Les raisons de
l'intervention Française au Mexique
Ce pays ne formait pas à l’époque une véritable nation ; comme nous
l’avons vu précédemment, les rivalités ethniques et politiques
divisaient la population. De plus, depuis l’indépendance, le Mexique
était en proie à des coups d’États incessants, usant financièrement le
pays. L’opportunité pour un pays puissant comme la France d’y installer
un régime fort et d’en récolter les fruits était tentante. Par ailleurs,
le Mexique avait conservé en Europe son image légendaire (et attirante.)
d’eldorado, héritée des siècles passés. Le pays avait encore un sous-
sol riche en ressources minières : houille, fer, argent, cuivre, plomb,
mercure, etc. De plus, son immense territoire était propice à l’élevage
& à l’agriculture. Enfin, le fait que les mexicains avaient rompu leurs
relations économiques et commerciales avec l’Espagne ouvrait ainsi de
nouveaux horizons aux français. L’aventure du Mexique, baptisée « la
plus Grande Pensée du Règne » , si elle avait réussi, aurait été une des
plus grandes réussites qu’ait connu la France.
Le Mexique avait subi, au cours de ces dernières décennies, bien trop de
coups d’États. Ce climat anarchique résultait du fait que la République
mexicaine n’avait pas eu l’autorité et le pouvoir suffisant pour y
mettre fin. La seule solution, selon Napoléon III , était d’instaurer un
Empire, à la tête duquel il placerait un prince européen.
Une fois l’ordre rétabli au Mexique, il amènerait le progrès : le pays
deviendrait le premier pays industrialisé d’Amérique latine (comme nous
l’avons vu, le sous- sol y était propice.). Une fois le Mexique devenu
une contrée attirante, des milliers de colons viendraient s’installer
dans les terres tempérées, où le climat permettrait urbanisation et
immigration. Le port de New York et la fameuse Ellis Island (où les
immigrants devaient passer une batterie d’examens avant de s’installer
aux États- Unis) seraient délaissés au profit du port de Vera Cruz. Des
milliers d’italiens, d’irlandais, de grecs, des milliers de
ressortissants de tous les pays en difficulté viendraient résider au
Mexique et non plus aux États- Unis.
En 1863, le khédive d'Égypte a offert
un bataillon de 450 soldats à l'Empire mexicain, dont beaucoup de
Soudanais supposés plus résistants aux maladies tropicales. À partir de
1864-1865, l'Autriche-Hongrie a envoyé 7000 hommes (Polonais,
Hongrois…). 2 000 volontaires belges ont formé le régiment Impératrice
Charlotte.
Les unités française impliquées dans cette expédition
comprennent :
les 7e, 51e, 62e, 81e, 95e et
99e régiments d'infanterie de ligne ;
les 1er, 7e, 18e et 20e de chasseurs à pied ;
les 1er, 2e et 3e zouaves ;
le régiment étranger, premier des régiment de la légion étrangère qui se
distingue à la bataille de Camerone ;
le 2e bataillon d'infanterie légère d'Afrique ;
un bataillon de marche de tirailleurs algériens.
Principales
batailles de l'expédition
Dans le cadre de l'Expédition du Mexique, les Français, bien
qu'abandonnés par leurs alliés Espagnol et Anglais décident de ne pas se
cantonner à la Veracruz et à la côte décident de s'avancer dans les
terres.
Cependant la route est coupé par les montagnes peu franchissables
excepté quelques point de passages comme Las Cumbres. C'est là que le
général Zaragoza décida de défendre l'accès à Puebla en massant 4 000
soldats et trois batterie de montagne. En face arrivaient 6 000 Français
menés par le général Lorencez.
Général
Zaragoza
Bloqués sur la route principale jusqu'à soir, les Français forcèrent la
passe en envoyant des zouaves et des chasseurs à pieds par des sentiers
de montagne pour enlever d'assaut les batteries mexicaines.
Les Français ne perdirent que 2 tués et 32 blessés.
Bataille de Bagdad (Mexique)
Le village de Bagdad à l'embouchure du Rio Grande contrôle l'accès par
ce fleuve aux villes jumelles de Matamoros (Mexique) et Brownsville
(Texas). Pendant l'expédition du Mexique, Matamoros était le principal
point de passage de l'aide américaine aux Républicains mexicains. La
ville était gardée pour les conservateurs par le colonel Meija avec 2
000 hommes et soutenu par la marine française.
Ce fut le point le plus symptomatique des pressions nordistes - suivant
en cela la doctrine de Monroe sur les Français.
En 1864, Meija est menacé par le général Negrete qui est dissuadé par le
débarquement de 500 soldats et 140 artilleurs à Bagdad, arrivés sur les
navires Var, Magellan et Tactique.
En 1865, la situation se complique : l'armée des États-Unis chassent les
forces des États confédérés d'Amérique - favorables à Meija - de
Brownsville et concentre 40 000 hommes sur la frontière. Le Tisiphone
arrive en renfort à Bagdad.
Le 28 septembre, c'est le général Escobedo appuyé par une artillerie -
11 canons, semble-t-il servie par les militaires nordistes, qui attache
. L'amiral Cloué renforça la ville avec l'Adonis, le Magellan, le
Tactique et le Tartare. Après le repli d'Escobedo, l'amiral adressa une
réclamation au général nordiste Wetzel, commandant Brownsville, pour
l'affaire des artilleurs états-uniens et le secours aux blessés
mexicains.
L'Antonia est ajouté à la défense de Bagdad.
En novembre, nouvelle tentative d'Escobedos sur Matamoros que vient
renforcer l'Antonia.
Bazaine envoya deux colonnes en renfort respectivement commandées par le
colonel d'Ornano et le général Jeanningros ainsi que l'Allier pour
débarquer 300 Autrichiens, 20 Mexicains et 60 chevaux à Bagdad le 20
novembre.
Tous les éléments étaient réunis pour la bataille principale qui eut
lieu en janvier 1866 :
Le 4 janvier 1866, profitant du départ de l'Adonis, du Tartare et du
Tisiphone, Escobedo appuyé de régiments noirs de l'US Army attaque le
village. Alors que Mexicains et Autrichiens se replient sur leur navire,
les 30 marins de l'Antonia assurant leur couverture.
Le général Wetzel envoie 150 hommes pour rétablir l'ordre en occupant le
village tenant à leur merci les hommes rassemblés sur l'Antonia. Après
une nouvelle protestation de l'amiral Cloué, le village est libéré le 25
janvier.
En juin, une double colonne - 2000 hommes - part en renfort de
Monterrey. Une première moitié s'arrête pour cause de maladie, les 300
hommes de la seconde - général Olvera - sont attaqués le 15 juin à
Camargo par 5 000 Mexicains et mercenaires états-uniens. Seuls 150
hommes parvirent à Matamoros où Meija, se voyant désormais dans
l'impossibilité de tenir la ville fit évacuer les 400 hommes qui lui
restaient sur l'Adonis vers Veracruz.
Bataille de Puebla (5 mai 1862)

La première bataille de Puebla commença le 5 mai 1862 lors de le
l'invasion française au Mexique.
Puebla de los Angeles étant la « principale ville fortifiée » avant
Mexico, après son échec à La Cumbres face au corps expéditionnaire
français, le général Zaragoza entre dans Puebla le 3 mai 1862 avec 3 000
hommes et fait occuper les deux principaux forts : fort de Guadalupe
(général Negrete avec 1 200 hommes) et fort de Loreto. des renforts les
rejoindront le 6 mai.
Le 5 mai, les Français se présente devant la ville. Ils décident
d'attaquer le fort de Guadalupe en le pilonnant, sans grand résultat.
Instruit par la présence des Français Zaragoza envoie des renforts à
Negrete tandis que du fort de Loreto sort une troupe de cavalerie pour
prendre les Français de côté.
Les zouaves, les chasseurs à pieds et l'infanteries de marine se
heurtent aux défenses et doivent finalement se replier face aux
Mexicains sans cesse plus nombreux.
Les Français se replient à quelques distances attendant, trois jours
durant, une contre-attaque mexicaine qui n'aura pas lieu avant de se
replier.
Siège de Querétaro
Après le départ des Français, lors de l'Expédition du Mexique, refusant
d'abdiquer, Maxilimien de Habsbourg choisit la ville de Querétaro pour
affronter les troupes de Juárez.
Dernière ville avant la capitale Mexico, en venant du nord ou de
l'ouest, d'où arrivaient les troupes républicaines, Querétaro pouvait
facilement être mise en défense.
Le 19 février 1867, l'empereur y arrive, et en fait le « point de
regroupement » des forces impériales qui s'élèvent à 8 ou 9 000 hommes.
Malgré un plan d'offensive décidé le 26 février, l'armée impériale reste
sur place. Et le 5 mars le siège débute.
L'armée républicaine du général Escobedo, comprenait des mercenaires
américains et disposait du matériel donné par les États-Unis d'Amérique
après la guerre de sécession qui venait de se terminer. Leurs forces
s'élèvent alors à 40 000 hommes.
Les combats débutent le 12 mars. Ils sont particulièrement rudes le 14
et le 17.
Le 22, le général Márquez est envoyé quérir des renforts à Mexico. Il ne
reviendra pas à temps.
Le 10 avril, Maximilien donne une fête pour célébrer l'anniversaire de
son acceptation du trône.
Le « dernier affrontement d'envergure » eut lieu le 26 avril.
Le 14 mai Maximilien décide une sortie pour rejoindre Mexico. C'est dans
la nuit du 14 au 15 mai qu'il fut trahi par le colonel Miguel López, qui
laisse les forces républicaines s'emparer des retranchements impériaux,
permettant ainsi la prise de la ville sans combat. Maximilien est alors
arrêté.
Il est jugé, condamné à mort le 14 juin et fusillé avec les généraux
Mejía et Miramón le 19 juin 1867. Son exécution a donné lieu à une
célèbre illustration d'Édouard Manet, L'exécution de l'Empereur
Maximilien du Mexique, réalisée dès 1867.

Le Régiment
étranger au Mexique (1863)
Le Régiment étranger n’avait toujours pas été envoyé au Mexique. Le 15
août 1862, les légionnaires fêtaient la Saint Napoléon. Les soldats
avaient décoré la caserne de Siddi Bel Abbès de feuillages et de
guirlandes, et ils attendaient maintenant, chantant et buvant, que le
colonel de la caserne vint boire un verre à la santé de l’Empereur,
avant de passer à table, comme le voulait la tradition. C’est le sous-
lieutenant de Diesbach qui nous décrit la scène. Fiers de leurs
multiples combats, de nombreuses pancartes étaient accrochées aux
fenêtres, portant comme inscriptions les faits d’armes et les campagnes
du régiment : l’Algérie, la Crimée, l’Espagne, etc. Une seule de ces
pancartes était restée vierge. Le colonel Pierre Jeanningros, entouré de
ses officiers, demanda pourquoi rien n’était inscrit sur cette pancarte.
Un de ses hommes lui répondit :
« c’est pour y inscrire la campagne du Mexique ! »
Alors, un cri retentit dans la caserne :
« partons pour le Mexique! »
L’enthousiasme de ces légionnaires était parfaitement compréhensible.
Tous étaient volontaires, s’ils avaient signé un engagement, c’était
pour se battre ! La légion aspirait donc naturellement à participer à ce
conflit qui avait de surcroît mal débuté pour les forces françaises.
Cependant, le gouvernement français n’avait toujours pas fait appel à
son corps d’élite, alors que le conflit avait commencé depuis la fin de
l’année dernière. Les légionnaires décidèrent donc de transmettre à
l’Empereur une pétition, lui rappelant ainsi leur goût du combat (cette
démarche était considérée à l’époque comme fort peu respectueuse.). Le
Régiment fût entendu, bien que certains officiers fussent punis pour
leur arrogance. Le colonel Jeanningros, commandant la Légion à cette
époque, reçut l’ordre de départ en janvier 1863. 2 000 légionnaires
seulement partiraient pour le Mexique. Le 9 février au matin, le
Régiment embarquait pour le nouveau monde.
La mission du Régiment étranger
Le colonel Jeanningros reçut rapidement ses ordres : assurer la voie de
communication allant de La Tejeria à Chiquihuite.
Les officiers, Jeanningros y compris, étaient déçus de la mission qu’on
leur confiait. Ces derniers se voyaient déjà à Puebla, prêtant main-
forte aux troupes du général Forey. La déception était d’autant plus
grande que la ville de Puebla, située sur le plateau de l’Anahuac (haut
de 2000 mètres) , était à l’abri des ravages causés par le vomito negro,
car localisée dans les Tierras templadas (ou terres tempérées.). A
contrario, les légionnaires devraient opérer en plein dans les Tierras
calientes, les terres chaudes.
Le Mexique est un pays situé en zone tropicale. Cependant, le pays étant
très nivelé, le climat change selon l’altitude du terrain. Les terres
ayant une altitude comprise entre 0 et 700 mètres étaient appelées
Tierras calientes. Cette zone est humide, la température y est
constamment élevée. Les marécages, alimentés par les pluies
torrentielles, amènent quantité de miasmes, qui eux même apportent les
pires maladies. Ce territoire, dont la surveillance avait été confiée au
Régiment étranger, est insalubre pour les Européens. Au delà viennent
les terres ayant une altitude comprise entre 700 et 1 600 mètres ; les
Tierras templadas. Le climat est sain et la température reste toujours
comprise entre 20 et 25 degrés. Viennent ensuite les Tierras frias, les
terres froides, d’une altitude comprise entre 1 600 et 3 200 mètres.
Enfin, les terres gelées sont situées à plus de 3 200 mètres du niveau
de la mer.
Les légionnaires se divisèrent pour occuper les points importants de la
route ; Vera Cruz, La Soledad, Paso del Macho, Chiquihuite. Mais à
Puebla, l’armée de Forey était encore tenue en échec par les rebelles
mexicains. Ce n’est que le 29 avril que le colonel Jeanningros apprit
qu’un important convoi de munitions à destination de Puebla était parti
de La Soledad le 14 avril. Ce convoi, composé de 60 voitures et de 50
Mulets, était à 50 kilomètres de Chiquihuite. Comme nous l’avons vu, il
transportait des pièces de sièges, des munitions, des vivres, ainsi que
quatre millions en pièces d’or. Il y avait donc de grandes chances pour
qu’il soit attaqué.
Quelle attitude Jeanningros devait il prendre ? Partir de Chiquihuite
était impossible, la place étant d’une importance stratégique trop
grande. Laisser le convoi sous la protection des deux compagnies venues
l’escorter depuis La Soledad était insuffisant, bien qu’une troisième
compagnie était disponible à Paso del Macho. Jeanningros décida
d’envoyer une compagnie en reconnaissance ; c’était au tour de la 3°
compagnie de marcher. Cependant, cette dernière, à cause du climat des
tierras calientes ne pouvait plus aligner que 62 hommes. De plus, le
capitaine de cette compagnie, le capitaine Cazes, n’était pas disponible
(il commandait le poste de Medellin.). Le seul officier restant de cette
compagnie était le lieutenant Gans, qui était malade. Le capitaine
Danjou se porta volontaire pour prendre le commandement, accompagné des
sous-lieutenants Clément Maudet (porte- drapeau.) et Jean Vilain.
Camerone

La 3° compagnie se prépara donc à partir. A 11 heures du soir, ses
hommes prirent le café, à une heure du matin, ils partaient. Leur
mission n’était pas d’attendre le convoi, mais juste de s’approcher de
Palo Verde et de reconnaître le terrain, afin de déceler la présence de
rebelles mexicains. La 3° compagnie pourrait ensuite retourner à
Chiquihuite, tout en continuant à chercher la présence d’éventuels
guérilleros. La « 3 » passa par Paso del Macho & Paso Ancho, traversant
la mata, sorte de maquis tropical. Les légionnaires arrivèrent près du
village de Camaron aux alentours de cinq heures trente. Le Régiment
était passé par ce lieu lors de la répartition des troupes sur la voie
Chiquihuite- Vera Cruz, rien n’avait changé. Le village indien était
toujours à l’abandon. Ils arrivèrent à Palo Verde aux alentours de sept
heures du matin. Marchant depuis une heure du matin, le capitaine Danjou
donna le signal de la halte. Ce dernier s’installa avec ses hommes près
d’un hangar abandonné. Des sentinelles furent placées afin d’éviter
toute surprise, les mulets furent déchargés, le caporal Magnin partit
avec une escouade partit remplir les marmites avec l’eau des mares (Palo
Verde était souvent habité par des bandits mexicains.). Des hommes se
mirent à couper du bois pour le feu, d’autres préparaient le café ou se
reposaient.
Une sentinelle, tournée vers Camaron, y vit quelque chose d’anormal : un
gros nuage de poussière s’en élevait. Aucun orage ne se préparant, le
capitaine Danjou pris sa lorgnette et ne tarda pas à distinguer
l’approche de la cavalerie ennemie.
« Aux armes ! L’ennemi ! » cria- il tout à coup.
Au premier cri d’alarme, les dormeurs se réveillèrent, Danjou fit
renverser les marmites, éteindre les feux (la troupe dut renoncer au
café.) et les mulets furent rechargés. Le capitaine fit aussitôt revenir
l’escouade qui était aux mares. Hélas pour la compagnie, les bidons
individuels n’ont pas été remplis…
Une fois que la compagnie fut prête, Danjou la forma en colonne et
marcha vers l’ennemi, souhaitant l’empêcher d’attaquer le convoi (Danjou
ne semblait pas craindre d’attaquer les Mexicains. En effet, à chaque
échauffourée, les Mexicains, bien que supérieurs en nombre, avaient été
défaits.). La cavalerie mexicaine, qui n’avait sans doute pas reçu
l’ordre d’attaquer (leur veste de cuir, sorte de « gilet pare- balles »
de l’époque, était restée enroulée autour du pommeau de leur selle.) se
déroba. Danjou s’engagea dans les sous- bois, la mata, afin de les
poursuivre. Les légionnaires s’approchaient sans le savoir du campement
des Mexicains, situé à La Joya. Cependant, la marche étant fastidieuse
et lente, Danjou craignant de surcroît s’être trop écarté de l’axe qui
lui avait été confié, décida de retourner vers la route. Sortant des
bois, la compagnie marcha en direction de Camaron. Alors que la
compagnie s’approchait de la route, à 300 mètres de l’hacienda de la
Trinidad, un coup de feu claqua. Le légionnaire Conrad s’écroula, blessé
à la hanche. Danjou décida alors de repartir vers Paso del Macho des
renfort. La « 3 » n’eut pas dépassé le village indien que les
légionnaires s’aperçurent de la présence de cavaliers mexicains, situés
sur un monticule au nord- est. Ces derniers étaient prêts à charger .
Ordonnant au tambour, Casimir Laï, de battre la charge, le capitaine
ordonna, dans un premier temps, de marcher vers l’ennemi. Sûrs d’eux,
les Mexicains descendirent de leur position au petit trot. Ensuite, ils
se séparèrent en deux colonnes, comptant prendre les légionnaires en
tenaille. Danjou n’avait pas perdu son temps. Voyant que les juaristes
se divisaient, il ordonna alors aux deux groupes de se rallier et de
former le carré. Les légionnaires attendirent calmement l’assaut des
Mexicains, qui étaient des centaines, alors que la 3° compagnie ne
comptait que 65 hommes. Ce premier assaut fut repoussé, les mexicains
s’étant empalés sur la défense des légionnaires. La victoire aurait été
complète si les deux mulets de la compagnie ne s’étaient pas enfuis.
Affolés par les détonation et par la violence de l’assaut, les deux
bêtes durent être relâchées, et, suivant par instinct les chevaux des
Mexicains, furent capturés par ces derniers. La perte des mulets était
très grave : ils transportaient les vivres et les munitions. Hélas pour
les légionnaires, ils n’avaient pas mangé depuis la veille, avaient peu
de cartouches, et n’avaient pas d’eau (comme nous l’avons vu
précédemment.). Le capitaine Danjou s’aperçut que sa position était
mauvaise car sur un terrain plat, propice aux charges de cavalerie. Il
profita de la retraite des Mexicains pour déplacer sa compagnie derrière
le côté sud de la route, bordée par un talus et par une haie de cactus.
L’avantage pour les légionnaires était double ; non seulement cet
endroit était moins favorable à la cavalerie, mais en plus, les
Mexicains devraient se heurter à une haie de broussaille & de cactus,
dangereux rempart naturel. Danjou fit donc reformer le carré à cet
endroit. Le second assaut fut donné par la cavalerie mexicaine, plus
nombreuse que lors du premier assaut, mais moins vigoureuse. Le calcul
de Danjou était bon : de nombreuses bêtes hésitèrent à passer le talus,
et les légionnaires repoussèrent le deuxième assaut plus facilement que
le premier. Danjou décida alors de se retrancher dans l’hacienda de
Camerone, et d’y résister coûte que coûte. Les légionnaires rejoignirent
l’hacienda au pas de charge, baïonnette au canon, aux cris de « vive
l’Empereur ! »
Les légionnaires pénétrèrent dans l’hacienda, qu’ils commencèrent à
fortifier activement. Souhaitant se renseigner sur le positionnement des
troupes juaristes, Danjou donna l’ordre au sergent Morzicki de se placer
sur le toit de l’hacienda. Ce dernier, accompagné de quelques hommes,
réussit à y apercevoir l’ensemble des cavaliers mexicains, à peu près un
millier selon les estimations. Mais les Mexicains ne combattaient pas
activement, a neuf heures trente, Morzicki vit approcher vers la maison
un officier mexicain, qui se présenta avec un mouchoir blanc à la main.
« Vous êtes trop peu nombreux pour vous battre, vous allez vous faire
massacrer inutilement ! rendez- vous, le colonel Milan vous garantit la
vie sauve ! »
Morzicki descendit de son perchoir et rendit compte à Danjou de la
proposition du Mexicain. Le capitaine demanda alors à son sergent de
répondre de la manière suivante.
« Dis- lui simplement que nous avons des cartouches et que nous ne nous
rendrons pas. »
Le légionnaire remonta sur le toit et transmis au lieutenant Laisné la
réponse de Danjou, le combat éclata alors.
Le capitaine Danjou faisait des va et viens d’un poste à l’autre afin
d’évaluer la situation. Encourageant quelques uns de ses hommes postés
dans le bâtiment, il leur fit jurer serment :
« Légionnaires, vous allez jurer avec moi que nous ne rendrons pas… que
nous tiendrons jusqu’au dernier ! »
C’est en se rendant à un autre poste que Danjou fut frappé d’une balle.
Il s’écroula et rendit l’âme peu de temps après.
Le sous- lieutenant Vilain prit alors le commandement. Les légionnaires
perdaient du terrain ; tous étaient retranchés dans le corral à ce
moment de la journée. Aux alentours de midi, ils entendirent le son du
tambour. Hélas, ce n’étaient pas des renforts alliés, mais des troupes
d’infanterie mexicaines qui venaient aider leur collègues. Ces dernières
étaient sous les ordres du colonel Milan, qui désirait ardemment défaire
les légionnaires au plus vite & ainsi s’emparer du précieux convoi…
Milan, pensant que les légionnaires, voyant cette immense troupe,
allaient se décourager, les somma une fois encore de se rendre. Le
sergent Morzicki, énervé par toute une matinée de combat, ne consulta
personne pour la réponse à donner :
« Merde ! » hurla- il.
Il redescendit rendre compte de sa réponse au sous- lieutenant Vilain
qui approuva sa conduite. Tous avaient juré au capitaine Danjou de ne
pas se rendre, ils tiendraient leur promesse. Alors le combat reprit,
encore plus impitoyable qu’auparavant. Vers deux heures de l’après-
midi, une balle atteignit le sous- lieutenant Vilain en plein front.
Ce fut dès lors au tour du sous- lieutenant Maudet, le porte- drapeau,
de prendre la tête de ce qui restait de la 3° compagnie. Le combat
continuait, les morts s’entassaient, les légionnaires continuaient à se
battre, bien que n’ayant rien mangé ni bu depuis la veille. Le soir, une
dernière fois, une ultime sommation fut adressée aux légionnaires, à
laquelle ils ne répondirent même pas. A dix huit heures, il ne restait
donc plus que cinq survivants sous le hangar : le sous lieutenant Maudet,
le caporal Maine, ainsi que les légionnaires Catteau, Constantin et
Wensel. Ces derniers tinrent encore quelque temps les juaristes en
respect, mais bientôt, ils n’eurent plus qu’une cartouche chacun.
« Armez vos fusils, ordonna le sous- lieutenant Maudet, vous ferez feu à
mon commandement ; nous chargerons à la baïonnette, vous me suivrez. »
Les Mexicains, voyant que les légionnaires ne tiraient plus, se
rapprochèrent d’eux. Ces derniers remplissaient le corral.
« Joue ! Feu ! » s’écria soudain le sous- lieutenant.
Les cinq hommes bondirent en avant, baïonnette au canon. Les dizaines de
Mexicains tirèrent alors à bout portant sur les légionnaires. Le
légionnaire Catteau, dans un élan de dévouement, se plaça devant son
officier pour le sauver, il s’écroula aussitôt, atteint de dix neuf
balles. Le sous- lieutenant Maudet ne s’en tira pas indemne pour autant,
recevant une balle dans la cuisse droite et une autre dans le flanc
droit. Wensel était tombé lui aussi, blessé à l’épaule, mais il se
releva aussitôt. Il ne restait donc plus que trois hommes debout : le
caporal Maine, les légionnaires Constantin & Wensel. Un officier
supérieur mexicain somma les derniers légionnaires de se rendre.
« Nous nous rendrons, répondit le caporal Maine, si vous nous laissez
nos armes et notre fourniment, et si vous vous engagez à faire relever
et soigner notre lieutenant que voici là, blessé. »
« On ne refuse rien à des hommes comme vous ! » répondit alors
l’officier.
Le récit du combat
de Camerone
Le récit de la bataille de Camerone est lu en ces termes à chaque
commémoration le 30 avril, depuis 1931 :
« L’armée française assiégeait Puebla.
La Légion avait pour mission d’assurer , sur cent vingt kilomètres, la
circulation et la sécurité des convois. Le colonel Jeanningros, qui
commandait, apprend, le 29 avril 1863, qu’un gros convoi emportant trois
millions en numéraire, du matériel de siège et des munitions était en
route pour Puebla. Le capitaine Danjou, son adjudant-major, le décide à
envoyer au devant du convoi une compagnie. La 3ème compagnie du Régiment
étranger fut désignée mais elle n’avait pas d’officier disponible. Le
capitaine Danjou en prend lui-même le commandement et les
sous-lieutenants Maudet, porte-drapeau, et Vilain, payeur, se joignent à
lui volontairement.
Le 30 avril, à 1 heure du matin, la 3ème compagnie, forte de trois
officiers et soixante-deux hommes, se met en route. Elle avait parcouru
environ vingt kilomètres, quand, à 7 heures du matin, elle s’arrête à
Palo Verde pour faire le café. A ce moment, l’ennemi se dévoile et le
combat s’engage aussitôt. Le capitaine Danjou fait former le carré et,
tout en battant en retraite, repousse victorieusement plusieurs charges
de cavalerie, en infligeant à l’ennemi des premières pertes sévères.
Arrivé à la hauteur de l’auberge de Camerone, vaste bâtisse comportant
une cour entourée d’un mur de trois mètres de haut, il décide de s’y
retrancher pour fixer l’ennemi et retarder ainsi le plus possible le
moment où celui-ci pourra attaquer le convoi.
Pendant que les hommes organisent à la hâte la défense de cette auberge,
un officier mexicain, faisant valoir sa grosse supériorité du nombre,
somme le capitaine Danjou de se rendre. Celui-ci fait répondre : « Nous
avons des cartouches et ne nous rendrons pas ». Puis, levant la main, il
jura de se défendre jusqu’à la mort et fit prêter à ses hommes le même
serment. Il était 10 heures. Jusqu’à 6 heures du soir, ces soixante
hommes, qui n’avaient pas mangé ni bu depuis la veille, malgré l’extrême
chaleur, la faim, la soif, résistent à deux mille Mexicains : huit cents
cavaliers, mille deux cents fantassins.

A midi, le capitaine Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. A 2
heures, le sous-lieutenant Vilain tombe, frappé d’une balle au front. A
ce moment, le colonel mexicain réussit à mettre le feu à l’auberge.
Malgré la chaleur et la fumée qui viennent augmenter leurs souffrances,
les légionnaires tiennent bon, mais beaucoup d’entre eux sont frappés. A
5 heures, autour du sous-lieutenant Maudet, ne restent que douze hommes
en état de combattre. A ce moment, le colonel mexicain rassemble ses
hommes et leur dit de quelle honte ils vont se couvrir s’ils n’arrivent
pas à abattre cette poignée de braves ( un légionnaire qui comprend
l’espagnol traduit au fur et à mesure ses paroles).
Les Mexicains vont donner l’assaut général par les brèches qu’ils ont
réussi à ouvrir, mais auparavant, le colonel Milan adresse encore une
sommation au sous-lieutenant Maudet ; celui-ci la repousse avec mépris.
 
L’assaut final est donné. Bientôt il ne reste autour de Maudet que cinq
hommes : le caporal Maine, les légionnaires Catteau, Wensel, Constantin,
Léonhard. Chacun garde encore une cartouche ; ils ont la baïonnette au
canon et, réfugiés dans un coin de la cour, le dos au mur, ils font face
; à un signal, ils déchargent leurs fusils à bout portant sur l’ennemi
et se précipitent sur lui à la baïonnette. Le sous-lieutenant Maudet et
deux légionnaires tombent, frappés à mort. Maine et ses deux camarades
vont être massacrés quand un officier mexicain se précipite sur eux et
les sauve ; il leur crie : « Rendez-vous ! » – « Nous nous rendrons si
vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous
laissez nos armes ». Leurs baïonnettes restent menaçantes. « On ne
refuse rien à des hommes comme vous ! » répond l’officier.
Les soixante hommes du capitaine Danjou ont tenu jusqu’au bout leur
serment ; pendant 11 heures, ils ont résisté à deux mille ennemis, en
ont tué trois cents et blessé autant. Ils ont, par leur sacrifice, en
sauvant le convoi, rempli la mission qui leur avait été confiée.
Capitaine
Danjou
L’empereur Napoléon III décida que le nom de Camerone serait inscrit sur
le drapeau du Régiment étranger et que, de plus, les noms de Danjou,
Vilain et Maudet seraient gravés en lettres d’or sur les murs des
Invalides à Paris.
En outre, un monument fut élevé en 1892 sur l’emplacement du combat. Il
porte l’inscription :
Les soixante hommes du capitaine Danjou ont tenu jusqu'au bout leur
serment. Pendant 11 heures, ils ont résisté a deux mille ennemis, en ont
tué trois cents et blessé autant. Ils ont par leur sacrifice, en sauvant
le convoi, rempli la mission qui leur avait été confiée.
Il n’y aura que huit survivants dans les rangs français.
L'empereur Napoleon III décida que le nom de Camerone serait inscrit sur
le drapeau du Régiment Étranger et que, de plus, les noms de Danjou,
Vilain et Maudet seraient gravés en lettres d'or sur les murs des
Invalides a Paris.
En outre, un monument fut élevé en 1892 sur l'emplacement du combat. Il
porte l'inscription:
ILS FURENT ICI MOINS DE SOIXANTE
OPPOSÉS A TOUTE UNE ARMÉE
SA MASSE LES ÉCRASA
LA VIE PLUTÔT QUE LE COURAGE
ABANDONNA CES SOLDATS FRANÇAIS
LE 30 AVRIL 1863
A LEUR MÉMOIRE LA PATRIE ELEVA UN MONUMENT
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