L'évacuation de Strasbourg et ses environs

De 1939 à 1945, Strasbourg vit les heures les plus sombres de son histoire. Le 1 septembre 1939, la ville est évacuée en quelques heures, en direction de l'Indre, la Haute-Vienne et la Dordogne(Ce même jour, à 17 heures, la France déclarait la guerre à l’Allemagne). 

Environ 3500 civils indispensables sont restés à Strasbourg ainsi que des détachements militaires pour protéger les immeubles. Certains bureaux de poste étaient ouverts, au service de cette population fantomatique. 
Les 17 et 19 juin, les derniers civils quittent la ville en compagnie du Maire Charles Frey. Le lendemain les soldats allemands pénètrent dans la ville.

En juin 1940, Strasbourg fut occupée par les troupes allemandes. Une semaine plus tard, Hitler entrait dans la ville.

Mais seul un tiers des strasbourgeois y demeura jusqu’à la Libération

 

Communes évacuées Communes d'accueil 

Personnes évacuées

Témoignages

1940 : L'annexion

avis-d'évacuation.jpg (94369 octets)Avis d'évacuation carte-évacuation-train.jpg (288083 octets)Carte des train

ordre-d'évacuation.jpg (44369 octets)Ordre d'évacuation


 

L'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939,alliée à la France et à l'Angleterre, déclencha la deuxième guerre mondiale. Conformément aux plans du gouvernement Français, la population des communes Alsacienne situées à moins d'une dizaine de kilomètres de la frontière fut évacué en 1939/1940 en prévision d'une guerre de tranchées devant la ligne Maginot. La population de Strasbourg, par exemple, commença son évacuation le 2 septembre 1939. Après rassemblement dans des centres de regroupement, l'évacuation eu lieu principalement vers le sud ouest de la France, de l'Indre au Gers et aux Landes, dans des conditions difficiles liées principalement au décalage entre le mode de vie de citadins se retrouvant à la campagne, sans électricité, eau courante ou W.C. intérieurs. En plus, au début, ils étaient assimilés à des "boches" du fait de leur dialecte ou simplement de leur accent. A Montpont par exemple, le Maire affichera un avis précisant ..." S'il devait encore arriver que des réfugiés Alsaciens soient chassés ou traités de "Boches", les coupables seront immédiatement traduits devant un tribunal et punis"...Une campagne de presse dans le Périgord expliqua les origines du dialecte alsacien. Près des deux tiers rentrèrent en Alsace dès août 1940, d'autres attendent 1945 et plusieurs milliers se fixent dans le sud ouest. 

l'Alsace est occupée par les forces du IIIe Reich ( Colmar le 17 juin, Mulhouse le 18 et Strasbourg le 19). L'armistice est signée le 23 juin. Les autorités et administrations Françaises ayant quitté la région, les Alsaciens se retrouvèrent seuls et désemparés face aux nazis qui, en pratique, considérèrent immédiatement l'Alsace comme un territoire annexé. On constata très vite que l'on était très loin des "bonnes manières" des aristocrates prussiens de 1871, lors de l'annexion par ceux-ci! En fait l'Alsace venait d'entrer dans ce qui fut probablement la pire période de sa longue histoire. 

Les nouvelles autorités appliquèrent dès juin 1940 un plan préparé à l'évidence depuis longtemps et destiné à "germaniser" l'Alsace dans les plus brefs délais. La province fut rattachée au pays de Bade. Cet ensemble pris le nom de "Gau Oberrhein" dont la capitale était Strasbourg. A partir le là, les Alsaciens furent considérés comme des citoyens allemands à part entière (Volkdeutsche). La langue allemande devint immédiatement obligatoire et le français interdit. Le simple fait de parler français entraînait une amende et, en cas de récidive, l'arrestation et l'emprisonnement! L'enseignement fut bien entendu immédiatement germanisé avec des livres de classe et de propagande .Les enseignants Alsaciens parlant allemand et considérés comme de confiance furent rééduqués en Allemagne et les autres remplacés par des Allemands. Les écoles catholiques furent placées sous contrôle direct des autorités. 

Il en fut de même pour les livres: les enfants devaient faire du porte à porte pour collecter tous les ouvrages Français et en français qui devaient être détruits ainsi que tous signes et objets rappelant la France. Les noms de rues et de villes et villages furent germanisés, les monuments aux Morts enlevés ou détruits. Certains Alsaciens dont le nom ou prénom avait une consonance trop française durent le germaniser. Le "dialecte Alsacien" continua a être parlé car c'était la seule langue parlée par les milieux populaires et les personnes âgées, qui, en plus était, au moins dans le Haut Rhin et Bas Rhin très proche du dialecte Badois. Seul le Hochdeutsch pouvait être appris et parlé. Il semble que les autorités aient fait une fixation sur le béret considéré comme un symbole Français, car il fut totalement interdit! Dès 1941, le NSDAP et toutes ses organisations sociales dont la jeunesse hitlérienne,le front allemand du travail etc. sont en place.

Un effort particulier concerna les jeunes, non seulement pour les germaniser mais aussi pour leur inculquer la doctrine nationale socialiste. Des uniformes des jeunesses hitlériennes étaient distribués gratuitement. A partir de 1942, Himmler encouragea même les jeunes filles allemandes de sang pur a "coopérer" avec les soldats qui vont au front!

L'énorme déception de la majorité des Alsaciens devant la rapidité de la défaite Française et l'abandon pur et simple de la province par les autorités Françaises ne modifia pas leur sentiment d'être toujours Français, exacerbé par les . Dès la fin de 1940, des réseaux de résistance se développèrent avec pour objectif de libérer la province et de réfléchir à la manière de limiter les problèmes liés à cette libération. Leur action se révéla importante. De nombreux Alsaciens s'enfuirent pour rejoindre la France Libre et beaucoup de ceux-ci participèrent à la libération de la province avec la 2 e division blindée de Leclerc.

Toutes les mesures prises par les nazis, et leur comportement, poussa la population à une opposition farouche qui se manifesta par le peu d'empressement à suivre les ordres et par la création de mouvements de résistance.

Certains groupes organisent des filières pour permettre aux prisonniers évadés d'Allemagne de quitter l'Alsace; en novembre 1942, le nombre des évadés d'Alsace et de Lorraine s'élevait à environ 12000 jeunes gens.. D'autres organisèrent des sabotages. Certains s'organisèrent pour gagner la confiance des nazis afin de pouvoir transmettre des informations importantes aux mouvements de résistance Français ou aux Anglais. En France, de nombreux Alsaciens participèrent activement au combat clandestin des maquis. Certains furent à l'origine de la brigade "Alsace-Lorraine" créée en 1944. A partir de l'été 1944, de nombreux maquis se forment dans les Vosges. Beaucoup périrent dans des camps dont celui du Struthof.

Très rapidement, l'engagement volontaire dans les armées allemandes fut encouragé. Comme le résultat était peu convainquant, les hommes valides furent incorporés de force dans l'armée allemande à partir de 1942. Environ 130.000 Alsaciens et 30.000 Mosellans furent envoyés pour combattre sur le front Russe, et non celui de l'Ouest, car les allemands ne leur faisaient pas confiance. Ces hommes furent surnommés les " malgré_nous".

Certains Alsaciens, une minorité (1 à 2%), se laissèrent séduire ou entraîner par la doctrine nazie, et quelques uns furent soupçonnés de servir d'indicateurs.

L'épuration: Il fallait prouver que l'on était "Allemand de souche" pour ne pas tomber sous l'ordonnance nazie du 16 décembre 1941 qui prévoyait la saisie des biens et l'expulsion de tous les "indésirables": Juifs, Français de l'Intérieur, Alsaciens francophiles, anciens combattants de l'Espagne rouge, romanichels, personnes de races étrangères, condamnés de droit commun etc...

Pour "éduquer" ou exterminer les opposants au régime Hitlérien, des camps furent installés en Alsace. Le premier est ouvert dès juillet 1940 à Schirmeck, au début, il servait à la rééducation des Alsaciens. Il semble que près d'un quart de la population Alsacienne y a fait un séjour variant d'une journée à trois mois. Parler Français ou écouter des radios étrangères impliquait une rééducation. Il devint progressivement un camp de concentration "classique". La construction du camp du Struthof, près de Natzwiller commença au printemps 1941 sous les ordres de Speer qui avait remarqué la qualité du granit rose découvert près du village et voulait un camp pour pouvoir exploiter ces carrières avec des prisonniers. Des détenus Allemands (droits commun, asociaux, homosexuels et ressortissants rebelles) construisirent le camp ouvert officiellement en Juin 1941. Les premiers prisonniers furent soumis au principe de "l'extermination par le travail" (Vernichtung durch Arbeit) qui en fit un des camps de concentration les plus terribles et dangereux. A partir de décembre 1941, suite au décret "Nacht und Nebel Elsass", de nombreux résistants passèrent par ce camp avant d'être déportés en Allemagne. A partir de 1942 et jusqu'à la fermeture en septembre 1944, de nombreux prisonniers furent fusillés, pendus ou gazés. A partir de 1943 une chambre à gaz fut installée pour expérimenter des gaz toxiques ou des vaccins.....

De nombreux résidents jugés indésirables dont environ 200.000 juifs ont été expulsés ou regroupés dans les camps de concentration.


STRASBOURG: PERIGUEUX (Les fonctionnaires et leurs familles, les services privés et les habitants des 1er et 3ème arrondissements) ; les cantons de Brantôme, Hautefort, Montpon, Montignac, Ribérac et Vergt (pour les habitants des autres arrondissements) ; puis les cantons de Nontron et de Sarlat (pour les habitants en surnombre des 1er et 3ème arrondissements). 
Artolsheim: Aillac ; Calviac ; Saint Julien de Lampon ; Carsac de Carlux. 
Bindernheim: Payzac ; Le Moustier ; Rouffignac de Montignac. 
Boofzheim Plazac ; Saint Aubin de Cadelech ; Sadillac ; Sainte Eulalie d'Eymet. 
Daubensand: Pontours. 
Diebolsheim: Saint Léon sur Vézère ; Orliaguet ; Prats de Carlux ; Simeyrols ; Sainte Mondane. 
Elsenheim: Montignac. 
Friesenheim: Razac d'Eymet ; Saint Capraise d'Eymet ; Saint Julien d'Eymet. 
Gerstheim: Saint Alvère ; Limeuil ; Sainte Foy de Longas ; Trémolat ; Grand Castang. 
Mackenheim: Allas les mines ; Berbiguières ; Bezenac ; Castels ; Mouzens ; Saint Cyprien ; Saint Vincent de Cosse. 
Markolsheim: Le Bugue ; Campagne ; Fleurac ; Journiac ; Manaurie ; Mauzens et Miremont ; Saint Avit de Vialard ; Saint Cernin de Reilhac ; Saint Cirq ; Saint Félix de Reilhac et Mortemart ; Savignac du Bugue ; Saint Chamassy. 
Obenheim: Molières ; Alles ; Cussac. 
Plobsheim: Port Sainte Foy ; Fougueyrolles. 
Rhinau: Beaumont ; Saint Avit Senieur ; Monpazier. 
Richtolsheim: Savignac du Bugue ; Carlux ; Peyrillac et Millac ; Saint Cyprien. 
Saasenheim: Salignac. 
Schoenau: Le Coux. 
Schwobsheim: Saint Julien de Lampon. 
Sundhouse: Beynac ; La Canéda ; Marquay ; Proissans ; Saint André d'Allas ; Vézac ; Sarlat. 

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Personnes évacuées
Bas-Rhin Haut-Rhin Moselle
Septembre 1939 229 000  46 000 210 000
Mai-juin 1940 21 500 11 700 92 732

Total 250 500 57 700 302 732
Pour les habitants de Strasbourg, par exemple, l'exode commence les 2 et 3 septembre 1939. Les instructions pour l'évacuation des populations de Strasbourg, Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim précisent leurs gares d'embarquement respectives : Bischheim, Koenigshoffen, Lingolsheim et Graffenstaden. Les instructions communiquées par voie d'affichage stipulent : " Aucun embarquement à la gare centrale de Strasbourg. Pas de bagages enregistrés. " Les premiers trains d'évacuation partent des gares voyageurs le 2 septembre à partir de 6 heures du matin.

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1940 : L'ANNEXION

La retraite des troupes françaises s'organise et coupe les ponts sur le Rhin : le 4 septembre
1939, le pont ferroviaire de Lauterbourg, le 13 octobre celui de Roppenheim et le pont de Kehl le 14 mai 1940.
En se retirant d'Alsace, l'armée française détruit les principaux axes de communication. Elle fait sauter 109 ponts de chemin de fer. Entre Mulhouse et Saint-Louis, la voie ferrée est fortement endommagée, les rails démontés et les postes d'aiguillages détruits.
En Moselle, il n'y a pas de plan de destruction systématique dressé par les autorités. Cependant des ouvrages d'art stratégiques du réseau ferroviaire sont détruits courant octobre : le pont frontière sur la Sarre de la ligne de Sarreguemines à Sarrebrück, le passage supérieur de Morsbach (Forbach), trois ponts entre Carling et l'Hôpital, le pont de Bliesbruck, etc.
Au total, en Alsace et Lorraine, ce sont près de 250 ponts routiers et de chemins de fer qui sont dynamités. Le réseau ferré est désorganisé, 12 tunnels sont inutilisables, 250 km de rails et 1 100 aiguillages sont hors service. C'est le cas du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines6 où l'armée française fait sauter 60 m de galerie le 16 juin 1940. L'armée allemande y aménage en 1943 une usine d'armement. L'éclairage électrique et le chauffage à la vapeur sont fournis par deux locomotives. 2 000 à 3 000 ouvriers (dont des déportés yougoslaves) travaillent alors sur le site de jour comme de nuit.
Les Allemands franchissent le Rhin le 15 juin 1940 entre Marckolsheim et Neuf Brisach. Les troupes françaises battent en retraite et l'armistice est signé, comme l'on sait, le 22 juin 1940 à Rethondes.
C'est le 15 juillet 1940 que les Allemands informent la SNCF qu'ils exploitent désormais eux-mêmes les lignes d'Alsace et de Lorraine. La frontière douanière est ramenée sur la ligne de 1871.

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Témoignages

Dans un livre de souvenirs romancés, Alain Mangel, le frère du mime Marceau, témoigne :

La gare était étrangement calme, mais c'est en sortant sur la grande place qu'il fut brutalement frappé au coeur par le silence de mort de la ville, ensevelie sous une neige que personne n'avait déblayée, que nul véhicule ou pas humain n'avait tassée. On ne voyait plus les trottoirs, la neige grimpait le long des maisons.
C'est dans cette solitude qu'il se mit en marche vers Neudorf, une malle métallique à la main. Sept kilomètres à parcourir ! Il avançait difficilement, s'enfonçant jusqu'à mi-jambe dans la neige qui étouffait le bruit de ses pas. Il avait l'impression d'être devenu un de ces êtres irréels aux mouvements très lents comme on en voit parfois dans certains rêves ou dans des films tournés au ralenti.
Il arriva place Kléber. Même en hiver la statue du général était habituellement surmontée de pigeons. Mais il n'y avait plus de pigeons à Strasbourg, il n'y avait plus rien. On avait entouré le socle de sacs de sable et Kléber en émergeait, coiffé de blanc. Dans le ciel d'un bleu glacé, la flèche de la cathédrale dominait le fantôme de Strasbourg. Au dessus du cinéma des Arcades, il y avait encore l'affiche du dernier film : Blanche Neige ...
Sur la place Gutenberg, l'inventeur de l'imprimerie se dressait au dessus d'une pyramide de neige que le vent avait également collé sur ses épaules et sa toque. Le sculpteur avait placé dans la main droite de Gutenberg le premier livre imprimé avec les mots "fiat lux", "que la lumière soit". Mais le livre de bronze était recouvert par une couche de neige.
Sous le pont du Corbeau, l'Ill charrie des glaçons. Des barques de pêche, alourdies de neige, ne rompront pas leurs amarres.
1939, Chronique d'un exode - PLB Le Bugue


Autre témoignage, celui de Joseph Schmitt, publié sous le titre : " Les tribulations d'un jeune évacué" dans Saisons d'Alsace.

Les rues de la ville étaient recouvertes d'une épaisse couche de neige que n'éclairait aucun lampadaire. La neige durcie par le gel crissait sous nos pas quand nous allions, par la rue du 22 novembre, à travers la cité morte; les seuls bruits : quelque volet non attaché grinçant dans ses gonds rouillés, un chat abandonné miaulant plaintivement. En cours de route, nous avons croisé des patrouilles de l'armée et de la Société Générale de Surveillance qui avaient pour mission de veiller sur la ville et de prévenir les incendies et pillages éventuels.
Sous la pâle clarté lunaire, la cathédrale dressait sa flèche vers le ciel constellé d'étoiles : dans cet univers dépourvu de vie et de lumière, j'avais l'impression de me trouver devant le grand château hanté des légendes. 
1939, L'évacuation - Saisons d'Alsace

D'autres témoignages

http://perso.wanadoo.fr/f.s.weiters/liens.htm

http://anciens.stetienne.free.fr/echo2001/perigord.htm

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