Lundi 22 janvier 1945. Combats héroïque à KILSTETT (67-Bas-Rhin)
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le carte défense de Strasbourg
Ces commandos d’Afrique venus de TAMBOW…
Hier soir, Kilstett était investi par deux bataillons allemands ; A quelques kilomètres de la capitale alsacienne se joue une fois de plus le sort de Strasbourg et c’est de la capacité à résister du 3è régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) que tout dépend.
Or, le 3e RTA – dans les heures à venir – sera héroïque tout comme, à l’autre bout de l’Alsace, le seront les commandos d’ Afrique du lieutenant-colonel BOUVET. Parmi ces derniers, il y a – curiosité – 70 anciens de … TAMBOW. Le 7 juillet 1944, ils ont quitté ce camp après les accords passés entre de GAULLE et STALINE.
6000 VOLONTAIRES SUR 15000
Ils étaient 1500 – dans le cadre de la mission du général PETIT – à se rendre ensuite en Algérie via Bakou, l’Iran, la Palestine (où ils suivent quelques semaines durant une instruction militaire britannique), Là, ils se sont refait une santé.
Ils sont 600 à vouloir reprendre du service pour libérer leur pays ; 200 seront retenus. Lorsqu’ils arrivent – parfaitement entraînés – le 15 décembre à Aubagne, 130 d’entre eux sont affectés aux commandos de France, de GAMBIEZ, 70 aux commandos d’Afrique où ils combattent aux côtés de pieds-noirs et de Nord-Africains. C’est leur cinquième uniforme après celui de la Wehrmacht (lui-même précédé de le tenue française modèle 1916), la tenue soviétique, des effets britanniques puis américains… Ceux qui équipent la 1er armée française.
Depuis hier, ils sont à Brunhaupt où ils font sensation auprès des villageois qui les interpellent en dialecte. Et ils veulent se battre pour libérer <<leur>> pays.
L’attaque était fixée à 23h hier au soir. Le tout jeune aspirant GROSS a profité de la journée pour aller embrasser sa famille à Bourtzwiller, enfin libéré. Sachant que l’attaque est imminente, il ne s’est pas attardé, d’autant plus que la forêt du Nonnenbruch qu’il va falloir traverser, il la connaît bien. Car il s’agit de franchir la Thur et de contourner Cernay.
A proximité de la voie ferrée Mulhouse-Thann, près d’un passage à niveau, les <<hommes en blanc>> tombent sur un bataillon allemand au grand complet qui s’apprête à lancer une contre-offensive appuyée par des blindés. Il faut se replier, s’enterrer dans la neige, résister toute la nuit et la journée qui suit.
Sept fois, les grenadiers allemands avancent, sept fois ils sont repoussés. Le 22 au soir, les blindés français font leur apparition. A 23h, les tirailleurs marocains prennent la relève. Les commandos d’Afrique ont laissé 189 morts dans cette bataille, 193 autres sont blessés. Sur les 200 soldats du 1er commando – celui des Alsacien-Lorrains – 48 seulement rejoignent Burnhaupt.
L’aspirant GROSS – qui n’est pas passé par Tambow mais par les prisons franquistes – n’embrassera plus jamais ses parents. Il a été tué dès le début de l’attaque.
Le lieutenant MAURY, qui a échappé à la tuerie, raconte : les Allemands ne font pas de prisonniers quand il s’agit de commandos. Ils ont achevé une centaine de blessés d’une balle dans la nuque.
Revenons à Kilstett, investi de toutes part par un ennemi très supérieur en nombre. Le 3è bataillon du 3e régiment de tirailleurs algériens, groupé autour du commandant de REYNIES, s’oppose des heures durant aux assauts des é »lèves sous-officiers allemands appuyés par des blindés et de l’artillerie.
Mais au PC du 3e RTA, on ne chôme pas. La 2e DB est alertée dès 23h. LECLERC lui-même se rend au PC du régiment.
Pour la contre-attaque, une masse puissante est réunie sur la base de départ de la Wantzenau, sans se soucier des obus : le 2e bataillon du 3e RTA, le groupe franc du régiment, les chars du groupe tactique (équivalent français du Combat Command US) LANGLADE de la 2e DB suivis d’une compagnie de la Légion et renforcés de tancks-destroyers de 7e RCA (régiment de chasseurs d’Afrique).
A 9 h la contre-attaque a de la difficulté à percer. A 10h45, ceux qui tentent de rompre l’encerclement avec l’aide des chasseurs-bombardiers, ne savent pas trop où sont retranchés les éléments du 3e bataillon. On craint, douze heures après le début de l’attaque allemande, qu’il ne soient submergés d’un moment à l’autre.
<< Aussi avec plus d’énergie et de courage que jamais, légionnaires tirailleurs, équipages de chars, forcent la barrière du GT LANGLADE atteignent le passage à niveau nord de Kilstett, poussent vers Gamsheim.
L’ infanterie française parvient aux première maisons du village. Alors, dans un dernier sursaut de volonté, les survivants du 3e bataillon font éclater la ceinture ennemie, se ruent sur les assaillants !
Surpris par la violence de cette réaction, pris à leur tour entre deux feux, les bataillons SCHIMDT et TREUTLER sont décimés >> ( lieutenant ROY )
Le narrateur conclut : << Strasbourg est sauvé. >>
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Janvier 1945 : la guerre semble toucher à sa fin. Cependant, le 20 décembre 1944, HITLER a déclenché l’offensive dans les Ardennes (opération WACHT AM RHEIN). Tandis que les panzers tentent une sanglante percée dans ce secteur, une offensive est également lancée dans le nord de l’Alsace : c’est l’opération NORDWIND. Son but : contourner l’armée PATTON et reprendre STRASBOURG. La situation est délicate car, face à cette attaque allemande, les alliés envisagent de se retirer de la plaine d’ALSACE, au risque de laisser tomber Strasbourg aux mains ennemies. Le général DEVERS donne l’ordre de repli sur les Vosges le 1er janvier. Le 6ème corps US et la 1ère Armée française doivent faire mouvement en arrière. Mais, pour le général SCHWARTZ, gouverneur militaire de STRASBOURG, la situation est intolérable et impensable, pour les Français, et plus particulièrement pour les Alsaciens qui ne veulent pas vivre une nouvelle tragédie.
Le général De LATTRE de TASSIGNY, commandant la 1ère Armée Française envoie un courrier au général DEVERS, protestant contre cet "abandon". Le général De GAULLE lui-même intervient auprès du général EISENHOWER, pour que l’armée française défende STRASBOURG, ce qu’il obtient.
Depuis les semaines précédentes, les escadrons de la garde sont regroupés et constituent le «groupement DAUCOURT ». Il s’agit en fait du 4ème régiment de la garde. Il se compose des éléments suivants :
3ème escadron Le PUY en VELAY
4ème escadron MONTLUCON
5ème escadron SAINT ETIENNE
8ème escadron MONTBRISON
La mission principale de ce groupement est d’assurer la sécurité des voies de communication, lors de l’avancée de la III ème armée américaine du général PATTON. Lors de l’automne de la revanche, Il participe le 3 septembre 1944 à la libération de LYON et le 21 novembre 1944 à celle de METZ. En ce début 1945, le groupement DAUCOURT se trouve à STRASBOURG, libérée le 23 novembre par la 2ème DB du général LECLERC. Ses escadrons y sont arrivés entre le 14 et le 26 décembre 1944. Après un court séjour à la caserne TURENNE, ils se retrouvent ensuite logés dans les casernes SENARMONT et MARCOT.
Un peu au nord de STRASBOURG, des membres des Forces Françaises de l ’Intérieur (FFI) sont présents un peu partout. Ils ont reçu pour mission de tenir les mairies et s’occuper des archives après le passage des troupes américaines. Malgré une volonté de se battre, ces hommes n’ont qu’une formation militaire sommaire. De plus, ils manquent cruellement de matériel. Cependant, ils patrouillent sur les bords du Rhin et dans les villages à proximité. A GAMBSHEIM, on note encore la présence d’une section de transmission américaine ainsi que du Quartier général des FFI qui se trouve à la mairie.
Dans la nuit du 4 au 5 janvier, des FFI récupèrent une JEEP et 2 hommes pour aller jusqu’à la digue du Rhin, en traversant la forêt. Là, ils se rendent compte que l’ennemi est en train de construire un pont provisoire sur le fleuve. Il s’agit d ’ éléments de la 553 Infanterie Division allemande. Ayant recueilli ce précieux renseignement, la JEEP revient sur GAMBSHEIM avec les G.I. tandis que les FFI reviennent à pied en direction de KILSTETT
Le compte rendu est alors fait au lieutenant des transmissions américain qui n’y croit pas et se rendort. Malgré l’alerte donnée par les FFI, il faut attendre les Américains pour réagir : aucune action importante ne peut être envisagée seuls. Ce même 5 janvier, à
WEYERSHEIM, les troupes américaines sont prêtes à partir avec l’artillerie pour retrouver de nouvelles positions et se replier sur le contrefort des VOSGES. Ils évacuent également GAMBSHEIM face à la menace allemande.
D’autres FFI du groupe KIEFER ont réussi à rejoindre les lignes et rendent compte de ce qu’ils ont vu : cette fois les Américains les croient et informent sans plus attendre le commandement à STRASBOURG, qui envoie un lieutenant, officier de renseignement français.
Le général SCHWARTZ, gouverneur militaire de STRASBOURG décide d’envoyer les éléments disponibles en renfort aux troupes alliées qui tiennent encore KILSTETT. Il attend l’arrivée imminente de la 3ème D.I.A. du général de MONSABERT, qui s’est illustrée pendant la campagne d’Italie et de Provence. Mais pour le moment, il ne dispose que du 4ème Régiment de la Garde, tandis que les FFI sont intégrés à la 1ère armée française du général De LATTRE de TASSIGNY.
A 10 heures 30, le groupement DAUCOURT est mis en alerte et se prépare à accomplir cette nouvelle mission. Le 4ème escadron du lieutenant CAMBOURS, le 8ème du capitaine BRUSTEL et un peloton du 5ème du capitaine Chapon achèvent leurs préparatifs. Ce détachement reçoit l’ordre de rejoindre aussitôt LA WANTZENAU, à quelques kilomètres au nord de STRASBOURG. Là, les gardes doivent prendre contact avec les FFI et pousser des reconnaissances sur KILSTETT, GAMBSHEIM, HOERDT, ET WEYERSHEIM. Un message précise la conduite à tenir : soit agir d’initiative, soit en liaison avec les troupes françaises ou encore de concert avec les Américains. Le responsable est le capitaine RIEHL, qui s’est déjà distingué lors de la libération de METZ.
Le détachement atteint LA WANTZENAU à 12 H 15 et prend contact avec les FFI ainsi qu’avec un lieutenant colonel de la TASK FORCE LINDEN de l’armée américaine. D’un commun accord, décision est prise de continuer la route jusqu’à KILSTETT afin de rejoindre une compagnie d’infanterie US déjà sur place. La liaison se fait prêt de la gare de ce village. Ainsi, une reconnaissance doit être effectuée en direction de GAMBSHEIM. Les gardes débarquent des véhicules pour continuer la mission à pied.
A 15 H00, le dispositif suivant est mis en place :
le 4ème ESC forme l’aile gauche à l’ouest de la voie ferrée ;
le 8ème ESC est au centre du dispositif entre la voie ferrée et la route
le 5ème ESC est en soutien
Les mitrailleuses sont en appui du flanc ouest tandis que les Américains couvrent l’opération sur la droite, face à la forêt du RHIN. Le terrain est un immense découvert entre le talus de la voie ferrée (ligne de LAUTERBOURG ) et la digue du RHIN. Il y a de la neige et le terrain est particulièrement gelé. Le major américain a demandé un appui aérien pour l’heure prévue du débouché et un tir d’artillerie sur GAMBSHEIM à H + 15. Le message est bien reçu, mais il ne se passe rien. Pourtant, la progression débute à 15 H 30 Les groupes avancent, dispersés sur tout le découvert pour réduire les risques. Les 500 premier mètres sont franchis sans difficulté. Mais l’arrivée du groupe PLANCHETTE sur BETTENHOFEN déclenche un tir de barrage des allemands. Les hommes sont cloués au sol malgré le tir des mitrailleuses amies qui ripostent. Les gardes KEMBERG et BARBIN sont tués sur le coup. Cinq autres sont blessés grièvement. Le lieutenant CAMBOURS est atteint d’un éclat en plein front au moment ou il essaie d’apprécier la situation pour réagir. Il est remplacé par le Lieutenant PERRE qui, aussitôt, est blessé gravement lui aussi Dans la fusillade , toute progression devient impossible . Vers 16 H 30, malgré les tentatives de débordement pour réduire la résistance ennemie, le feu allemand s’intensifie. Sous ce feu d ’ enfer, les gardes réussissent à atteindre les lisières de BETTENHOFFEN. De toute évidence, il ne s’agit pas d’un ennemi isolé et il va falloir s’accrocher à
KILSTETT. C’est le 4ème escadron qui décroche le premier, par échelons successifs. Ses pelotons sont rameutés par l’adjudant-chef LEGRAND ; les 5ème et 8ème escadrons assurent la couverture. Ils subissent également des pertes. Le groupe de l’adjudant CAMUS ramène sur les fusils de 4 gardes le corps du lieutenant CAMBOURS agonisant. Au cours de ce mouvement d’esquive, le garde LANNOY, chef d’une pièce mitrailleuse, est tué.
L’unité se rétablit sur sa base de départ : elle compte alors 4 morts et 16 blessés graves sur 130 hommes. Les gardes se battent avec pugnacité : beaucoup refusent de se faire soigner tant qu‘il leur reste des munitions. Finalement, le combat permet de fixer les Allemands et de les empêcher de continuer leur progression dans la plaine alsacienne.
Toute la nuit, des bruits de chars, des explosions d’obus et des tirs de mitrailleuses laissent supposer qu’à partir du petit matin, une offensive allemande va être lancée.
Le 6 janvier, une compagnie de soldats américains arrive à 7 heures ? Elle contre-attaque aussitôt, soutenue par trois chars TD M10 et la garde républicaine pour continuer l’action commencée la veille. Les Allemands résistent mais l’attaque alliée permet de ramener une centaine de prisonniers. Interrogés, ils révèlent que la tête de pont ennemie comprend 1600 hommes. Ce nouvel affrontement permet de geler l’attaque ennemie pour la journée. Ce répit est mis à profit par le commandement qui injecte dans le dispositif dés le lendemain le 3ème Régiment de Tirailleurs Algérien, avec qui combattront encore pendant les semaines suivantes deux escadrons de la garde et les FFI. Les Allemands ont cru à une présence importante de troupes françaises au nord de STRASBOURG, ce qui les freina dans leur avancée.
Le front est alors consolidé et le 4ème escadron redescend le 7 janvier à STRASBOURG. Durant ce temps, chaque escadron a mis sur pied un groupe franc de volontaires pour aller chercher le renseignement la nuit. LE CAPITANE RIEHL devient le chef du 4ème escadron. La levée du corps du lieutenant CAMBOURS se fait au BURGERSPITAL de STRASBOURG et le corps est inhumé au carré militaire de CRONENBOURG. La cérémonie est présidée par le général SCHWARTZ et le colonel
BARRIOD.