Le Cinéma aux Armées en Indo…..
L’Indochine Sud
en 1947, ce n’était pas la joie …. Saïgon en état de siège, manque
de renforts….le moral des troupes n’était pas au beau fixe..
Il devenait donc
urgent de faire en sorte de remonter le moral des bidasses et, surtout ceux qui
étaient perdus dans les postes de brousse et du delta du Mékong où la plupart
du temps, le chef de poste n’était qu’un simple Caporal, assisté d’une
trentaine de partisans Annamites et Cambodgiens.
Quelques
services, comme le Théâtre aux Armées de Saïgon, dont j’étais membre,
furent même supprimés et leurs acteurs ou musiciens, envoyés au casse-pipe.
Par hasard ou par
chance, je fus moi-même muté du Théâtre aux Armées au Service Cinéma aux
Armées , localisé au Camp Pétrusky, non loin de Cholon.
Cette ville de
Cholon située à la périphérie de Saïgon, composée d’environ 80% de
Chinois tous, plus ou moins commerçants donc, plus ou moins supporters des
Viets.
Le Camp Pétrusky
n’étant pas très sûr dans la journée et, pas sûr du tout après le
coucher du soleil, le Général Leclerc avait demandé , deux ans plutôt, à ce
que les paillotes disparaissent aux alentours immédiats du camp, ce qui fut
fait et les paillotes brûlées… en 1947, le Général Leclerc parti,
les paillotes étaient revenues ainsi que les attentats contre les
militaires.
Chaque nuit nous
étions bercés par les bruits lancinants de tam-tam venant de ces paillotes,
effectués, paraît-il à l’occasion de la veillée des morts
Le servie Cinéma
était donc installé en cet endroit, où étaient formés, une quarantaine de
militaires, sur des projecteurs
DEBRIE 16mm.
Le service était
composé d’une dizaine de camions GMC aménagés avec un générateur
puissant, accroché en remorque et destiné a fournir l’électricité pour une
projection correcte.
Chaque équipe de
trois, tous chauffeurs, projectionnistes et, éventuellement combattants.
Chaque équipe
avait une destination précise, la plupart du temps dans les postes avancés,
tenus soit par la Légion, par les Gendarmes ou par les autres…
Chaque équipe
partait pour environ 3 semaines, je dis environ car, il fallait arriver dans les
postes et en repartir, une auto-mitrailleuse nous ouvrait la route à chaque déplacement
mais, quelquefois, certaines équipes ne revenaient pas, ayant subi une
embuscade fatale dans un de ces petits postes fragiles , dans une région où un
Indochinois sur deux était à la solde des armées Viets, ceci par conviction
ou souvent par peur.
Je me souviens
d’une de nos tournées, dans la région de Phang hiep, entre Tra vinh et Vinh
long, dans le Delta du Mékong, nous
changions chaque jour de poste afin de remonter le moral de ces hommes abandonnés
dans la rizière avec, la peur au ventre sitôt la nuit venue.
Nous venions de
terminer de projeter notre film, je me souviens même que c’était un film de
Charlot, lorsque les hommes de garde commencèrent a tirer pour avertir qu’une
attaque Viet était probable, ayant remarqué des ombres, au-delà de la haie de
bambous verts effilés constituant
le mur de défense du camp….
En effet, cinq
minutes plus tard, les balles commençaient a siffler et, mes camarades et moi
avions également pris, comme tout le monde, position en défense.
Notre générateur étant encore en position de
fonctionnement, notre équipe cinéma eut l’idée de brancher notre spot à
grand rayon d’action et de le porter dans le mirador principal, ce qui permit
de balayer la brousse, d’effrayer les Viets et de faire avorter leur attaque.
Le poste n’enregistra ce jour là que deux blessés légers,
un par balle Viet et l’autre étant tombé de l’échelle de bambou menant à
un mirador. En ce qui concerne les Viets, après vérification dès le jour
venu, impossibilité de connaître le nombre des éventuelles victimes, les
Viets emmenant toujours leurs blessés et morts.
Il est un fait
que, la tournée cinéma a, ce jour là, peut-être sauvé ce poste d’une
catastrophe , la lumière puissante de notre projecteur a également permis à
la mitrailleuse 12,7 et à tous les défenseurs de tirer avec plus de précision.
Projectionniste
de cinéma peut donc être parfois dangereux.
La situation ne
s’arrangeant pas du tout en Indochine, même le service Cinéma a vu ses
membres dispersés en unités combattantes.
C’est ainsi que
je me suis retrouvé personnellement en 1948, au 2ème Bataillon de
marche d’Extrême Orient à Soctrang, précisément
dans le delta du Mékong où j’avais déjà acquis une certaine expérience du
terrain….
Ce sont mes
souvenirs….
Henri Darré
-Sept.2005