Bataille d'Angleterre
En ce qu'elle mit un terme à la série de victoires éclairs et éclatantes des
Allemands, la bataille d'Angleterre (en anglais : Battle of Britain, juillet
1940-mai 1941) a marqué une étape décisive dans le cours de la Seconde Guerre
mondiale1. Elle opposa les armées de l'Air du Royaume-Uni et de l'Allemagne,
soutenue par l'Italie, dans une campagne aérienne marquée par les bombardements
de Coventry et de Londres, souvent désignée par l'expression « le Blitz ». Cette
opération de grande ampleur était menée par la Luftwaffe pour détruire la Royal
Air Force, annihiler la production aéronautique britannique et anéantir les
infrastructures aéroportuaires afin de permettre à l'armée allemande d'envahir
le Royaume-Uni. Un objectif alternatif était de terroriser la population
britannique et de pousser son gouvernement à faire la paix avec l'Allemagne.
Le contexte historique
En mai 1940, après 9 mois de « drôle de guerre », l'Allemagne attaque les
Pays-Bas, la Belgique et la France. Dès le 20 mai, la situation de l'armée
française est catastrophique : les Allemands ont atteint la Manche, coupant
l'armée française en deux.
Le corps expéditionnaire britannique en France réussit pour une bonne part à
échapper à l'anéantissement au cours de la bataille de Dunkerque (fin mai-début
juin).
Après trois semaines de combats en retraite de l'armée française, le maréchal
Pétain, devenu président du Conseil le 16 juin, signe l'armistice avec
l'Allemagne le 22, laissant le Royaume-Uni poursuivre seul le combat, avec
l'appui de plusieurs gouvernements en exil et de l'embryon de la France libre
(appel du général de Gaulle le 18 juin).
Le Royaume-Uni, dirigé par Winston Churchill, refuse de suivre l'exemple de la
France, contraignant Hitler à tenter d'envahir l'Angleterre. Un débarquement
paraissant impossible dès l'été 1940, Hitler lance une des plus grandes
opérations aériennes de l'Histoire. Il faut cependant souligner que durant le
cours de la bataille d'Angleterre, la détermination à envahir l'Angleterre n'a
pas été constante dans l'esprit d'Adolf Hitler. Par ailleurs, seul Herman Göring
semble avoir été partisan de cette stratégie. La marine comme l'armée de terre
allemande étaient perplexes et même au sein de la Luftwaffe, l'optimisme de
Göring quant aux chances de destruction de la Royal Air Force - condition sine
qua non du succès de l'invasion - ne faisait pas consensus. Le général
d'aviation Felmy avait précédemment estimé impossible de mener avec succès une
telle entreprise.
Les forces en présence
La Royal Air Force et la Luftwaffe
Du côté britannique, le poids de la bataille d'Angleterre va reposer presque
exclusivement sur deux types de chasseurs : le Supermarine Spitfire et le Hawker
Hurricane qui possèdent le même moteur Rolls Royce Merlin et un armement
identique : huit mitrailleuses Browning de 7,7 mm. Solide et robuste, le
Hurricane est une meilleure plate-forme de tir mais est moins rapide et moderne
que le Spitfire, le Hurricane est moins maniable que le Messerschmitt Bf 109
allemand, mais pas le Spitfire. Assez tôt dans la bataille, de par leurs
caractéristiques, les Hurricanes moins puissants seront prioritairement affectés
à la destruction des bombardiers alors que les Spitfires s'occuperont surtout
des chasseurs allemands.
Côté allemand, le chasseur principal est le Me 109, équipé d'un moteur Daimler
Benz à injection directe qui ne coupe pas pendant certaines manœuvres violentes
au contraire du Rolls-Royce Merlin britannique à carburateur. Autre différence,
il possède deux canons de 20 mm et deux mitrailleuses de 7,92 mm, mais, ses
atouts sont contrebalancés par son manque de maniabilité. De plus, il sera très
handicapé par sa faible autonomie qui bridera les pilotes allemands et les
rendra moins efficaces.
Le chasseur lourd bimoteur Me 110 possède une autonomie supérieure mais, malgré
son puissant armement de deux canons et quatre mitrailleuses dans le nez, il est
surclassé par les chasseurs anglais bien plus manœuvrables. Il sera par
conséquent décimé.
Trois types de bombardiers bimoteurs : le Heinkel He 111, le Junkers Ju 88 et le
Dornier Do 17 assez modernes surtout les deux premiers, sont utilisés par
l'armée allemande. Ils souffrent toutefois d'un manque d'armement défensif.
Enfin le bombardier en piqué monomoteur Ju 87 Stuka, bien qu'efficace contre des
cibles terrestres, est très vulnérable en raison de sa lenteur et de son manque
d'armement défensif.
Au début, environ 600 Hurricane et Spitfire font face à 2 500 avions allemands
et en particulier à environ 1 200 Me 109 et Me 110. Par la suite, les pertes de
la Luftwaffe et l'augmentation de la capacité de fabrication britannique
améliorent progressivement le rapport des forces en faveur des Britanniques, en
même temps que le renversement progressif du facteur humain en faveur des
pilotes anglais et alliés va finalement entraîner la défaite allemande.
L'intervention italienne : l'envoi du Corpo Aereo Italiano
Mussolini déclara la guerre à la France et à l'Angleterre le 10 juin 1940. Dès
le lendemain, les bombardiers de la Royal Air Force attaquèrent Milan et Turin.
La guerre commença mal pour l'Italie : le 14 juin, les avions et les croiseurs
de la Marine française bombardèrent Gênes, Vado Ligure et Savona lors de
l'opération Vado ; l'aviation française d'Afrique du Nord harcela les bases
navales de Sicile et Sardaigne. Pire encore, l'infanterie française, luttant à 1
contre 5 remporta la bataille des Alpes en stoppant l'offensive italienne.
Mussolini avait donc besoin de redorer son blason et proposa son aide à la
Luftwaffe pour attaquer l'Angleterre. Mais les Allemands ne voulaient pas
partager la victoire avec les Italiens et firent traîner les négociations. Ce
n'est qu'en septembre, alors que la bataille était perdue, que la Luftwaffe
accepta l'aide italienne. Le corps aérien italien, fort de 200 appareils (dont
seulement 80 bombardiers Cicogna BR20) fut envoyé en Belgique occupée pour
attaquer l'Angleterre. Du fait de nombreux problèmes de coordination avec les
Allemands, le Corpo Aereo Italiano ne put lancer sa première attaque avant le 24
octobre 1940. Malheureusement pour eux, les Italiens étaient équipés d'avions
démodés, peu performants face aux Hurricanes et Spitfires, comme le chasseur
Fiat 42 — un biplan ! — ou le bombardier BR 20 "Cicogna", très maniable et
rapide, mais, mal protégé et faiblement armé. Les attaques de la Regia
Aeronautica contre les villes côtières anglaises furent meurtrières au regard du
nombre de civils tués, mais finalement peu efficaces. Le 11 novembre 1940, les
Italiens lancèrent 10 bombardiers et 42 chasseurs dans la bataille. Les Anglais
perdirent deux appareils, mais, abattirent ou endommagèrent gravement une
quinzaine d'avions italiens. Ce combat fut surnommé « spaghetti party » par les
Anglais, qui retrouvèrent des provisions et des bouteilles de vin dans les
carcasses des avions Italiens — comme si les Transalpins étaient partis en
pique-nique. Dès lors, les Italiens se concentrèrent sur des attaques nocturnes,
puis, se retirèrent progressivement fin 1940-début 1941.
Cette intervention italienne ne permit pas de « sauver » la Luftwaffe, mais,
elle mit à jour de graves désaccords entre les partenaires de l'Axe : les
Italiens ayant le sentiment - fondé - d'avoir été pris pour des « bouche-trous
», les Allemands comprenant que leur allié n'avait ni les moyens, ni la volonté
de leur apporter un soutien efficace.
L'organisation de la Royal Air Force en 1940
La chaîne de commandement de la RAF est double. Il y a d'une part une structure
organique, et d'autre part, une structure géographique.
Des unités étrangères intégrées à la RAF combattent aux côtés des soldats de
l'Empire britannique : de nombreux Polonais, Tchèques et Slovaques, Canadiens,
Américains, Belges et Français libres...
Nation
Pilotes
Pologne
145–147
Nouvelle-Zélande 101–127
Canada
94–112
Tchécoslovaquie
87–89
Belgique
28–29
Australie
21–32
Afrique du Sud
22–25
France
13–14
Irlande
10
Inde
8
États-Unis
6
Rhodésie du Sud
2–3
Jamaïque
1
Palestine
1
Barbade
1
Ils savent que le Royaume-Uni est le dernier territoire leur permettant de
continuer le combat.
La structure géographique
La RAF est divisée en quatre "Groups" (Groupes, en français plutôt « régions
aériennes ») couvrant l'ensemble du Royaume-Uni :
• Le 10 Group, commandé par l'Air Vice Marshall Sir Christopher Quintin-Brand,
couvrait le Pays de Galles et l'ouest de l'Angleterre
• Le 11 Group, commandé par l'Air Vice Marshall Keith Park, couvrait le Sud de
l'Angleterre et Londres
• Le 12 Group, commandé par l'Air Vice Marshall Trafford Leigh-Mallory, couvrait
les Midlands d'Angleterre
• Le 13 Group, commandé par l'Air Vice Marshall Richard Saul, couvrait l'Écosse
et l'Irlande du Nord
Chaque Group comportait un nombre plus ou moins important de sectors (secteurs)
(sept pour le Group 11)
La structure organique
La structure organique, bien que calquée sur la structure géographique, obéit à
une logique opérationnelle. Les avions sont regroupés en Commands
(Commandements) en fonction de leurs missions :
• Le Bomber Command est responsable de toutes les unités de bombardement
• Le Coastal Command est responsable de toutes les unités de patrouille maritime
• Le Training Command est responsable de la formation des nouveaux pilotes
• Le Fighter Command regroupait toutes les unités de chasseurs.
Comme le Fighter Command a eu la part la plus importante dans la bataille, voici
son organisation. En 1940, le commandant du Fighter Command est l'Air Marshall
Sir Hugh "Stuffy" Dowding. Artisan de la victoire de la RAF, il s'oppose à
Churchill qui voulait envoyer plus d'avions sur le continent. Le quartier
général du Fighter Command était situé à Stanmore, dans la banlieue de Londres.
Chaque sector abritait une wing (escadre), réparti entre une base de secteur et
des aérodromes satellites. La wing était composé de deux ou plusieurs squadrons
(escadron) de douze avions.
Au 10 juillet 1940, près de 570 Spitfire et Hurricane sont prêts à faire face
aux assauts allemands.
La couverture radar et la procédure d'interception
Carte de la couverture des radars britanniques en 1940
Contrairement à une idée répandue, le radar n'était pas l'apanage des
Britanniques. Ainsi, les Allemands disposaient d'une avance théorique sur leurs
adversaires. Alors que ces derniers avaient acquis un avantage décisif en
s'attaquant plus tôt que les autres aux aspects pratiques. Le brevet du radar
est déposé en 1935 par Sir Robert Watson-Watt. L'état-major de la RAF saisit
immédiatement l'importance d'un tel système. Un total de soixante installations
est construit sur l'ensemble des côtes britanniques, la Chain Home. La procédure
d'interception était la suivante :
• une formation d'avions est repérée sur les écrans des radars ;
• les données sont interprétées par les opérateurs et transmises au quartier
général du Fighter Command ;
• le Quartier Général synthétise les informations et, en fonction des menaces,
il transmet des ordres aux différents secteurs.
En 1940, le système est rodé même s'il y a toujours des erreurs possibles : en
juillet, une formation de trois appareils envoyés intercepter un appareil unique
se retrouve face à vingt chasseurs allemands. Plus dramatiquement, des avions «
amis » sont pris pour des « ennemis » et détruits. Par la suite un « boîtier
réfléchissant » au radar, est installé dans les avions alliés pour les repérer
plus facilement sur les écrans. Mais cette mesure n'a pas concerné l'ensemble de
la flotte.
L'organisation de la Luftwaffe en 1940
La Luftwaffe est officiellement annoncée en 1935. La structure est identique en
1940. Le Commandant en chef de la Luftwaffe était Hermann Göring. La Luftwaffe
est divisée en Luftflotten (flottes aériennes) d'environ 1 000 avions chacune.
Les Luftflotten rassemblaient des Fliegerkorps (corps d'armée aérienne) pour les
bombardiers et des Jagdfliegerführer (Commandants de la chasse) responsables
d'environ 500 avions. Les appareils étaient regroupés en Geschwader (escadres)
de composition identique :
• Jagdgeschwader JG (escadres de chasse) composées de 94 Messerschmitt Bf 109
• ZerstörerGeschwader ZG (escadres de chasseurs lourds) composées de 94
Messerschmitt Bf 110
• Stukageschwader StG (escadres de bombardiers en piqué) composées de 94 Junkers
Ju 87 Stuka
• Kampfgeschwader KG ("escadres de combat", selon le modèle prussien d'analyse
stratégique, en l'occurrence, escadres de bombardement) composées de 94
bombardiers Junkers Ju 88, Dornier Do 17, Heinkel He 111.
Il est nécessaire de distinguer, en aviation, les termes d'escadrille, de groupe
et d'escadre, qui désignent des unités, ou éléments d'unités, très différents.
En 1939-45, l'escadrille n'était pas une unité autonome mais la moitié (France,
Royaume-Uni) ou le tiers (Allemagne) d'un groupe, qui était lui-même la moitié
ou le tiers (surtout en Allemagne) d'une escadre. Il n'y avait pas d'équivalent
britannique de la Jagdgeschwader allemande ni même de l'escadre française de
deux groupes (24 à 36 avions chacun dans la chasse), parfois trois. Les wings de
la RAF étaient en 1940 des groupements ad hoc de 2 squadrons (groupes) de 16
avions chacun, dont au maximum 12 en vol, parfois de 3 squadrons et la
composition de ces wings de la RAF variait en fonction des périodes et des
besoins. Ces wings étaient, en français, des escadres.
Adolf Galland a d'abord commandé, pendant cette dure bataille, le groupe de
chasse III/JG 26, donc le IIIe groupe (3 escadrilles) de la 26e Jagdgeschwader
(escadre de chasse). Les numéros des JG étaient plus ou moins aléatoires ; il
n'existait que neuf (9) JG en été 1940, plus trois groupes de chasse divers,
dont un à effectif réduit. Il n'existait pas de JG 1 ni de JG 4 à 25 incluses,
27 à 50 incluses ni 55 à 76 incluses. Les JG à effectifs complets qui existaient
en été 1940 étaient les suivantes : JG 2 et 3, 26 et 27, 51 à 54 et 77. Chaque
JG comprenait trois groupes d'environ 38 à 40 avions chacun en principe, plus
les 4 avions de l'état-major d'escadre : son effectif théorique total était de
120 à 124 avions et pilotes mais il n'était que rarement réalisé en raison du
manque d'avions et de pilotes de remplacement. Le nombre réel d'avions était
plutôt de 100 à 110 (dans la chasse) et souvent très inférieur à cause des
pertes. Certains auteurs ont trop tendance à écrire qu'un groupe de chasse
allemand participant à tel ou tel combat comptait 40 avions (124 pour une
escadre au complet), ce qui est toujours impossible car c'était l'effectif
théorique maximal, y compris les avions non disponibles (détruits et non encore
remplacés, endommagés et en réparation, ou subissant l'entretien indispensable).
Par exemple, le groupe III/JG 26 avait de 30 à 26, 18 et même 13 avions
disponibles suivant les jours, les pertes et les complètements, et de 29 à 10
pilotes de chasse utilisables au combat. En particulier, le nombre de pilotes
allemands capables de participer à des missions de guerre était même, souvent,
encore nettement inférieur au nombre d'avions disponibles (prêts pour le
combat). Les effectifs allemands en avions et en pilotes baissèrent souvent dans
une très forte proportion en raison des pertes subies au combat ou par accident,
et ce malgré les livraisons (insuffisantes) d'avions de complément et les
arrivées de pilotes formés et entraînés mais novices, donc très vulnérables
pendant leurs premières missions, et en nombre insuffisant. Ces problèmes
d'effectifs matériels et humains montrent clairement que l'Allemagne n'était pas
en mesure de vaincre les Britanniques dans le ciel. La production de chasseurs
britanniques était très supérieure en nombre à celle de l'Allemagne et
bénéficiait en outre de plusieurs avantages techniques qui allaient de pair avec
un effectif de pilotes qui, progressivement, se maintint en nombre suffisant par
rapport aux disponibilités humaines allemandes, ceci contrairement à une légende
héroïque entretenue par la propagande.
Les pertes terribles subies (des deux côtés) par les nouveaux pilotes, certes
bien entraînés — au moins au début — mais inexpérimentés, pendant leurs 5 à 10
premières missions de guerre, ont amené les Allemands à ajouter un « Groupe de
complément » à chaque escadre de chasse. Ayant un effectif réduit par rapport
aux autres, ce groupe était chargé de donner aux pilotes novices le maximum de
connaissances utiles au combat en les faisant profiter de l'expérience acquise
jusque-là et en les faisant participer à des combats simulés contre des pilotes
expérimentés de la même escadre.
Adolf Galland prit le 20 août le commandement de son escadre, la JG 26, dont il
fit rapidement l'escadre la plus efficace et la plus appréciée de ses protégés,
les bombardiers, qu'elle était souvent chargée (comme les autres JG) d'escorter
contre la chasse britannique.
Parler d'escadrille au lieu d'escadre est une erreur récurrente, due sans aucun
doute à une erreur de traduction. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, une
« escadrille » en français est l'équivalent d'une Staffel, là où Geschwader doit
impérativement être traduit par « escadre ».
Lors de la bataille d'Angleterre, trois Luftflotten (sur cinq) sont engagées :
• la Luftflotte 2 du Generalfeldmarschall Albert Kesselring, basée dans le
Nord-Est de la France, en Belgique et aux Pays-Bas ; dans laquelle fut inclus le
Groupo Aero Italiano envoyé par Mussolini
• la Luftflotte 3 du Generalfeldmarschall Hugo Sperrle, basée dans l'Ouest de la
France ;
• la Luftflotte 5 du Generaloberst Hans-Jürgen Stumpff, basée au Danemark et en
Norvège.
Au moment d'entamer les opérations, les trois Luftflotten totalisaient huit
Jagdgeschwader, trois Zerstörergeschwader, trois Stukageschwader et huit
Kampfgeschwader, soit entre 2 500 et 3 000 avions si l'on prend en compte les
avions de reconnaissance.
Le déroulement de la bataille d'Angleterre
On peut globalement distinguer trois phases durant cette bataille :
• Le bombardement des convois britanniques (début juillet 1940 - début août),
appelé « Kanalkampf » (Combat dans la Manche) par les Allemands.
• La tentative de destruction de la RAF (de début août au 7 septembre 1940) ;
• Les bombardements de Londres et des grandes villes (jusqu’à octobre 1940),
connus sous le nom de « Blitz » (éclair) qui se poursuivirent jusqu'au printemps
1941.
Durant la première phase, l'aviation allemande se consacra à l'attaque des
convois de ravitaillement britanniques. Cette tactique avait pour but d'isoler
le Royaume-Uni et de forcer les appareils de la RAF au combat.
Après un mois d'attaque des convois peu efficace (1 % du tonnage sous pavillon
britannique coulé), l'état-major allemand décida d'affronter directement la RAF
sur son sol. Pour ce faire, l'attaque des aérodromes militaires britanniques et
des usines de l'industrie aéronautique fut ordonnée. Cette période démarra le 13
août 1940, jour baptisé Adlertag (Jour de l'Aigle), le mauvais temps ayant
repoussé d'un jour le déclenchement des opérations.
Le 15 août, persuadé que la RAF avait perdu près de 300 appareils (soit la
moitié de son effectif théorique) et que les avions basés dans le Nord du
Royaume-Uni avaient été déplacés plus au sud, la Luftwaffe lance dans la
bataille sa Luftflotte 5, basée en Norvège et au Danemark. Elle devait attaquer
des objectifs en Écosse et dans les Midlands mais les chasseurs de la RAF
étaient toujours là et infligèrent des pertes sévères (20 %) à la force
d'attaque. La Luftflotte 5 fut retirée de la bataille et ses appareils furent
envoyés en renfort pour les Luftflotten 2 et 3. Le 15 août étant un jeudi, il
fut appelé « Jeudi noir » par la Luftwaffe.
Le 18 août fut le jour le plus terrible pour les deux camps qui enregistrèrent
alors le plus de pertes. Les pertes de bombardiers en piqué Stuka furent telles
que l'état-major allemand décida de les retirer en attendant des jours
meilleurs.
Le 24 août se produisit un évènement qui changea le cours de la bataille. Un
bombardier Heinkel He 111, croyant attaquer la raffinerie de Thameshaven, largua
ses bombes par erreur sur Londres, un objectif qui ne devait être attaqué que
sur l'ordre personnel de Hitler. En représailles, dans la nuit du 25 août 1940,
la RAF parvint à lâcher quelques bombes sur Berlin. Hitler se lança dans une
violente diatribe contre les Britanniques « S'ils bombardent nos villes, nous
raserons les leurs, s'ils lâchent des centaines de bombes nous en lâcherons des
milliers ». Le bombardement de Berlin fut un échec personnel pour Göring qui
avait juré que « Si une bombe tombe sur Berlin, vous pouvez m'appeler Maier »
(expression courante en allemand pour dire que quelque chose n'arrivera pas).
Hitler modifia sa stratégie et décida de bombarder les populations civiles des
villes britanniques et plus particulièrement de Londres en guise de
représailles.
Le 7 septembre, un raid de plus de 100 bombardiers escortés par près de 400
chasseurs fut envoyé sur Londres. Croyant que la cible de ce raid était en fait
les aérodromes de la RAF, le contrôle au sol britannique laissa les chasseurs de
la RAF couvrir ceux-ci, ce qui laissa le champ libre aux bombardiers allemands.
Ce changement permit à une RAF au bord de la rupture de souffler. En faisant
peser le poids de l'offensive sur les populations civiles, les Allemands
permettaient à la RAF de se reconstituer.
Le 15 septembre, un raid massif fut envoyé sur Londres. Dans son poste de
commandement, Hugh Dowding vit les cartes se remplir de symboles représentant
les ennemis en approche. Il demanda si tous les avions étaient en l'air et on
lui répondit par l'affirmative. À sa question sur l'existence de réserves, on
répondit de façon négative. Au même moment, au quartier général du 11e groupe à
Uxbridge, Winston Churchill suivait les événements en compagnie du vice-maréchal
de l'Air Keith Park dans la salle des opérations.
« Bientôt, les ampoules rouges indiquèrent que la majorité de nos escadrilles
étaient engagées. [...] En peu de temps toutes nos escadrilles étaient engagées,
et quelques unes rentraient déjà pour faire leur plein d'essence. Elles étaient
toutes en l'air. La rangée inférieure d'ampoules était complètement éteinte.
Nous n'avions plus une seule escadrille en réserve. À ce moment, Park appela
Dowding à Stanmore, pour lui demander de mettre à sa disposition trois
escadrilles du 12e groupe de chasse, pour le cas où une nouvelle attaque
d'envergure se produirait pendant que les escadrilles étaient en train de
refaire le plein de munitions et de carburant. Ainsi fut fait. [...] Jusque là,
j'avais observé en silence, mais je demandai alors "Quelles autres réserves nous
reste-t-il ?". "Aucune", me répondit le vice-maréchal de l'Air Park (Winston
Churchill) »
À cette heure, plus de 370 avions britanniques couvraient Londres. À la fin de
la journée, les Britanniques avaient perdu près de 40 avions, les Allemands 56
(ce qui est un très bon résultat pour la RAF). Ce résultat explique que le 15
septembre reste dans les mémoires comme le « Battle of Britain Day », le jour de
la bataille d'Angleterre. On peut dire que cette deuxième phase de la bataille
prit fin dans le courant du mois d'octobre.
À ce moment, l'opération Seelöwe d'invasion de la Grande-Bretagne fut ajournée
sine die et l'effort allemand contre le Royaume-Uni s'amenuisa. Les
bombardements de villes britanniques continuèrent néanmoins, mais avec une
intensité généralement moindre, jusqu'au printemps de 1941, quand Hitler ramena
le gros de la Luftwaffe vers l'est en prévision de l'invasion de l'Union
soviétique. Toutefois, quelques bombardements importants eurent encore lieu sur
les villes britanniques, notamment au début du mois de novembre avec les
attaques sur Coventry, Birmingham et Wolverhampton par exemple.
Les bombardiers allemands infligèrent à Londres les plus grands dégâts que la
capitale britannique ait subis depuis le grand incendie de 1666.
Analyses et débats
Le débat stratégique au Fighter Command
En 1940, Hugh Dowding rechigne à envoyer des avions de chasse pour soutenir
l'armée française, pressentant la future bataille d'Angleterre. La stratégie des
"petits paquets" qu'il préconisa pour la RAF face à la chasse allemande,
assortie de l'emploi tactique des Spitfire contre les chasseurs à croix gammée
(désignés « Bandits ») et des Hurricane, plus lents, contre les bombardiers de
Goering, permit d'éviter l'anéantissement des forces aériennes qui était
l'objectif de la Luftwaffe pendant les deux premières phases de la bataille (Kanalkampf
et attaque des terrains d'aviation ). Les WAAF, Women's Auxiliary Air Force,
furent employées 'en premier ligne' aux bases aériennes et aux stations radar, y
compris celles près de la Manche. Pour convoyer les avions de chasse sur les
terrains d'aviation d'Angleterre, les pilotes civiles du Air Transport Auxiliary
(ATA), parmi lesquels plusieurs femmes (166 à la fin de la guerre, mais une
trentaine pendant la bataille) furent très judicieusement employées, afin de
remplacer les pertes selon un flux très tendu du fait des difficultés de
production aéronautique ressenties sur les îles Britanniques. Les ATA n'avaient
pas de formation de combat et les avions neufs n'étaient pas encore munis ni
d'armes, ni de radio.
Mais un débat virulent animait les Air Chief Marshals au Q.G. de Stanmore
concernant la stratégie d'attrition. Les partisans d'une autre méthode finirent
par l'emporter à force de critiques formulées à l'encontre de Dowding : sous
l'influence de Trafford Leigh-Mallory en chef de file, l'Air Chief Marshal
Charles Portal, doit nommer Sholto Douglas (en) en octobre 1940 ; le nouveau
responsable amplifia la taille des escadrons de chasse, appliquant cette
stratégie diamétralement opposée à celle de Hugh Dowding : Big Wing (en).
Dowding n'était donc plus en charge au moment du Blitz.
Dowding fut écarté par cette autre faction et une mission liée à l'industrie de
l'armement aux États-Unis tint lieu de placard jusqu'en 1942.
Les historiens considèrent que la stratégie d'attrition tenue par Dowding a
permis à la R.A.F. de tenir le choc sur la durée, et donc de réduire les espoirs
d'invasion nazis pour la phase de débarquement. Seelöwe a donc été abandonnée,
les bombardiers Heinkel et Dornier se concentrant désormais sur les
bombardements de masse sur Londres.
Les causes de l'échec allemand
L'échec allemand s'explique par de nombreuses raisons :
• Un changement constant d'objectifs : les navires d'abord, puis les bases
aériennes et les usines, et enfin les villes.
• La non prise en compte de l'importance du radar, véritable œil de la RAF. Des
stations radar ont été ponctuellement attaquées, mais elles étaient remises en
fonctionnement assez vite.
• Les communications allemandes étaient déchiffrées par l'appareillage Ultra qui
offrait des informations inestimables aux Britanniques concernant les intentions
de l'ennemi.
• Des défaillances criantes des services de renseignement allemands qui ont
surestimé les pertes britanniques et commis de grosses erreurs dans
l'identification des bases de chasseurs anglais : même fin août les Allemands
continuent d'effectuer des raids sur des terrains d'entraînement ou de la
défense côtière.
• L'obstination de Hitler et Göring à vouloir raser Londres7.
• Les pertes subies par la Luftwaffe lors de la campagne de France : 20 % des
Messerschmitt 109 alignés en avril 1940 avaient été abattus, tuant aussi de
nombreux pilotes bien formés. C'est un point majeur qui a permis, grâce à la
pugnacité des pilotes français, d'affaiblir la Luftwaffe au bénéfice de la RAF
qui a reconnu ce fait.
• La faible autonomie du Messerschmitt 109, qui ne lui permettait pas d'escorter
suffisamment longtemps les attaques des bombardiers. La version "F" équipée de
réservoirs largables arriva trop tard. Le seul vrai chasseur à long rayon
d'action, le Messerschmitt 110 était quant à lui trop peu manœuvrant.
• Le rayon d'action trop faible des bombardiers allemands qui ne leur permettait
pas de voler jusqu'au nord de la Grande-Bretagne pour détruire les usines
écossaises qui fabriquaient les Spitfire et les Hurricane
• Le manque d'initiative laissé aux pilotes allemands. Même si, globalement, la
Luftwaffe possédait plus de pilotes expérimentés que la Royal Air Force grâce au
savoir-faire acquis en Espagne et Pologne (l'as des as allemand Helmut Wick a
abattu 53 avions, le sergent Josef Frantisek, pilote tchèque volant au sein de
la 303e escadrille de chasse polonaise de la RAF - en a abattu 17), elle perdait
une partie du bénéfice de cette expérience à cause de la tactique pénalisante
que représentait l'escorte des bombardiers qui privait les pilotes de leur
totale liberté de manœuvre. En outre, la R.A.F. disposait de pilotes entraînés
correctement, alors que, si la Luftwaffe disposait aussi de pilotes émérites,
beaucoup étaient entraînés sommairement. D'autre part, les pilotes de la
Luftwaffe vivaient sous une discipline pénalisante pour la santé, plus que les
pilotes de la Royal Air Force qui, eux, disposaient, par exemple, de plus de
jours de permission que les Allemands, ce qui leur permettait une récupération
physique suffisante pour continuer le combat dans de meilleures conditions que
leurs adversaires.
• Le lieu des combats : les pilotes allemands qui abandonnaient leur avion
abattu en sautant en parachute étaient, au mieux, faits prisonniers, mais perdus
pour le combat, tandis que les pilotes britanniques et alliés qui sauvaient leur
vie en se parachutant au-dessus de l'Angleterre, pouvaient retourner se battre
sur un autre avion. Petit à petit, le facteur humain s'améliora ainsi en faveur
de la Royal Air Force.
Le bilan humain et matériel de la bataille d'Angleterre est lourd : 30 000
morts, dont beaucoup de civils, et 2 millions de foyers détruits. Les chiffres
officiels concernant les avions de combat avancent environ 900 avions perdus
côté britannique contre environ 1 700 pour les Allemands. Cependant, du côté
britannique, n'est pas reprise la perte de nombreux appareils d'entraînement, de
secours, de réserve ou rendus obsolètes par l'usure au combat, ainsi que les
appareils civils. Si on inclut tous ceux-ci, on peut raisonnablement parler d'un
total de 1 200 avions de la Royal Air Force détruits, mais ce dernier chiffre
n'est pas à considérer dans la comparaison car il ne s'agit pas exclusivement
d'avions de combat alors que c'était le cas pour les 1 700 avions allemands
détruits. Ce chiffre des pertes allemandes semble assez complet et précis,
s'agissant exclusivement d'avions de combat bien répertoriés par la Luftwaffe
dans des statistiques qui ont été conservées.
La suite de la guerre aérienne et les pilotes belges et français
Dans la suite, après la bataille d'Angleterre, la Grande-Bretagne vit affluer
des volontaires de nombreux pays occupés et plusieurs escadrilles françaises et
belges furent formées autour du noyau de pilotes rescapés de la bataille
d'Angleterre.
Le roi Léopold III étant prisonnier en Belgique, le gouvernement en exil
commanda l'effort de guerre belge durant toute la guerre. Ainsi, le Congo belge
apporta à l'aviation 250 000 livres sterlings financées par les productions
coloniales de guerre. Cette somme servit à financer l'achat de 50 Spitfire,
contribuant à équiper trois escadrilles belges en Angleterre, les 350e, 650e et
la 349e d'abord engagée en Afrique. Parmi les chefs des escadrilles belges, mais
aussi britanniques, Raymond Lallemant, à la 609e escadrille, était le
spécialiste des attaques contre les chars et contre l'artillerie anti-aérienne (flak),
et Leboutte à la tête de Mosquito, bombardiers légers, attaquait en rase motte.
Parmi les autres Belges commandants d'escadrille, dont certains à la tête de
pilotes britanniques, on cite, entre autres, Jean Offenberg, déjà victorieux
dans les derniers combats aériens de l'aviation belge de 1940, Daniel le Roy du
Vivier et Michel Donnet (pilote évadé de Belgique sur un avion volé avec un
autre pilote belge, Divoy). En tout, à la fin de la guerre, 1 250 Belges (en
comptant le personnel au sol) ont servi en Angleterre, dans la Royal Air Force,
mais aussi dans la South African Air Force, où ils combattirent avec des avions
de type Boston et Marauder pour ensuite passer en Angleterre et y rejoindre les
autres escadrilles belges et combattre sur différents types d'appareil,
notamment Spitfire, Tempest, Tomahawk. Enfin, certains ont servi dans des
bombardiers britanniques et 220 dans l'aviation américaine.
La Royal Air Force ouvrit une école pour les pilotes belges et français, la
French-Belgian School de Odiham, dans l'Hampshire. Les cours avaient pour but de
former les pilotes chevronnés aussi bien que les novices à la terminologie
anglaise et au langage de commandement de la Royal Air Force. Les Français
libres sous le commandement du général Martial Valin, eurent cinq escadrilles,
les 340e (Groupe de chasse Île-de-France), 341e (Groupe de chasse Alsace) et
342e (Groupe de bombardement Lorraine), et deux groupes lourds, les 346e
(Guyenne) et 347e (Tunisie). Parmi les as français, René Mouchotte, mort au
combat, et l'as des as français, Pierre Closterman11, totalisant 33 victoires
acquises sur Spitfire, puis sur Tempest, aussi bien contre des chasseurs
allemands que contre des bombardiers et même, à la fin de la guerre, contre des
V1, missiles sans pilotes dont la vitesse impliquait parfois, pour les pilotes
alliés, de les attaquer en piqué pour approcher la vitesse du son avant
d'effectuer une brutale ressource pour éviter l'écrasement au sol, manœuvre
extrême exécutée aux limites de la résistance matérielle des avions et pouvant
entraîner leur dislocation.
Débat sur l'importance du radar britannique
De plus, bien que les succès offerts par le radar soient indéniables, il
convient de les démythifier et les ramener à leur juste valeur. La plupart des
communications allemandes étaient déchiffrées, dès 1940, par le projet Ultra des
Britanniques. Ce système tint ainsi ceux-ci au courant des difficultés des
Allemands, de leur manque d'objectif réel ainsi que des cibles et de la
composition des raids de bombardiers et de chasseurs du Reich. En fait, ce
système offrit des informations inestimables aux Britanniques concernant les
intentions de l'ennemi. Il permit bien plus d'interceptions que le radar, arme
"miracle" des Alliés, mais il fut tenu secret pour ne pas révéler aux Allemands
que leurs communications n'étaient plus sûres. Les succès furent ainsi attribués
en premier lieu au radar, vision encore transmise de nos jours par certains
historiens Il semble que seuls Hugh Dowding et Keith Park étaient au courant de
l'existence du système Ultra.
Londres endommagé par les bombardements