Historique du 52e Régiment d'Infanterie Coloniale - Campagne 1914-1918 (Librairie CHAPELOT ; Paris), numérisé par Jean-

Michel PLA.

 

CAMPAGNE 1914-1918

 

HISTORIQUE DU 52ème REGIMENT D’INFANTERIE COLONIALE

 

OFFICIERS

Ayant commandé le Régiment

 

PETITDEMANGE, lieutenant-colonel, du 2 juin 1915 au 25 septembre 1915.

CHEVALIER, chef de bataillon, du 25 septembre 1915 au 6 octobre 1915.

PETITDEMANGE, lieutenant-colonel, du 6 octobre 1915 au 22 novembre 1916.

FAUCON, lieutenant-colonel, du 22 novembre 1916 au 28 décembre 1916.

PETITDEMANGE, lieutenant-colonel, du 28 décembre 1916 au 3 avril 1917.

GARNIER, colonel, du 3 avril 1917 au 16 avril 1917.

EDEL, chef de bataillon, du 16 avril 1917 au 22 avril 1917.

BRISSET, colonel, du 22 avril 1917 au 23 avril 1917.

LAFITTE, lieutenant-colonel, du 23 avril 1917 au 23 août 1917.

EDEL, chef de bataillon, du 23 août 1917 au 3 septembre 1917.

LANDAIS, lieutenant-colonel, du 3 septembre 1917 au 1er octobre 1917.

COQUET, lieutenant-colonel, du 1er octobre 1917 au 12 novembre 1917.

EDEL, chef de bataillon, du 12 novembre 1917 au 9 décembre 1917.

COQUET, lieutenant-colonel, du 9 décembre 1917 au 16 août 1918.

EDEL, lieutenant-colonel, du 16 août 1918 au 1er mars 1919.

 

Origines du Régiment

Le 2e régiment mixte colonial (devenu par la suite le 52e R.I.C.) a été constitué le 4 mai 1915 à Puget sur Argens (Var) : 1° par un bataillon (commandant Fleury) venu du dépôt du 2e R.I.C. (Brest) qu’il avait quitté le 2 mars 1915 pour le camp de Fréjus ; 2° par un bataillon (commandant Chevalier) formé par une compagnie de chacun des régiments suivants : 2e R.I.C. (Brest) ; 3e R.I.C. (Rochefort) ; 6e R.I.C. (Lyon) ; 7e R.I.C. (Bordeaux).

Le régiment commandé par le lieutenant-colonel Petitdemange, est alors constitué comme suit : 8 compagnies, 1 compagnie H.R., 1 section de mitrailleuses.

Le 21 mai 1915, deux nouvelles sections de mitrailleuses sont constituées par des éléments prélevés sur les compagnies du régiments.

Ces deux sections, jointes à la section déjà existante, constituent la compagnie de mitrailleuses du régiment.

Le 2 juin, le régiment est dirigé sur Mailly où il arrive le 4 ; le 13, il quitte Mailly par voie ferrée et débarque le même jour à Cuperly.

Le 14, le régiment est porté à trois bataillons par l’adjonction d’un bataillon (commandant Huard) du 1er régiment mixte colonial dissous le même jour ; une compagnie de mitrailleuses de brigade est formée à cette même date à l’aide d’éléments prélevés sur les trois bataillons.

 

CITATIONS

 

FOURRAGERE AUX COULEURS DE LA MEDAILLE MILITAIRE

 

Citations du régiment à l’Ordre de l’Armée

Le Général commandant la IVe Armée cite à l’Ordre de l’Armée le 52e Régiment d’Infanterie

Coloniale :

« Remarquablement entraîné et préparé, quoique de récente formation, a, le 26 septembre 1915,brillamment enfoncé de haute lutte toute une série de lignes allemandes successives et s’est ensuite vaillamment maintenu en position pendant cinq jours de bombardement intense.

Le Général commandant la IVe Armée« Signé : GOURAUD »

(Extrait de l’Ordre Général n° 477 en date du 28 janvier 1916)

 

DÉCISION DU GÉNÉRAL COMMANDANT EN CHEF DU 23 NOVEMBRE 1917

« Régiment d’élite qui s’est fait, en Champagne, sur la Somme et à Verdun, une splendide tradition d’action énergique, de culte raisonné de l’offensive et d’indomptable ténacité. Le 24 septembre 1917, attaqué après un violent bombardement dès son entrée en secteur, n’a pas attendu l’arrivée de l’infanterie allemande sur ses tranchées, s’est lancé à la baïonnette et à la grenade sur l’ennemi et l’a reconduit dans ses lignes de départ en lui enlevant des prisonniers et en faisant définitivement avorter son attaque. A ensuite tenu pendant cinq semaines un secteur fortement pressé par l’ennemi sans perdre un pouce de terrain. »

 

ORDRE N° 407 – Ve ARMÉE – 22 SEPTEMBRE 1918

« Le 52e régiment d’infanterie coloniale, sous le commandement éclairé et énergique du lieutenantcolonel

Coquet, a défendu pendant plusieurs jours, avec une ténacité héroïque, la ligne de résistance dont il avait la garde, contre des attaques ennemies très vigoureuses et renouvelées deux fois par jour après une violente préparation. A rejeté notamment une attaque effectuée par trois régiments sur une croupe tenue par un seul bataillon. A rétabli, par d’énergiques contre-attaques, la situation compromise à sa droite et à sa gauche.

« Le Général commandant la Ve Armée, « Signé : BERTHELOT. »

La fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre a été conférée au 52e Régiment d’Infanterie Coloniale, par décision ministérielle du 2 décembre 1917.

 

Citations obtenues par les Unités du Régiment

 

ORDRE DE LA Xe ARMÉE N° 245 DU 15 DÉCEMBRE 1916

Le Général commandant la Xe Armée cite à l’Ordre de l’Armée :

« LA 10e COMPAGNIE DU 52e RÉGIMENT D’INFANTERIE COLONIALE :

« Au combat du 14 octobre 1916, brillamment enlevée par son chef, le capitaine Loubon, la 10e Compagnie a atteint en un superbe élan, sous un tir de barrage d’une intensité inouïe, tous les objectifs qui lui avaient été assignés. A fait preuve d’une endurance et d’une énergie au-dessus de tout éloge, en s’organisant et se maintenant sur les positions conquises, malgré des pertes énormes et un flanc découvert. »

 

Le régiment est alors constitué comme suit : 12 compagnies, 1 compagnie H.R., 1 compagnie de mitrailleuses de régiment, 1 compagnie de mitrailleuses de brigade.

Le 1er juillet, le régiment quitte Cuperly par voie ferrée et débarque le jour même à Somme-Tourbe ; il occupe jusqu’au 3 juillet les cantonnements de la Salle et de Saint-Jean-sur-Tourbe.

Le 3, le régiment gagne par voie de terre Tilloy, la Croix-en-Champagne, Saint-Julien-de Courtisols. Il occupe ces localités jusqu’au 22 juillet.

Le 22 juillet, départ pour Suippes ; le régiment s’établit au bivouac à l’est de cette ville.

Le 27, le régiment est mis à la disposition de la 7e D.I. pour l’exécution des travaux.

Le 16 août 1915, le 2e régiment mixte colonial devient le 52e régiment d’infanterie coloniale.

Le 17 août 1915, le 52e R.I.C. rejoint son corps d’armée (le 2e C.A.C.) à Suippes, et il est employé à des travaux dans le secteur de Souain (préparation de l’attaque du 25 septembre).

Pendant cette période de travaux, les pertes sont : Officiers tués, 2 ; blessés, 2. Troupe : tués, 24 ; blessés,95.

 

L’Offensive de Champagne

(Septembre 1915)

C’est alors que se déclencha, en Champagne et en Artois, une offensive qui faillit nous donner la victoire.

Les Marsouins comme toujours, furent à l’honneur. Le 52e R.I.C. attaqua en Champagne. Voici comment le capitaine Diverres narra cette attaque, la première du régiment :

« Le 21 septembre, nos parallèles n’étaient pas à plus de 100 mètres des tranchées ennemies et, bien que nos places d’armes ne fussent pas entièrement achevées, nous nous trouvions cependant dans de bonnes conditions pour entamer l’offensive.

« Comme régiment de choc, le 52e R.I.C. ne laissait rien à désirer. Il avait été aguerri par plus de six mois d’exercices, d’entraînement, par des périodes d’occupation de tranchées et par des travaux exécutés de jour et de nuit, à proximité de l’ennemi, sous un feu violent d’artillerie et de mitrailleuses.

« Le moral des hommes était excellent, la confiance très grande, car nul n’ignorait que cette fois, une puissante artillerie appuierait le mouvement en avant et que les munitions ne feraient pas défaut. L’état sanitaire était également satisfaisant. Bien qu’un peu amaigris par les veilles et les travaux de dernier mois, nos soldats n’en étaient pas moins vigoureux, alertes, décidés et capables, en un mot, de supporter les fatigues et les vicissitudes d’une marche en avant de longue durée. Ils l’ont amplement prouvé dans la formidable bataille qui suivit.« L’artillerie entama l’action le 22 septembre ; son tir, extrêmement violent, continua les 22 et 25 septembre et atteignit sa plus grande intensité dans la nuit du 24 au 25. des bois où le régiment était bivouaqué, on apercevait quelques points d’arrivée des projectiles d’artillerie lourde et les bouleversements qu’ils semblaient produire dans les lignes adverses, augmentant encore la confiance de tous dans le succès.« L’artillerie allemande répondait sans toutefois que son feu égalât la puissance du nôtre. Au cours de la préparation d’artillerie, les dernières mesures furent prises pour la marche en avant.

« Dans l’après-midi du 24, l’ordre du jour du généralissime fut lu à la troupe et chacun se prépara à faire bravement son devoir. L’Ordre d’attaque de la division fut communiqué dans la soirée : le régiment devait faire partie des troisième et quatrième vagues, il avait pour objectif, les ouvrages de Presbourg et de Wagram, et ces ouvrages enlevés, ils devaient continuer à progresser aussi loin que possible. La route de Souain à Somme-Py limitait à gauche le secteur d’attaque de la division.

« A minuit, les bataillons quittèrent leurs bivouacs pour gagner les emplacements d’attente situés tout prés des parallèles de départ. Ce mouvement, exécuté par nuit noire, dans des parallèles et des boyaux enchevêtrés , suivi par tous les éléments d’une division, s’accomplit avec ordre. A 3 heures du matin, les bataillons étaient à pied d’œuvre et recevaient un complément de munitions (2 grenades par homme).

« Vers 6 heures, l’heure de l’attaque fut communiquée à la troupe. On eut bien soin d’expliquer aux hommes que l’artillerie cesserait son tir à 9 heures ; que la première vague quitterait la parallèle de départ à 9 h 10 ; que la deuxième vague la remplacerait dans la parallèle de départ et déboucherait quand la première aurait gagné une distance de 50 mètres ; que les autres vagues procèderaient de même ; que le tir d’artillerie reprendrait alors, non sur les premières tranchées ennemies, mais sur celles plus en arrière pour se continuer suivant notre avance. « Jusqu’à 9 heures, l’artillerie française fut seule en action. A 9 h 10, la première vague bondit hors de la parallèle de départ et, entre 9 h 15 et 9 h 20, ce fut le tour des troisième et quatrième vagues dont le 52e faisait partie. « Mais entre le moment où cessa le tir de notre artillerie et celui où déboucha la première vague, l’ennemi s’était

ressaisi. Il déclencha un formidable barrage entre ses lignes et les nôtres ; ce barrage ne réussit pas à arrêter la marche de nos vagues, mais, le régiment, sur une distance de moins de 200 mètres, laissa le quart de son effectif.

 

« La première parallèle allemande était faiblement occupée, il n’en était pas de même des autres, où l’on se heurta à la résistance opiniâtre de certains groupes disséminés dans des îlots de résistance soigneusement aménagés. L’ordre était de ne pas entrer dans les tranchées, mais de progresser par les terre-pleins pour ne pas ralentir l’élan, la marche en avant continua. Les vagues se reformaient d’elles-mêmes, après le franchissement des obstacles, et les ouvrages de Presbourg et de Wagram furent abordés et enlevés après un rude combat de tranchée où la baïonnette joua le plus

grand rôle. Peu ou pas de prisonniers : l’acharnement était trop grand de part et d’autre.

« AU-DELA des ouvrages de Presbourg et de Wagram, le terrain était à peu prés dépourvus de travaux de défense et l’on pût s’avancer jusqu’aux dernières crêtes bordant la Py. « Mais des troupes d’attaque, il ne restait qu’une mince ligne formée de groupes d’hommes de tous les régiments,

encore animés d’une belle ardeur offensive. Certains éléments, retardés par la résistance qu’ils avaient rencontrée, rejoignaient, et l’on pouvait espérer l’arrivée prochaine des réserves. L’enthousiasme était grand malgré la fatigue et les pertes. Pour tous, la percée était un fait accompli. Plus de 6 kilomètres avaient été franchis, 11 lignes de tranchées enlevées, dont quelques unes renforcées de réseaux encore intacts, et deux ouvrages puissamment organisés avaient

été enlevés de haute lutte. Nous dûmes cependant nous arrêter, notre barrage roulant, fixé à la dernière crête de la Py, s’opposait à toute avance.

« Tout fut mis en oeuvre pour faire allonger le tir. Des agents de liaison furent envoyés vers l’arrière, mais il est probable qu’ils ne purent remplir leur mission. Une pluie torrentielle qui tombait depuis 10 heures du matin empêchait le vol des avions et aucune liaison téléphonique n’avait pu être organisée, le personnel étant dispersé ou hors de combat. « Néanmoins, vers midi, le lieutenant-colonel Petitdemange fit savoir que l’artillerie allait allonger son tir. Notre barrage ayant été reporté plus loin, la première ligne se porta en avant. Il était trop tard. Après avoir progressé de quelques pas, la ligne était clouée sur place par le feu terrible de mitrailleuses partant d’une tranchée bordant la crête

et des boqueteaux environnants. Ce feu de mitrailleuses était appuyé par un tir d’artillerie très bien réglé qui augmentait d’intensité et forma vite un obstacle infranchissable dans le secteur d’attaque de la division. »


 

Les jours suivants furent employés à l’organisation du terrain conquis. Le régiment fut relevé le 30 septembre et il cantonna jusqu’au 3 octobre au bivouac O (bois de Bussy).

La bataille de Champagne lui avait coûté : Officiers tués, 9 ; blessés, 22. Troupe : tués, 144 ; blessés, 665 ;disparus, 188.

A la suite de ce combat, le régiment fut cité à l’Ordre de l’Armée dans les termes suivants :

Le Général commandant la IVe Armée cite à l’Ordre de l’Armée le 52e Régiment d’Infanterie Coloniale :

« Remarquablement entraîné et préparé, quoique de récente formation, a, le 26 septembre 1915, brillamment enfoncé de haute lutte toute une série de lignes allemandes successives et s’est ensuite vaillamment maintenu en position pendant cinq jours de bombardement intense.

Le Général commandant la IVe Armé « Signé : GOURAUD »

 

De la Champagne à la Somme

Le 3 octobre, le régiment est enlevé, par autos, de Bussy-le-Château et conduit à Orly-Mareuil d’où il est dirigé par chemin de fer, le 4, sur Clermont-sur-Oise où il débarque le même jour.

Des renforts étant arrivés, les compagnies sont reformées ; l’instruction et l’entraînement reprennent ; des cours d’élèves caporaux, d’élèves sous-officiers, de perfectionnement, et des conférences sont organisés.

Le 26 décembre, le régiment quitte ses cantonnements, gagne Poix par voie de terre, y embarque le 31 décembre, débarque à Noyelles et occupe les cantonnements de Forest-l’Abbaye, la Motte-Bleux et Neuillyl’Hôpital.

De 3 au 16 janvier, le régiment exécute des manoeuvres au camp de Saint-Riquier.

Le 1er février 1916, il est créé une deuxième compagnie de mitrailleuses de régiment. La composition du 52e R.I.C. devient la suivante : 12 compagnies, 1 compagnie H.R., 2 compagnies de mitrailleuses du régiment, 1 compagnie de mitrailleuses de brigade.

le 15 février, le régiment prend le service des tranchées à Armancourt, cote 99, L’Echelle Saint-Aubin. Le 19 avril, il quitte ce service et cantonne au Fretoy et à Rollot.

Pendant cette période du 15 février au 19 avril, les pertes ont été les suivantes : Officier blessé, 1. Troupe : tués, 18 ; blessés, 51 ; disparus, 1.

Le 4 mai, le régiment prend les tranchées à Tilloloy-Popincourt, Dancourt, et il les garde jusqu’au 13 août1916.

Depuis le 20 février, la bataille pour Verdun a éclaté ; les deux corps coloniaux n’y participent pas (seuls le R.I.C.M., le 41e et le 43e R.I.C. y représentent les Marsouins) ; ils organisent le secteur entre Roye et Lassigny.

Pendant six mois, ce ne sont que travaux formidables et patrouilles incessantes. D’ailleurs peu de pertes au régiment pour qui cette période a plutôt été un repos.

Le 13 août, relève ; le régiment cantonne à Royaucourt jusqu’au 3 septembre.

A cette date, il est dirigé, en autos, sur le camp de Wiencourt où, jusqu’au 28 septembre, il est soumis à un entraînement sévère que rendait nécessaire le long séjour qu’il venait de faire dans un secteur calme. La tranchée fatigue une troupe, lui fait perdre une partie notable de sa valeur combative ; les hommes d’une même compagnie ne se connaissent pas toujours, les bataillons s‘ignorent. La cohésion principale force d’une unité finit par s’atténuer.

Tout le mois de septembre fut donc employé à une remise en main nécessaire.

Les équipes de grenadiers furent particulièrement entraînées ; les F.M. qui ne s’étaient encore jamais servi de leurs arme au régiment dans une période active, virent leur instruction mise au point. De nombreuses théories furent faites aux hommes sur la tactique nouvelle inaugurée dans la Somme. L’artillerie lourde règne maintenant en maîtresse sur le champ de bataille ; elle écrase les lignes adverses que l’infanterie occupe ensuite.

Le 25 septembre 1916, anniversaire de la bataille de Champagne, le colonel passe le régiment en revue et,le reste de la journée fut consacré à une fête organisée avec les concours du 18e R.I.T.

Le 28, le régiment gagne à pied le camp de Marly où il s’installe. Le canon s’entend plus distinctement, du côté des Anglais surtout. Le 29, les officiers vont reconnaître les emplacements de leurs unités dans le

secteur qui est assigné au régiment. Dès Dompierre, le champ de bataille offre au regard un aspect désolé ;les réseaux de fils de fer ravagés, les trous d’obus en quantité innombrable témoignent de l’âpreté des combats du 1er juillet. Les cimetières de Dompierre sont remplis de tombes de soldats français. Le village où l’on s’est battu n’est plus qu’un amas de décombres.

A quelque distance de Dompierre, à mi-chemin d’Assevillers, se trouve le P.C. du général de division. La pluie a détrempé le terrain ; les camions ont défoncé toutes les routes. Jusqu’à Assevillers, peu de mouvement, tous les ravitaillements se font de nuit. Assevillers a souffert, mais moins que Dompierre. C’est à l’entrée du village que l’on prend le boyau interminable qui conduit à un plateau dénudé d’abord à Belloy-en-Santerre, puis, en première ligne, en avant de ce qui fut le parc de Belloy.

Les boyaux de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, des Sénégalais, sont trop connus de nos hommes du régiment pour ne pas rappeler ici leur nom. Il faut absolument y passer car à Assevillers commence le Ravin de la Mort où se trouvent nos batteries avancées et qui est constamment battu par le canon ennemi.

Le 1er octobre, le 1er et le 2e bataillons prennent les lignes en avant de Belloy-en-Santerre, prés de Barleux ; le 3e bataillon reste en réserve de brigade à Assevillers.

Les tranchées qu’il occupe sont éboulées ou pleines d’eau ; le village est bombardé durant la journée.Dès le 2, le 3e bataillon fournit des travailleurs au P.C. de la brigade (au Grand Bois) et en première ligne (boyau de Tahure), puis tous les jours, l’effectif est réparti dans le secteur suivant les besoins : des hommes sont mis à la disposition des bataillons en ligne, d’autres à la disposition du 33e R.I.C. Les compagnie travaillent souvent sous le bombardement et subissent des pertes sérieuses. Pendant ce temps, le 1er et le 2e bataillons tiennent les tranchées du poivre, à cheval sur la route de Belloy à Barleux.

Ce séjour en ligne est pénible. Le ravitaillement se fait mal ; le bombardement est parfois violent (notamment le 6 octobre, de 125 h 30 à 18 heures, dans le secteur de la 5e compagnie, en réserve du régiment) ; le service de veille est chargé ; les patrouilles sont actives dans le ravin devant nos lignes. Bien qu’il n’y ait eu aucune action d’infanterie, les pertes totales du régiment sont assez élevées : au 1er bataillon, 6 tués, 19 blessé ; au 2e bataillon, 7 tués, 28 blessés ; au 3e bataillon, 11 tués, 23 blessés. Le 7 octobre, les bataillons en ligne sont relevés par des bataillons du 53e R.I.C., à l’exception des C.M. qui ne

sont relevées que le 8, et des compagnies sénégalaises qui restent jusqu’au 10.

Le régiment est rassemblé au camp de Marly où l’instruction reprend immédiatement. Le 10, un avion ennemi survole le camp et lance des bombes sur les baraquements. L’une d’elles tombe sur le cantonnement de la 3e compagnie sénégalaise, tue 2 hommes et en blesse 17.

 

Bataille de la Somme

(Octobre 1916)

Le 9 octobre 1916, le Lieutenant-colonel Petitdemange reçoit l’ordre général d’opérations de la 10e division d’infanterie coloniale. Le 52e régiment d’infanterie Coloniale, devait attaquer le 14 octobre dans la région d’Horgny, près de Belloy-en-Santerre. « On s’emparera tout d’abord des tranchées de raccordement du Sansonnet et de Souabe avec la première vague en

se liant à droite au mouvement du 33e Régiment d’infanterie coloniale. Dès que ce régiment se lancera à l’assaut de la tranchée des Annamites, le 52e R.I.C. reprendra le mouvement en avant, en ordre, à allure modérée, pour conserver la cohésion, et occupera la tranchée des Annamites prolongée ainsi que le boyau d’Horgny. Ces lignes prises, les troupes s’arrêteront sur place, les compagnies de première ligne occupant les tranchées conquises, les compagnies de soutien, les parallèles de départ et l’ancienne première ligne.« Deux bataillons en ligne, un bataillon de réserve avec la C.M. 4  à Assevillers.

Le 3e bataillon (commandant Coste) partira de la tranchée Stop, attaquera perpendiculairement à la parallèle de départ et de là, rejoindra l’intersection du boyau d’Horgny avec la tranchée des Annamites prolongée. « Le 1er bataillon (commandant Brunner) attaquera le boyau d’Horgny. »

Les points délicats qu’il faudra tenir énergiquement, ajoute l’ordre du colonel, sont : Jonction de la tranchée de Württemberg avec le boyau d’Horgny, jonction du boyau d’Horgny et des tranchées de Vaux et des Annamites.

La reconnaissance du terrain fut faîte par les officiers le 12. Dans la nuit du 12 au 13, le régiment fut mis en place dans les conditions suivantes : Le 1er bataillon eut deux compagnies en ligne (1re compagnie sénégalaise et 5e compagnie) ; deux compagnies en réserve (1e et 2e compagnies).

Le 3e bataillon eut deux compagnies en ligne (3e compagnie sénégalaise et 10e compagnie) ; deux compagnies en réserve (9e et 11e compagnie). Les compagnies d’attaque avaient chacune, comme moyen de liaison avec l’aviation, 24 pots Ruggieri qu’elles devaient allumer 4 par 4 dans le fond des trous d’obus pour jalonner leur emplacement.

Les compagnies furent amenées à pied d’oeuvre le 14 octobre dans la nuit ; deux sections formant la première vague, deux sections la seconde. Dans la nuit et la matinée, l’ennemi déclencha sur nos lignes, à deux reprises, des bombardements assez vifs qui nous causèrent quelques pertes. Les compagnies d’attaque, se tenaient dans les parallèles de départ (tranchée Stop, tranchée du Crabe et saillant de Damloup) ; les compagnies de réserve devant former la 3e et 4e vagues, se trouvaient dans les tranchées de

Souville à 100 km au sud de Belloy-en-Santerre. A midi, on reçoit communication de l’heure H.

L’assaut sera donné à 13 h 30. A 13 heures, l’artillerie ennemie ralentit son tir, on remet de l’ordre dans les unités. Le 1er bataillon qui n’a pas eu de pertes sensibles, fait une sortie très brillante. Dans un ordre parfait, avec un élan irrésistible, les deux vagues partent à peu prés simultanément et la distance qui doit les séparer ne peut être maintenue en raison de l’enthousiasme et de la rapidité avec lesquels cadres et hommes se portent à l’assaut.

« L’objectif assigné a été rapidement atteint (écrit le 16 octobre le capitaine Loisy, commandant la 1re compagnie sénégalaise) ; les prisonniers allemands ont été délaissés et rejetés vers l’arrière devant leur attitude suppliante et absolument inoffensive, la préoccupation du moment ne permettant pas de s’occuper d’eux. »

Mais les objectifs furent largement dépassés et il fallut faire exécuter aux hommes un léger mouvement de repli pour qu’ils vinssent se placer dans le boyau d’Horgny et dans un petit élément de la tranchée de Souabe.Le 3e bataillon sous les ordres du commandant Coste partit lui aussi à 13 h 30. La première vague de la 10e compagnie, enlevée brillamment par son chef, le capitaine Loubon, s’élance de la tranchée sous un crépitement de balles. Elle arrive à la tranchée de raccordement et tente aussitôt d’atteindre le deuxième objectif qui lui était assigné.

Elle atteint la tranchée des Annamites prolongée, remonte cette tranchée pour chercher sa liaison avec le 33e R.I.C. jusqu’au point où la tranchée coupe la route de Villers-Carbonnel-Estrées. Mais les munitions manquent ; les unités sont mélangées ; quatre avions allemands mitraillent nos lignes et dirigent le tir de l’artillerie ennemie qui se fait plus violent.

La 10e compagnie ne peut réussir à se maintenir… Elle essaye de s’organiser sur place à 200 mètres de la tranchée de raccordement . Le terrain n’offre pas un champ de vues bien étendu à droite ; les hommes croient que le 33e R.I.C. n’a pu déboucher de ses lignes, et, après l’arrivée de la vague de renfort, voyant la situation extrêmement critique, le capitaine donne l’ordre de repli. Ce repli est exécuté sous la protection d’un élément qui ouvre le feu sur des groupes ennemis qui sont aperçus dans la direction de Villiers- Carbonnel et qui se préparent à contre-attaquer. Les survivants de la 10e compagnie et de la 3e compagnie

sénégalaise viennent s’installer dans la tranchée de raccordement et dans celle du Sansonnet ; bientôt la 9e compagnie et la 11e compagnie (de réserve) viennent organiser ces tranchées. Les compagnies d’assaut se retirent alors dans la tranchée de Damloup. Il est 19 heures.

A 13 h 30, la 10e compagnie était à peine partie que la 9e compagnie prenait sa place dans la parallèle de départ « poussant » la deuxième vague de la 10e compagnie. Les hommes, bien en main malgré l’intensité du tir, ne se cachaient pas : ils voulaient voir leurs camarades courir sus aux Allemands. Les pertes furent, de ce fait, assez sensibles. Les Allemands, dès 14 heures, arrosaient nos premières lignes avec des obus de gros calibres et bientôt le champ de bataille se couvrit de poussière et de fumée : « on n’y voyait pas à trois

pas » déclarait un soldat.

Jusqu’à 18 heures, la 9e compagnie demeura ainsi dans la tranchée Stop. Des patrouilles furent alors envoyées en avant pour faire la liaison, avec les troupes d’assaut (3e, 5e et 10e compagnies).

A 18 h 15, le chef de bataillon donnait l’ordre à la 9e compagnie, d’envoyer deux sections renforcer la 10e compagnie qui venait de se replier et qui était incapable de tenir seule sa position. Lorsque ces deux sections arrivèrent, elles trouvèrent la tranchée à peu prés vide.

A gauche, le même mouvement avait été exécuté par la 6e compagnie (mise à la disposition du commandant Coste, 3e bataillon).

Cette compagnie sous les ordres du lieutenant Pettorelli, quittait Assevillers à 15 heures, et arrivait dans la tranchée Stop à 18 heures, sous un bombardement d’une extrême violence. Les hommes furent admirables de courage et de sang-froid. Le lieutenant Pettorelli put rendre compte que, sur 185 hommes, 179 étaient arrivés pleins d’entrain à la tranchée Stop. Immédiatement le lieutenant Pettorelli reçut l’ordre d’envoyer reconnaître en avant les troupes occupant la tranchée du Sansonnet et de contreattaquer l’ennemi s’il avait repris pied. Le lieutenant Foujanet partit avec la 1re section ; il atteignit la tranchée, s’y installa et l’organisa ; les autres sections l’y rejoignirent bientôt.

L’occupation fut sérieuse et les liaisons s’établirent avec le 33e R.I.C. dans la tranchée du Calmont.

La 7e compagnie vint à 15 heures s’installer dans la tranchée Stop. Elle y fut soumise à un violent bombardement et eut en quelques minutes, 4 tués et 6 blessés. Vers 18 heures, la gauche de cette compagnie était à la route de Villers-Carbonnel, sa droite en liaison avec la 6e compagnie. En fin de journée, la situation était donc la suivante : La 1ère compagnie sénégalaise, la 3e compagnie, la 3e compagnie sénégalaise et la 10e compagnie ont atteint et même dépassé leurs objectifs, mais y sont revenues.

La tranchée, à peine gardée par les éléments restant des compagnies d’attaque est occupée vers 18 heures. Nos pertes sont assez sérieuses, mais on a tué du Boche.

La 5e compagnie (capitaine Balesi) passa la journée du 14 dans un ravin au nord de Belloy-en-Santerre et ne fut pas engagée.

Le 15, à 6 h 15, les 5e et 7e compagnies (2e bataillon) regagnent Assevillers ; la 6e reste à la disposition du commandant Coste pour l’aménagement du terrain conquis. Le bombardement est continu ; les hommes tiennent héroïquement sous une pluie de fer et repoussent toutes les contre-attaques ennemies. Le lieutenant Pettorelli est grièvement blessé à la tête. A 17 heures, la 7e compagnie monte en soutien dans la tranchée de Souville.

Les journées des 16, 17 et 18 octobre sont encore très dures.

Le 17, le bombardement est particulièrement intense. Des rassemblements sont signalés dans le ravin d’Horgen, mais aucune action n’a lieu.

Le 18, une contre-attaque ennemie se déclenche dans le secteur du 33e R.I.C. (tranchée des Annamites).

La 5e compagnie est immédiatement alertée et reçoit l’ordre d’arracher la tranchée des Annamites à l’ennemi. Mais le 33e R.I.C. a réussi une brillante contre-attaque et l’action de la 5e compagnie devient inutile.

Le 20 octobre, le 3e bataillon est relevé par un bataillon du 42e R.I.C.

Les pertes du régiment, pendant la bataille de la Somme, furent les suivantes : Officiers : tués 5 ; blessés : 12 ; disparus : 2. Troupe : tués : 118 ; blessés : 378 ; disparus : 48. Total : 173 morts et disparus.

La 10e compagnie fut citée à l’ordre de l’Armée dans les termes suivants :

« Au combat du 14 octobre 1916, brillamment enlevée par son chef, le capitaine Loubon, la 10e compagnie a atteint, en un superbe élan, sous un tir de barrage d’une intensité inouïe, tous les objectifs qui lui avaient été assignés. A fait preuve d’une endurance et d’une énergie au-dessus de tout éloge, en s’organisant et se maintenant sur les positions conquises, malgré des pertes énormes et un flanc découvert. »

 

De la Bataille de la Somme à la bataille du 16 avril 1917

Dès la relève, le 3e bataillon vient cantonner à Chuignolles. Le 1er et le 2e bataillon sont au bivouac auxabris de la cote 99 près de Dompierre. Le 26, tout le régiment est rassemblé au camp de Marly et à Chuignolles où l’instruction reprend.

Le 28, les sénégalais quittent le régiment pour aller au camp du Courneau (Gironde).

Le 3 novembre, reprise des tranchées par le 2e bataillon dans le secteur de Barleux. Les bataillons se succèdent en ligne ; les bataillons de réserve se tiennent, l’un au GrandBois (très inconfortablement installé dans un terrain crayeux), l’autre dans les tranchées d’Assevillers. La bataille de la Somme tire à sa fin. Le temps devient franchement mauvais. La vie dans les tranchées est pénible. La terre argileuse du Santerre se liquéfie et chaque boyau devient le lit d’une véritable rivière de boue. Les chemins sont impraticables, on y enfonce dans la vase jusqu’au ventre. Le ravitaillement ne se fait qu’avec une peine inouïe. Le service des brancardiers est particulièrement pénible. Les musiciens surtout qui assurent le transport des blessés des P.S. des bataillons au P.S. du médecin-chef, sont exténués.

Cette période laisse dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue un pénible souvenir. On réagit contre l’énervement causé par les obus, mais on ne peut rien contre l’immonde boue…

Les tranchées de Wurtemberg, d’Haïphong, de Gouillé, qu’occupe le régiment, ne sont pas bombardées systématiquement (sauf cependant le 9 et le 10 novembre où quelques pertes sont signalées).

Dans la nuit du 18 au 19 novembre, le régiment est relevé par le 7e régiment de tirailleurs algériens ; il va se regrouper au camp de Marly où il demeure le 19. Le 20, des camions l’enlèvent en pleine nuit prés de Cappy et le transportent dans l’Oise à Francastel.

Il hiverne pendant trois mois dans cette région. L’instruction de la troupe reprend chaque fois que le temps le permet, mais on se repose très souvent car l’hiver 1916-1917 fût loin d’être clément.

Le 16 décembre, le 3e bataillon du 52e R.I.C. est amené subitement dans la somme en camions automobiles. Il débarque le même jour à 10 h 30 à Ignaucourt et part le lendemain pour le camp 61.

Le 18, il est dans le secteur de Belloy-en-Santerre (la 9e compagnie en réserve, la 11e compagnie au parc de Belloy, la 10e dans la tranchée Blanche, la C.M. 3 dans la tranchée de Souville). Le bataillon est en réserve de brigade. La vie dans la boue gluante recommence… Mais le séjour en ligne est de courte durée. Le 25 décembre 1916, le 3e bataillon quitte Belloy-en-Santerre à 13 h 30 et rejoint le camp de Marly. Le 26, il s’embarque en autos près de la sucrerie de Proyard (au sud de Chuignoles) et débarque à Haute-Epine où il retrouve le reste du régiment. Jusqu’au 9 février 1917, le régiment reste à l’arrière, se dirigeant lentement sur l’Aisne et faisant, au cours de ce déplacement, de nombreux séjours consacrés à l’instruction. Le 9 février (étant à Dravigny), le régiment est enlevé en entier à 12 heures et transporté à Blanzy-les-Fismes ; de là, il gagne immédiatement les premières lignes où il relève le 5e R.I.C. dans le secteur de Poissy

.

La Bataille du 16 avril

Les mois de février et mars 1917 furent particulièrement pénibles ; la préparation de l’attaque du printemps battait son plein et toutes les troupes non employées à la garde des premières lignes avaient un rôle à jouer dans l’organisation du terrain.

Le 52e R.I.C. fut spécialement chargé de la construction de la voie de 0 m. 60 affectée au ravitaillement en munitions des batteries de gros calibres installées dans le ravin de Passy. Le 1er bataillon, puis le 2e bataillon participèrent successivement à ce travail qui laisse un mauvais souvenir dans l’esprit des hommes. Cantonnés successivement dans les creutes de Champagne, où l’obscurité et l’humidité régnaient en maîtresses, les marsouins partaient au travail au point du jour pour ne rentrer qu’à la nuit tombée. Les alertes pendant le jour étaient fréquentes ; incursions d’avions, rafales de 150 ou de 77, obligeaient fréquemment les travailleurs à déposer l’outil. D’autre part, le temps fut très mauvais pendant toute cette période et des bourrasques de neige et de pluie entretenaient la boue intense produite par le

dégel de la fin février.

Malgré tout le travail avançait et, le 4 avril, les bataillons étaient retirés de la zone des travaux et ramenés à l’arrière à Arcis-Le-Ponsart et à Baslieux-les-Fismes.

Du 5 au 9 avril, les bataillons se reposèrent et se remirent en forme. Le 10 avril, le 2e bataillon (commandant Fournier), recevait l’ordre de prendre position en première ligne en avant du village nègre, à la tête de la vallée secondaire qui, par Vassogne et Jumigny, rejoint la vallée de l’Aisne. C’était cette partie du front que le régiment devait attaquer, mais ce détail n’était pas encore connu ? pas plus du reste que le jour de l’attaque. La prise de possession de ce secteur fut marqué par un violent bombardement par gaz asphyxiants – c’était la première fois que le régiment était vraiment en contact avec ces nouveaux

moyens de destruction – mais on put mettre les masques à temps et nous n’eûmes pas de pertes sérieuses à déplorer.

Du 10 au 15 avril, les compagnies du 2e bataillon furent employées, tout en assurant la garde du C.R., à aménager le secteur d’attaque : transports de munitions ? constructions de chicanes et des parallèles de départ, aménagements, dépôts de matériel et de munitions, toutes ces corvées leur incombèrent pendant cette dure période. Les hommes subirent sans se plaindre, toutes ces fatigues supplémentaires, mais ce fut néanmoins un véritable soulagement pour tous quand on apprit, le 15 au matin, que le jour de l’attaque était fixé au lendemain.

Le 15 avril, à 8 heures, le colonel Petitdemange, commandant le groupement du 52e R.I.C. - 58e colonial noir - , réunit ses officiers supérieurs du 52e R.I.C. au P.C. du Village-Nègre pour leur donner ses dernières instructions. Le temps était mauvais ; le vent soufflait en tempête, des averses tombaient à chaque instant, détrempant de plus en plus, un terrain transformé, par endroits, en véritables marais.

Le 15 avril à 22 heures, le chef de bataillon Fournier, commandant le 2e bataillon, quitta son P.C. du Village-Nègre pour aller prendre le commandement des troupes d’attaque dans la tranchée de Tulle ; la nuit était complètement noire, la pluie tombait sans interruption et les mouvements de troupe nécessités par la mise en place des unités d’avant rendaient la circulation particulièrement lente et pénible dans les boyaux. A 3 heures, les commandants de compagnies avaient rendu compte que leurs troupes avaient gagnés leurs

emplacements à l’exception, toutefois, de deux sections sénégalaises et des « lance-flammes », dont le chef de bataillon fut sans nouvelle pendant toute la bataille. Le moral de la troupe à ce moment là était très élevé, on sentait les hommes décidés à en finir. L’ordre du jour du général Nivelle leur avait été lu le 15 à midi. Comme le généralissime, ils espéraient bien qu’ils allaient quitter la tranchée pour toujours et que la guerre de mouvement allait recommencer. A 5 h 30, tout le monde était sur pied, le fusil ou la grenade au poing attendant le signal d’attaque. Nos batteries tiraient sans discontinuer sur les lignes ennemies. Les Allemands réagissaient peu, quelques obusfusants éclatèrent pourtant au-dessus de nos lignes, mais sans nous causer de pertes. A 5 h 55, le 58e colonial noir, plus éprouvé que le 52e R.I.C. par le tir de l’artillerie adverse, sortit de ses tranchées 5 minutes avant l’heure fixée. Pour éviter une rupture de la ligne, le commandant Fournier donna à son tour le signal de départ et le 2e bataillon se porta tout entier en avant avec un entrain

merveilleux. La tranchée de Gotha fut prise sans résistance, le saillant de Cobourg enlevé, et la progression se poursuivit à travers un terrain chaotique complètement bouleversé par les tirs des jours précédents. Vers 6 h 15, les 5e et 6e compagnies se heurtèrent à un réduit énergiquement défendu par des mitrailleuses et durent s’arrêter pour enlever cette position à la grenade. En même temps, d’autres mitrailleuses allemandes se dévoilaient et bientôt tout le plateau fut violemment battu par les balles. En moins de dix minutes, la 7e compagnie (capitaine Dardenne) avait tous ses officiers et son adjudant tués ou blessés. Le sergent Durousse en prit le commandement qu’il conserva pendant toute l’action.

Pendant que le 2e bataillon du 52e R.I.C. voyait ainsi son mouvement en avant retardé, le 58e R.I.C. noir continuait sa progression. Un trou menaçait de se produire dans la ligne d’attaque entre les deux régiments, par lequel une contre-attaque allemande aurait pu prendre nos troupes à revers et compromettre gravement la situation. Dès que le chef de bataillon Fournier se fut rendu compte de la situation, il s’employa, aidé du capitaine-major Blachère et du capitaine Fauchon, commandant la C.M. 2, à rallier les éléments disponibles (une section de la 7e compagnie, une section de la compagnie sénégalaise de réserve, section de Kerrios et Moried de la 2e compagnie) pour parer à ce danger. Après une demiheure

d’efforts, la liaison était rétablie avec le 58e R.I.C., et à 8 heures, le commandant Fournier pénétrait dans la tranchée d’Essen, dominat la vallée de l’Ailette et le village d’Ailles qui lui avait été assigné comme premier objectif.

Pendant ce temps, les 5e et 6e compagnies avaient réduit à la grenade les nids de mitrailleuse avec l’appui des compagnies du 1er bataillon. Mais les pertes avaient été lourdes dans cette lutte opiniâtre où les Allemands se firent tuer sur leurs pièces plutôt que de se rendre. Les munitions commençaient à manquer et le 33e R.I.C., chargé d’enlever, à droite, la ferme d’Hurtebise, s’était heurté à une résistance qui ne lui avait pas permis de progresser suivant l’horaire prévu.

A partir de 8 h 30, les troupes parurent fixées sur leurs positions. Une tentative faite par le sous-lieutenant de Kerrios pour descendre dans la vallée de l’Ailette, échoua sous le feu des mitrailleuses installées sur l’éperon d’Ailles ; le sous-lieutenant de Kerrios et la moitié de sa section furent fauchés par les balles allemandes. Son camarade de la 2e compagnie, le sous-lieutenant Mohier devait être tué le 16, à 18 heures, par un obus allemand.

Pendant toute la matinée du 16 avril, la réaction de l’artillerie allemande fut faible. Seules, deux batteries de 105 installés prés du château de la Bove, prenaient à partie nos troupes lorsqu’elles se dévoilaient. Nos pertes élevées furent causées par les mitrailleuses. Le colonel Garnier, commandant le régiment, avait été tué à 7 heures, d’une balle dans la tête. A 8 heures, le chef de bataillon Galland, commandant le 1er bataillon était tombé mortellement blessé par une balle en essayant de progresses entre les boyaux Hibou

et Chouette.

Le commandant Edel, qui avait pris le commandement du régiment après la mort du colonel Garnier, donna, à 14 heures, au commandant Fournier, l’ordre de rallier son bataillon et de le reporter en arrière, à l’ouvrage du Champignon. Le régiment n’avait plus de réserves à ce moment et la grande densité des troupes en première ligne aurait entraîné des pertes considérables dans le cas d’une réaction violente de l’artillerie allemande. Le mouvement s’exécuta en ordre par échelon, et la situation resta sans changement pendant la nuit du 16 au 17.

Le 17 avril au matin, une reconnaissance d’un officier de l’état-major de la 10e D.I.C., constata que la liaison effectuée entre la droite du 58e R.I.C. dans la tranchée d’Essen et la gauche du 52e R.I.C. dans le boyau Goettingen n’existait qu’à la vue. Le boyau Goettingen, au nord de la batterie casematée, n’existait plus. Tout le terrain au sud de l’éperon d’Ailles était battu par les mitrailleuses, établées au boyau de Goessingen, interdisaient en fait toute incursion de l’ennemi dans cette coupure. Le commandant du 52e R.I.C. reçut néanmoins l’ordre de faire occuper, par son bataillon de réserve, les tranchées passant par la côte 197-00, de manière à masquer en arrière l‘emplacement de la première ligne.

La reconnaissance du terrain fut faite par le commandant Fournier et ses commandants de compagnies et le mouvement était en voie d’exécution lorsqu’une vive contre-attaque se produisit sur le bataillon du 33e R.I.C. établi dans la tranchée d’Ems. Le commandant Du 52e R.I.C. reçut alors l’ordre du colonel commandant le groupement de porter le bataillon Fournier en soutien du 33e R.I.C., prêt à contreattaquer si l’ennemi pénétrait dans la tranchée d’Ems. La contre-attaque fut repoussée à la grenade par le 33e R.I.C. sur l’ordre du commandant du groupement ; le bataillon Fournier fut alors partagé en deux :

les 6e et 7e compagnies sous les ordres du commandant Fournier, allèrent occuper la tranchées de la cote 187. la 5e compagnie, sous les ordres du capitaine adjudant-major Blachère, alla renforcer le 2e bataillon du 33e R.I.C. dans la tranchée d’Ems. Le capitaine Blachère prit le commandement des troupes occupant cette tranchée. Ces mouvements furent terminés à 16 heures. La soirée et la nuit se passèrent dans l’attente de contreattaques qui ne se produisirent pas.

Pendant toute la journée du 18, la situation ne subit aucun changement devant le front du 52e R.I.C. Le bombardement ennemi est continu, parfois très intense sur la ligne de soutien (tranchée de Weimar). L’infanterie ennemie ne réagit que par des tirs de mitrailleuses.

Le temps était resté déplorable : pluie, neige, boue épaisse rendaient les conditions d’occupation très difficiles. Les hommes sans aucun abri étaient incapables d’un geste offensif. Ils auraient tenu en cas d’attaque, c’était tout ce qu’on pouvait leur demander.

La reconnaissance du secteur fut faite dans l’après-midi du 18 par les officiers du 8e tirailleurs. La relève commença à la tombée de la nuit et ne fut terminée que le 19 à 9 heures. Deux sections de tirailleurs et une compagnie de mitrailleuses s’étant égarées pendant la nuit.

Nos pertes étaient sérieuses : Officiers tués, 9 ; blessés, 15 ; Troupe : tués, 87 ; blessés, 367 ; disparus :113.

Le nombre de prisonniers faits par le régiment était très faible, 40 à 50 au plus. La première ligne était peu garnie. Les défenseurs se sont défendus avec rage, se faisant tuer sur place ; trois officiers réfugiés au fond d’un abri du boyau d’Ulm ont refusé de se rendre et blessé grièvement un sergent qui tentait de s’approcher d’eux ; on dut , en définitive, leur lancer des grenades asphyxiantes et boucher l’abri.

Le 52e a pris quelques mitrailleuses (6 à 8) et 5 minenwerfer dont un de gros calibre (210). Ces derniers engins n’ont pu être ramenés à l’arrière, l’état du terrain ne permettant pas leur transport.

 

Le secteur de Baccarat

Le 19 avril, le régiment est relevé et va bivouaquer à la ferme de Cussy et à la ferme de Fréport. Le 20, il fait mouvement pour cantonner à Vauxérré (1er et 2e bataillon) et à Paars (3e bataillon et C.H.R.). Le 22, des camions le transporte à Chartrait-les-Bois et Bonnay (Marne). Il va rester au grand repos dans cette région jusqu’au 24 mai. Les hommes sont fatigués moralement plus encore que physiquement. Ils avaient espéré une victoire éclatante qu’ils n’avaient pas obtenue malgré leur vaillance.

Cette période de 1917 qui a suivie la bataille de l’Aisne est la plus douloureuse et la plus pénible de la guerre. Les esprits sont las, on parle de trahison à l’intérieur ; des éléments suspects essayent de jeter le trouble dans l’armée ; mais le 52e R.I.C. ne se laisse pas atteindre. Son ardeur et son moral restent entiers.

Le 24 mai, le régiment est enlevé en camions automobiles, et transporté à Baccarat, Bertrichamp et Neufmaisons.

Dès le 25 mai, le 3e bataillon prend les lignes dans le secteur de Badonvillers où il remplace le 102 R.I. Les deux autres bataillons sont en réserve de la division, ce qui leur permet de continuer intensivement leur instruction. Les effectifs ont été rétablis et c’est en pleine forme que le régiment va reprendre la vie de la vie de la première ligne. Les bataillons se relèvent en ligne. La relève a lieu tous les 6 jours. Le temps est beau, le ravitaillement aux

tranchées est bon. Peu d’événements à signaler. Les sous-secteurs changent d’ailleurs assez souvent. Le régiment occupe ceux de Badonviller, Notre-Dame-de-Lorette , Ayneville, Aubervillers, le bois Banal, etc.

De loin en loin, une embuscade est tendue. Les secteurs sont d’un calme absolu. Pas un coup de fusil. Le canon ne tonne que très rarement. Le 14 juillet, le drapeau du 52e R.I.C. et le fanion de la 10e compagnie furent envoyés à Paris pour la revue avec un détachement comprenant le capitaine major Fauchon, le lieutenant Vinot, porte-drapeau, le lieutenant Choffet, 2 sous-officiers, 2 caporaux et 25 soldats. Le 24 août, le régiment est relevé et cantonne à Benney où l’instruction est reprise. En réalité, elle n’avait jamais été abandonnée. C’est la période pendant laquelle de nombreux cours de perfectionnement ont été établis à l’arrière pour les officiers. Un grand nombre de lieutenants et de sous-lieutenants y furent

envoyés.

La troupe fut également entraînée par de nombreux exercices.

Le régiment est bien préparé et au grand complet lorsque le 12 septembre, il est dirigé sur Verdun

 

Verdun

Le régiment arrive le 22 septembre à Verdun. Le jour même, le régiment monte en ligne en réserve, d’abord à Louvemont, puis, le 23, au fort de la Vaux. Le chemin à parcourir est pénible. Le régiment est à peine installé, vers 3 heures du matin, que le bombardement par obus spéciaux commence, implacable.

Le 24 septembre, le chef de bataillon Fromenty (commandant le 3e bataillon), en tournée de visite de secteur, se trouvait avec le capitaine Alibert au centre de la première ligne, lorsque se produisit un bombardement d’une extrême violence qui dura de 5 heures à 5 h 30. L’attaque allemande se déclencha à 5 h 45 sur le front de la 9e compagnie. L’ennemi s’avançait en trois vagues. Il réussit à franchir le faible réseau de fils de fer et à aborder la tranchée où il fut reçu à coups de grenades puis repoussé à la baïonnette avec un magnifique élan. Les Allemands en fuite laissèrent sur le terrain de nombreux cadavres et quelques blessés dont deux officiers. Le capitaine Alibert qui commandait à l’endroit attaqué,

fut grièvement blessé vers 6 h. A signaler la conduite de la section Gayraud qui, se portant en avant, réduisit les Allemands les plus acharnés. La section de mitrailleuses fut vaillamment défendue dans un furieux corps à corps par les hommes de l’adjudant Poujen.

Pendant ce temps, les sections de soutien n’étaient pas restées inactives. Dès 6 h 30, la 10e compagnie venait se placer en renfort entre la 9e et la 11e compagnies qui avaient éprouvé des pertes sensibles. La compagnie sénégalaise, à laquelle le lieutenant Cregut avait, par une initiative heureuse, fait franchir le ravin de Farbus avant que le barrage ne fut trop violent, fut dirigée en soutien derrière la 9e compagnie ; une section se mit en liaison avec le 33e R.I.C., les trois autres sections assurèrent le ravitaillement du bataillon sous un violent bombardement. Ce ravitaillement put être considéré comme un modèle du genre. Alors qu’il semblait impossible de circuler sous les obus, les sénégalais réussirent à amener en ligne

des munitions en quantités plus que suffisantes. Un des prisonniers conduit au commandant Fromenty lui déclara que cette attaque avait été préparée de longue date et devait être exécutée par deux divisions. Aussitôt, deux nouvelles compagnies (la 5e et la 7e) furent mises à la disposition du 3e bataillon.

Le reste de la journée fut marqué par un violent bombardement d’obus de gros calibre (150 et 210 surtout), mais aucune nouvelle attaque ne se produisit. Les Boches en avaient assez. L’échec magistral que venait de leur infliger notre 3e bataillon avait calmé leur humeur belliqueuse.Le 3e bataillon reçut le soir même les félicitations du général Marchand et, quelques jours plus tard, le régiment fut cité à l’ordre de l’Armée pour ce brillant fait d’armes avec le motif suivant : « Régiment d’élite qui s’est fait, en Champagne, sur la Somme et à Verdun, une splendide tradition d’action énergique, de culte raisonné de l’offensive et d’indomptable ténacité. Le 24 septembre 1917, attaqué après un violent bombardement dès son entrée en secteur, n’a pas attendu l’arrivée de l’infanterie allemande sur ses tranchées, s’est lancé à la baïonnette et à la grenade sur l’ennemi et l’a reconduit dans ses lignes de départ en lui enlevant des prisonniers et en faisant définitivement avorter son attaque. A ensuite tenu pendant cinq semaines un  secteur fortement pressé par l’ennemi sans perdre un pouce de terrain. »

Le soir de l’affaire, l’aspirant de Jussieu et le caporal Gignery de la C.M.3 recevaient la médaille militaire pour leur belle conduite.

Le 29, le 3e bataillon fut relevé. Il avait passé cinq jours dans un enfer où il eût semblé qu’aucun homme ne pût vivre.

Du 25 septembre au 27 octobre 1917, les bataillons tiennent le secteur devant Verdun avec de rares repos et dans des conditions extrêmement pénibles. Peu d’engagements, mais des actions d’artillerie incessantes. Le régiment peut néanmoins se reformer et s’entraîner pour les durs combats de 1918.

Le 27 octobre, le 52e R.I.C., relevé par le 38e R.I.I. rejoint Verdun et cantonne aux casernes Miribel.

 

Lérouville-Bois Mulot-Bois d’Ailly

Le 28 octobre 1917, le régiment est embarqué à Haudainville en camions et est conduit à Dommartin-le-Franc et Mathons (Haute-Marne), par Bar-le-Duc, Saint-Dizier, Wassy, Mathons. Il est remis au repos complet jusqu’au 12 novembre. Le temps est mauvais et ne permet pas de faire beaucoup d’exercices, mais les hommes sont bien logés et l’état sanitaire est bon. Pendant cette période de repos, plus de la moitié des présents au régiment est envoyée en permission.

Le 11, le régiment est inspecté par le général Guillaumat, commandant la IIe armée.

Le 13, le régiment se rassemble à Mathons pour être enlevé en camions, à destination de Lérouville, par Wassy, Saint-Dizier, Ligny-en-Barrois.

Le 15 novembre, le 1er bataillon prend les lignes dans le quartier Tête-à-Vache. Le secteur est calme, peu d’évènements ; les bataillons se succèdent en ligne ; la vie aux tranchées est un peu monotone ; les hommes restent douze jours en ligne (où ils ont surtout à lutter contre la pluie qui cause de gros dommages aux tranchées), et six jours au repos dans les cantonnements de Boncourt, Liouville, Euville, ferme de la Malterie, Jouy-sous-les côtes, Lérouville et Pont-sur-Meuse où ils sont bien logés. Le moral est excellent.

A partir de janvier, l’ennemi se montre plus agressif. Presque journellement, entre 15 et 17 heures, il bombarde nos lignes, soit par canons, soit par minenwerfer, nous causant peu de pertes d’ailleurs.

Le 18 janvier, une patrouille commandée par l’aspirant de Jussieu, pénètre dans les lignes Allemands. Elle trouve la première ligne abandonnée ; le boyau d’accès est barré par des sacs à terre ; deux abris sont visités.

Du 19 au 27 janvier 1918, le régiment est complètement remis au repos à Jouy-sous-les-Côtes. Puis il reprend les lignes dans la même région. Le secteur est toujours calme, mais dès ce moment, le 52e R.I.C. va faire preuve d’une activité nouvelle. De nombreuses patrouilles sont envoyées pour tâter l’ennemi. On prévoit, pour 1918, de gigantesques combats. Il s’agit de savoir si le secteur de Commercy est organisé en

terrain offensif. Les patrouilles d’embuscade ne donnent pas grand résultat. Il y a lieu cependant de signaler celle de l’aspirant de Jussieu, le 6 février, sur la route de Loupmont.

L’aspirant devait se placer devant une brèche des réseaux ennemis et attendre une patrouille allemande.

A 4 heures du matin, une reconnaissance ennemie, forte de 100 hommes environ se montre. Elle est reçue à coups de fusils et de grenades par les hommes de de Jussieu qui rentrent ensuite poursuivis par l’ennemi. Mais les boches sont tellement désemparés que, croyant voir partout nos poilus, ils s’entretuent sous nos yeux.

Le 13 février, tout le régiment est relevé à nouveau. Le 1er bataillon va à Jouy-sous-les Côtes, le 2e bataillon à Boncourt, le 3e bataillon à Lérouville. Le séjour à l’arrière dure jusqu’au 25 février ; pendant ces dix jours, le régiment travaille à la deuxième position de défense.

Le jour même où le 1er et le 2e bataillons remontent en ligne, le général Deheney, commandant la 1ère armée, vient décorer le drapeau du 52e R.I.C. de la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre. C’est la 9e compagnie qui est compagnie d’honneur.

Du 24 février au 5 mars, rien à signaler. On travaille aux réseaux ; on fait quelques patrouilles qui ne rapportent aucun renseignement.

Le 4 mars, on commence à réorganiser la défense du secteur d’après de nouveaux principes.

Les groupes de combat sont échelonnés en profondeur et les mitrailleurs sont ramenés sur la ligne des réduits.

Le 20 mars, après un violent bombardement, les Allemands qui se sont peut-être aperçus de la nouvelle organisation de nos lignes, attaquent sur le bataillon Blachère. Ils ne pénètrent pas à l’intérieur du C.R. et rentrent chez eux, mais nos pertes sont assez sensibles : le sous-lieutenant Bordes et 2 hommes sont tués, 7 blessés et 30 disparus.

Le 24 mars, la patrouille de l’adjudant Louboutin se heurte à une forte embuscade ennemie. Cette patrouille réussit à se dégager malgré un violent feu de mitrailleuses. 2 sergents sont mortellement blessés. Puis viennent des jours d’un calme complet.

Le 29, le 3e bataillon est relevé par les américains et va cantonner à Baucourt

Le 1er avril, le 3e bataillon prend le secteur du bois Mulot. Le 2e bataillon va cantonner à Pont-sur-Meuse, et le lendemain, le 1er bataillon à Boncourt. L’ancien secteur est complètement passé aux Américains. Le secteur du bois Mulot est plus agité que les précédents. Le service y est pénible au début par suite de l’intensité du tir d’artillerie adverse et de l’activité offensive ennemie qui se manifeste jusqu’au 13 avril. Puis le secteur se calme, mais l’organisation nouvelle de la défense en G.C., la nécessité d’une surveillance nocturne mobile est toujours agissante, les travaux divers de réfection et d’aménagements nécessaires imposent aux troupes des fatigues continues. Cependant le moral ne s’en est pas ressenti et, le beau temps aidant, ; le régiment conserve sa bonne allure et son excellent esprit. Il suffit d’ailleurs, pour s’en rendre compte, de considérer la fermeté avec laquelle gradés et hommes ont tenu tête victorieusement aux tentatives ennemies sur le sous-secteur ainsi que le nombre de patrouilles offensives poussées presque chaque nuit jusqu’au-delà de la première ligne allemande.

Dans la nuit du 4 au 5 avril, le lieutenant Gayraud, de la 9e compagnie, sort en avant de nos réseaux devant un P.P. du P.A. de Jaulny, accompagné du sergent Sureau. Il s’agissait de reconnaître les chicanes existant dans les fils de fer, en vue de patrouilles ultérieures. Dans le voisinage du saillant Dessaint, le sergent Sureau était resté un peu en arrière ; le sous-lieutenant Gayraud est surpris par trois ennemis qui le somment de se constituer prisonnier et de jeter son arme ; Gayraud envoie trois balles dans les reins d’un des Allemands, se débarrasse d’un autre par un coup de pied et un coup de crosse de revolver. Trois

autres Allemands arrivent à la rescousse ; à cet instant le sergent Sureau, qui est accouru, d’efforce de dégager son cher ; il est blessé d’une balle à la cuisse. Tous deux arrivent enfin à se dégager et, à grande peine, rentrent dans nos lignes, le sergent soutenu par le sous-lieutenant Gayraud. La même nuit, à 0 h 15, 15 Allemands environ tentent d’enlever deux hommes du G.C. Mangenot, les soldats Nivoix et Pecoud qui occupaient un petit poste avancé ; Nivoix est blessé grièvement par une grenade. Il continue à combattre et, avec Pecoud, réussit à repousser l’ennemi à coups de grenades.

A 3 heures du matin, le 5 avril, du bruit ayant été entendu dans les fils de fer, le soldat Elard de la 5e compagnie s’avance sur l’ordre du commandant du G.C. pour se rendre compte de ce qui se passait ; il se trouve inopinément en présence d’un Allemand qui le saisit et cherche à l’entraîner ; Elard le tue net d’un coup de pistolet. Pendant cette nuit, l’ennemi laissa deux cadavres sur le terrain, cinq fusils et un nombreux matériel.

Le 6 avril, une patrouille de la 5e compagnie livre combat à une patrouille ennemie à la corne du bois d’Ailly . Le 7 et le 8, l’ennemi bombarde par rafales violentes tout notre secteur, le ravin de la Croix-Saint- Jean surtout, et le C.R. Jaulny.

Le bombardement dure jusqu'au 8 avril à 18 heures, puis la soirée est calme jusqu’à 23 h 45. L’autorité supérieure croit à un coup de main ennemi probable.

Le 9, l’action d’artillerie continue par toxiques et explosifs. Notre artillerie riposte énergiquement. A 21 h 45, les Allemands tirent par rafales de 105 sur Croix-Saint-Jean. La première salve met le feu à un dépôt de fusées qui brûle et explose jusqu’à 1 heure.

Le 10 avril, nouvelle action d’artillerie. On apprend que les Allemands ont tenté un coup de main sur un secteur voisin. Le 33e R.I.C. et les Américains les ont repoussés. Jusqu’au 12 avril, l’énervement est grand dans le secteur ; le canon tonne continuellement. Il

n’occasionne guère d’ailleurs que des dégâts matériels, mais on s’attend à une attaque boche.

Le 12 avril, la nuit fut mouvementée : des patrouilles allemandes d’un fort effectif furent éventées et arrêtées par le tir des F.M., des V.B. et à coups de grenade. On croyait l’ennemi rentré dans ses lignes, lorsque vers 8 h 50, le comandant Fromenty, procédant à son inspection quotidienne et arrivant à son P.C. par le boyau Pedelmas, est tout à coup surpris par des soldats ennemis qui lui lancent deux grenades et lui tirent deux coups de fusil. Il est blessé, mais réussit à se dégager. L’alerte est donnée. Les Allemands ont pu prendre pied dans nos tranchées et attendent sans doute le moment favorable pour tenter une

attaque. Immédiatement le capitaine La Bintinaye et le capitaine Bosch, avec environ trois sections, refoulent les Allemands dans la tranchée jonction et nettoient cette tranchée. Les Allemands se replient en désordre sans sac et sans fusil sous le feu de nos mitrailleuses.

Mais l’ennemi ne se tenait pas pour battu. On signale un mouvement anormal devant les lignes et, en effet, une contre-attaque allemande se déclenche à 11 heures. L’ennemi réoccupe la tranchée jonction et progresse par les boyaux Pedelmas et la Crémaillère. Le capitaine Bosch reprend en main l’affaire et prépare la riposte ; le combat se déroule très dur, acharné. Le lieutenant-colonel Coquet donne l’ordre au chef de bataillon commandant le C.R. Jaulny de monter une contre-attaque en règle et d’expulser ou d’exterminer les assaillants.

L’engagement, très vif, dura jusqu’à 13 h. Le capitaine Bosch, avec une méthode et une sûreté remarquable, prononce une manoeuvre d’encerclement ; il réussit, avec trois sections et demi, des 10e et 11e compagnies, à attaquer et chasser 150 allemands au moins installés, puis renforcés dans nos tranchées. « Tous, cadres et troupes se sont, en la circonstance, admirablement conduits », écrit le soir le colonel commandant le régiment, dans son rapport adressé au colonel commandant l’I.D., rapport demandant des récompenses pour nombre de braves des 10e et 11e compagnies.

Après le 13 avril, le secteur redevient calme. Les nuits sont toujours marquées par une activité de patrouilles, mais la canonnade redevient normale.

Le 20 avril, il faut cependant signaler la patrouille du sous-lieutenant Adda qui captura un officier allemand entre les lignes. Cet officier était venu reconnaître les lignes téléphoniques ; il s’éloigna de sa patrouille de couverture et fut pris par la nôtre.

Le 27 avril fut une journée agitée. Les Allemands nous lancèrent des gaz par minenwerfer.

Depuis le 13 avril, déjà le colonel était averti par une note secrète de la 10e D.I.C. qu’un coup de main devait être exécuté sur le bois d’Ailly par une unité du 52e R.I.C. Le 1er bataillon fut désigné par le colonel et envoyé le 24 avril à l’arrière, afin de préparer dans tous ses

détails ce coup de main.

Le 30, des signaux lumineux sont aperçus dans le bois d’Ailly ; depuis le 25, des renseignements donnés par les prisonniers font craindre une attaque dans le sous-secteur du bois Mulot. Cette attaque aurait été répétée à l’arrière par 600 hommes du 401° et aurait pour but de parvenir jusqu’à notre quatrième ligne en 40 minutes. L’action de l’artillerie se manifestait surtout par l’envoi de doses massives de gaz. Le général Marchand prend des dispositions pour résister à cette attaque pendant qu’il prépare une riposte sanglante.

Le 1er mai, une patrouille, commandée par le sous-lieutenant Algans, entre dans les lignes boches jusqu’à la deuxième tranchée, reconnaît que la première ligne est abandonnée, mais que la deuxième est tenue. A sa rentrée dans nos lignes, il est félicité par le chef de corps.

Le 6 mai, le 67e bataillon de tirailleurs sénégalais (67e B.T.S.) (Commandant Corneloup) est rattaché au 52e R.I.C. Il ne quittera plus le régiment.

Le 9 mai deux patrouilles audacieuses sont exécutées dans l’intérieur des lignes ennemies par le souslieutenant Algans et le sous-lieutenant Grimel. Enfin, le 9 mai, le 1er bataillon parti de Pont-sur-Meuse à 23 heures, vient prendre place dans les parallèles de départ aménagées en vue du coup de main sur le bois d’Ailly. Les passerelles et pistes sont aménagées pendant qu’il prend ses emplacements de combat. L’heure est communiquée à minuit ; les sections partiront à l’assaut à 5 heures. Il s’agit de fouiller les organisations adverses ; ramener prisonniers et documents ; compléter par des destructions sur place, le bouleversement entamé par l’artillerie. Le général commandant la division est persuadé que le 52e R.I.C., par l’habileté et la vigueur des coups qu’il va porter au bois d’Ailly, étendra l’ascendant de notre division sur l’ennemi.

Le 10 mai à 4 heures (heure H—1), toutes les unités se trouvent installées sans incident sur leurs emplacements de départ. Les montres sont vérifiées une dernière fois, les pistes de départ aménagées par la garnison de soussecteur, sont reconnues. La nuit est particulièrement calme, pas un coup de eu, aucun bruit. A 4 h 40, le tir d’artillerie (A.A.C. et A.E.) se déclenche d’un seul coup, brutalement, avec une intensité donnant confiance à tous.

A 4 h 45, des charges allongées mises en place pendant la nuit, font sauter une partie du réseau ennemi situé en avant de notre première ligne et échappant au tir de notre artillerie.

A 5 heurs (heure H), les sections franchissent en colonne d’escouade par un, les gradins de départ, rejoignent dans le plus grand ordre le barrage roulant très dense et serrent derrière lui. La marche est difficile, le sol est très bouleversé et jonché partout de débris de réseaux, de plus, les tranchées et boyaux ennemis avancés, très évasés et très profonds sont soigneusement obstrués à l’intérieur sur la plus grande partie de leur parcours par du fil de fer barbelé (chevaux de frise, boudins et hérissons, etc.), leur traversée est pénible.

Chaque section se dirige néanmoins, sans hésitation, par l’itinéraire fixé sur les objectifs qui lui ont été assignés. Dispositif d’attaque : compagnie Caillaux à droite ; compagnie Sauterand, à gauche ; compagnie Chapsal, en position de recueil.La compagnie Caillaux (à droite) n’éprouve aucune difficulté spéciale de passage et progresse normalement ; les brèches faites par l’A.T. sont presque partout suffisantes ; les sapeurs du génie n’ont à

Cisailler qu’el quelques points pour les élargir. Les sections Casimir, Fontaine, Mécudé, Grall, aidées de sapeurs lance-flammes, opèrent rapidement le nettoyage des rares abris non effondrés sous les coups de notre Artillerie ; les sapeurs du génie effectuent, à l’aide de pétards, la destruction de quelques-uns de ceux qui sont restés indemnes. Les pertes éprouvées par les Allemands du fait de notre artillerie paraissent importantes : des cadavres

allemands ont été rencontrés un peu partout sur le parcours des sections ; dans le seul abri 1509, on en trouve 12, pour la plupart déchiquetés par nos torpilles.

Au carrefour 16 U, les Allemands font sauter eux-mêmes trois de leurs abris, au moment où des éléments de la section Fontaine s’approchent pour les nettoyer. La compagnie Caillaux fait des prisonniers. A gauche, la compagnie Sauteraud a plus de difficultés ; dès la tranchée Kurilo, les sections sont ralenties par le tir des mitrailleuses tirant de la gauche et d’en face. Elles continuent néanmoins à progresser. La section Lespinasse, suivie de la section Debel, réussit à filer, par petits éléments, et arrive à son objectif sur la tranchée des Hanovriens ; la section Bedel sur le boyau 14 sc, la section Pouchot accomplit sa mission à gauche ; seule la section Loutoutin ne peut réussir à pénétrer dans la partie nord, au sud de la tranchée

des Hanovriens (1313 à 1413) ; les sapeurs du génie essayent vainement de pratiquer une brèche dans le réseau intact des chevaux de frise, à l’aide de charges allongées, le tir intense des mitrailleuses ne perme pas de réussir. Les deux sections sénégalaises Gauthier et Distanti, adjointes respectivement à chacune des compagnies d’attaque, sont venues avec entrain, occuper la tranchée Kurilo ; la section de droite entame une lutte à la

grenade avec un groupe ennemi qui résiste et l’extermine. La compagnie Chassal en réserve, à cheval sur les tranchées boches et françaises, achève aux deux ailes et au centre le nettoyage des tranchées Mitro et Kurilo. Les sections de mitrailleuses (compagnie Maillard)

remplissent complètement leur mission de protection des flancs du dispositif.

A 5 h 45, au signal convenu (fusées à fumée jaune), les sections se replient en ordre, d’après le mécanisme prévu au plan d’engagement, mais sous un feu nourri de mitrailleuses.

A 6 h 10, toutes les troupes sont rentrées dans no lignes. L’action s’est déroulée exactement comme elle avait été prévue et exécutée dans les répétitions préalables, sans hâte et dans le plus grand ordre. Au cours de l’opération, la réaction de l’artillerie ennemie sur les troupes d’attaque a été presque nulle ; une centaine d’obus de tous calibres, en particulier sur le saillant Dessaint et autant au moment du repli. Un certain nombre de mitrailleuses ennemies seules ont pu maintenir leur feu ; situées en dehors de la zone d’action de l’infanterie, sur le versant ouest du ravin, elles n’ont pas cessé de tirer pendant toute l’opération, notre progression ayant dû se faire par le terre-plein hors de la protection des boyaux obstrués

en grande partie ; c’est à elles que sont dues presque toutes nos pertes. Il ressort de l’opération que l’ennemi n’occupe que par des postes isolés, munis de mitrailleuses légères, la deuxième ligne (tranchée Kurilo) et la zone intermédiaire entre cette ligne et la troisième ligne (C.T. des Hanovriens) ; cette dernière tranchée est plus sérieusement occupée. Elle est soutenue en arrière par de nombreuses mitrailleuses lourdes.

Pour terminer, il y a lieu de signaler d’une façon toute particulière, la belle attitude et l’entrain joyeux de tous : marsouins, sapeurs du génie, lance-flammes, brancardiers, sénégalais, bien amalgamés au cours des répétitions préalables, ont fait preuve, pendant l’action, d’ordre, de cohérence et de solidarité parfaite.

Pertes : tués : 3 ; blessés, 40 dont 3 officiers (capitaine Ditte, sous-lieutenant Casimir, sous-lieutenant

Thomas, du génie) ; disparus, 5 (présumés tués).

Prisonniers allemands ramenés valides dans nos lignes : 19. Matériel rapporté : 2 mitrailleuses légères et

de nombreux documents.

 

Opérations devant la Marne

( mai au 15 juillet 1918)

Après cette longue période passée dans la région de Commercy, où il avait donné déjà toute la mesure de sa valeur, le 52e R.I.C. fut embarqué le 29 et le 30 mai 1918, aux gares de Sorcy et de Void, et fut dirigé sur le théâtre d’opérations de la Marne.

Le champ de bataille s’offre presque immédiatement à la vue des hommes, un peu attristant. Au loi, du côté de la ferme Cense-à-Dieu, un combat de mitrailleuses fait rage, le canon tonne sans cesse ; on croise sur la route suivie, les débris en longue file de la 22e division, mélangés mais non débandés, s’écoulant en

un ruissellement long et morne. Ce sont les régiments bretons qui viennent de la bataille ; on reconnaît au passage, les rescapés du 19e, du 118e, du 25e, du 62e. Une vingtaine de pièces lourdes d’artillerie à tracteur, des trains régimentaires, des convois administratifs font mouvement. La 22e D.I. bat en retraite en bon ordre. Les hommes n’ont pas l’air harassés et, à les voir, on ne dirait pas qu’ils viennent de livrer de durs combats. On arrive enfin à la Boissière où le commandant Edel attend le régiment pour remettre les ordres du général Marchand au colonel Coquet. Il est 10 h 30. Ces ordres sont les suivants :

Placer le 2e bataillon (Blachère) en couverture d’artillerie, à cheval sur la vallée du Surmelin, la voie ferrée, la route de Crézancy et l’aqueduc face à Chartèves, entre la croupe sud de Launay et la ferme Le Souvrien. Devant le 2e bataillon, se trouve un bataillon du 33e R.I.C. ; à droite, vers l’est, la liaison n’est pas faite ; à gauche sera le 1er bataillon du 52e R.I.C. (Ferrandi). Les Sénégalais sont en réserve à Saint-Eugène.

Mission : couvrir le repli de l’artillerie, manoeuvrer en couverture sans se laisser accrocher.

Vers 11 h 30, le 52e R.I.C. commence à s’établir sur sa position. A 16 heures, le bataillon Ferrandi est arrivé à Blesmes. Il s’installe pour défendre l’accès des rives sud de la Marne, entre Coland et Chierry. La soirée est calme.

Dans la nuit du 30 au 31 mai, des patrouilles sont envoyées en éventail sur tout le front pour surveiller les abords de la Marne et pour établir des liaisons. A 6 heures, toutes les liaisons sont assurées, un petit combat a été livré par la patrouille du lieutenant

Henrion, aux éclaireurs allemands, à Mont-Saint-Père, pendant que s’établissait la liaison avec les troupes situées en avant (33e R.I.C.).

Dans la journée du 31, les renseignements sur l’ennemi affluent. Les Allemands se sont infiltrés sur Gland et Brasles, la Cense-à-Dieu, Chartèves ; le bataillon du 33e R.I.C. a dû reculer un peu, mais il tient fortement le front de Mézy. Le 33e R.I.C. voit un fort mouvement de camions allemands amenant de l’infanterie par la route de Mont Saint Père à Verdille.

Dans la soirée du 31, les troupes françaises de Brasles se sont repliées sur la rive sud après avoir fait saute le pont du Decauville à l’est de Château-Thierry. La nuit paraît s’annoncer agitée. On dit que les Allemands vont essayer de franchir la Marne avec des moyens de fortune.

La journée du 1er juin se passe à organiser le groupement Chierry-Mézy ; les groupes isolés des 20e et 22e  D.I. sont dirigés vers leur division respective. Un peloton de sénégalais vient se placer entre le 1er et le 2e bataillons. Journée calme. L’ennemi est rendu prudent par nos feux nourris de mitrailleuses et de canons de 37 sur tout groupe descendant des bois de la rive droite de la Marne. Dans la nuit du 1er au 2 juin, on signale que les Allemands transportent des bois et du matériel vers le pont Chartèves-Mézy. A 0 h 30, l’ennemi tente de franchir la Marne, il est arrêté partout où il se présente.

Les 2, 3 et 4 juin sont des journées sont des journées calmes. On organise le secteur. Dans la nuit du 2 au 3, notre artillerie exécute des tirs vigoureux de destruction sur le village de Mont Saint-Père. Pas de mouvement d’infanterie devant le 52e R.I.C. Le 4, le 1er bataillon (Ferrandi) démolit à coups de canon de 37 un équipage allemand faisant partie d’un convoi de trois voitures qui descendait du bois Barbillon-sur-Brasles ; le conducteur et un cheval restent visibles étendus sur la route, la voiture abandonnée.

Le 5, on regroupe les éléments de la division. Les Allemands n’agissent pas. On les sent à bout devant notre secteur. Nous allons en conséquence prendre une attitude offensive. Du 6 au 14 juin, une deuxième période va s’ouvrir pour le régiment : périodes d’attaque incessantes dont le but sera la reprise de la cot 204. cette cote domine Château-Thierry et le commandement attache une grande importance à sa reprise. Le groupement chargé de l’opération était formé par un bataillon américain, un bataillon du 53e R.I.C. et deux compagnies du 1er bataillon du 52e R.I.C. Toutes ces troupes étaient placées sous les ordres du lieutenant-colonel Coquet. Le bataillon du 53e attaque la cote 204 renforcé par les deux compagnies du 52e colonial. Il réussit à pénétrer dans le bois de la cote 204, mais ne peut atteindre le sommet de la croupe. Il ramène 14 prisonniers et 2 mitrailleuses (les Américains n’avaient pu effectuer leur mouvement).

Le 7 juin, on s’organise dans les bois et le soir, à 22 heures, l’attaque recommence. Les Allemands, renforcés comme effectif et surtout comme mitrailleuses légères, résistent avec acharnement. La lutte sous bois est poursuivie avec ténacité par les troupes des 52e R.I.C. et 53e R.I.C. qui subissent des pertes sévères, mais en infligent des sanglantes à l’ennemi. La croupe ne peut encore être prise. L’ennemi contre-attaque

le 8, mais sans succès ; il laisse de nombreux cadavres entre les lignes. Dans la soirée, le bataillon du 53e R.I.C. est relevé par le bataillon Ferrandi du 52e R.I.C. Le 2e bataillon (Blachère) se met en réserve en remplacement du bataillon Ferrandi.

A l’aube du 9 juin, le capitaine Ferrandi et le lieutenant Remire sont blessés par éclats d’obus. Le capitaine Chapsal prend le commandement du 1er bataillon et reçoit l’ordre d’achever la conquête de la cote 204. A droite, le 2e bataillon est chargé de garder la route Château-Thierry/Essomes, le cimetière nord d’Essomes et de procéder à des reconnaissances offensives vers le bois de Courteau, le passage à niveau et le faubourg sud-ouest de la ville. Il reçoit une compagnie du 66e B.T.S. comme réserve.

La nuit du 9 juin fut calme. Une patrouille ennemie est facilement repoussée par un poste du 2e bataillon situé sur la route d’Essomes à Saint-Martin.

Le 10, à 3 h 15 du matin, éclate brutalement un violent tir de destruction et d’encagement sur nos positions de la cote 204. A 3 h 45, de grosses forces ennemies attaquent notre droite depuis les pentes du bois de Courteau jusqu’à la cote 204, en plusieurs vagues d’assaut. Certains de leurs éléments abordent notre ligne en criant : Françous good night ». Après un instant d’hésitation – car les Américains avaient travaillé dans la nuit devant notre secteur – les troupes accueillent les assaillants par un feu violent de fusil, F.M., V.B. et mitrailleuses. Les sections du sous-lieutenant Deyris et du sergent Caraycol (1ère compagnie) avec les

mitrailleuses du sous-lieutenant Manuel, aidés par la section sénégalaise du sous-lieutenant Gauthier, font une hécatombe des lignes successives d’attaque. En 20 minutes, un bataillon du 444e R.I. allemand a été arrêté, brisé par les feux et repoussé à la baïonnette. La 2e compagnie gagne du terrain à gauche vers la cote 204 ; la 1ère compagnie avance aussi, mais les nombreuses mitrailleuses allemandes couronnant le sommet 204 et la maison forestière, n’ont pas encore permis d’enlever l’objectif fixé. Le capitaine Chapsal, rendant compte de ce combat acharné écrivait : « Le bataillon est très fatigué par le manque de sommeil, les marches antérieure et la tension nerveuse. Malgré tout la progression prescrite a repris après le marmitage. « Le 1er bataillon s’est admirablement conduit, mais est épuisé ; la 1ère compagnie n’a plus qu’un chef de section. ». Les 1ère et 2e compagnies du 1/52 et la demi compagnie du 67e B.T.S., avec un allant et une ténacité obstinés, ont brillamment battu l’ennemi, lui faisant 3 prisonniers, lui anéantissant deux compagnies, mais elles ont subi des pertes sérieuses.

La journée du 10 avait coûté au régiment 21 tués, 92 blessés et 4 disparus.

Le général Marchand, dès le 10 juin, adressait au lieutenant-colonel Coquet, sous le n° 329/P.C. la note

suivante :

« J’adresse mes chaudes félicitations et mes remerciements joyeux au vaillant 1er bataillon du 52e Colonial qui, à un mois d’intervalle, vient de confirmer sur la Marne, la preuve de trempe exceptionnelle qu’il avait montré sur les rives de la Meuse, en même temps qu’au bataillon Boeuf du 53e R.I.C. qui vient de s’illustrer deux fois de suite en moins d’une semaine devant Château-Thierry dont le nom devra rester gravé dans ses annales et brodé sur son drapeau.

« J’ai grande joie à penser que la fourragère, depuis longtemps gagnée par ces deux régiments d’élite, est en train de prendre les couleurs de la Médaille militaire. Merci à tous, au nom du pays reconnaissant et fier.

Signé : Marchand ».

Le 10 juin, à 17 heures, le bataillon Chapsal, qui avait souffert dans la matinée, reprend son mouvement.

Certains éléments arrivent jusqu’à 20 mètres de l’objectif, mais les mitrailleuses ennemies tirant à bout portant, empêchent toute progression nouvelle. La lutte devient âpre, acharnée. Sous bois, on se fusille à 15 mètres. Le 11, la journée est assez calme. A 21 heures, le capitaine Desnuelles, qui a pris le 21 commandement du bataillon, le capitaine Chapsal reprenant celui de la 1ère compagnie, reçoit l’ordre de réduire, par ses propres moyens, un nid de mitrailleuses situé à un saillant du bois. A 22 heures, avec un allant admirable et sous une pluie de fer, la section Deyris se redresse et déborde le saillant. Toute la journée du 12, on se tient à la gorge sans progresser beaucoup.

Le 13, à 8 h 30, après une préparation par V.B. et canons de 37, le 1er bataillon et la compagnie Paulignan, du 67e B.T.S. enlèvent, d’un magnifique élan, la lisière en saillant fixée comme objectif. Lesdeux mitrailleuses ennemies sont enlevées ; les 45 Allemands qui formaient 6 groupes de combat se font tuer sur place. On compte en plus un tas de 30 cadavres allemands. La préparation de cette action brusquée avait été particulièrement efficace. Aucune mitrailleuse ennemie de première ligne ne put tirer.Un seul Allemand était ramené vivant dans nos lignes.

Le Capitaine Desnuelles écrivait :

« Les tirailleurs sénégalais ont été admirables. La ligne n’a pu être rectifiée, car j’ai dû donner un ordre de repli après

une heure et demie d’occupation ; la situation devenait précaire pour le détachement privé de ses deux chefs, en cas de contre-attaque allemande. L’adjudant Finois a été tué ainsi que deux sénégalais. Le lieutenant Gauthier est blessé avec une vingtaine d’hommes dont 6 européens ».

A 12 heures, un bataillon du 53e R.I.C. attaque à son tour et refoule l’ennemi. Le 2e bataillon du 52e R.I.C. se trouvait alors sur la droite, gardant la voie ferrée, le cimetière et le pont de chemin de fer.

A 20 h 15, un parti ennemi, muni de deux mitrailleuses s’avance à l’usine de Château-Thierry pour occuper la maison du garde-barrière du passage à niveau. Le lieutenant Girardeau, commandant la 6e compagnie, les aperçut à la jumelle. Il donna l’ordre au sergent Julien d’installer un fusil-mitrailleur sur le remblai de la voie, de façon à couper la retraite aux occupants, de s’approcher avec ses grenades de la maison du garde-barrière. Les sergents Puig et Julien, arrivés à 40 mètres de l’objectif, se ruèrent avec leurs hommes ; la barrière était fermée, il y eut une légère perte de temps ; sept Allemands purent s’enfuir. La

mitrailleuse allemande qui avait ouvert le feu fut réduite en un clin d’oeil et immédiatement retournée contre l’ennemi.

Le groupe Puig fouilla la maison pendant que le sergent Julien organisait la défense. Cet heureux coup de main nous valut deux prisonniers valides avec leurs mitrailleuses et un blessé ; les Allemands laissaient en outre 1 tué sur le terrain.

Cette brillante petite opération de guerre de la 6e compagnie du 52e R.I.C. clôture les opérations de guerre du régiment dans la période du 30 mai au 14 juin.

Le 14 et le 15, l’état-major et les 1er et 3e bataillon sont relevés par les Américains.

Le bataillon sénégalais et le 2e bataillon restent en ligne, le premier jusqu’au 25 juin, le deuxième jusqu’au 26 juin.

Les hommes prirent dans cette région un repos bien gagné du 28 juin au 4 juillet ; le 5, l’instruction est reprise, mais à 16 h 30, toutes les troupes sont alertées et à 23 heures, des camions enlèvent le régiment.

Le voyage dure 15 heures. On passe par Erouen, Lagny, Coulommiers, Monmirail, Etoges. Il se continue les jours suivants.

Le 52e R.I.C. passe le 15 juillet sous les ordres du général commandant la 40e division.

Le général Marchand en donnant cet ordre, ajoute : « Les troupes de la 10e D.I.C. donneront l’exemple ».

Le 52e R.I.C. a suivi les ordres de son chef et a fait l’admiration des troupes prés desquelles il a combattu.

 

Dernières Opérations de la Guerre

Le 52e Colonial, arrivé de Beaumont-sur-Oise le 9 juillet occupe Fleury-la-Rivière (P.C. du Colonel). Il avait été mis à la disposition de la 40e D.I. (La « Vaillante » - général Leconte) pour occuper, le cas échéant, la deuxième position et d’abord l’organiser. Le 1er bataillon seul, détaché au C.I.D., à Cramant, recevra une mission spéciale.

Du 10 au 14 juillet, travaux d’organisation de la deuxième position, jalonnée par la lisière ouest du bois de Nanteuil, la croupe de la cote 242, la Poterne, Grand-Pré et lisière nord-ouest du bois du Roi. Des tranchées ont pu être partout ébauchées et surtout les réseaux de fil de fer barbelés établis. P.C. du colonel, prévu vers la ferme Montorgueil.

Le 15 juillet, à O h 05, l’ennemi commence à bombarder en même temps, les premières lignes de la 40e D.I. (Vers La-Neuville-aux-Larris, bois de la Cohette, etc.) et les arrières. Le régiment gagne ses emplacements de combat : 2e bataillon (commandant Blachère) à droite (bois de Nanteuil, croupe 242, La Poterne), 3e bataillon à gauche (commandant Fournier), Grand-Pré, Bois du Roi ; 67e B.T.S. en réserve entre les bois de Nanteuil et de Fleury. P.C. du 3e bataillon à Grand-Pré. P.C. du colonel dans un petit boqueteau à la lisière ouest du bois de Fleury. Quelques pertes par le bombardement pendant la prise de positions. A 5 heures, un avion ennemi est abattu à proximité du P.C. du colonel. L’observateur a déjà marqué sur la carte l’avance ennemie dans la région de Dormans.

A midi, les débris de la 40e D.I. se replient vers la deuxième position (161e R.I. devant le 52e R.I.C.), qui devient première position. A 19 heures, première attaque de l’ennemi sur al croupe 242 repoussée. A partir de cette heure, jusqu’au

17 juillet 8 heures, l’ennemi attaquera 11 fois (attaques générales ou partielles), sans gagner un pouce de terrain. Le 17 juillet dans l’après-midi, le colonel du 53e R..I.C. (à gauche du 52e R.I.C.) fait connaître qu’il est bousculé et peut être contraint de se replier vers la ferme des Savarts ; il n’a plus la liaison au bois du Roi, avec le 52e . En même temps, on apprend, par un compte-rendu du commandant du 2e bataillon que le bataillon italien tenant le front dans le bois de Nanteuil, immédiatement à droite du 52e R.I.C. ; se replie sur la nouvelle (fausse d’ailleurs) de la prise de Nanteuil-la-Fosse par l’ennemi. Le lieutenant colonel Coquet

commandant le 52e R.I.C. fait combler par une compagnie du 2e bataillon et une compagnie sénégalaise, le vide laissé par les Italiens, et la ligne est rétablie de ce côté, bien que les Allemands s’y fussent infiltrés déjà.

Au bois du Roi, deux compagnies sénégalaises sont détachées et prennent position face au sud-ouest. La liaison est rétablie, la brèche du front comblée, et le 18 au matin, le front primitif est à peu prés rétabli.

Le 18 juillet, la 40e D.I. est remplacée par la 9e D.I. (général Gamelin). La mission du 562e est alors de tenir la position pendant que des régiments de la 9e D.I. (4e R.I. sur le secteur du 52e) tenteront de progresser. Pendant quatre jours, leur effort est vain, du moins à droite, et le 3e bataillon du 52e, prenant l’initiative de l’avance nord-ouest de Grand-Pré, réussit à porter sa ligne à la lisière nord-ouest du bois rectangulaire, 300 mètres au nord-ouest de Grand-Pré. Les pertes par le bombardement sont lourdes, surtout au 2e bataillon, et les gaz employés en masse à partir du 2, affectent particulièrement le 67e B.T.S.

Le 21, un second avion ennemi, grand biplan à deux places, est abattu prés de la ferme Montorgueil. Pendant cette même période, le 1er bataillon, jeté dans la nuit du 14 au 15 juillet, dans la région Oeilly- Boursault (rive gauche de la Marne) à la disposition de la 7e division, était bousculé par l’ennemi et éprouvait de sérieuses pertes. Le 52e R.I.C. est relevé enfin dans la nuit du 22 au 23 juillet et mis en réserve d’abord dans la région

Romery-Raday (P.C. à Romery) où il reste les 13 et 24 juillet, puis à Hautvillers jusqu’au 28 juillet. Le 67e B.T.S. avait été maintenu en réserve du 4e R.I. jusqu’au 28 juillet et avait assisté au repli de l’ennemi. Le 1er bataillon rejoint Hautvillers le 25. Pour sa défense du 15-17 juillet, le 52e a obtenu une citation à l’ordre de l’armée. Il avait, quoique sur la défensive, fait quelques prisonniers. Ses pertes étaient élevées. Retiré de Hautvillers le 28 juillet et porté à Oger et Mesnil sur Oger (sud-est d’Avize, le 52e y séjourne le 29 et est enlevé le 30 à midi en camions autos et porté dans la région sud de Verdun, par Chalons, L’Epine, la Grande-Romaine, Givry-en-Argonne, Triancourt, Fleury-sur-Aire. Il bivouaque au camp de

Nixéville. Il reçoit un repos de 12 jours, reçoit des renforts et se reforme.

Le 11 août ( ?) au soir, il vient cantonner à Verdun, faubourg Pavé.

Le 12, reconnaissance du secteur Vaux-Tavannes et dans la nuit du 12 au 13, relève d’un régiment deligne. P.C. du colonel à l’abri Auvergne (boyau Belmont), 400 mètres nord-ouest de la sortie est du tunnel de Tavannes. P.C. des bataillons de droite (sud). Ancienne batterie, 800 mètres ouest de l’ouvrage de la Laufie, de gauche (nord), 400 mètres sud-ouest du fort de Vaux. Période calme, bombardements espacés et peu nourris, notamment sur le front de la Horgne, le fort de Vaux, le ravin des Fontaines (limite nord du secteur), le carrefour de la batterie du tunnel (E.S.F. du fort de Souville).

Le 15 août au soir, le lieutenant-colonel Coquet reçoit une autre affectation et le chef de bataillon Edel, son adjoint désigné pour commander le régiment, entre en fonctions le 16 (il sera nommé lieutenantcolonel

le 23 septembre).

Le 19 août, remaniement des secteurs. Le régiment conserve le centre de résistance La Laufie-Tavannes, mais s’étend vers le sud jusque et y compris le fort de Moulainville (1).

Le sous-secteur ainsi affecté au régiment, prend la dénomination de sous-secteur Dérame. P.C. du colonel à Cabaret, porté à la fin août au camp de l’Escargot (ravin aboutissant à la ferme Bellevue). Les emplacements nouveaux sont pris le 20.

Période encore assez calme. Activité de nos patrouilles et petits coups de main, sans résultats. Par une fatalité persistante, les chefs de détachements sont tous blessés l’un après l’autre. Les bombardements ennemis se multiplient peu à peu. Les points battus sont les ravins, le carrefour de la ferme Bellevue, le carrefour de la batterie du tunnel, les carrefours de Tillat. Les arrières (Verdun, les casernes Marceau, le ravin de la Voltoline) commencent à être à nouveau bombardés, à longs intervalles d’abord, puis plus fréquemment. Les obus à gaz font leur apparition début septembre. Pertes très faibles.

Les sous-secteurs sont encore remaniés vers la fin d’août. La Zone du 52e prend le nom de sous-secteur Tavannes et est ramené, au sud, à la limite fort de Moulaiville (exclu) et ravin de Mongorelles. Il conserve sa limite nord (bois de la Laufie, fond de Beaupré). P.C., C.R. de gauche, ancienne Laufie, 800 mètres ouest de l’ouvrage de la Laufie, P.C., C.R. de droite, abri de combat, 100 mètres ouest de l’ouvrage d’Eix. Avant-postes à Eix, la Fiéveterie, ferme Bourvaux, ouest de la ferme Dicourt.

Le 9 septembre a lieu une reconnaissance offensive destinée à reconnaître si l’ennemi occupe des points rapprochés de nos lignes au pied des cotes. Le 52e occupe presque sans résistance et presque sans voir l’ennemi, le Feuilla Bois, le Bois nos Grains, l’ouvrage de la Lune. L’ennemi ne réagit pour ainsi dire pas. Deux jours après, l’ordre est donné de reprendre les emplacements primitifs. Il est exécuté sans incident.

Le 17 septembre, jour de l’offensive sur Saint-Mihiel, une démonstration d’artillerie est faite également

sur le front de la division. Aucune perte, malgré une légère réaction ennemie concentrée sur le ravin de Tavannes. Mais l’ennemi devient plus nerveux et dirige, sur le sous-secteur, des bombardements surtout nocturnes et par des gaz. Le ravin de Tavannes et le ravin Grandes Fontaines sont surtout visés. Le régiment est relevé le 2 octobre par le 2e R.I.C. et va cantonner au Faubourg Pavé. Il y séjourne

jusqu’au 7.

Le 7 octobre, ordre est donné de porter le 1er bataillon (capitaine Ditte) à la disposition du … R.I. dans la zone bois de Neuville-les-Fosses (nord de Louvemont), afin de concourir à la reprise du terrain jusque dans la ligne chemin de terre ferme Saint-André, ferme des Chambrettes. Le régiment tout entier doit se déplacer et le P.C. du colonel installé au P.C. 119 à 500 mètres sud-ouest de l’ouvrage de Thiaumont (côte de Froideterre).

Le 8, l’attaque prévue a lieu et, le 1er bataillon, après avoir conquis la crête est des ravins Hadime à l’ouest de cette crête et de la Charbonnière, est légèrement rejeté en arrière, à une petite distance. Le même jour, Beaumont et le bois de la Wavrille sont reconquis.

Le 12, le régiment monte en secteur, pour tenir le front Bois des Fosses, ravin de la Charbonnière, ravin Hadime, bois de la Wavrille jusqu’à la lisière ouest vers le bois des Cames. Deux bataillons en ligne : un à droite (sud) région des ravins ; un au bois de la Wavrille. P.C. du colonel à Montsapin, tranchée d’Apremont. Un bataillon du 52e a Haudremont, en réserve (le 67e B.T.S. a été retiré de secteur dans le début d’octobre).

Période très dure. Bombardements intenses du bois de la Wavrille et de tous les ravins par obus explosifs et à gaz. Nombreuses intoxications, les abris ne pouvant être utilement protégés contre les gaz. La réaction de l’ennemi est encore accru par le succès de l’armée américaine pendant la même période sur la rive gauche de la Meuse et notre offensive dans la région Consenvoye, bois de Consenvoye, Hautmont, bois des Cames.

1 2 bataillons en ligne, deux en réserve au champ de tir.Dans leur ensemble, les pertes sont cependant relativement modérées.

Vers le 15 octobre, démonstration par projector (américain) sur le ravin nord du bois le Chaume(tranchée Lohengrin, etc.), 2 kilomètres ouest d’Ornes. Aucune réaction ennemie.

Vers le 20 octobre, le P.C. du régiment est transféré au P.C. Bellevue, 500 mètres ouest de Louvemont.

Le 2 novembre, le régiment relevé, vient occuper le ravin de la Valtoline (ouest des casernes Marceau). Le 2e bataillon reste en réserve du 53e R.I.C. (qui a relevé le 52e) aux carrières d’Haudremont. Les casernes Marceau et la voie ferrée de Verdun à Etain subissent quelques bombardements en réponse à notre A.L.V.F. La Valtoline n’a pas été atteinte.

Dans la nuit du 8 au 9 novembre, le régiment reçoit l’ordre d’attaquer à cheval sur la route Verdun-Etain, en direction d’Etain. Le 1er bataillon se porte au sud de la route, avec un front d’environ 800 mètres ; parallèle de départ Eix-La Fiéveterie. Le 3e bataillon se place au nord de la route, avec un front un peu plus étendu. Objectifs : 1er bataillon (capitaine Ditte), ouvrage de la Lune, bois de Morainville ; 3e bataillon (commandant Gosset), le Feuilla-Nos-Grains, puis ferme Souppleville et la station. P.C. du régiment (Lieutenant-colonel Edel), batterie du Mardi-Gras ; 2e bataillon en réserve, ravin des Grandes-Fontaines. La progression commencée à 8 heures, se poursuit sans encombre. Réaction d’artillerie très faible.

Quelques prisonniers sont faits. Le soir, nous occupons la moitié ouest du bois de Moranville, la Station, la ferme Souppleville, les bois Nos-Grains et Feuilla. A droite (sud), un régiment américain a dépassé l’étang du Moulin et installe, dès le soir, une batterie de 75 au nord de cet étang. A gauche, le 33e R.I.C. a progressé un peu moins que nous.

Le 10, la progression continue. Le soir, notre avance nous donne la ligne 9098 Abaucourt (pris par la 9e compagnie), section du sous-lieutenant Gayraud, qui capture toutes les archives d’un P.C. de bataillon) la petite corne à la lisière nord du Grand Cognon 0782.

A la nuit, un groupe de 75 et une batterie de 155 viennent prendre position au pied des côtes de la Meuse. Le 11 novembre, l’annonce de l’armistice à 5 h 30 suspend toute action. Nos pertes en deux jours, furent très légères (environ 35, dont 3 ou 4 tués) ; Abaucourt fut le dernier village repris sur ce front.

 

De l’Armistice à la Dissolution du Régiment

La zone dans laquelle s’étaient déroulées les dernières opérations de la 10e D.I.C. devenant zone de passage américain vers Coblentz, le 52e R.I.C. fut retiré de secteur le 14 novembre et cantonné à Sommedieue. Il avait eu le temps le 12 au soir, d’accueillir et de réconforter de nombreux prisonniers français libérés aux environs de Briey, et qui accouraient dans nos lignes. A prés deux jours passés à Sommedieue, le régiment se porte à Dieue, d’où il repart le 19, à pied, avec les autres éléments de la division, gagnant par étapes Saint-Mihiel, Euville, Uruffe, Crépey (prés Nancy), Champenoux où il traverse le 26 novembre, les anciennes lignes et, par Château-Salins et Boulay (Lorraine reconquise) il pénètre en Allemagne le 1er décembre 1918. Cantonnements successifs : Ittersdorf, le 1er décembre ; Nalbach, le 2 et le 3 décembre ; Steinbach, le 4 décembre ; Nonfelden, le 5 décembre ; Weinsheim, le 10 décembre ; Fichbach, les 7 et 8 décembre, Hochstetten, le 9 décembre ; Weinsheim, le 10 décembre ; Sankt-Johann, le 11.

 

L’entrée à Mayence et la période d’occupation

Le 9 décembre, à Hochstetten, une note parue à la décision du corps, informait tous les militaires du régiment que le 52e R.I.C. était officiellement désigné pour faire partie des troupes qui devaient faire leu entrée à Mayence le 14 décembre 1918, en présence des généraux Fayolle et Mangin. Cette nouvelle fut accueillie avec enthousiasme. On allait enfin voir le Rhin et occuper une de ces grandes villes où les soldats de la Révolution et de l’Empire avaient laissé tant de souvenirs. La fatigue des dernières étapes fut allégrement supportée. Le 13 décembre, le régiment arrivait à Essenheim. L’après-midi et la journée du lendemain furent consacrés au nettoyage des armes et des effets, en vue de al grande prise d’armés du 14. Malheureusement, le temps était épouvantable, la pluie tombait

sans discontinuer. De plus, les uniformes portaient encore la traces des boues de Verdun et des routes d’Allemagne. Ce ne seront pas des soldats de parade que les Mayençais verront défiler le 14 , mais bien des poilus de la grande guerre, dignes descendants des héros en sabots de Custine, de Hoche et de Marceau.

Le régiment quitta Essenheim le 14 décembre à 7 h 30. la pluie avait cessé et le beau temps parut vouloir se mettre de la fête. Une grande halte eut lieu dans les faubourgs sud-est de la ville, et à 13 heures, le régiment se mettait en place pour aller prendre la place qui lui avait été assignée pour le défilé. A 14 heures, la cérémonie commençait. Lorsque le lieutenant-colonel Edel fit sonner le « garde-à-vous » et mettre la baïonnette au canon, un frisson passa sur tous les bataillons. Le silence était complet ; on sentait chez tous la volonté bien arrêtée de défiler d’une façon parfaite. Tout le monde était à sa place et lorsque les sabres des officiers supérieurs s’élevèrent pour souligner les commandements de mise en marche, les unités s’ébranlèrent dans un ordre superbe. Chacun savait que c’était la France qui passait pour affirmer à l’Allemagne sa défait irrémédiable.

Le général Marchand et son état-major défilaient en tête de la division. Les troupes passèrent successivement devant les généraux Fayolle, Mangin et Gouraud. Aucun des acteurs de cette journée historique n’oubliera les regards pleins tout à la fois de fierté et de tendresse avec lesquels nos grands chefs de l’armée coloniale regardèrent défiler leurs marsouins. Les fatigues et les tristesses de l’interminable campagne étaient oubliées. Cette heure de triomphe était la grande récompense que l’on avait attendue si longtemps.

Le défilé du régiment fut impeccable. Arrivé sur le Rheinallee, le 1er bataillon commandé par le capitaine Ditte, gagnait le palais grand-ducal où il devait rendre les honneurs pendant la réception des autorités civiles allemandes, tandis que les deux autres bataillons, sous les ordres du capitaine Fournier, se massaient sur les quais du Rhin. Le défilé terminé, les troupes gagnèrent la caserne Alice où elles purent enfin se reposer des fatigues d’une marche de plus de 500 kilomètres. Le séjour à Mayence dura du 14 au 28 décembre. Pendant cette période, les bataillons furent employés au maintien de l’ordre et au service de la place.

Le 28 décembre, les trois bataillons furent embarqués sur des bateaux à vapeur et transportés à Sankt-Goarshausen où était transféré le siège de la 10e D.I.C. Le voyage qui aurait pu être très agréable fut gâté par un temps épouvantable et par une crue du Rhin qui rendit particulièrement pénible les opérationsd’embarquement et de débarquement. Après deux jours passés sur la rive droite dans la région de Dahlheim, le régiment fut ramené sur les bords du fleuve, dans la région de Kamp-Bornhofen, Braubach où il devait rester jusqu’à sa dissolution.

Tout le monde garda bon souvenir de ces mois de janvier et de février. Les installations étaient confortables, la population accueillante, le ravitaillement facile. Le seul point noir de cette période était l’instabilité où on se trouvait. Des bruits couraient sur la dissolution de la division.

Le 23 février, l’ordre de départ parvint au colonel. Le régiment se rendait à Mayence où il devait être dissous à la date du 1er mars.

Les bataillons se mirent en route le 24 février, traversèrent le Rhin au bac de Filsen et par Hirzenach, Bacharach, Gau Algesheim, se dirigea sur Mayence. Le temps était brumeux, morose, triste comme le coeur des marsouins du 52e R.I.C. désolés de voir disparaître leur beau régiment.

Le 27 février au matin, commença la dernière étape. Les bataillons avaient mis une certaine coquetterie à soigner plus que de coutume leur tenue pour cette dernière marche en commun. A 5 kilomètres de Mayence, les compagnies prirent le pas accéléré, mirent l’arme sur l’épaule et les clairons sonnèrent.

Chacun se redressa. Les officiers prévenaient les hommes que le général Marchand était venu voir défiler une dernière fois le régiment. Le chef illustre, adoré de tous ? était là, à pied, sur le bord de la route, fixant avec émotion ces soldats qu’il avait si souvent conduit à la victoire et, dans le regard qu’il échangea avec tous, officiers et soldats, il put lire l’expression de la poignante tristesse que chacun ressentait de cette suprême entrevue ; les règlements militaires et le respect de la tenue sous les armes ne leur permettaient pas d’exprimer autrement leur pensée.

Le 1er mars 1919, le 52e R.I.C. n’existait plus. Les hommes et les cadres disponibles avaient été affectés partie au R.I.C.M., partie aux régiments du 1er C.A.C.

Le 28 février, le général Marchand, commandant la 10e D.I.C., et le lieutenant-colonel Edel, commandant le 52e R.I.C., avaient adressé aux officiers, sous-officiers, caporaux et soldats, les deux ordres ci-après :

ORDRE GÉNÉRAL N°6701/3

« En exécution des ordres supérieurs, et comme conséquence de la fin victorieuse de la guerre, la 10e D.I.C. est supprimée, ses régiments sont dissous.

« A vous qui comptez ou avez compté à la division, officiers, sous-officiers, caporaux, brigadiers et soldats, à tous,blancs ou noirs, vivant et morts, votre général adresse son salut de chef et d’ami.

« Ensemble, nous avons connu la lutte âpre et longue avec ses souffrances, ses sacrifices, ses splendeurs et ses renoncements, ensemble, nous avons connu la victoire qui paie tout.

« Les tâches ardues nous sont plus souvent échues en partage que les moissons faciles. Plus d’une fois, nos valeureux régiments durent se contenter, comme récompense de la part prise à la bataille, de la certitude de l’avoir gagnée. Ne regrettons rien. C’est l’épreuve multiforme qui trempe les énergies et forge les troupes que rien n’abat. Les nôtres, ainsi dressées, ont souvent pénétré au plus profond des rangs ennemis et ont gardé le terrain conquis. Elles n’en ont jamais cédé un pouce à l’adversaire, même supérieur en nombre et en armement, sans le reprendre aussitôt avec

bénéfice.

« Souvenez-vous de la Champagne en 1915, et du nom de Navarin de la Somme en 1916, du Chemin des Dames avec Hurtebise et de Verdun en 1917, de la Marne, de l’année victorieuse ; de cette Marne surtout, où, par deux fois, en 1918, devant Château-Thierry, aux derniers jours de mai, puis aux semaines de juin, et en avant d’Epernay, à la mi-juillet, quand la Patrie serrait son épée d’une main plus frémissante, vous vous êtes dressés, infranchissables. Puis l’envahisseur, à son tour assailli, était refoulé et laissait fléchir son moral au cuisant constat de la supériorité du vôtre.

« Pour cela et aussi parce que l’heure de l’armistice vous a trouvés devant les forts de Metz qui redevenait nôtre, vous aviez bien mérité, après un effort guerrier presque surhumain, par son ampleur, sa rudesse et sa continuité d’entrer des premiers dans Mayence, honneur du reste acheté par une marche forcée préalable de plus de cinq cent kilomètres à travers la Lorraine recouvrée et le Palatinat hier bavarois.

« Car voici bien, en effet, par delà les batailles de la gigantesque mêlée, alternant sans répit avec les combats et les travaux du secteur aussi meurtriers et plus épuisants encore, le vrai titre singulier dont votre division peut s’enorgueillir parce qu’elle est la seule, je crois, à le pouvoir arborer au regard de toutes les autres amies ou ennemies, dans l’ensemble des armées combattantes et sur tous les théâtres d’opérations de la guerre mondiale pendant toute sa durée.

« Entre le 23 septembre 1917, jour de son entrée dans la fournaise de Verdun par la porte d’Haudromont, et l’heure maintenant arrivée de la dislocation finale, jamais elle n’aura été retirée du front de bataille, de marche ou d’opérations. Dix-sept mois, jour pour jour, livrée à l’action multiforme ininterrompue, au cours de laquelle douze mille des siens dont trois cent officiers sont tombés, un trop grand nombre, pour ne plus se relever.

« Sous aucune forme et dans aucune mesure, pendant cette rude escalade des cimes de dévouement et d’abnégation les plus ardues, les troupes de la division n’auront goûté le repos de détente. Plus d’une fois, il l’avoue maintenant, votre général a subi l’étreinte d’une cruelle anxiété. A une pareille épreuve d’endurance unique, peut-être, dans les fastes militaires, le merveilleux outil de guerre allait-il pouvoir jusqu’au bout résister sans rompre ? … Il a fait mieux :

il en est sorti plus robuste encore, plus fortement trempé.

« Soldats et camarades de toutes armes et de tous grades, avec quelle fierté aujourd’hui je vous rends ce témoignage où vous sentirez mon affection et l’hommage d’une reconnaissance qui ne s’éteindra qu’avec moi.

« Votre division était née au premier printemps de la guerre, dans les fleurs et les aromes de Provence. De sa naissance ensoleillée, elle a gardé à travers les jours sombres, une foi toujours jeune. Elle finit avec le dernier hiver de la guerre, en sol allemand, au-delà du Rhin, des légendes et de nos gloires militaires.

« Ses morts dormiront consolés.

« Mais vous, les survivants de la plus formidable dispute guerrière que le monde ait connue, n’oubliez pas ce qui, demain, va être le passé, et les vertus auxquelles vous vous êtes haussés comme soldats, continuez de les cultiver précieusement comme citoyens. C’est la condition pour faire notre France toujours plus forte, toujours plus belle, toujours plus digne d’être saluée universellement dans l’ère de paix qui s’ouvre laborieuse et féconde, du titre prestigieux de médiatrice des nations, après avoir donné les directions triomphales aux peuples de l’Entente accourus à son appel pour défendre la liberté et la civilisation.

« Non vous n’oublierez pas… et vous ne permettrez pas non plus, rentrés dans vos foyers, qu’autour de vous on oublie…

« Adieu, ô mes bons compagnons d’armes. Adieu, mes chers régiments. Je salue vos drapeaux une dernière fois avant qu’ils cessent de flotter sur vos cohortes héroïques pour se figer en reliques d’épopée.

 

 « Fait au Quartier Général de Sankt-Goarshausen, le 28 février 1919.

« Le Général MARCHAND, commandant la 10e D.I. Coloniale.

« Signé : MARCHAND. »

ORDRE DU RÉGIMENT N°474

« Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du 52e R.I.C., après quatre ans d’âpre lutte et de combats incessants, les nécessités de l’heure veulent que notre brave régiment disparaisse. Je ne veux pas vous quitter sans vous dire à tous adieu et vous remercier du concours dévoué que j’ai trouvé en vous, du bon esprit et de l’abnégation que tous on apporté toujours à l’accomplissement de leur devoir.

« Champagne, Somme, Aisne, Verdun, Château-Thierry, Epernay, Verdun encore, toujours le régiment a été à la peine ; jamais il n’a reculé, jamais il n’a connu la défaite. Les splendides vertus militaires dont vous avez donné tant de preuves, vous les apporterez pour le bon renom de votre ancien corps, dans les différents régiments de l’arme où vous allez continuer à servir. Ceux d’entre-vous qui vont rentrer dans la vie civile se souviendront avec émotion des heures dures et des jours glorieux vécus au 52e R.I.C.

« Mais, par-dessus tout, souvenez-vous les uns et les autres de ceux qui, moins heureux que vous, n’ont pas vu le jour de la Victoire et qui ont donné, sous les plis de votre drapeau, leur vie pour leur pays… Que leur souvenir vive éternellement dans vos mémoires et s’associe toujours à nos souvenirs du 52e.

« A tous encore, merci et adieu.

« Mayence, le 28 février 1919.

« Le Lieutenant-Colonel EDEL, commandant le régiment

« Signé : EDEL.

Le 52e devait encore participer, en tant que régiment, à deux solennités : la première fut le défilé de la Victoire, à Paris, le 14 juillet 1919, où son glorieux drapeau orné de trois palmes, défila sous l’Arc de Triomphe. La seconde eut lieu à Epernay, à la fin de juillet : la municipalité de cette ville, remit à une délégation du régiment, un fanion d’honneur, en souvenir des combats qui s’y déroulèrent au bois du Roi et à la ferme du Grand-Pré, du 15 au 23 juillet, et grâce auxquels Epernay fut sauvé de la souillure de l’Allemand.

Le 52e avait vécu…

 

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