Mars 1945

1er mars 1945. En Alsace du Nord, l'artillerie alliée tire régulièrement. Ainsi Nierderbronn-les-Bains a-t-elle été bombardée dès l'aube. A Offwiller, trois maisons, où étaient installés des postes d'obervation allemands, ont été détruites.
Les DNA publie un article de Roger Koeffler commémorant la prise de Koufra (Libye) par le général Leclerc il y a quatre ans, Koufra « où des troupes françaises tiennent garnison (...) relevant celles que leur chef avait promis de conduire jusqu'à Strasbourg ». Le journal donne aussi le nom de deux malgré-nous alsaciens libérés par les Russes : Richard Mourlan (Barembach) et Pierre Knab (Mulhouse).

2 mars 1945. Des avions alliés, en rase-mottes au-dessus de Niederbronn-les-Bains, ont tiré à la mitrailleuse. L'artillerie a visé des dépôts autour du marché, mais a raté sa cible et endommagé plusieurs maisons au nord de la ville.
L'aviation alliée croit avoir décelé des signes de repli des troupes allemandes sur la rive gauche du Rhin, selon le quartier général de la 2e armée aérienne tactique.

3 mars 1945. Les Américains ont tenté d'établir une tête de pont à Haguenau au nord de la Moder. Une compagnie du 143e régiment d'infanterie US a franchi la rivière et pris une à une onze maisons. Elle a été relevée dans la journée par un bataillon du 141e régiment d'infanterie. Mais une contre-attaque allemande a récupéré neuf de ces maisons au cours d'un véritable combat de rue.

4 mars 1945. Le général de Gaulle s'est rendu ce jour à Oradour-sur-Glane, en Limousin. « Ce qui s'est passé à Oradour, a-t-il déclaré, est un symbole des malheurs de la patrie ».
A Niederbronn-les-Bains, très exposées au tirs, plusieurs maisons ont été bombardées par les alliés et deux fillettes tuées.
Un court article dans les DNA justifie la baisse de la ration journalière de matières grasses de la population bas-rhinoise (300 gr au lieu de 500) : il s'agit de solidarité avec la zone récemment libérée de la poche de Colmar dont les stocks ont été vidés par les Allemands.

5 mars 1945. L'idée d'une opération alliée sur le Rhin a repris corps : désormais les forces américaines ont atteint la région de Cologne (Rhénanie du Nord-Westphalie). Comme elles ne visent plus Berlin, laissé à l'Armée Rouge, il est probable qu'elles décident d'aligner le front ouest. En clair, conquérir la Rhénanie-Palatinat, dans la zone de Coblence et Mayence, tâche confiée à l'ouest à la IIIe armée du général Patton, que devrait rejoindre au sud à la VIIe armée, celle, justement qui s'est arrêtée, en Alsace, sur la Moder. Ce sera peut-être -enfin- la chance du nord de l'Alsace, bien oublié jusqu'ici.
Ces jours-ci, on y échange surtout des tirs d'artillerie. Par exemple, l'artillerie américaine a tiré ce 5 mars sur des positions au sud-est d'Offwiller. L'infanterie s'y bat aussi à Haguenau pour quelques maisons au nord de la Moder.

6 mars 1945. Les combats se sont poursuivis à Haguenau pour un pâté de maison au nord de la Moder. L'espoir de voir enfin reprise l'offensive américaine au nord de l'Alsace renaît : des éléments de la Iere armée US sont en effet entrés dans Cologne et les DNA de ce jour soulignent que « les alliés, méthodiquement, alignent leurs forces face au Rhin ».
Le journal, qui, pour la première fois depuis sa reparution, paraît sur 4 pages, publie un reportage sur Colmar ; le journaliste André Gaubt note que la ville « a de l'électricité et même un peu de gaz, de quoi faire envie aux ménagères strasbourgeoises ».

7 mars 1945. Le Rhin est franchi par les troupes alliés, à 300 km de Strasbourg, à Remagen (Rhénanie-Palatinat), au sud de Bonn, dont le pont ferroviaire est pris par des éléments de la Iere armée américaine.
Le général américain Devers a informé le général français de Lattre de l'imminente attaque de sa VIIe armée. L'opération, qui libérerait Wissembourg, a un nom : Undertone, qui a le double sens de « nuance » ou de « murmure ». La 3e division d'infanterie algérienne (Iere armée française) aurait pour mission d'appuyer l'attaque américaine, en avançant le long du Rhin jusqu'à Lauterbourg.
A Haguenau, les soldats américains ont repris le pâté de maisons, au nord de la Moder, disputé depuis plusieurs jours.
Le maire d'Ammerschwihr, dans les DNA, demande le déminage du vignoble avant le printemps, faute de quoi les vendanges seront perdues cette année et compromises pendant trois ans.

8 mars 1945. La 1ere division française libre a reçu l'ordre de quitter l'Alsace : elle doit rejoindre la frontière franco-italienne dans les Alpes.
En Alsace du Nord, les échanges d'artillerie se poursuivent : à Niederbronn-les-Bains, des bombes incendiaires sont tombées sur l'imprimerie Willm dans la soirée.

9 mars 1945. La nouvelle du franchissement du Rhin à Remagen (entre Coblence et Bonn), que publient les DNA ce jour, est saluée comme un signe d'espoir. Désormais, l'opinion publique comprend que l'objectif est de s'aligner sur le Rhin pour mieux le franchir, ce qui est de bon augure pour l'Alsace du nord, où les bombardements alliés continuent.
Les préparatifs de l'opération Undertone n'ont pas échappé aux forces allemandes.

10 mars 1945. Les ordres officiels ont été donnés pour l'opération Undertone. Le général américain Devers (6e groupe d'armées) confie la mission d'une attaque vers Sarrebruck et Wissembourg à la VIIe armée du général Patch. En terre alsacienne, c'est son 6e corps, augmenté de troupes françaises (3e division d'infanterie algérienne et Combat Command n°6 de la 5e division blindée) qui doivent agir.
Le front allemand, au nord de l'Alsace, est en plein réorganisation. Le 90e corps d'armée vient de s'étendre jusqu'au Rhin, à l'est, tandis que l'aile ouest est désormais sous l'autorité du 13e corps SS.
La multiplication des désertions dans les lignes allemandes, notamment sur le front ouest, a poussé Hitler à promulguer un arrêté indiquant qu'allocations familiales et autres remboursements seront supprimés aux familles des déserteurs.

13 mars 1945. L'opération Undertone est imminente en Alsace du nord et sa date n'est plus un secret : ce sera le 15 mars. L'aviation alliée a fait ce jour sur la zone, 115 sorties avec 36 chasseurs-bombardiers.
A Haguenau, la 141e division d'infanterie américaine a tenté d'élargir sa tête de pont au nord de la Moder, sans succès.
Dans les DNA, le recteur Prélot expose ce que sera l'université de Strasbourg dont les cours reprendront à l'automne. Aux sept facultés - dont les deux de théologie, catholique et protestante - seront ajoutés trois instituts : Hautes études alsaciennes, Hautes études étrangères (qui remplacera le Centre d'études germaniques) et Etudes coloniales...
 

14 mars 1945. Au nord de l'Alsace, la préparation aérienne de l'opération Undertone s'est accentuée. L'aviation alliée (12e Tactical Air Command) a détruit les routes à l'ouest de Mouterhouse. En même temps, les bombardiers de la 8e Air Force ont pilonné les fortifications du West Wall, la double ligne de défense allemande.
Le général de Lattre, à Paris, a rencontré la presse. Il a fait le point sur les pertes de la Iere armée depuis le débarquement de Provence en août (10 000 tués, dont 80% en Alsace, et 32 000 blessés). Questionné sur la date de l'entrée de l'armée française en Allemagne, il a répondu prudemment : « Je ne sais quand, mais elle y entrera sûrement ».

15 mars 1945. L'opération Undertone est lancée au nord de l'Alsace. Elle a commencé par un puissant bombardement aérien -qui a fait des victimes civiles, notamment à Reichshoffen et Niederbronn. La VIIe armée américaine a attaqué sur toute la largeur du front, avec son 21e corps à l'ouest de la Sarre, le 15e à l'est et le 6e corps d'armée autour de Haguenau.
Au sein de ce corps d'armée, la 3e division d'infanterie algérienne (3e DIA, française) a franchi la Moder, mais a été bloquée par les champs de mine, les tirs de mitrailleuses et la résistance du camp d'Oberhoffen. Elle a peu progressé.
Les troupes allemandes face à cette offensive -soit sept divisions de la Iere armée allemande, dont plusieurs très affaiblies- n'ont pas réussi à maintenir une ligne de défense. En revanche, plusieurs de leurs contre-attaques ont compliqué l'avancée alliée, par exemple à Uttenhoffen.

15 mars 1945. A la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, après avoir été libéré par les troupes américaines fin novembre 1944, Bitschhoffen a été de nouveau occupé par les Allemands fin janvier 1945. Dans le cadre de l'offensive des Ardennes menée par Von Runstedt et l'opération Nordwind, visant à reprendre Strasbourg et toute l'Alsace, le front se stabilisait à partir de ce moment sur la Moder de sorte que Bitschhoffen, tenu par les Allemands, avait à subir pendant un mois et demi, le tir d'artillerie et le bombardement des troupes américaines. Quand, au matin du 15 mars 1945, le village a été pris d'assaut et libéré par les Américains, Bitschhoffen était en ruines car 90 % des bâtiments étaient détruits. Après la guerre, la reconstruction s'est étendue sur plusieurs années de sorte que les habitants avaient à endurer les pires privations. L'église détruite a été reconstruite à un autre emplacement.

16 mars 1945. Forte progression de la 42e division d' infanterie US à l' ouest de Haguenau. Le secteur nord de Haguenau et nettoyé par la 36e DIUS. A l' est, le 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4RTT) enlève le camps d' Oberhoffen et le 3e RTA (régiment de tirailleurs algériens) le village de Schirrheim. Interventions de l' aviation française en soutient de la 1re armée.

Aujourd'hui est une grande journée pour l' armée américaine. Elle franchit massivement la Moselle en Allemagne. Dans le sud des Alpes, le 1re division française libre (1re DFL) relève la 44e brigade américaine.

17 mars 1945. Les Alsaciens invités à déclarer leurs avoir à l' étranger et en or. Le gouvernement laisse le choix entre une régularisation peu coûteuse et des sanctions très sévères à ceux qui seraient en infration. Dans le nord du Bas-Rhin, le guerre continue. Avancée des troupes américaines. Niederbronn, Soufflenheim, Drusenheim, Fort-Louis sont libérés. Les Français élargissent leur créneau.Dans la nuit du 16 au 17, l' adversaire rompt le contact, non sans avoir tenté de masquer son décrochage par une vive contre-attaque de SS menée jusqu'au corps à corps contre les Algériens à Schirrheim. Aussitôt, la poursuite s' engage. Plus gêné par le nombre incroyable de mines que par le feu, le 3e régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) occupe soufflenheim et Koenigsbruck, pendant que le 3e régiment de spahis algériens (3e SPAR) et le Combat Command 6 prennent Drussenheim et Fort-Louis avant de retrouver le contact à Roeschwoog.

Pendant ce temps Guillaume a lancé, en pleine forêt de Haguenau, le 1er groupement de tabors marocains (1er GTM- colonel LeBlanc). Méprisant les mines sur lesquelles sautent trop souvent les hommes de tête de leurs colonnes, les goumiers la traversent tout entière et débouchent à Rittershoffen sans rencontrer d' ailleurs un seul élément allié. Grâce à ce mouvement audacieux, nous sommes à quatorze kilomètres à l' ouest du Rhin alors que la limite de notre secteur ne s' en écarte que de six kilomètres (de Lattre).  

18 mars 1945.Première bombes volantes japonaises dans le Pacifique. Le 14e division blindées US en phase d' exploitation. Wissembourg à portée de canon. Retour à Hatten et Rittershoffen complètement détruits. La 3e division d' infanterie algérienne continue à élargir sa zone d' action. l' armée française a son créneau sur la Lauter. Entrevue Devers, de Lattre à Phalsbourg.

Les événements se précipitent dans le nord de l' Alsace. Il apparaît clairement que les Allemands, au prix d' actions de retardement, se replient en direction de la ligne Siegfried. Exploitant la percée de la 36e division d' infanterie US (36e DIUS), la 14e division blindée se lance alors dans une phase d' exploitation.

Le groupe de combat A mené par le 25e bataillon de chars, regroupé autour de Ringendorf, traverse la forêt de Haguenau, atteind Mertzwiller, Morsbronn, Surbourg, Hohwiller et se dirige sur Leiterswiller.

19 mars 1945. Libération de Wissembourg par les Américains, mais il y eu une première libération le 16 décembre 1944.

19 mars 1945. Le nord du Bas-Rhin est entièrement libéré. A 16h 30, les Tunisiens de la 1er Armée s'emparent de Scheibenhard.

19 mars 1945. Dès hier, les GI's ont passé la frontière entre l'Alsace et l'Allemagne du côté de Obersteinbach. Il s'agit de la 42e division d'infanterie dite <<Rainbow>> (Arc-en-ciel) parce que ses soldats viennent de tous les Etats des USA. Aujourd'hui, c'est au tour des Français, tout à l'est.
A l'issue de leur entretient d'hier, Devers et de Lattre ont décidé que la 3e division d'infanterie algérienne (3e DIA) et la 5e DB formeront une <<Task Force>> commandée par Monsabert et qui passera en Allemagne. Monsabert sera sous les ordres tactiques de la 7e armée américaine jusqu'à la rivière Erlen. Au delà, il repassera sous le commandement de la 1re armée française qui disposera de son créneau sur le Rhin au nord de l'ancienne frontière.
Immédiatement prévenu, Monsabert se rend à Saverne au PC du général Brooks qui lui fait part de la mission dévolue à sa "Task Force"": <<Attaquer en direction de Kandel, détruire les forces ennemies au sud de la rivière Erlen et s'emparer dans sa zone des passages du Rhin>>. Autrement dit: forcer la ligne Siegfried.
<<Or, en cette charnière, la ligne Siegfried est d'une particulière solidité. Utilisant tous les couverts du Bienwald, elle consiste en des centaines de bunkers placés en quinconce tous les 150 mètres, sur une profondeur de sept kilomètres. La plupart sont invisibles et tous sont protégés par des réseaux multiples de barbelés, d'innombrables champs de mines et d'immenses abattis diaboliquement piégés>> (De Lattre)
<<Pour rompre cette barrière que notre armée de 39 n'a pas osé affronter>>, de Lattre renforce les effectifs de Monsabert avec l'apport notamment de la 2e division d'infanterie marocaine (2e DIM) commandée par le général Carpentier.
Sur le terrain, comment se présente la situation ? Au petit jour, la reconnaissance d'un escadron de chars légers du côté de Lauterbourg n'a rien donné. On ne passera pas par là. En début d'après-midi, les patrouilles du 3e régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) au nord de Salmbach sont impitoyablement contrés. On ne passera pas par là non plus.
Il apparaît donc que pour franchir la Lauter (dont la frontière suit le cours°, il ne reste que la <<solution de Scheibenhard>>.
Le général Guillaume fait appeler le capitaine Sahuc qui commande deux compagnies de pointe du 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT). Le général est dans sa jeep avec son chauffeur et, à ses côtés, un officier.
Le capitaine Sahuc raconte: <<De là où la jeep est arrêtée en plein champ, on peut apercevoir vers le nord une immense étendue de bois, et, presque en bordure de cette forêt, les pointes des deux clochers, Scheibenhardt (premier village allemand) et, à notre droite, Lauterbourg. Etendant sa main droite et me montrant du doigt l'horizon, le général Guillaume me dit: <<Vous voyez, Sahuc, cette forêt, c'est le Bienwald. C'est l'Allemagne; il faut y entrer>>. <<Bien, mon général>>.
<<Connaissant sa manière laconique de s'exprimer, je comprends vite que l'entretien est terminé. Je salue et reprends mon poste derrière les éléments avancés de ma compagnie>>.
En fait, il y a deux Scheibenhard qui, à l'origine, formaient une seule localité au milieu de laquelle coulait une rivière, la Lauter. L'histoire a voulu que la rive droite devienne française et la rive gauche allemande. Les noms des deux villages, diffèrent que par le <<t>> ajouté à l'allemande mais les habitants sont souvent en parenté.
A 16h 30, l'attaque commence. <<Tandis que les mitrailleuses lourdes et les tank destroyers aveuglent les habitations de la rive nord, la 6e compagnie de capitaine Sahuc cherche un passage guéable. Une section échoue dans son entreprise, une autre passe, avec de l'eau jusqu'à la poitrine.
Immédiatement derrière elle, les pionniers du bataillon lancent une passerelle de fortune. Et le corps à corps commence, entre Tunisiens et les SS.
<<Se battre en Allemagne... Le sol ennemi électrise nos hommes. A la grenade, au bazooka, les maisons éventrées sont conquises. Et c'est à la lumière de ces incendies que le combat se poursuit à la chute du jour, jusqu'à 20 h 30. Scheibenhardt est alors en notre possession. 16 mars: une grande date pour les cœurs français>>(De Lattre)

20 mars 1945. Quelques villages ne sont pas encore libérés: Ingolsheim, Kauffenenheim... Durcissement des ordres venant de Berlin. Hitler ordonne d'appliquer la tactique de la " terre brûlée". Speer tente de s'y opposer. L'Alsace l'a échappé belle.

20 mars 1945.Toute l'Alsace n'est pas encore libérée. Il reste çà et là dans le nord du Bas-Rhin quelques villages dont l'accès a été rendu difficile: route encombrée d'abattis ou plus généralement ponts détruits par l'ennemi lors de sa retraite. Il en va ainsi d'Inglosheim qui est libéré par la suite par des troupes venant de Schoenenbourg et allant vers Riedselt ou de Kauffenheim, totalement isolé par la destruction des ponts qui donnent accès à la localité. Les troupes françaises avaient pourtant libéré toutes les localités avoisinantes dès le 18.
Voici venu le temps des derniers ordres du jour pour ce qui concerne la libération de l'Alsace.
Le général US Brooks écrit au général Guillaume, commandant de la 3e division d'infanterie algérienne: << C'est à vous et aux troupes qui relèvent de votre commandement qu'à échu le grand honneur de rejeter jusqu'au dernier, de le terre d'Alsace et de celle de France, l'envahisseur boche.
J'ai longtemps soutenu que le commandement d'une division au feu est l'ultime récompense de tout soldats mais, en plus, bouter hors de son pays le dernier envahisseur est un honneur et un privilège qui sont l'apanage de peu d'hommes de guerre. Le 6e corps d'armée US en entier applaudit à votre victoire.>>
Bel hommage mais erreur au plan de la stricte vérité historique: pour retrouver l'intégralité du territoire national, il faut encore liquider les poches de l'Atlantique et ramener la frontière à son état antérieur dans les Alpes.

31mars 1945. Le Rhin est franchi par les armées françaises.

2 avril 1945. Le I /21e RIC (Lcl Delteil), commandé par le Cba Pâris de Bollardière, franchit d’assaut le Rhin à Leimersheim (au Nord de Strasbourg) en dépit de la force du courant, de la largeur du fleuve et de la vigoureuse défense allemande et crée une tête de pont sur la rive Est du fleuve. De nombreux actes d’héroïsme individuels sont accomplis au cours du combat. Les IIe et IIIe btns suivent, ce dernier franchissant de nuit et sous un violent bombardement d’artillerie. Un monument érigé à cet endroit sur la rive gauche du fleuve rappelle ce fait d’arme.

6 mai 1945. La 2e DIM est à la sortie du tunnel de l’Arlberg. C’est la fin de la guerre.

8 mai 1945. De Lattre appose à Berlin le paraphe d’un Français au bas de l’acte de reddition des armées hitlériennes vaincues.

Les pertes globales de la 1re armée, en France et en Allemagne, se sont élevées, du 15 août 1944 au 8 mai 1945 à 9 237 tués, dont 5 260 Nord-africains, et à 34 714 blessés, dont 18 531 Nord-africains. Et pourtant...
Au moment où s’affirme la victoire contre le nazisme, Gaston Monnerville, qui était né en Guyane, proclame, le 25 mai 1944 : « Sans l’Empire, la France ne serait qu’un pays libéré ; grâce à son Empire, elle est un pays vainqueur ». À la fin de l’année, le ministre René Pleven assure : « En ce moment la France est sans doute plus consciente qu’elle ne l’a jamais été de la valeur de ses colonies. »
L’image de la France sauvée par ses colonies est ainsi enracinée dans bon nombre d’esprits. D’un côté, le régime pétainiste avait refusé de poursuivre le combat à partir de l’Empire et s’était compromis dans la collaboration avec l’Allemagne nazie ; de l’autre, la France libre s’est appuyée sur l’outre-mer pour reconquérir la métropole.


La Seconde Guerre mondiale se termine officiellement en Europe le 8 mai 1945, à 23h01, au lendemain de la capitulation sans condition de l'Allemagne nazie.

Hitler s'étant suicidé une semaine plus tôt, le 30 avril, dans son bunker de Berlin, c'est à l'amiral Dönitz qu'il revient de demander la cessation des combats aux puissances alliées, les Anglo-Saxons et les Soviétiques.

Karl Dönitz envoie le général Gustav Jodl, à Reims (France), nouveau chef d'état-major de la Wehrmacht, au quartier général des forces alliées du général Dwight Eisenhower. 

Celui-ci est installé dans le grand bâtiment de briques rouges de l'Ecole professionnelle de Reims (c'est aujourd'hui un collège qui porte le nom de lycée Roosevelt).

Le général allemand signe dans la nuit du 7 au 8 mai, à 2h 41, la capitulation sans condition de l'Allemagne. En d'autres termes, il fait savoir aux Alliés que les troupes allemandes sont dans l'incapacité de poursuivre les combats et se mettent à la discrétion des vainqueurs (*).

Côté vainqueurs, l'acte de capitulation est signé par le général Walter Bodell-Smith, chef d'état-major du général Eisenhower, commandant suprême des Alliés. et le général soviétique Ivan Sousloparov. 

Le général français François Sevez, chef d'état-major du général de Gaulle, est invité à le contresigner à la fin de la cérémonie en qualité de simple témoin.

La cessation des combats est fixée au lendemain 8 mai, à 23h 01 (mais certaines troupes allemandes résisteront au-delà de cette date, notamment dans la place forte de Saint-Nazaire).

Mécontent que la capitulation ait été signée à Reims, dans une zone occupée par les Anglo-Saxons, le dictateur soviétique, Staline, exige qu'elle soit également ratifiée dans la capitale allemande, au quartier général des forces soviétiques du maréchal Joukov, dans le quartier de Karlshorst.

Cette formalité étant accomplie, le 8 mai 1945, à 15 heures, les chefs d'État et de gouvernement alliés, dont le général de Gaulle, annoncent simultanément sur les radios la cessation officielle des hostilités en Europe. 

Aux États-Unis, l'annonce de la victoire revient au président Harry Truman, son prédécesseur Franklin Roosevelt étant mort d'épuisement et de maladie le mois précédent, le 14 avril 1945.

La capitulation n'est pas la paix

Après la capitulation de l'Allemagne nazie, les hostilités se poursuivent avec acharnement dans l'océan Pacifique contre le Japon de l'empereur Showa. 

La fin véritable de la seconde guerre mondiale n'a lieu que le 2 septembre 1945, près de quatre mois plus tard, avec la capitulation du Japon suite aux deux explosions atomiques de Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945.

Les Américains distinguent ainsi le V-E (Victory-Europe) Day, jour de la victoire en Europe et le V-J (Victory-Japan) Day, jour de la victoire sur le Japon.




Commentaire : la France et la capitulation

La France, bien qu'officiellement retirée de la guerre depuis l'armistice (*) de 1940, a été présente lors de la signature de l'acte de capitulation, aux côtés de l'Angleterre, des États-Unis et de l'URSS.

Charles de Gaulle avait convaincu Winston Churchill d'accorder ce privilège à son pays. Pour le chef de la France libre, le conflit qui s'achevait avait commencé non pas en 1939 mais en 1914. Au terme de cette guerre de trente ans, il estimait que son pays avait bien mérité de la Victoire.

Le gouvernement du général de Gaulle est donc représenté à Berlin par le chef de la 1ère armée française, le général Jean de Lattre de Tassigny. 

Lorsque celui-ci exige qu'un drapeau français soit joint aux drapeaux anglais, américain et soviétique dans la salle de capitulation, il s'attire cette réflexion d'un officier britannique : «Et pourquoi pas le drapeau chinois ?»

Le maréchal Keitel, commandant en chef de l'armée allemande, s'exclame pour sa part en voyant le drapeau français : « Ah, il y a aussi des Français ! Il ne manquait plus que cela !» 

Négligeant de commémorer la capitulation du 7 mai, à Reims, à laquelle ils n'ont eu aucune part, les Français ont choisi par la suite de commémorer exclusivement le 8 mai 1945.

En 1975, le président Giscard d'Estaing a prétendu mettre un terme à cette commémoration par souci de réconciliation avec les Allemands... mais au grand scandale des associations d'anciens combattants.

En 1981, le 8 mai est redevenu férié... et chômé qui plus est. L'attention portée à cette célébration paraît d'autant plus incongrue que le 8 mai 1945 est aussi marqué par la répression sanglante de Sétif. 

A noter que ni les Anglais, ni les Américains ne chôment le 8 mai quoi qu'ils aient les meilleures raisons du monde de commémorer cet anniversaire.

Quant aux Russes, c'est le 9 mai qu'ils célèbrent la capitulation de l'Allemagne nazie !

André Larané 

Retour vers 1944

Retour vers index