vont frapper le plus durement et notamment sur Dixmude qui forme alors
un dangereux saillant en flèche. Le terrain sur lequel combattent les Fusiliers
Marins et les Belges du Colonel Meiser est une étendue plate – un shoore en
flamand – qui va jusqu’aux dunes du littoral et parcouru par des canaux et des
watergands. Et les seuls arbres sont des saules et des bouleaux qui forment de
petits bosquets. A Ronarc’h, Foch dit : « Il vous faut tenir à tout prix, mais
quatre jours vous serez relevés. » Les Bretons vont montrer au commandement de
la République Française qu’ils sont capables de très bien se battre.
« Amarrés » à Dixmude dans des tranchées profondes d’1.70 m jusqu’à près de 300
m des lignes allemandes, les Bretons qui respectent strictement la discipline de
bord, commencent à abattre à l’aide des petits canons belges tous les moulins ou
petits édifices qui peuvent servir d’observatoire aux Allemands. Albert Ier,
grand, pâle et en tunique noire, vient leur rendre visite et les remercier, ce
qui décuple leur courage. Le 21 octobre 1914, la IV. Armee du Duc Albert von
Wurtemberg (1865-1939) déclenche son tir de barrage avant de lancer son
infanterie à l’assaut. De lourdes pertes sont essuyées chez les Belges et les
Français. Puis, les Allemands passent à l’attaque mais ils sont repoussés par
les Belges et les Bretons. Wurtemberg ordonne de relancer plusieurs vagues mais
chacune se brise sur la féroce résistance des alliés. Mais Ronarc’h doit faire
donner ses réserves qui, malgré leur réserve numérique, réussissent à faire
rebrousser chemin aux ennemis, à la baïonnette et à la grenade.
Heureusement, le 16e Bataillon de Chasseurs de la 42e DI du Général François
Grossetti (1851-1918), « un corse ventru qui se bat à la manière d’Henri IV, qui
fait des mots en cognant comme un sourd », arrive en renfort à Furnes. Il
réussit à réoccuper Lombaertzyde. Peandant ce temps, Mitry et ses cavaliers
réussissent à enlever Bixhoode.
Le 24 octobre, afin de prévenir une attaque de côté, Pierre Alexis Ronarc’h,
envoie le commandant Rabot à Oudstuyvekenskerke pour établir une ligne de
défense au nord. Malheureusement les Allemands ont réussi à déborder les belges
de la vallée de l’Yser. Les Divisions Bavaroises et Wurtembergeoises réussissent
à accrocher la ligne ferroviaire Nieuport-Dixmude.
Le même jour Victor Urbal (1858-1943), commandant du Détachement d’Armée de
Belgique, ordonne à Grossetti de « maintenir la ligne de l’Yser à tout prix. »
Le courageux général corse arrête sa marche et ordonne à ses troupes de
s’enterrer, le tout sous le feu de l’artillerie lourde allemande. De son côté,
le Commandant Rabot réussit à reprendre Ramscapelle. Pendant ce temps, les
Fusiliers Marins de Ronarc’h continuent de repousser toutes les attaques
allemandes « à la fourchette » et à l’arme blanche. Le Contre-Amiral est
toujours là, au milieu de ses fusiliers, bras en écharpe après une blessure et
sabre de marine au poing. Les combats sont confus au point que les deux lignes
adverses finissent par se confondre. On joue de la baïonnette, du couteau, de la
pelle et du revolver. Les corps-à-corps deviennent presque quotidiens.
Dans la nuit du 25 octobre, un détachement allemand parvient à s’infiltrer dans
les lignes bretonnes et belges, capturent un médecin (Duguet), un aumônier
(l’Abbé Le Helloco) et un capitaine de frégate (Jeanniot). Les trois hommes sont
fusillés mais le détachement allemand se retrouve encerclé et anéanti. Les
Allemands réussissent certes à s’emparer des Positions 280 et 320 mais
l’ensemble du dispositif des Bretons ne bouge pas. Les troupes de la IV. Armee
ne tardent pas non plus à surnommer leurs ennemis « les demoiselles au pompon
rouge ». Mais l’effectif des hommes de Ronarc’h commence à fondre
dramatiquement.
Heureusement encore, le 26 octobre, Bretons et Belges sont rejoints par les
Africains du1er Bataillon de Tirailleurs d’Algérie et le 4e Bataillon de
Tirailleurs du Maroc,commandés respectivement par les commandants Frèrejean et
Brochot. Ces deux unités se sont bien comportées dans la région d’Arras les mois
précédents. Ils le feront encore dans la boue des Flandres.
Dans le même temps, le12e Régiment de Ligne belge arrête net les charges
bavaroises et wurtembergeoises dans la prairie du « Puits du Sang », justement
nommée. La Brigade de Meiser qui se comporte avec brio n’a plus que la chaussée
de la ligne ferroviaire Nieuport-Dixmude comme seule protection. Foch dira : «
ce talus d’1.20 mètres nous a sauvé ».
Le 30 octobre, les Allemands réussissent enfin à percer les lignes belges et
enlever Ramscapelle. Mais l’arrivée en trombe du XXXIIe Corps d’Armée Français
du Général Georges Humbert (1862-1921), qui s’est illustré dans les Marais de
Saint-Gond à la tête de la Division Marocaine (bataille de la Marne), allège la
tâche des Zouaves, Chasseurs et Tirailleurs de la 42e DI de Grossetti qui vient
sauver la situation et reprendre Ramscapelle lors de la seconde tentative.
Le 2 novembre, Grossetti et Ronarc’h font leur jonction. Le chef corse et le
marin breton décident communément de prendre le Château de la Tour-Blanche (Woumen).
Tirailleurs, Chasseurs, Zouaves et Fusiliers Marins s’élancent mais l’assaut est
infructueux. La mort dans l’âme les vaillants français et africains doivent
renoncer compte-tenu les trous dans leurs rangs.
FIN
Le 10 novembre 1914, après une période d’accalmie, les Allemands reprennent leur
assaut en force pour mettre fin à la résistance franco-belge. S’ensuit alors un
effroyable engagement au corps-à-corps où l’on va jusqu’à se battre à coups de
poings et à coups de pierre. Les Allemands réussissent à faire prisonniers
quelques fusiliers marins… qui réussissent à s’enfuir à la nage en traversant
l’Yser. Mais d’accord avec Albert Ier, le commandement français ordonne à ses
forces d’évacuer Dixmude transformé en tas de cendres et de boue. Ronarc’h et
Grossetti s’exécute pendant que, sur proposition de Charles Kogge Garde
wateringue de Furnes, le commandement Belge fait inonder les plaines de l’Yser.
L’avance allemande est stoppée et 100 000 hommes des armées du Kronprinz
Ruprecht von Bayern du Duc Albert sont tombés. Concernant les héroïques
défenseurs de Dixmude, il ne reste que 400 tirailleurs au Commandant Frèrejean
et seulement 11 à Brochot ! Pour ce qui est de la Brigade des Fusiliers Marins,
le Contre-Amiral Ronarc’h fait état de 1934 blessés, 698 prisonniers et portés
disparus et 510 tués, soit plus de la moitié de l’effectif total. Leur sacrifice
a eu un grand retentissement en France.
Après leur engagement en Belgique, les Fusiliers Marins Bretons sont cantonnés à
Nieuport en 1915 avant d’être renvoyés en mer et la brigade est dissoute. Les
marins qui se porteront volontaires pour servir à terre formeront un bataillon
qui combattra à Verdun. Le 11 janvier 1915, Raymond Poincarré (1860-1934) et le
Ministre de la Marine Jean-Victor Augagneur (1855-1931), remettent à l’Amiral
Ronarc’h (promu) le drapeau officiel de la Brigade de Fusiliers Marins.
Dixmude et Front de l'Yser / Portraits de
fusiliers marins / Guerre 14-18
http://www.youtube.com/watch?v=ZFsnDCB1a5o