CAMPAGNE D’Allemagne

 

Après la liquidation de la poche de Colmar nous repartons fin février en Lorraine pour embarquer nos chars sur de wagons plats à Nouvelle-Avricourt située sur la voie ferrée Strasbourg-Paris, en Sarrebourg et Lunéville. Plusieurs jours de voyage en passant par Paris pour nous retrouver à Genouilly dans le Cher. Petit village où nous sommes bien accueillis. Les hommes sont logés chez l’habitant et les officiers au château qui est très confortable.

 

Début Mars je pars pour quelques jours, diriger une école de tir pour chars au camp d’Avord, près de Bourges, base aérienne détruite par le allemands en 1940. Le 29 Mars à Vatan dans l’Indre, le général LECLERC me remet la Médaille Militaire gagnée à Strasbourg. Pendant la lecture de la citation, ce qui est rarement le cas, le général me fixe de son regard pénétrant. Je soutiens son regard sans baisser les yeux. Quelques jours après, nous nous installons à Saint-Florentin dans l’Indre. C’est encore la vie de château mais l’ordre de se préparer au départ arrive bientôt. Branle-bas de combat, ultime vérification des chars, des véhicules roulant et de l’armement. transport par voie ferrée en direction de Strasbourg en prévision d’un passage en Allemagne. Le tiers de la division part en sens opposé en direction de Royan, poche allemande qu’il faut réduire.

 

Le 24 Avril 1945 la 3ème Compagnie, sous les ordres du capitaine COMPAGNON franchit le Rhin à Beinheim à une cinquantaine de Km au nord de Strasbourg, sur un pont de bateaux lancé par la 1ère Armée française qui pousse vers le sud en direction de la frontière suisse. Dans notre secteur les routes ont été dégagées par les Américain qui nous imposent des itinéraires pour éviter les engorgements. Nous remontons vers le nord jusqu’à Karlsruhe que nous évitons pour descendre sur Pforzheim que nous contournons par le haut. En bas la ville semble complètement détruite par l’aviation. Nous passons au sud de Stuttgart et nous rejoignons ‘’l’auto-bahn’’ de Munich sur laquelle nous parcourons près de 200 Km, évitant Ulm et Augsbourg.

 

L’objectif de la 2ème D.B. est Berchtesgaden, à l’extrême sud-est de l’Allemagne, près de la frontière Autrichienne, site montagneux susceptible d’abriter HITLER qui aurait quitté Berlin avec quelques-uns de ses fidèles les plus fanatiques.

 

Nous sommes au coude à coude avec une division américaine qui a le même objectif que nous. Les derniers 50 Km sont plus difficiles à parcourir. Il y a quelques îmots de résistance tenus par des SS qui veulent défendre leur ‘’Fûhrer’’ jusqu’à la mort. Des tirs d’armes automatiques résonnent un peu partout dans la montagne. L’état major de la D.B. cherche des itinéraires secondaires pour avancer plus vite vers le but. Ce sont surtout des petites routes de montagne très étroites où la plupart des ponts ont sauté. Nous sommes plusieurs fois obligés de revenir au point de départ pour emprunter des routes ouvertes par d’autres détachements. Tous les villages que nous traversons ou les fermes qui bordent la route sont pavoisés… de blanc ! Les civils allemands ont compris que la guerre est perdue et que la résistance est inutile.

 

En fin de compte nous arrivons le 5 Mai dans l’après-midi à Berchtesgaden où un détachement américain est arrivé en même temps que les premiers fantassins du RMT qui nous précédaient. Nous poussons jusqu’au Konigssee d’où il est impossible d’aller plus loin. En effet, le lac occupe tout le fond de la vallée bordée de montagnes de plus de 2000 mètres, avec des pentes à pic. Pour l’hébergement il n’y a pas de problèmes ? Ce centre touristique dispose de nombreux hôtels dont les chambres sont vide de touristes. Nous, les officiers, sommes logés dans le plus bel hôtel du lieu avec le personnel à notre service, le restaurant et la cave à notre disposition. Le même jour une forte patrouille du RMT commandée par un capitaine entreprend l’ascension de l’Obersalberg pour parvenir à son sommet, le Kehlstein, où se trouve, à près de 2000 mètres d’altitude, le ‘’Nid d’aigle’’ d’HITLER. Après avoir emprunté le petite route de montagne avec leurs half-tracks les fantassins sont obligés de les abandonner à cause des amas de neige et de pierres qui la rendent impraticable aux véhicules. Après une progression à pied de plusieurs heures dans des conditions très difficiles ils parviennent au sommet et hissent le drapeau tricolore sur le luxueux chalet où HITLER venait s’isoler et méditer sans doute sur ses méfaits commis dans tant de pays conquis. Pour y parvenir il empruntait la petite route et ensuite un ascenseur spécialement creusé pour lui dans le rocher mais inutilisable suite à un sabotage récent.

Diverses photos de Berghof Obersalzber 

Le nid d'aigle

nid-daigle-cavernes.jpg (134674 octets)Bâtiment abritant les cavernes souterraines

nid-daigle1.jpg (183839 octets)

nid'daigle-Lecler-O-daneil.jpg (162455 octets)Général d'O-Daniel,Leclerc et le lieutenant de Valence(Berchtesgaden)

 

Le lendemain je peux parcourir avec un camarade le Berghof, domaine d’HITLER, véritable village privé situé à flanc de coteau de l’Obersalzberg, montagne qui domine Berchtesgaden. Il y a là la grande villa du Fürer et celles des dignitaires du régime nazi.

 

Tous les bâtiments, y compris le caserne SS qui assuraient la protection de l’ensemble, ont été détruits par les bombardements aérien américain de la semaine précédente. Puis ce fut la visite des immenses casemates souterraines, creusées dans le rocher sur plusieurs étages, avec ascenseurs et éclairage électrique en état de march. Toutes les salles donnant sur les galerie sont bourrées de tout ce que l’on peut imaginer en quantité et en diversité. Tout est parfaitement rangé par catégorie sur des rayon bien adaptés. Il y a de la vaisselle, de la verrerie, essentiellement en cristal, de l’argenterie, des milliers de disques et de livres reliés, des centaines de tableaux de maîtres, des produits d’entretient, des ampoules électriques, des conserves alimentaires de toutes sortes, énormément de bouteilles de grands vins,… et j’en passe ! C’est le butin amassé après le pillage organisé dans les pays conquis par les nazis et de quoi soutenir un siège de longue durée.

 

Lors de cette visite je vois des soldats américains découper des toiles de maître avec des lames de rasoir, les enrouler et les camoufler dans leur blouson ! Je me contente de quelques livres et d’un petit vase en cristal. Il faut dire que nous n’avons pas de lames de rasoir ! Le lendemain les Américains interdiront l’accès de cette immense caverne d’Ali-Baba aux troupes françaises que nous sommes, sans doute pour pouvoir ‘’récupérer’’ à leur guise !

 

L’armistice est signé le 8 Mai et, trois ou quatre jours plus tard, nous allons nous installer non loin de Munich, sur les bords du lac Ammer-See où  nous logeons chez l’habitant. Les propriétaires des luxueuses villas qui bordent le lac ne sont pas enchantés de nous héberger et trouvent la défaite bien amère.

 

Avant de revenir en France, le général LECLERC demande à tous ses officiers d’aller visiter le camp de concentration de Dachau. Ce que nous y voyons vu dépasse l’entendement, d’autant plus que nous sommes dans l’ignorance la plus totale de l’existence de ces camps d’extermination. Pour moi cette visite est particulièrement éprouvante du fait que j’ai trouvé dans le fichier du camp comportant des dizaines de milliers de noms, la trace du séjour de mon frère Jean-Jacques, en transit avant d’être envoyé au bagne de Mautausen en Autriche d’où il n’est pas revenu.

 

Je voudrais en terminant ces récits, préciser que ceux-ci concernent strictement les opérations menées par ma section. Des faits semblables peuvent avoir été décrits par d’autres participants, d’une façon différente et en d’autres termes . En effet chaque acteur peut avoir une vision personnelle et des conclusions divergentes sur un même événement. Il faut reconnaître que la mémoire n’est pas toujours fidèle ! Je voudrais cependant signaler que certains récits repris par des journalistes sont souvent le fruit d’une imagination et d’une fantaisie débordantes très éloignées de la réalité des faits.

 

Je tiens à rendre hommage à mes camarades de guerre qui ont donné leur vie pour le pays et qui n’ont pas pu évoquer l’héroïsme de leurs combats. Aux autres aussi qui n’ont pas éprouvés le besoin de se lancer dans la rédaction de ce qu’ils ont vraiment réalisé ou subi au cours des opérations de guerre au sein de la 2ème D.B., dans son combat pour la Libération.

                                                                    Christen-Marcel

Tous mes remerciements 
Au capitaine Christen -Marcel , pour le prêt et l’exploitation de ses mémoires et documents extraits de sa collections personnelles.

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